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» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 11/01/2015 à 13:30
» Dernière mise à jour le 12/03/2015 à 19:47

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Chapitre 11 : Arrêt de bus, destination liberté
Je n'ai pas mis longtemps à trouver la route dont il m'avait parlé. J'avais couru sans m'arrêter dans la direction qu'il m'avait indiqué et j'avais réussi.
Depuis ma rencontre avec le garçon je n'avais plus peur. Il avait soufflé en moi comme un vent de chaleur qui me comblait de bonheur. Non content de me prouver que je n'étais pas seul dans cette souffrance, il m'avait donné une solution à ma fuite mais aussi un but. Je devais trouver un certain ancien dans un village de la frontière d'Unys et, mieux que cela, j'avais un moyen d'y parvenir.

La route qui s'étala devant moi était sombre. Elle s'étirait au beau milieu de la forêt, n'étant entourée que par de grands arbres aux branches menaçantes. Alors que je regardais au loin en suivant le bitume éclairé par un rayon de lune, il me semblait s'étirer éternellement entre les bois. Peut-être que si je suivais le chemin je n'arriverai nulle part, qu'il n'y avait pas de fin et que je ne ferais que marcher entre les arbres intemporels.
Aucun son ne venait se greffer sur cette ambiance calme, pas même le souffle du vent dans les feuilles sèches de l'automne. Pas un cri, pas un hurlement de bête et pas de bruit de moteur à l'horizon. Je ne distinguais aucune lueur de phare.
J'étais de nouveau seul.

Machinalement j'ai commencé à remonter la route pour tenter de trouver la borne dont l'enfant m'avait parlé. J'avais beau regarder tout autour de moi, je ne voyais rien qui y ressemble de près ou de loin. De plus le manque de lumière ne jouait pas vraiment en ma faveur.
Mais je l'ai trouvé rapidement, à quelques pas seulement de l'endroit où j'avais débouché. Je me suis cogné à un pilonne en plastique bleu, comme si le destin avait voulu que je le trouve. Et je me demandais comment j'avais réussi à ne pas le voir.

Il s'agissait d'un vieil arrêt de bus. La couleur bleu du pilonne ne se voyait que par endroit, le reste étant recouvert d'une mousse verdâtre et gluante dont j'avais reçu un échantillon sur le visage en me cognant si bien que je pouvais dire qu'elle puait en plus de cela. Je vis sur celui-ci placardé une vieille feuille de papier que la pluie et le temps avaient réduit en miettes et où devaient se trouver les horaires de passage.
Plus loin, le reste de l'arrêt de bus qui se composait d'un banc en bois dont il manquait quelques planches. Je n'ai pas osé m'asseoir, j'étais assez sale comme ça.

Je suis resté debout près du pilonne bleu, attendant le passage du bus, priant pour qu'il ne soit pas trop tard.
Le gosse t'as dit minuit, Jake. Tu as encore le temps.
Je ne sais pas. Qui sait combien de temps j'ai passé à courir dans cette forêt, à reste couché ou à parler avec le gosse ?
Cette question m'obsédait et je ne parvenais à trouver une réponse. Je ne savais pas quelle heure il était, ni à quelle heure exactement j'avais quitté la maison.

Je sais que nous avions mangé à neuf heure du soir, entre les cris de mes deux parents qui se disputaient pour savoir ce qui serait le mieux pour mon avenir. Neuf heure car c'était le moment où mon père voulait manger et il n'y en avait pas d'autre. Sa vie était une immense horloge dont il n'est pas permit de bouger les aiguilles.
Mais ce soir-là mes parents se criaient dessus. Qui sait si le repas n'a pas été retardé à cause de la dispute ? Puis combien de temps ai-je parlé avec ma sœur avant de sauter par la fenêtre ? Et dans la forêt ?

Je n'en savais rien, j'étais perdu. Je n'avais pas été assez intelligent pour prendre une montre. Mon sac n'était composé que de quelques affaires de rechange, qui me seraient bien pratique au vue de mon état actuel, et des trois balles achetées avec ma sœur. Il n'y avait pas de montre, pas de lampe torche, pas de vivres. Mais à quoi je pensais en partant ?
Vu que je ne savais rien de l'heure je me suis résigné à m'asseoir sur le banc sale. J'ai entendu un bruit de succion en posant mes fesses, comme si toute la crasse venait de sauter sur mon jean pour le dévorer. Après un important effort pour ignorer l'odeur de crasse, j'ai fermé les yeux et attendu.

Et si les parents avaient déjà donné l'alerte à la police ? Qui te dit que tu ne vas pas voir une bagnole débarquer dans les minutes qui viennent au bout de la route ? Et ce chauffeur, comment pourrait-il prendre un gamin comme toi sans se poser la question de tes parents ?
Non, je ne devais pas penser à tout cela. Je me faisais du souci pour rien. Mes parents n'allaient rien voir avant demain matin et le chauffeur me prendrait sans dire un mot. Il l'avait fait avec l'autre gosse, il le ferait avec moi.

J'ai donc attendu, évitant de me tracasser avec autant de questions. Il allait venir, minuit n'était pas passé et mes parents n'étaient pas à ma recherche. Ils devaient dormir en ce moment, chacun de leur côté du lit afin d'éviter le regard de l'autre. Ma mère pleurait sans doute, mon père s'en moquait totalement.
Dans le silence des bois, sur le bord de cette route sans fin j'ai pris mon mal en patience. Par moments il m'arrivait de tourner la tête vers l'horizon pour tenter d'y apercevoir le fameux bus dont m'avait parlé le spectre ; sans succès. Je ne voyais qu'une route sans fin qui défilait dans le silence et l'obscurité.
C'est alors que la vérité m'a frappé : je venais de basculer.

Où ? Comment ? Je n'en savais rien. Le fait était que cette route entre les arbres n'avait rien de naturel, qu'elle n'appartenait même pas à notre monde.
C'était la première fois que je basculais là-bas et aussi l'une des seules. On ne m'apprendrait que des années plus tard ce dont il s'agissait et ce que l'on pouvait y trouver, ce que mon don me permettait d'y faire si j'en avais l'envie. Je souffrirai en l'apprenant, Monsieur H y veillerait consciencieusement.
Mais sur le coup je le savais sans le comprendre. J'étais ailleurs, dans un autre monde. J'avais emprunté un passage.

Cette pensée pénétra mon esprit aussi rapidement qu'elle y était entrée. Car au même moment j'entendis le vrombissement d'un moteur.
En ouvrant les yeux je découvris le bus arrêté devant moi, de couleur jaune comme dans une vieille série télévisée. Un bruit d'air comprimé résonna quand la porte s'ouvrit en accordéon et se replia d'un coup sec sur le côté. Á l'intérieur je pouvais distinguer une rangée de sièges d'un bleu étoilé, tous vides, et le chauffeur surélevé par rapport au reste du bus.
Ce dernier me souriait derrière sa moustache. Il était vieux, chétif, coiffé d'un grand chapeau de paille qui protégeait sa tête de la lumière d'un soleil qu'on ne verrait pas avant des heures et était habillé par un long imperméable donnant l'impression d'un vieil épouvantail qu'on avait affublé avec les affaires du grenier.

« Tu montes, gamin ? me lança-t-il avec impatience. Si tu veux partir loin c'est ta seul chance, dès demain matin tu ne pourras plus rien faire. »
Je n'ai pas répondu et je suis monté dans le bus, prenant garde à ne pas faire tomber mon sac. En me levant du banc, j'entendis un autre bruit de succion désagréable. J'étais plus sale qu'un vieux Ponchien après dix ans passés dans les rues à faire les poubelles. Mais le chauffeur n'y prêta pas attention et se contenta de m'indiquer un siège à l'avant de son bus. « Pour qu'on puisse un peu discuter, m'a-t-il dit. »

Puis il a refermé la porte et a enclenché le moteur. Et nous sommes partis, quittant cette région qui était tout pour moi, laissant ma vie derrière. Je n'avais jamais voyagé de toute ma vie à cause du travail de mon père et voilà que je quittais pour la première fois les abords de la capitale pour ne jamais revenir. J'avais une boule au ventre mais c'était agréable.
« Où allons-nous, gamin ?
– Rovia. »
Le vieillard m'intimidait et je n'osais pas parlé. Du coup j'ai bafouillé à ce simple nom.

« Tu dois voir l'Ancien, pas vrai ? Un gamin comme toi n'irait pas dans ce bled par hasard. On t'a parlé de lui et tu veux le voir.
– Comment savez-vous cela ? »
Il s'est mis à rire et m'a fait un clin d'œil. « Tu connais la réponse. »
Effectivement. Je savais comment il le savait. J'avais basculé, ce n'était pas seulement une impression. C'était vrai, j'étais actuellement dans un autre monde et il savait d'où je venais et le pouvoir que je possédais.
« Je croise rarement des gamins avec le sixième sens. Le dernier est récent mais avant cela il n'y en a pas eu des masses. »

Il a gardé le regard fixé sur la route tandis qu'il parlait. Comme si nous avions le moindre risque d'accident alors que nous n'avions croisé personne depuis notre départ. En même temps, sur ce chemin entre les bois, je doutais d'une fréquentation élevée.
« D'ailleurs c'était le seul. » Il a dit cela d'un air dérangé en baissant un instant les yeux. Cela ne dura qu'une fraction de seconde mais ce fut suffisant pour que je comprenne qu'il ne disait pas tout.
« Il y en a eu un autre ? ai-je demandé. »
Il a gardé le silence quelques secondes avant de répondre.

« Oui. Il y a près de quarante ans. Mais n'en parle pas à l'Ancien quand tu le verras, je doute que le souvenir de cet enfant lui soit agréable.
– Il s'est passé quelque chose ?
– Disons que les choses ne se sont pas vraiment déroulées comme prévu. »
Je n'ai pas osé en demander plus. Alors que le silence retombait je me suis couché au fond de mon siège et j'ai fermé les yeux. J'étais épuisé, sale et mon genou me faisait mal. Mais cela n'avait pas d'importance car la route m'a bercé. Et en moins de quelques secondes je basculais dans un autre monde : celui des rêves, où tout est sans limite.