Accord Secret de Xabab

La colline est parsemée de fleurs.
Ce n'est pas un paysage morbide ; il est beau. Pas de douleur, de peine, de peur, d'angoisse, d'effroi, de larmes ; seulement joie, bonté, amour, joie, sourires. Ce sont d'éternels rayons de soleil qui se posent sur ses pans, qui la caressent avec tendresse en lui susurrant à l'oreille quelques mots doux que les racines des arbres qui fourmillent dans sa terre lui répètent. Concours de flatteries entre deux mondes dans un même univers. Le reluisant astre du jour contre l'onde verdoyante.
C'est la colline dans sa modestie. Simple et merveilleuse.

Les fleurs qui ont été semées laissent éclore leurs milliers de pétales. C'est une aquarelle de vert, de bleu, de rouge, de jaune, de rose et de violet ; c'est un arc-en-ciel qui sans cesse s'étend dans le ciel et fait pâlir de jalousie l'oiseau au plumage scintillant. La colline est le pinceau du peintre, éternelle inspiration aux milles reflets et dont les couleurs chaudes sont en constante mouvance. La colline est un arbre dont les fruits qui tombent sont renouvelés dans la seconde par d'autres encore plus mûrs, un bateau qui ne coule jamais et arpente inlassablement les mers solitaires, un doux chagrin sans larme.
Elle est l'épée du soldat, la muse du poète, le compagnon du dresseur, la langue du politicien, l'œil du vigile, le fouet du bourreau… Elle est l'outil de chacun et plus encore. Elle est le souffle donnant à l'homme le droit de vivre, elle est son cœur, chaud et bouillonnant, qui palpite dans sa poitrine.

Les plantes sont diverses. Sous la lumières du jour on distingue muguets, roses, tulipes, narcisses, violettes, iris ; chaque fleur dansant sous les rayons du soleil, prenant la main de sa voisine afin de se muer en un seul être en une ronde endiablée. Entre les arbustes de chèvrefeuille et de magnolia, au couvert des branches en fleurs de deux grands cerisiers dont les pétales tombent sur la fête. C'est un mouvement perpétuel, magnifique, où se mêlent plantes et insectes qui fourmillent dans la terre riche en nutriments de la colline. Au ciel volent quelques oiseaux qui semblent tourner en rond pour suivre le pas.
La colline est belle.

Il n'y a pas de tombe à son sommet en train de décrépir, par de médecin chauve au sourire sadique ou de nuit glaciale où les ombres se changent en démons. Ce n'est qu'un paysage de bonheur et une extase infinie. Ce n'est qu'un tableau que façonnent la vie d'un adolescent, transformé par les mains de ceux qui le soutiennent et porté vers les cieux par l'amour qu'il porte à une jeune fille. La force d'un gamin, ses espoirs et ses désirs. Le jardin caché d'une puberté en train d'éclore dont les fleurs n'attendent qu'à être cueillies.
Et dans ce songe, au milieu de cette langoureuse atmosphère, une jeune fille se dresse. Son visage fait reluire le monde plus que la beauté de la colline. Ses pupilles scintillantes font déclore toutes les roses et ses cheveux d'un roux éclatant font pleurer le soleil.

Si la colline est une arme, elle est la volonté de la manier ; si elle est une plume, elle est l'inspiration d'écrire ; si elle est un pinceau, elle est la muse permettant de peindre. Si la colline est le désir ardent de la vie, elle est au contraire la vie elle-même.
Car l'adolescent la voit chaque jour de plus en plus belle. Et, alors que la colline auparavant n'était qu'un paysage d'effroi qu'il craignait, cette fille est venue y planter chacune des fleurs qui courent sur ses pans aujourd'hui. Elle a semé les graines du monde dans le cœur d'un enfant, elle a créé un sentiment d'amour sans même s'en rendre compte. D'un regard elle fissura la tombe en deux, d'un autre elle fit pousser les cerisiers, d'un dernier elle chassa la nuit pour laisser place au jour.

Et bientôt les deux adolescents se retrouveront et se révéleront à chacun. L'amour qui naquit vivra. Et le bonheur sera véritable.
Mais je sais que ce baiser et ce bonheur n'est qu'un leurre. Je sais que tout cela est éphémère et que la colline peut retrouver son état originel d'un instant à l'autre.

Car au sommet, où se dressait autrefois la tombe du rêveur, tétant le sein de la terre mère, pousse un chrysanthème solitaire, signe du passé.