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Duel au sommet de olyn



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» Auteur : olyn - Voir le profil
» Créé le 17/07/2012 à 13:20
» Dernière mise à jour le 19/07/2012 à 00:20

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Chapitre 10 : Tout feu tout flamme
- Au feu ! Évacuez le centre, il est en train de flamber !

La première poignée de secondes, mon cerveau épuisé peina à donner un sens à ces mots. Puis la compréhension me cueillit comme un coup de poing au creux de l'estomac et l'adrénaline déferla dans mes veines. Fébrilement, je rejetai les couvertures et cherchai mon sac à tâtons dans le noir. Oui, je sais. Le bon sens voulait qu'on abandonne ses affaires dans des situations comme celles-là. Sauf que ma ceinture de Pokéballs se trouvait dans mon sac, et en dépit de l'ingéniosité de ces petits bijoux de technologie, je doutais qu'elles puissent résister aux flammes. Pas question d'abandonner mes bestioles adorées.

Donc, je choppai une des bretelles de mon sac au vol, pris Princesse sous un bras malgré son miaulement de protestation, et détalai vers la sortie. Pour me heurter à quelqu'un à peine quelques pas plus tard. Hé oui, tout le monde avait eu la même merveilleuse idée.

- Gaffe !

- Attention !

- Hé ! Non mais laissez-moi passer !

Panique totale dans le dortoir. Bruits de cavalcades sur fond de hurlements. Les gens se piétinaient sans que cela ne mène à rien. Et c'était contagieux. Moi aussi, je me mis à courir aveuglément tandis que mon cœur cognait à grands coups dans ma poitrine. Si je mourais ici, qu'allait-il se passer ? Était-ce ce le sort qui avait frappé Vivian ? Aspiré dans la cartouche et tué dans le monde réel car ayant connu un sort funeste dans ce monde-ci ? Non, non, non, j'allais m'en sortir. Il le fallait. Mes parents ne s'en remettraient jamais s'ils me perdaient moi aussi... Voilà les pensées qui me passaient par la tête alors que je me trouvais ballottée dans la masse de dresseurs qui se ruaient vers la sortie.

- Tortank, vas-y !

Un bref éclair rouge sur ma gauche, suivi d'un concert de cris indignés. Le Pokémon aquatique avait dû en bousculer plus d'un en se matérialisant. Pas une mauvaise idée de prime abord, mais quand on savait que dans un incendie la fumée tuait bien plus que les flammes, c'était à relativiser... Fumée dont je commençais d'ailleurs à sentir les relents, tapie au fond de ma gorge. Je toussai pour l'expulser, et en inspirai aussitôt une autre goulée. Une bataille perdue d'avance, oui.

Un Flash puissant éclaira tout à coup le dortoir. Dans la confusion, impossible de déterminer sa provenance, mais ce qu'il révéla me donna la chair de poule : des rouleaux d'une épaisse fumée noire s'introduisaient dans la pièce depuis le couloir, se coulant contre le plafond et descendant petit à petit.

Merde, merde, merde. Mauvais signe, ça.

Je rentrai mon nez dans mon T-shirt et m'efforçai de suivre le mouvement de foule. Courant, marchant, trébuchant. Agrippant d'une main mon sac à dos et de l'autre Princesse qui se débattait. Je ne réfléchissais pas, et la mosaïque de sensations embrouillées qui affluaient à chaque seconde ne faisait que renforcer ma peur.

Des langues de feu léchant les murs.

Chaleur infernale.

Odeur âcre, poumons qui brûlent, yeux qui piquent.

Craquement au-dessus de ma tête. Sinistre.

Tout à coup, une poutre enflammée tomba en travers du couloir, me barrant le passage. Une bouffée d'air brûlant accompagnée d'étincelles me gifla au visage. Je reculai, la panique explosant au creux de mon ventre. Piégée. Piégée au cœur de la fournaise. Je restai figée, la bouche sèche et les jambes tremblantes. Sans l'adrénaline qui courait dans mes veines et enflammait tout mon organisme, je crois que je me serais effondrée.

Quelqu'un me prit par le bras, m'incitant à me baisser. Je m'accroupis et bénis aussitôt cette personne, qui que ce soit. Au ras du sol, l'air était déjà plus respirable, et la visibilité grandement améliorée. Au milieu de mes efforts pour calmer ma respiration, je découvris que nous n'étions que trois à être coincés - conséquence de se trouver en queue de peloton. Mes compagnons d'infortune étaient un gamin au visage couvert de suie et une fille qui devait avoir mon âge.

- Qu'est-ce qu'on fait ? bredouilla le gamin.

Il avait l'air terrifié mais c'était lui qui m'avait fait m'agenouiller, signe qu'il gardait la tête froide.

- Demi-tour ? suggéra la fille.

Un seul coup d'œil en arrière nous suffit pour découvrir que non, ce n'était pas une option. Même à travers le voile de fumée, l'orange-jaune menaçant des flammes était visible. La fille grimaça.

- Oubliez ça. Vous avez des Pokémon d'eau ?

- Juste un Rondoudou, souffla le garçon.

Mais bien sûr. Pourquoi, pourquoi, pourquoi n'y avais-je pas songé ? Faut croire que je n'étais pas encore complètement acclimatée à l'idée de vivre dans le monde des Pokémon. Je plongeai la main dans mon sac et me saisis de ma ceinture. Puis hésitai. C'était laquelle, la Pokéball de Plouf ? Sous mes doigts couverts de sueur, les balls se ressemblaient toutes. Laquelle choisir ? Laquelle ? Je touchai les six Pokéballs une à une, perdue dans l'indécision.

Le temps sembla ralentir... et même carrément s'arrêter. Mon esprit tournait à toute vitesse mais rien ne me venait. De respiration saccadée en respiration saccadée, la fumée me faisait tourner la tête et je m'imaginais déjà carbonisée vivante. Je ne distinguais plus les Pokéballs à travers mes yeux larmoyants et j'avais de plus en plus de mal à respirer. Une quinte de toux me secoua, me laissant la gorge à vif.

Non, concentre-toi. Imagine que tu sois en duel. Tu connais leur emplacement par cœur. La première, c'est Salade...

Je m'emparai de la quatrième Pokéball et libérai son occupant.

- Léviator ! rugit Plouf en apparaissant.

- Balance la flotte ! hurlai-je.

Un déluge nous inonda. De l'eau fraîche et bienfaisante. Dieu que ça faisait du bien ! J'enfourchai mon serpent de mer perso et encourageai les deux autres à m'imiter à grands renforts de gesticulations. Une fois que tout le monde fût bien installé, je lançai la machine d'une tape sur le flanc - enfin, si on pouvait considérer ça un flanc.

- Vas-y mon grand !

Plouf s'ébranla, déblayant le chemin d'un coup de tête magistral. Je me recroquevillai sur lui, m'accrochant à ses écailles rugueuses - écailles qui d'ailleurs m'écorchèrent les mains, mais c'était vraiment le dernier de mes soucis. Non, peu importait la douleur, je me cramponnais à Plouf comme si ma vie en dépendait - ce qui, en fait, était le cas. Je voulais juste m'en sortir en un seul morceau. Il n'y avait pas d'amortisseurs sur ma Plouf-mobile, et nous étions cahotés dans tous les sens, secoués comme dans une machine à laver qui serait restée bloquée sur 'essorage'. Mais au moins, il nous emmenait à bon port.

Je ne vis pas grand chose du reste du trajet. D'abord parce que la fumée avait envahi tout le bâtiment, et que par conséquent le niveau de visibilité flirtait avec le zéro, et ensuite parce que j'avais la tête rentrée dans les épaules, essayant d'en respirer le moins possible (la fumée, pas les épaules - évident, je sais, mais je précise quand même). Même lorsque nous débouchâmes à l'extérieur, je restai prostrée sur Plouf, les yeux mi-clos. J'avais la tête qui tournait et je luttai pour ne pas vomir. Ou pour ne pas m'évanouir, je n'en étais pas très sûre.

Sans trop savoir comment, je me retrouvai assise à l'arrière d'une ambulance avec un masque sur le visage, à observer la version Pokémon des pompiers, une équipe de Tortanks et leurs dresseurs en uniforme bleu, arroser le centre. Les jets d'eau puissants émis par les canons dorsaux des Pokémon n'avaient rien à envier à ceux produits par les plus traditionnelles lances à incendie. Mais malgré les trouzillions de tonnes d'eau qu'ils balançaient sur le centre, celui-ci flambait toujours.

Faites qu'il n'y ait plus personne à l'intérieur, par pitié...

La lueur des flammes éclairait les visages de la foule rassemblée devant le bâtiment. Dresseurs, policiers, infirmières, ou bien simples passants... on aurait dit que tous les habitants de Céladopole s'étaient donnés le mots. Certaines personnes commentaient le désastre à voix basse. Je surpris des bribes de conversation :

- ...un accident, vous pensez ?

- ...étonnant... rénové l'année dernière...

- ...ça m'inquiète... recrudescence d'incendies...

- Vous vous sentez mieux, mademoiselle ?

Cette dernière voix était beaucoup plus proche. Directement sur ma droite, en fait. Je tournai la tête et rencontrai le regard plein de sollicitude d'un jeune homme. Un médecin, rectifiai-je en avisant sa tenue. Je soulevai mon masque à oxygène pour lui répondre :

- Oui, ça va mieux... Merci.

- Vous avez de la chance, vous n'avez pas souffert de brûlures. Par contre il va falloir désinfecter ces vilaines estafilades, ajouta-t-il en désignant mes bras.

Quoi ? Quelles estafilades ? Je baissais les yeux. Ha oui, tiens. Apparemment, Princesse avait planté ses griffes jusqu'au sang. Je cherchai la petite Miaouss du regard et la découvris roulée en boule à mes pieds. Sa fourrure avait viré au gris cendre et le bout de ses oreilles présentaient des traces de roussi, mais à part ça rien d'anormal. Plouf lui aussi se trouvait non loin, m'observant d'un air inquiet. Il capta mon regard et ondula plus près, approchant sa grosse tête de mon visage.

- Léviator ? Tor, Léviator ?

- J'vais bien, Plouf, le rassurai-je. Grâce à toi. Tu nous a sauvés.

- Tooor.

- Miaouss, rétorqua Princesse, ce qui pouvait tout aussi bien vouloir dire 'Merci' que 'Te vante pas trop'.

- Retournez-donc dormir, vous deux.

Je récupérai leur balls respectives dans mon sac à dos tout maltraité et les renvoyai dans leurs maisons. Moi, j'allais faire nuit blanche, mais eux ils avaient bien le droit de se reposer.

Et toujours, le centre Pokémon était en proie aux flammes.

***

- Où étiez-vous quand l'incendie s'est déclaré ?

Je fixai la femme en uniforme de police du regard, passablement agacée. Déjà dix bonnes minutes qu'elle m'asticotait avec ses questions. Pourquoi m'étais-je arrêté au centre pour la nuit ? À quelle heure m'étais-je couchée ? Pourquoi avoir gardé ma Miaouss avec moi au lieu de la stocker dans sa Pokéball ? On avait couvert toutes celles-là et bien d'autres encore.

En plus, je n'avais que quelques heures de sommeil derrière moi, glanées sur le canapé d'une habitante de Céladopole qui avait offert d'héberger ceux qui en avaient besoin, alors j'étais plutôt vaseuse. J'avais veillé tard dans la nuit, me remettant de mes émotions tout en observant les efforts des pompiers. Malgré tout leur savoir-faire, le centre avait été complètement détruit par les flammes. Par miracle, tout le monde s'en était sorti indemne.

Je bridai ma mauvaise humeur. La policière - Jenny, m'avait-elle dit s'appeler - ne faisait que son boulot.

- J'étais dans mon lit, en train de dormir.

Elle nota ma réponse sur son petit carnet.

- Dernière question, fit-elle avec un sourire encourageant. Avez-vous des Pokémon de type feu en votre possession ?

Ma langue resta collée à mon palais. Ce n'était donc pas ma paranoïa qui parlait quand je trouvais que toute cette conversation avait un petit air d'interrogatoire. Heureusement, j'allais être innocenté facilement.

- Non, répondis-je. Aucun Pokémon feu à mon actif.

Elle se leva.

- Bien, on a terminé. Merci pour votre coopération, mademoiselle. Si vous vous rappelez de quoi que ce soit qui vous paraisse important, n'hésitez pas à nous contacter.

Alors qu'elle allait passer la porte, je posai la question qui me tracassait :

- Vous pensez vraiment que c'est un dresseur qui a fait ça ? Que ce n'était pas accidentel ?

Elle se retourna, parut hésiter, puis répondit :

- Pour l'instant, toutes les pistes sont envisagées. Nous en saurons davantage lorsque l'équipe scientifique aura terminé ses analyses. Il se pourrait tout à fait qu'il y ait eut un malencontreux court-circuit quelque part. Nous serons bientôt fixés.

Elle quitta la pièce avec un dernier sourire qui se voulait rassurant. Tu parles. Ça crevait les yeux qu'elle ne croyait pas une seule seconde à la thèse de l'accident. Mais qui aurait pu avoir intérêt à torcher un centre Pokémon ?

La Team Rocket.

La réponse m'était venue instinctivement. Je secouai la tête.

Sois raisonnable, Léa. Tu ne peux pas blâmer tout tes problèmes sur le dos de la Team Rocket.

Je rassemblai mes affaires, remerciai la femme qui m'avait hébergée pour son hospitalité, et sortis dans les rues de Céladopole. Le soleil s'approchait de son zénith et quelques nuages tout cotonneux se promenaient dans le ciel, annonciateurs d'une belle journée. Une odeur de fumée flottait dans l'air... à moins que ce ne fut mon imagination à l'œuvre. J'examinai les alentours et mon regard tomba tout naturellement sur le plus haut bâtiment de la ville, celui que j'avais repéré la veille et qui m'avait laissée perplexe quant à sa nature. Ça, c'était un mystère que j'étais en mesure de résoudre. En avant, Sherlock-Léa !

Je mis le cap vers l'énigmatique gratte-ciel. Le suspens était à son comble tandis que notre héroïne marchait, la tête haute, vers son destin de détective. Des milliers de possibilités tournoyaient dans sa tête. Le bâtiment mystérieux abritait-il une arène pleine de dresseurs prêts à en découdre ? Une entreprise qui fabriquaient des objets Pokémonesques ? Un salon de beauté ? Ou bien encore une pizzeria ? Tout à coup, elle aperçut des affiches collées sur les fenêtres, et là...

Non mais pourquoi je parlais de moi-même à la troisième personne ? Je disais donc : le suspens était à son comble, quand tout à coup, j'aperçus des affiches collées sur les fenêtres.

'Soldes du tonnerre sur les pierres Foudre!'

'Notre nouvelle CT Hurlement vous donnera des frissons!'

'Superepousse, nouvelle formule! Finis les Pokémon sauvages qui se jettent sous vos pieds!'

'Protéines en vite ici! Boostez les performances de vos Pokémon!'

Ah. Un centre commercial. J'aurais préféré le salon de beauté. Mon ventre gargouilla. Ou la pizzeria. Mais il fallait que je refasse mon stock de potions, et puis tant qu'à faire je pouvais suivre le conseil que l'on m'avait donné et faire le plein de spray anti-para, histoire de ne pas me retrouver avec tous mes Pokémon hors de combat face à Erika. Le centre commercial constituait donc un passage obligé.

J'entrai.

Et me reçus des confettis plein la figure. Hein ? Mais qu'est-ce que... ?

- Et bravo à notre cent millième cliente !

Quelqu'un siffla. Il y eut une vague d'applaudissements. Je clignai des yeux, désorientée. Qui était ces gens et que me voulaient-ils ? Une femme en costume de... de je ne savais même pas ce que c'était censé être... un mélange de lapin et de chien qui aurait grave abusé de carottes fluo ? Enfin bref une femme bizarrement habillée vint me fourrer une Pokéball dans les mains.

- Les supermarchés PokéPlus et leurs sponsors sont fiers de vous remettre votre prix. Notre gros lot, un Evoli !

Elle me serra dans ses bras avec un enthousiasme débordant.

- Allez, un grand sourire pour la photo du Céladopole Matin !

FLASH ! Oulà, c'était pas un appareil photo ça, c'était un mini soleil ! Éblouie, je plissai les yeux. Le temps que je retrouve l'usage de ma vue, la foule s'était dispersée. Les gens s'en étaient retournés à leurs achats et la femme en costume avait disparu. La seule preuve que je ne venais pas d'halluciner tout ça, c'était la Pokéball au creux de ma main. Un Evoli, qu'elle avait dit. Ça ressemblait à quoi, ces bestioles ? Y avait pas trente-six mille façons de le savoir.

J'appuyai sur le bouton de la ball et libérai mon nouveau Pokémon. L'habituel rayon rouge fusa et prit forme, jusqu'à devenir une petite chose toute mignonne à la fourrure marron et crème, avec des oreilles pointues qui se terminaient par des touffes de poils et une queue ébouriffée comme celle d'un écureuil.

- Evoliii, glapit la boule de fourrure.

- Trop mimiii, aurais-je glapi en retour si je n'avais pas eu un peu de dignité.

J'allais repêcher mon Pokédex dans la poche de mon sac, l'époussetai des miettes de gâteau qui le recouvraient et scannai mon Evoli. Verdict : c'était un mâle. Comment allais-je bien pouvoir l'appeler ? Tandis que je m'interrogeais, il bailla, découvrant sa langue toute rose, puis se secoua, ce qui fit resplendir sa fourrure version pub l'Oréal.

- Touffu, le baptisai-je. Oui, je crois que ça t'ira comme un gant.

Mon Pokédex bipa.

- Pokémons actuellement sur votre personne : 7. Vous êtes en infraction du Code de la Ligue. Sélectionnez le Pokémon que vous désirez transférer...

Et de me proposer une liste comportant sept noms. J'hésitai quelques instants. Salade n'allait nulle part, aucune discussion là-dessus. Teigne avait trop de potentiel pour que je la laisse de côté, surtout si l'on considérait le combat qui m'attendait. Suivant le même raisonnement, je n'allais pas non plus me priver de Souris et de Grignotte, qui disposaient d'un avantage certain face au type plante. Restaient Plouf et Princesse. J'optai finalement pour cette dernière : je ne comptais pas la faire combattre de toute façon, et un petit séjour dans l'ordinateur lui donnerait peut-être l'occasion de fraterniser davantage avec Mistigri. Enfin, en supposant qu'une telle chose soit possible sous forme de données numériques... Un jour il allait vraiment falloir que je demande à un expert de m'expliquer comment toute cette histoire de stockage des Pokémon fonctionnait. Peut-être que Léonard aurait pu m'éclairer ?

Ou peut-être que tu cherches juste une raison pour l'appeler.

Je fis taire ma conscience et envoyai Princesse au centre Pokémon le plus proche - sûrement celui de Lavanville désormais. Une fois le transfert effectué, je fis signe à la boule de poil.

- Viens Touffu, on va faire des emplettes.

Il me suivit en trottinant. Je gardai un œil sur lui tout en déambulant dans le centre commercial. Dire qu'il était immense n'aurait pas suffi à rendre compte de la réalité. Non, il était gigantesque. Y avait sûrement des états dans le monde qui occupaient moins de place que ça. Je comptai dix étages, avec chacun sa spécialité. Ça allait des objets les plus basiques comme les potions et les Pokéballs aux produits de luxe tels que des suppléments vitaminiques ou encore des croquettes adaptées au caractère de votre Pokémon. Je refis le plein de ce dont j'avais besoin sans trop dépenser, ce qui était plus facile à dire qu'à mettre en pratique.

C'était bientôt l'heure du déjeuner, et pourtant il y avait pas mal de monde. Des dresseurs solitaires, comme moi, mais aussi des familles nombreuses et des couples. Beaucoup discutaient de l'incendie du centre Pokémon. J'entendis des théories fuser alors que je laissais traîner mes oreilles, et parmi les hypothèses mises en avant se trouvait celle que les Rockets étaient responsables... Je n'étais donc pas si folle que ça de l'avoir envisagé.

Me voilà rassurée sur ma santé mentale.

Rendue au 9ème étage, mes mollets commençaient à me faire souffrir après tous ces escaliers montés à pieds. Allez, un dernier petit tour avant la pause sandwich... Je pensais avoir vu tout ce qu'il y avait à acheter, et pourtant une vitrine attira mon regard. Y étaient exposées des pierres chatoyantes, leurs surfaces lisses irisées de reflets métalliques. Leurs couleurs passaient par toute une gamme de bleues marine, jaunes doré, rouges écarlate ou encore verts forêt. Certaines présentaient des tâches plus claires ça et là, d'autres étaient veinées de sillons sombres, et toutes brillaient d'un étrange feu intérieur.

- Elles émettent une forme d'énergie qui font évoluer certaines espèces de Pokémon, m'expliqua le vendeur lorsque je m'enquis de leur utilité. Votre Evoli là par exemple, hé bien avec une pierre eau il deviendrait un Aquali. Avec une pierre foudre, un Voltali. Et avec une pierre feu, un Pyroli !

Échange de regard avec Touffu. Non, ça serait pour plus tard. Il fallait que je fasse connaissance avec la boule de poil sous sa forme actuelle avant de penser à le faire évoluer. Cependant...

- Je vais en prendre une de chaque.

...je ne pouvais pas prévoir quels Pokémon j'allais attraper plus tard. Autant faire le plein dès maintenant, cela m'éviterait de revenir par la suite.

- Ça vous fera 8400 Pokédollars.

Argh. Je payai la note plutôt salée et déguerpis avec mes pierres avant d'être tentée par d'autres produits. Et par déguerpir, je veux dire que je montai un escalier de plus, celui menant au toit. Au moins là, il n'y avait aucune boutique, donc, pas de tentation ! Et la vue valait bien les crampes qui allaient sans doute m'assaillir les jambes le lendemain. Depuis les hauteurs, le panorama englobait la ville entière, resplendissante de blancheur. Seule la tâche noire des décombres du centre Pokémon gâchait le tableau. Je repérai un gros bâtiment aux murs verts pâle à quelques centaines de mètres droit devant - l'arène sans doute. Plus loin encore, au-delà des maisons, la mer scintillait sous le soleil d'été.

Je me laissai tomber sur un banc et fis sortir ma petite troupe afin de leur présenter Touffu. Ils lui firent subir une inspection en règle : il fut reniflé (ça c'était Souris et Plouf), poussé (par Salade et ses lianes) et mordillé (les dents de Grignotte s'étaient égarées) avant que Salade ne le prononce finalement membre de l'équipe d'un 'Zarre!' affirmé. Il n'y eut que Teigne qui demeura en retrait. Je soupirai mais m'abstins de toute remarque.

Lorsque Touffu et Grignotte se liguèrent pour attaquer mon sac à dos, je décrétai que c'était l'heure de manger. Sandwich pour moi, croquettes et autres trucs douteux pour mes Pokémons. Tous dévorèrent leur repas avec appétit, sauf... vous l'avez deviné. Salade prit les choses en main et mit un biscuit sous le nez de Teigne, l'agitant au bout de sa liane. Les oreilles de l'intéressée frémirent mais ce fut tout.

- Léviator, commenta Plouf. Tor, tor.

Je crois qu'il venait de suggérer une stratégie, car Souris vint se poser sur la tête de notre déprimée, comme Ficelle l'avait fait tant de fois auparavant. Étrange vision que celle d'une chauve-souris géante en équilibre sur un gros singe à la fourrure blanche. La Nosferalto s'empara du biscuit et le présenta d'autorité à la Colossinge. Je retins mon souffle. Quelques instants s'écoulèrent... puis Teigne accepta l'offrande et se mit à manger. Je sentis un petit sourire se former sur mes lèvres. Pouvait-on considérer ça comme ses premiers pas sur la voie de la guérison ? Pas sûr, mais c'était déjà ça...

Un cri surpris me fit tourner la tête, en alerte.

- Evoliiii !

J'eus juste le temps d'apercevoir Touffu la tête fourrée dans mon sac avant qu'il ne recule précipitamment. Tout son corps était nimbé d'une lumière blanche aveuglante. Oh non. Poussé par la gourmandise, le coquin était allé fouiller dans mon sac, et il avait dû toucher une des pierres... Mais laquelle ?

Je le regardai se transformer, légèrement anxieuse. La lumière faiblit, puis s'évanouit pour laisser place à Touffu 2.0. Disparue, la boule de poil choupie. À sa place se tenait un Pokémon à la fourrure jaune électrique, avec un collier de poil blanc autour du cou qui formait une sorte de collerette, et une queue en zigzag hérissée d'une rangée de picots. Maintenant, quand on le regardait, on pensait 'dangereux', et non plus 'mignon'.

- Voltali, aboya-t-il.

Grignotte lui flanqua un coup de griffe amical, comme pour vérifier qu'il était toujours d'humeur sociable. Deux secondes plus tard, il se faisait courser sur tout le toit par un Touffu survolté. Bon, il n'avait pas l'air trop traumatisé par son évolution accidentelle. Je récupérai la pierre foudre et constatai que sa lueur interne s'était éteinte. Ça ne marchait donc qu'une fois, ces trucs là. J'en pris bonne note et la glissai dans ma poche en souvenir.

Lorsque que tous mes Pokémons se furent dégourdis les jambes/ailes/nageoires (rayez la mention inutile), je les fis rentrer dans leurs balls et empruntai l'ascenseur pour redescendre. J'avais repéré un truc intéressant du haut de la tour, une piste cyclable qui courait le long du littoral, et je décidai d'aller la voir de plus près. Je suivis donc le chemin qui menait hors de la ville, dans la direction opposée à celle par laquelle j'étais arrivée. Le temps de longer un champ, d'admirer un buisson en fleurs qui sentait rudement bon, et je me retrouvai nez-à-nez avec un mur. Un mur chaud et poilu. Un mur qui respirait.

Je levai la tête, distinguai l'arrondi d'une tête aussi grosse qu'une voiture, la courbe d'une oreille aussi large qu'un homme.

Ah. D'accord.

Un petit coup de Pokédex pour en avoir le cœur net, et oui, c'était bien un Ronflex qui somnolait au travers du sentier, bloquant toute progression. Le gigantesque Pokémon était collé de chez Scotch contre le bâtiment qui permettait l'accès à la piste cyclable. Voyons voir... Je fis sortir Plouf, le plus à même de pouvoir m'aider.

Et là, nous fîmes une partie de 'Réveille-moi si tu peux.' Plouf aspergea le Ronflex (et pas qu'un peu), lui flanqua des coups de tête et des coups de queue (qui firent trembler le sol), lui gronda dessus à puissance maximum (une expérience terrifiante, croyez-moi, et pourtant c'était même pas moi la cible) et en désespoir de cause en arriva même à lui demander poliment de se réveiller. Tout ça sans résultat. Au bout d'une demi-heure d'efforts, nous dûmes nous avouer vaincus.

Bon, relativisons. De toute façon, je n'avais pas de vélo.

- Léviator, souffla Plouf, vexé d'être tenu en échec par une masse de graisse ronflante.

- Pas grave mon Ploufi. J'ai une autre mission pour toi. Mais d'abord trouvons-nous un point de vue plus avantageux.

Je sautai par-dessus la barrière (Léa la vandale) et m'avançai dans le champ. Mister poiscaille, qui se déplaçait sans problème sur la terre ferme (fallait pas chercher) me suivit, l'air penaud. Quelques manœuvres plus tard, je m'installai à califourchon sur son cou, avec une prise ferme sur ses écailles.

- Maintenant debout !

Pffuit ! Comme dans un ascenseur. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, j'avais une vue imprenable sur le paysage. Ha bah oui, d'ici je voyais bien la piste cyclable. Elle serpentait vers le sud, se perdant dans le lointain. Où est-ce qu'elle pouvait bien mener ? J'enquêterai là-dessus plus tard... Alors que je m'apprêtais à dire à Plouf de me faire redescendre, une maison dans un autre champ plus loin attira mon regard. Elle se tenait isolée au milieu des blés, à l'écart de la ville. Ça, c'était louche.

Je talonnai Plouf et il rampa vers notre nouvelle cible, laissant une trace digne d'une grosse limace derrière lui. Arrivée devant la maisonnette, je mis pied à terre. Y avait quand même des choses à éviter de faire dans le monde Pokémon, et toquer à la porte d'un inconnu tout en se trouvant assise sur le dos d'un Léviator comptait parmi elles. C'était ptet même dans le top 10.

- Allez-vous en, y a personne, fit une voix féminine en réponse à mon toc-toc.

Waouh, quel stratagème de folie pour faire partir les curieux. Je m'empressai de pointer du doigt le défaut de son plan.

- Hum, c'est un peu raté, là. Vous venez de me parler.

- Rho bon...

La porte s'ouvrit sur une jeune femme aux cheveux tressés dans tout les sens. Elle affichait un sourire mais on sentait que c'était forcé.

- C'est pour quoi ? Encore le calendrier des Pokégirls ? Je vous préviens, j'ai déjà donné.

- Ha non, je suis une dresseuse qui passait par là et j'étais juste intriguée par l'emplacement de votre habitation, lui avouai-je.

- Ah, si ce n'est que ça... C'est vrai qu'ici c'est mon petit havre de paix, suffisamment loin de Céladopole pour échapper au bruit et à la foule, mais suffisamment près pour que je dispose de tout le confort nécessaire. Vous garderez le secret, mmh ? J'aime trop la solitude pour être dérangée continuellement... Oh, attendez, je sais! (Elle fouilla dans sa poche et me tendit un petit disque doré.) Tenez, voilà pour votre peine.

À croire que les CT étaient une vraie monnaie d'échange par ici...

- C'est une CS, me détrompa-t-elle, mais je m'en sers plus. Elle contient Vol.

- Vol ? Pour que mes Pokémon chapardent des trucs ?

Ma méprise la fit rire.

- Non, Vol pour que les ailes de vos Pokémon deviennent votre moyen de locomotion.

Diablement utile, même si Zozio n'avait pas encore la taille adéquate pour me transporter - et ne l'aurait sans doute jamais, parce que tant que Teigne était dans l'équipe, je pouvais faire une croix sur les Pokémon oiseaux. Je me voyais mal accrochée aux pattes de la Piafabec tandis qu'elle s'évertuait à battre ses ailes riquiquies. On ferait sans doute du 3 centimètre à l'heure. Je remerciai la jeune femme, lui promis de ne dévoiler à personne sa cachette, puis rebroussai chemin, à pieds cette fois.

Il était temps de visiter l'arène de Céladopole.

***

Je n'eus pas de peine à trouver le repère d'Erika. De un, je l'avais déjà repéré depuis le toit du centre commercial, et de deux, c'était le seul édifice de la ville à avoir la couleur d'un bourgeon fraîchement éclos - légèrement voyant quand même.

- Léviator ? s'enquit Plouf en voyant qu'il y allait avoir de la baston.

- Ha non. Pas pour toi, Plouf. T'es gros mais leurs lianes te mettraient quand même au tapis.

Il se lamenta un peu avant de se ranger à mon avis et d'aller faire un petit somme dans sa Pokéball. Je tapotai ma ceinture et vérifiai machinalement que tous mes Pokémon étaient bien là. Dire qu'il y a deux semaines j'aurais hurlé d'horreur en entendant ce mot-là... Dingue comme tant de choses pouvaient changer en si peu de temps. Mais trêve de considérations philosophiques.

Hop, je passai la porte. L'odeur capiteuse de plusieurs centaines de fleurs me frappa de plein fouet. Des fleurs le long des parterres, des fleurs tombant des murs en cascades, des fleurs dans les cheveux des dresseuses... Leur parfum entêtant embaumait l'air et leurs couleurs aussi variées que vives régalaient les yeux. J'avais pénétré dans une arène fleurie du sol au plafond. Et une arène de filles uniquement : pas le moindre spécimen masculin à l'horizon.

Un duo de gamines qui devaient avoir une dizaine d'années - respectivement, hein, pas à elles deux - me fit coucou.

- Salut ! fit l'une d'entre elles. Moi c'est Mya et voici ma sœur Nya.

- Lya... euh non pardon, Léa, me présentai-je.

- Prête à nous affronter ?

À l'image des fleurs qui les entouraient, les deux fillettes dégageaient une vitalité éclatante. Et leur sourire était communicatif.

- Ouaip ! confirmai-je. Allez, Touffu et Salade, en piste !

On allait voir ce que l'ancienne boule de poil savait faire. Et si jamais il se retrouvait en difficulté, Salade interviendrait. Mes jeunes adversaires envoyèrent à l'assaut un Bulbizarre et une Ortide. Je repensai avec nostalgie à ce jour pas si lointain où j'avais reçu Salade sous la forme d'un petit Bulbizarre.

- Graou, Fouet Lianes.

- Même chose, Salade.

Et souris avec fierté lorsque les deux Pokémon plantes s'affrontèrent par lianes interposées et que Salade envoya son adversaire sur les roses. Enfin dans les roses si l'on veut être plus précis.

Quant à Touffu...

- Endors le vilain chien électrique, Picote !

- Charge, lui suggérai-je, mais il avait déjà anticipé mon ordre et l'Ortide rejoignit son compagnon d'infortune dans le massif de roses.

...il se débrouillait plutôt pas mal. Je le gardai donc en première ligne pour progresser dans l'arène. Il combattit les Pokémon plante avec plus de facilité que ce à quoi je m'attendais. Il faut dire que la plupart du temps il avait affaire à des Pokémons non-évolués : Bulbizarre, Ortide, Chétiflor... Certains se révélèrent tout de même assez hargneux et le mec que j'avais croisé sur la route de Céladopole ne s'était pas trompé : la poudre Para-spore pleuvait sur Touffu. J'étais sans cesse en train de l'asperger du spray que j'avais acheté en prévision.

Mise en confiance par ses victoires successives, je perdis de vue une vérité universelle : derrière la beauté des fleurs se cachent parfois de redoutables épines. J'eus droit à un rappel en affrontant la dernière dresseuse avant la championne. Elle avait envoyé un Pokémon qui m'était inconnu, et au début j'avais crus à une hallucination, mais non, c'était bien de gros œufs qui me toisaient d'un air agressif. Ils se tenaient tout près les uns des autres, de façon à donner l'impression de ne former qu'une seule créature. Décidément, je n'avais pas fini d'être étonnée par les bizarreries de ce monde-là.

Prudente, j'avais remplacé Touffu par Souris. La Nosferalto était en train de battre vigoureusement ses ailes membraneuses pour réaliser son Cru-Aile quand le Noeunoeuf (même son nom semblait sorti tout droit d'une imagination loufoque) plissa ses nombreux yeux. Un rayon invisible déchira l'air, et l'image du Pokémon plante se troubla un instant. Choc Mental, diagnostiquai-je. Aïe. Souris vacilla sous l'impact, se secoua, et réussit néanmoins à produire une rafale de vent qui fit s'éparpiller les différents œufs.

- Reste calme, Omelette, on va l'avoir. Reforme-toi et lance un Vampigraine ! ordonna sa dresseuse.

Ha non, pas ça... La Noeunoeuf (oui, on disait 'une' omelette, donc logiquement c'était 'la' Noeunoeuf) se rassembla et balança sur Souris une volée de minuscules graines. La Nosferalto en chassa une partie d'un coup d'aile, mais le plus gros de la cargaison toucha au but et les petites choses voleuses de vie s'insinuèrent sous sa peau, prêtes à remplir leur office. D'habitude, c'était Salade qui jouait ce coup-là. Se retrouver à l'autre bout de ce procédé me faisait tout drôle. Souris se mit à briller d'une lueur verte, son énergie sapée par la Noeunoeuf qui pulsait également d'une lumière verte à un rythme identique.

Je me mordillai la lèvre inférieure, hésitant. Puis finalement :

- Retente un Cru-Aile, Souris.

La chauve-souris peinait visiblement pour rester dans les airs. Son vol se faisait erratique et elle manqua une ou deux fois de décrocher complètement. Elle tenta de suivre mes ordres, mais se heurta à une liane qui pendait du plafond, fit un looping non-contrôlé et se posa ensuite en catastrophe, cherchant à se gratter comme elle le pouvait pour déloger ces petites graines insidieuses qui lui enlevaient sa force. C'était mal barré.

Je vis la Noeunoeuf plisser à nouveau ses multiples yeux, prélude à un nouveau Choc Mental, et décidai que les prises de risques, c'était fini.

- Reviens, Souris.

Je raccrochai la Pokéball à ma ceinture et m'emparai de la voisine, celle de Teigne. La Colossinge apparut, avisa la situation en un coup d'œil, et m'adressa un grognement sommaire. Genre 'Non, je ne combattrai pas aujourd'hui. En fait jamais'.

- Souris était en difficulté, lui expliquai-je pour la motiver.

Ses oreilles se dressèrent sur le haut de son crâne et elle foudroya du regard la Noeunoeuf.

- Mauvais choix de Pokémon, estima mon adversaire. Omelette, montre donc à cette Colossinge la puissance de ton Choc Mental.

Ha oui, j'avais zappé que les Pokémons de type Combat étaient particulièrement vulnérables au type Psy.

- Teigne, tu...

Sans me prêter la moindre attention, Teigne fit tournoyer son poing et s'élança sur la Noeunoeuf. Je reconnus son attaque préférée. Son coup de poing fit trembler le sol, prenant de vitesse le Pokémon plante qui ne put réagir, et les œufs qui le composaient atterrirent chacun à un endroit différent.

- Omelette ! s'écria la dresseuse en se précipitant vers l'œuf le plus proche. Rien de cassé ? Ouf...(Elle leva le regard vers moi.) D'accord, tu as gagné le droit d'aller affronter notre championne. Mais tu devrais faire attention avec ta Colossinge, elle est très violente, ajouta-t-elle avant de partir ramasser le reste de la Noeunoeuf.

Je n'en étais que trop consciente.

- Teigne, l'interpellai-je.

Elle se tourna dans ma direction, muette. Ses yeux étaient sans expression, vides de toute émotion. Je n'arrivais pas à décider si il aurait mieux valu qu'elle soit en colère ou pas.

- C'est bien ma fille, mais tu aurais dû frapper moins fort.

J'avais insisté sur la dernière partie de la phrase. Elle ne daigna pas répondre, se contentant de rester immobile à me dévisager.

- Tu es forte et cette puissance physique te donne des responsabilités, continuai-je. La responsabilité d'employer le minimum de violence nécessaire pour parvenir à nos fins, entres autres. Tu comprends ?

Pas de réponse. Je soupirai intérieurement et la rappelai dans sa Pokéball. Je me fatiguais pour rien. Teigne était trop têtue pour qu'une simple conversation change son comportement. Elle ne communiquait qu'avec ses poings, et la seule qui aurait pu la raisonner, c'était Ficelle... Je caressai ma troisième Pokéball du bout des doigts, l'emplacement qu'occupait la Papilusion, désormais celui de Souris. La Nosferalto avait déjà réussi à atteindre Teigne sous sa carapace de grosse dure une fois auparavant. Peut-être qu'avec le temps elle lui remonterait progressivement le moral.

Ouais. C'était beau de rêver.

Ne restait plus qu'une personne entre moi et le badge à présent. Je fis une pause pour filer une potion à Souris afin de la remettre d'aplomb, et allai à la rencontre d'Erika, la championne de l'arène de Céladopole. Je fus surprise de découvrir une fille probablement pas tellement plus âgée que moi, un sourire chaleureux aux lèvres, et une guirlande de fleurs tressées dans les cheveux.

- Bonjour, me salua-t-elle calmement. Belle journée, n'est-ce pas ?

- Hum, oui, acquiesçai-je.

Où voulait-elle en venir en embrayant sur la pluie et le beau temps ?

- Le soleil fait des merveilles pour la croissance des plantes, mais il leur faut aussi une bonne giboulée de temps à autres pour qu'elles atteignent leur plein potentiel. Il en est de même avec les Pokémon plante.

- Oui, j'ai remarqué ça avec Salade... mon Herbizarre, me hâtai-je de préciser.

Son sourire s'accentua.

- Je suis donc en train de discuter avec une consœur. Quel plaisir.

- On y va ? proposai-je en choisissant une Pokéball à ma ceinture.

- Ah, oui. Il faut vraiment qu'on s'affronte maintenant ? Je méditais au milieu des fleurs et je suis encore toute gorgée de calme et de sérénité.

- Je reviens demain, sinon... mais il me faut ce badge.

Autrement je ne pourrais jamais rentrer chez moi. Et je voulais rentrer chez moi. Si, si.

Mais, et Léonard ? Et tes Pokémons ?

Ta gueule, conscience.

- Dans ce cas, voyons voir si tu as su élever tes Pokémon.

Elle se saisit d'une ball dont le sommet évoquait deux feuilles entrecroisées et l'effleura doucement. Le Pokémon qui en jaillit ne pouvait être que l'évolution de Chétiflor, vu sa dégaine : un gros corps jaune en forme d'outre gonflée qui s'ouvrait au sommet sur une énorme bouche béante. La dite bouche était agrémentée de quatre canines et surmontée d'une feuille à larges bords d'où partait une longue vigne brune terminée par une excroissance jaunâtre.

- Empi, Empiflor ! beugla la chose.

Comme c'était pratique. Même pas besoin de sortir le Pokédex.

- Vas-y, Souris. Cru-Aile.

- Acide, répliqua posément Erika.

L'Empiflor se gonfla et éjecta une nuée de gouttelettes pulvérulentes avec une précision digne d'un sniper de haut niveau. Elles filèrent vers Souris, si rapides que je ne vis qu'une traînée verte traverser l'air. La Nosferalto vira au dernier moment dans une tentative d'esquive, sans succès. Elle fut touchée à l'aile et perdit de l'altitude, passant pas loin de s'écraser. L'Empiflor se rengorgeait, fière d'avoir entamé le combat par un coup gagnant, quand Souris transforma sa chute en attaque et lui envoya une rafale de vent d'une puissance telle que le Pokémon plante se retrouva violemment plaqué au sol. Ça, c'était de la riposte.

L'Empiflor se redressa, sa bouche aux dents multiples s'agitant furieusement. Je surveillai Souris du regard, mais elle se maintenait en l'air, même avec une aile endommagée. On sentait d'ici l'odeur âcre de l'acide qui lui rongeait l'épiderme. Du côté de l'Empiflor, le Cru-Aile de Souris lui avait arraché quelques feuilles. Égalité, donc.

Deuxième round.

Les ordres fusèrent, identiques aux précédents. Cette fois, Souris attaqua en premier. Vive comme l'éclair, elle monta jusqu'au plafond en à peine deux secondes, puis fonça en piqué droit sur l'Empiflor. Juste avant de la percuter de plein fouet, elle braqua ses ailes vers l'avant et lança le reste de son corps en arrière, ce qui la fit se stopper net et créa un brusque courant d'air qui déséquilibra son adversaire. L'Empiflor décolla cul par dessus tête pour atterrir dans un massif de fleurs à l'autre bout de l'arène. Balayée, la plante.

- Au suivant, annonçai-je.

Non, non, je ne fanfaronnai pas. Bon d'accord, peut-être un chouilla. Erika sourit sereinement et se saisit d'une autre Pokéball.

- Broutille, montre-toi.

C'était mignon comme surnom, ça... Par contre, le Pokémon avait une tête chelou. Une espèce de sac de nœuds de grosses lianes bleues-violettes sans cesse en mouvement. On aurait dit ma chevelure le matin au réveil, si un savant fou avait soudain décidé de lui ajouter une paire de pieds rouges et des grands yeux globuleux. Souris ne se laissa pas intimider et lui plongea dessus, enfonçant ses dents dans la masse végétale. Je grimaçai à sa place. Allez savoir quel goût ça avait...

Les lianes du Pokémon plante cinglèrent la Nosferalto à plusieurs reprises, mais elle tint bon. Les deux adversaires se séparèrent brusquement et se toisèrent, un à terre et une dans les airs.

- Racines, ordonna Erika.

Le sac de nœuds s'aplatit par terre alors que des racines sortaient du sol, poussant à une vitesse vertigineuse. Comme douées de vie propre, elles vinrent se connecter aux lianes du Pokémon plante, luisantes d'un liquide non identifié. De la sève ? L'autre avait l'air d'apprécier, en tout cas. Sur mes conseils, Souris enchaîna et envoya des lames d'air qui sectionnèrent les racines à leurs bases, ce qui ne plut pas à son adversaire qui poussa un grognement déçu et recula, puis riposta derechef. Un barrage de lianes monta à l'assaut de la Nosferalto, claquant dans l'air. Souris se laissa tomber volontairement, passa sous le mur végétal et se rapprocha pour infliger une seconde morsure au sac de nœuds. Ses crocs tranchèrent net la plupart des appendices du Pokémon plante et il se recroquevilla sur ce qui lui restait, KO.

Le Pokémon suivant me fit sourire: ce n'était ni plus ni moins qu'une grosse fleur. Disposées en corolle au sommet d'un corps violet, des pétales à l'épaisseur d'un matelas et d'une couleur qui n'était pas sans rappeler le rouge vénéneux des amanites s'offraient au regard. Mais malgré son apparence qui n'aurait pas dépareillé chez Jardiland, elle avait un air redoutable.

- Fais gaffe, Souris.

Mon avertissement se confondit avec le bruit de dizaines de petites feuilles acérées sifflant dans l'air. Je levai un bras pour protéger mes yeux au cas où. Souris louvoya afin d'éviter les projectiles, effectuant des manœuvres aériennes digne d'un pilote de chasseur. Elle devait commencer à fatiguer, vu que c'était son troisième combat d'affilée, mais à voir la façon dont elle négociait ses virages, on aurait pu la croire fraîchement sortie de sa Pokéball.

Elle choisit de répliquer au sortir d'un tournant particulièrement serré, et il y eut un claquement assourdissant. Comme un coup de tonnerre qui laissa mes oreilles bourdonnantes: le résultat d'un appel d'air impressionnant, de toute l'envergure de ses ailes gigantesques. L'autre Pokémon fut soufflée, fit un vol plané et termina sa course dans un buisson. Elle n'en ressortit pas.

- Tu mérites ce badge, me dit Erika en rappelant son Pokémon. Pas de doute, tu es douée. Puisses-tu prospérer longtemps.

Drôle de façon de se dire au revoir.

- Merci, toi aussi.

Je ressortis de l'arène avec un badge de plus rangé dans mon sac - je n'étais pas de ceux qui épinglaient ces trucs à leurs habits - et le moral gonflé à bloc. Aucun doute, la chance était avec moi. J'allais finir ce jeu vite fait et retrouver ma vie d'avant. Où pouvait bien se trouver la prochaine arène ? Je jouais un instant avec l'idée d'appeler Léonard pour lui demander, puis décidai finalement d'aller me renseigner à l'accueil du centre commercial.

En remontant la rue, je découvris que la ville possédait un casino. Oh, que c'était tentant... Ma récente visite dans l'antre de la consommation avait laissé mon portefeuille sur le carreau. Qu'est-ce que je risquais, après tout ? Je pénétrai à l'intérieur du bâtiment. Première impression : ce n'était pas si différent de la version terrestre. Machines à sous, environnement ultra coloré et lumières qui clignotaient de partout. L'enfer pour une personne épileptique, ce que je n'étais heureusement pas.

J'avais à peine fait trois pas que je butai sur un truc qui glissa sur le sol avec bruit clinquant. Serait-ce... ? Confirmation visuelle : et oui, je venais de buter dans un jeton. Si ça c'était pas de la chance, je voulais bien être changé en Pikachu. Je le ramassai. Hop, dans ma poche.

Alors que je jetai un rapide regard aux alentours, à la recherche d'une machine vacante, je repérai un truc qu'on ne verrait jamais dans les casinos de notre bonne vieille terre. Et pour cause : là-bas, il n'y avait pas d'hommes en uniforme noir marqué d'un R rouge. Un Rocket. Il se tenait campé au bout de l'allée, les mains sur les hanches, comme si l'endroit lui appartenait. Ma main droite dériva instinctivement vers mes Pokéballs, avant que la partie de mon cerveau qui s'occupait de la logique ne s'enclenche. L'attaquer ici ne m'apporterait rien. Mieux valait le suivre si j'étais déterminée à obtenir la preuve qu'ils avaient quelque chose à voir dans l'incendie du centre.

Je me glissai derrière une machine et le surveillai d'un œil, faisant mine de m'intéresser au carrelage. Au bout d'un moment, il quitta son poste et je lui emboîtai le pas. J'allais probablement le regretter tôt ou tard... sûrement plus tôt que tard, d'ailleurs. Il se dirigea vers l'arrière-salle et descendit un escalier qui empestait le moisi. Je le suivis en restant à bonne distance, empruntant les marches d'un pas de souris. Elles menaient à une sorte de complexe souterrain, glauque et qui apparemment n'était pas chauffé. Des lumières blafardes au plafond assuraient l'éclairage et quelques plantes vertes qui n'avaient jamais vu le soleil de leur vie végétaient dans les coins. Le Rocket avait disparu ; j'étais seule.

Je m'aventurai plus avant, une main sur la Pokéball de Salade - c'était psychologiquement plus rassurant. Furetant de-ci de-là dans ma recherche d'indices, je parvins vite à une conclusion après être revenue trois fois sur mes pas : soit l'endroit était délibérément construit comme un labyrinthe, soit l'architecte qui avait conçu les plans de ces sous-sols avait un sérieux penchant pour la boisson.

Je descendis une seconde volée de marches, l'exploration du premier étage n'ayant révélé de fructueux. Tournai l'angle d'un couloir. Me baissai pour virer un caillou de ma chaussure.

Cliquetis d'acier derrière moi.

- Tiens tiens, mais qu'avons-nous là ?

Cette voix... je la connaissais. Un frisson glacé remonta le long de ma colonne vertébrale. Si c'était lui... Je me redressai et me retournai lentement. Oui, c'était bien le Rocket que j'avais rencontré dans la grotte du mont Sélénite.

Et le cliquetis que j'avais entendu provenait du pistolet qu'il braquait droit sur moi.

***

Et hop, une autre fin de chapitre en queue de poisson. Ne me haïssez pas. :p

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Cimetière :
Ficelle