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La Faucheuse. de T-Tylon



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» Auteur : T-Tylon - Voir le profil
» Créé le 24/09/2011 à 18:25
» Dernière mise à jour le 29/09/2011 à 04:07

» Mots-clés :   Présence d'armes   Sinnoh   Suspense   Terreur

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Aquilon.
Sinnoh. Quelque part dans les vastes étendues de forêts enneigées du Nord de l'île.

Jeudi 3 Juin 2010. 09 heures 49 minutes.



Il faisait noir. Le noir le plus total… Evoluant à l'aveugle dans un monde dénué de lumière, du moindre blanc… Dans lequel il ne se trouvait rien.

Les ténèbres l'entouraient de toutes parts. Aucun repère apparent ne lui permettait de se situer dans cette vaste noirceur, de penser qu'il puisse s'y trouver un bas ou un haut, une gauche ou une droite. Elle ne savait même pas si effectivement elle bougeait ou était en mouvement… Juste qu'elle avait l'impression de flotter dans le vide. Un vide qui la berçait de son étreinte obscure à l'image d'un flocon esseulé, oublié par la neige, et dérivant dans l'insondable espace tel le long huard silencieux de son anonyme existence, son cœur s'allégeant progressivement alors qu'elle glissait d'avantage dans les limbes de l'oubli. Un endroit lui apparaissant comme dépourvu de ce mépris, de ce dégoût qui se lisait si souvent sur les visages de ceux qui avait le malheur de porter leurs yeux sur elle, et de cette répugnance qu'elle inspirait à chaque instant par sa simple présence... Un endroit où personne ne pourrait plus jamais entendre parler d'elle, et où elle ne subirait plus jamais la douleur que représentait sa vie… Un endroit qu'elle ne pensait jamais pouvoir exister, dans lequel elle pourrait trouver sa place.

Un endroit qu'elle pourrait appeler chez elle…

Puis l'obscurité commença lentement à perdre de son insondable noirceur, et le vide autour d'elle de son inconsistance infini. Lentement le blanc revint, lui donner un repère dans ce monde qui semblait s'agréger au fur et à mesure que les ténèbres cédaient la place à la lumière. Une lumière douce. Chaleureuse… Familière. Vers laquelle elle se laissa glisser lentement, comme un flocon pensant retrouver le chemin de la neige…

Les ténèbres disparurent, et l'image d'un paysage vint à la place : la vision d'une large plaine densément boisée, recouverte par un manteau de blanc qui la fondait presque totalement dans le décor.

La vision se fit plus nette, et les détails plus distincts. Elle s'y voyait accompagnée d'une autre Farfuret qui la tenait par la patte, la voyant seulement de dos, pour l'amener vers une petite étendue de hautes herbes silencieusement bercée par la brise givrée à la lisière entre la plaine et les bois de pins givrés, au milieu de laquelle sortait d'entre les herbes une sorte de rocher de glace à l'éclat cristallin.

Elles s'y arrêtèrent sans un mot. Puis, toujours sans ne prononcer la moindre parole, ni ne l'avoir lâchée un seul instant, la Farfuret lui somma de se rapprocher de la pierre à l'éclat glacé ; sans ne faire preuve de la moindre délicatesse… Mais également absente de la moindre rudesse dont elle était pourtant habituée en présence d'un autre membre de son espèce. Presque comme s'il s'agissait d'une forme, même lointaine de considération…

Elle obtempéra, et sans un mot s'approcha de la pierre de glace trônant au centre de la petite étendue herbeuse. Alors qu'elle lui lâchait la patte pour la poser sur la pierre, dans la resplendissante transparence de son éclat givré elle y trouva le reflet de son image ; plus jeune, plus petite… Mais qui lui renvoyait depuis lors les traits de sa nature maudite.

Comme si elle s'attendait à un changement, au plus profond d'elle-même elle ressentait le besoin de croire, l'espoir que ce qui apparaissait n'être que la fable d'un ancien mythe oublié puisse lui apporter la délivrance de la malédiction qui la frappa depuis son premier jour. Elle y plaçait toutes ses attentes, tout son espoir, y croyait de toutes ses forces… Puis, lorsque des minutes les heures passèrent, le blanc immaculé de la neige laissant lentement place au bleu-gris des nuits arctique, sans que le moindre changement n'opère sur son apparence damnée, elle réalisa qu'il ne servait à rien d'attendre le miracle d'une délivrance qui n'arriverait jamais…

Accablée de chagrin, malgré la présence immédiate d'une autre Farfuret, ou plutôt comme si elle se sentait moins en faute de céder à ses émotions en sa présence qu'avec les autres, elle laissa des larmes de désespoirs couler de ses yeux pour disparaitre dans la neige sans un bruit ; comme pour l'espoir qu'elle entretenait du plus profond de son cœur un jour se réaliser, mais qui ne se révélait n'être que l'illusion d'un rêve qui resterait à jamais au-delà de sa portée.

N'ayant plus aucune raison de rester ici, la furette derrière elle commença à repartir dans la direction opposé comme elle y était venue. A l'exception qu'elle ne la reprit pas par la patte pour la forcer à la suivre… Une absence qu'elle ressentait avec d'autant plus de chagrin qu'elle ne lui avait pas adressée la parole tout le long de leur voyage, depuis leur départ à l'orée du territoire du clan jusqu'à leur arrivée à la pierre, et qu'elle lui paraissait désormais évident, qu'après cet ultime échec, elle ne lui adresse plus jamais la parole…

Puis après quelques pas dans les hautes herbes enneigées, tandis qu'elle-même ne s'était toujours pas relevée, la Farfuret s'immobilisa. Toujours sans un mot… Au bout de quelques minutes d'un silence d'une quiétude hivernale, sans se retourner, détourna la tête pour poser le profil d'un regard sur celle abattue dans la neige entourant la roche glacée… Le regard triste d'une mère vers sa fille.


«Je suis désolée… De t'avoir fait naitre…»


Alors qu'elle n'arrivait pas à saisir le sens de ses mots, ou plutôt de craindre comprendre leur signification, la Farfuret détourna de nouveau le regard pour reprendre sa marche muette dans les steppes gelée. Un Blizzard apparaissant aussi soudainement que silencieusement pour recouvrir ses traces et son image comme une ombre disparaissant dans la neige. Pour la laisser graduellement seule… Elle se relevant pour se mettre à courir dans sa direction, cherchant à la suivre par tous les moyens. L'appelant et la suppliant de toutes les larmes de son corps de ne pas l'abandonner et la laisser seule au milieu du blanc de désespoir anonyme du froid polaire… Pour finir par la perdre définitivement dans la tempête. Délaissée à son sort dans les vastes étendues de neige immaculées…

Complètement seule…

… Et elle rouvrit les yeux.


------------


Elle se réveilla. Lentement tirée de sa profonde torpeur pour se rendre compte qu'elle ne se trouvait plus dans la vaste plaine gelée. Ce que le fin tissu la recouvrant lui faisait réaliser, de même que le renfoncement moelleux dans lequel elle se trouvait, bien plus large que son petit corps, à la place de la froide dureté du sol givrée.

Elle tourna la tête pour situer où elle se trouvait, à observer son environnement pour comprendre ce qui lui arrivait. L'endroit était sombre, seulement éclairée par la faible et pâle lueur d'un petit feu crépitant dans un petit trou creusé dans la roche…

Et à part cela… Rien. La pièce était vide, épurée complètement de la moindre trace d'autres renfoncements comme celui dans lequel elle se trouvait, et strictement dénuée de la moindre ouverture ; exceptée celle d'une sorte d'accès dans la roche, entre la hauteur d'un Blizzi et d'un Blizzaroi. Mais pourtant taillé d'une précision qui lui apparaissait comme n'ayant pu être qu'accomplit par les griffes d'un de ses semblables...

Elle ne savait pas où elle se trouvait, mais comprenait qu'elle devait se trouver sous terre. Sans que cela ne change quoi que ce soit pour elle… Plutôt de dire que cela ne la concernait plus, dans le sens où, enfermée où non sous terre, son existence se résumait à l'image de la pièce : vide. Dénuée du moindre intérêt comme de la moindre trace de neige. Un feu se consumant lentement dans le petit coin d'un lieu reculé de tout, seule source de lumière reflétant son apparence esseulée et maudite, attendant recluse à l'insu du monde une fin qui la ferait cesser d'être. Pour enfin obtenir le droit de disparaitre des mémoires et se faire oublier de tous… Tout en réalisant que jamais elle ne lui serait accordée la paix.

N'arrivant pas à comprendre pourquoi elle se trouvait dans ces lieux, lentement elle hotta le tissu soyeux qui la recouvrait pour découvrir le reste de son corps parcourut de contusions et de marques blessés, presque totalement cicatrisées… Au point où elle en était, elle n'arrivait ni à s'en réjouir, ni à s'en lamenter ; ni même n'exprimer le moindre ressentiment à la vue des deux cicatrices situées entre ses jambes et derrière son épaule, ou sentir celle profonde qui lui traversait le dos de part en part sur toute la longueur. Toutes complètement refermées… Et pourtant ne ressentant rien d'être en vie.

Qu'est-ce qu'était vivre pour elle ? Rien, si ce n'était une lutte continuelle pour la survie. Une survie ne menant à rien, sans comprendre pourquoi elle continuait de lutter… Elle parcourait les denses forêts du nord en quête d'information, traversait les vastes étendues enneigées par n'importe quel temps ou quel maux, et survivait par ses propres moyens en récoltant toute la nourriture qu'elle pouvait lorsqu'elle se présentait à elle. Affrontant toutes ces épreuves, bravant toutes les situations et fuyant tous les dangers insurmontables, intégralement seule, et s'étant toujours conformée aux règles de son clan sans jamais rien attendre en retour… Lui ayant intégralement dédié sa vie au moindre instant… Et pourtant… «Il» l'avait…

Pour qu'elle raison vivait-elle…

--------


Alors qu'elle perdait graduellement toute notion de résolution, soudain un objet atterrit faiblement entre ses jambes sur le support moelleux ; la forme bleutée et parcourue de revers fermes d'une baie Nanone se révélant sous ses yeux d'une énième cruelle ironie à l'instant même où elle finissait par accepter l'idée qu'elle ne lui servait plus à rien de se battre...

Elle tourna lentement la tête envers d'où fut lancé le fruit, à l'opposée de la sombre pièce vidée de toute autre présence que la sienne… Et réaliser au contraire qu'il s'y trouvait bien un autre être. L'obscurité dissimulait la majorité de son image, mais elle reconnut la forme grande et revêtue de blanc de sa vision dans la neige par les endroits piètrement reflétés par le faible éclat des flammes, sans ne l'avoir pourtant entendue ou perçue un seul instant pénétrer dans la pièce alors qu'il y'a peu encore celle-ci était totalement vide. Etant comme apparue de nulle part… Sans que cela n'obtienne la moindre réaction de sa part.

Puis la silhouette commença à se rapprocher. Ses formes se dessinant de façon plus nettes tandis qu'elle se détachait progressivement des ombres : un voile de blanc aux encolures de fourrure d'un gris d'hiver la recouvrait de part en haut. Une ouverture dans cette espèce de pelage lissé lui laissait apercevoir ses grandes pattes inférieures de la même couleur qui arrivaient juste au dessus de sa propre tête ; alors qu'elle se trouvait déjà surélevée par le renfoncement dans lequel elle se trouvait malgré sa posture assise. Ce qui semblait représenter ses pattes supérieures étaient ramenées le long de son corps, leurs extrémités elles-aussi semblant être recouvertes du même poil lissé recouvrant le reste de sa tenue. Quand à la tête, elle était renfoncée de même dans une sorte de col la recouvrant totalement, d'où il n'était à nouveau laissé une ouverture dans laquelle se trouvait un autre tissu de blanc voilant la majorité inférieure de son visage, et d'une espèce de carapace d'un gris fumé lui recouvrait l'endroit où devait se situer sa vue…


«Pourquoi m'avoir secourue…» Parvint-elle à émettre faiblement.

«Je ne t'ai pas secourue.» Lui répliqua la silhouette d'une neutralité sans nom.

«Mais… Je suis toujours en vie…»

«As-tu l'impression d'être en vie ?»


Prise par défaut, elle reporta son attention de la silhouette au fruit, une source certaine de nourriture comme elle n'en avait rarement, pour ne pas dire jamais l'occasion d'y ne serait-ce que toucher, et qui était disposé devant elle, juste à portée de griffe d'un repas qu'elle lui suffisait seulement de tendre la patte pour combler le vide qui lui tenaillait les entrailles. Surtout après presque des jours entier sans avoir mangé quoi que ce soit… Et pourtant elle ne ressentait rien. Pas de faim. Pas le besoin de manger. Ni même l'envie ou ne serait-ce que la volonté de récupérer la baie présentée devant elle… Ne voyant pas la moindre raison pour laquelle elle devrait s'en nourrir.

Puis la silhouette à l'apparence peu commune se manifesta à nouveau, attirant son attention. Elle ramena l'une de ses curieuses pattes vers sa tête pour se saisir et retirer l'étrange col la recouvrant, lui faisant découvrir une sorte de second pelage dissimulé dessous d'une couleur d'un éclat plus brillant que celui de la neige en pleine journée d'été – même dans la pénombre l'entourant. S'ensuivit du petit voile recouvrant la partie inférieure de son visage, semblable à celui la recouvrant dans le renfoncement où elle se trouvait, dévoilant la majorité du profil lui permettant d'établir la nature de la créature qui lui faisait face ; ayant déjà entendu parler d'eux par le biais de ses reconnaissances dans le territoire des Blizzi. Mais ne pensait jamais qu'un jour elle puisse en rencontrer un. Encore moins dans ces circonstance…

Jusqu'à ce que la silhouette porte une dernière fois la main à son visage pour finir de se découvrir de l'espèce de carapace de gris fumée recouvrant la dernière partie de son visage, Et que cette précédente pensée soit balayée de son esprit une fois révélée la nature du regard se dissimulant derrière.

Un regard aux yeux d'un jaune doré comme les siens. Mais au centre d'un noir plus abyssal que celui des ombres.

Réaliser la véritable identité de l'être qui l'avait extirpée à l'agonie du froid de la neige la prit une nouvelle fois pleinement par défaut ; plus par le fait qu'elle la comprenne parfaitement malgré la barrière linguistique distincte qui séparait leur deux espèces (ce qui avec l'actuelle tournure des évènements dans lesquels elle était engouffrée, sans compter son état, n'était pas là pour faciliter la tâche.)

Puis l'instant d'après ce énième retournement de situation ne lui provoqua plus le moindre étonnement ; réalisant au final ni plus ni moins qu'elle ne faisait que converser avec quelqu'un d'autre. Qu'il soit humain ou pokémon ne changeant rien pour elle dans le sens où c'était certainement la seule conversation de plus de quelques mots qu'elle n'ait jamais entretenue dans toute son existence…


«Je réitère la question.» Enchaina l'humaine nouvellement dévoilée. «Pour qu'elle raison te battais-tu contre ces Blizzi ?»


A la question, les évènements de l'affrontement lui revinrent en mémoire avec la même clarté que si elle les vivait encore actuellement, ainsi que la moindre parole formulée durant cette nuit. Leurs échos résonnant encore en elle de la même impression que s'ils lui étaient encore prononcés directement dans le creux de l'oreille…


«… Pour la survie du clan…» Consentait-elle de répondre, dénuée de conviction.

«Pourquoi avoir alors lancé les hostilités ?» Enchaina l'humaine de son impassible neutralité.

«… C'était la décision du clan…»

«Etiez-vous préalablement au fait de leurs forces en décidant de les combattre en infériorité numérique ?»

«… Je… Il m'a été ordonné de faire le rapport concis de ma reconnaissance dans leur territoire…» Hésita-t-elle à lui répondre.

«Mais vous étiez conscients de vous en prendre à groupe de pokémon potentiellement dangereux.» Statuait-elle. «Pourquoi décider de lancer un assaut malgré un rapport de force clairement désavantageux ?»

«… Il… Le chef estimait qu'il n'en fallait pas plus les abattre ; que les quelques meilleurs membres du clan seraient suffisant pour se débarrasser définitivement d'eux…» Continua-t-elle d'une réticence perceptible.

«En fais-tu partie ?»


La complète neutralité n'avait pas un instant quitter la voix de l'humaine au moment de poser la question ; posée avec l'absence complète de la moindre raillerie ou sarcasme (comme si ces concepts n'existaient même pas à ses yeux.) Et, bien que la réponse apparaisse évidente, elle ne put s'empêcher de ressentir un faible malaise à devoir formuler la réponse.


«… Non… Je suis la plus faible et inutile d'entre eux…» Reconnu-t-elle platement.

«Que faisais-tu là dans ce cas ?»

«… Je… C'était les ordres…»Parvint-elle à émettre après un moment d'hésitation.

«Des ordres mobilisant l'élite du clan, y comprit le chef lui-même pour aller affronter le groupe des Blizzi, et pourtant qui réclament la présence de la plus faible et inutile d'entre vous pour participer au combat ?» Releva-t-elle d'une neutralité complètement indifférente.


La furette fut prise d'une hésitation plus prononcée que la précédente. Vacillante devant la contradiction relevée par l'humaine, à laquelle elle ne savait pas quoi dire qui puisse convenir – ne voyant déjà pas comment se l'expliquer pour elle-même malgré la raison qui lui avait été avancée dès lors…


«… Je… J'ai obéie…» Ne trouva-t-elle qu'à répondre.

«Pourquoi avoir obéie ?»


Elle lui rendit un regard incompréhensif par réflexe, n'arrivant pas à appréhender la nature du raisonnement de la créature lui faisant face à lui poser ces questions – quand sa propre santé mentale se tenait déjà au bord du gouffre –, mais n'obtint en retour que l'imperméabilité la plus totale du sien aussi insondable que l'abysse.


«… Je… ne comprend pas…» Rendit-elle confusément.

«Pour quelle raison mener une reconnaissance. Dans quel but.»


L'intonation avait changée ; l'édiction mécanique était toujours présente, mais l'intonation interrogative avait disparue. Ce n'était pas une question, mais une affirmation. Sans que cela ne l'aide pour autant...


«Pour… collecter des informations…» Reprit-elle faiblement.

«Pour qui.» Continuait l'humaine de la questionner inlassablement.

«... Pour le clan…»

«Quel intérêt de collecter et rapporter ces informations.»

«… Pour l'avenir du clan…»

«Alors pourquoi avoir ordonné l'attaque.»

Prise par défaut, de nombreuses et pesantes seconde s'écoulèrent sans qu'elle ne trouve la moindre explication exigée par l'humaine permettant de justifier cette décision.

«… Je… je ne sais pas… C'était…»

«Quelles étaient ces informations ?» L'interrompit-elle platement, de nouveau comme interrogation.

«… Que l'ancien chef des Blizzi avait été vaincu, et qu'un exilé revenant du territoire humain avait prit sa place…» Répondit-elle faiblement.

«Comment celui-ci l'avait battu ?»

«…En… combat singulier…»

«L'avais-tu précisée au clan ?»

Elle vacilla d'avantage, incertaine et circonspecte devant l'humaine qui la pressait sans cesse de répondre.

«… Je… non…»

«Pourquoi ?»

«… Je n'ai pas pu…»

«Pourquoi ?» Insistait-elle encore.


Le silence se fit tout à coup. Elle chercha à essayer de répondre, mais les mots moururent dans sa gorge avant même de lui être apparus en pensée. De mémoire elle connaissait la réponse, qui lui apparaissait claire, simple et limpide à formuler. Mais malgré tout une partie d'elle encore rattachée au clan l'en empêchait, la repoussant intérieurement, incapable d'en reconnaitre la réalité et se refusant obstinément à en admettre les répercussions l'impliquant… Seulement, peut importait la force de cette conviction. Car elle était exposée en face à une réalité qu'elle ne pouvait renier par définition : la sienne. Celle dans laquelle elle ne pouvait que constater où l'avait amenée ses ordres… Où l'avait menée son clan.


--------


Ses souvenirs de l'évènement se manifestèrent en réaction ; la ramenant au moment où elle revenait de son excursion pour livrer ses informations au clan.

Elle se revoyait non loin d'une falaise recouverte de glace et de conifères, devant les deux arbres ornés du symbole de leur clan taillé dans leur écorce marquant la démarcation de leur territoire, de même que celle qui lui était interdite de franchir sans en avoir reçu l'ordre. Inclinée devant le Dimoret qui se trouvait de l'autre côté entre les arbres pour entendre son rapport, et s'assurer personnellement qu'elle ne franchisse pas cette limite – comme le rituel mis en place et appliqué à la lettre pour chaque occasion où elle se rapprochait des limites de leurs frontières.

A son habitude celui-ci ne lui réservait qu'un accueil froid et une attention dédaigneuse quand à l'écouter lui faire le compte-rendu de ses reconnaissances ; comme d'une corvée à devoir prêter oreille à ce qu'il ne considérait comme quelque chose d'insignifiant lui faisant perdre son temps, et doutant totalement qu'un jour cela puisse changer. Cependant cette fois-ci fut différente. Car vers la fin – plutôt une fois qu'il ne la laissait pas terminée en considérant avoir saisi l'essentiel - il prit ses deux pattes vers sa gueule pour les pincer de ses lèvres et pousser un sifflement strident qui résonna jusque dans la grotte. En réponse, presque immédiatement les membres représentant les meilleurs du clan répondirent à l'appel pour en sortir et se placer à proximité.


«L'occasion de régler finalement le compte des buissons nous est donnée.» Commença-t-il en se retournant pour leur faire face. «L'ancien Blizzaroi à leur tête s'est fait prendre sa place par un autre revenu du territoire humain : l'heure est enfin venue de venger les morts causées dans nos rangs et de prendre le contrôle de leur territoire.»

Un grondement d'approbation rageur s'éleva de la plupart des Farfuret disposés devant lui ; réjouis à l'idée de pouvoir exprimer leur vengeance sur leurs ennemis honnis. A l'exception de l'un d'entre eux.

«Est-ce que ces informations sont viables…»


Le Dimoret reporta son attention sur celui qui se trouvait le plus éloigné ; plus précisément au regard de mépris prononcé que portait ce dernier sur celle qui se trouvait toujours inclinée dans la neige derrière lui.


«Tu crois qu'elle est capable de mentir – de me mentir ?» Releva-t-il narquoisement à son attention.

«Déjà qu'elle sache faire la différence entre un arbre et un Blizzi…» Renvoya-t-il cyniquement.

Le reste des Farfuret éclatèrent d'un bref rire contenu, tandis que la concernée et le Dimoret restèrent purement impassible. Jusqu'à ce que ce dernier en prenne note en se retournant vers elle.

«Qu'est-ce qui différencie un arbre d'un Blizzi ?»


La question lui avait été posée innocemment, comme d'un tuteur interrogeant un élève ; mais l'estimant plus comme un être inférieur estimée incapable de réfléchir qu'un semblable… Elle ne releva pas un seul instant.


«Ils ont des yeux bleu, et ils marchent.» Répondit-elle docilement.

Satisfait, le Dimoret se retourna de nouveau calmement vers l'autre Farfuret.

«Tu vois ? Même un déchet peut faire la différence.» Lui rendit-il d'un air sympathique.

L'intéressé ne releva pas et se contenta de retenir un juron de son côté, la simple vue de la furette lui soulevant l'estomac. Celle-ci inversement étant restée de marbre pendant tout le long.

«Quelqu'un d'autre ?»

Sa demande resta sans réponse dans l'assistance des Farfuret, n'attendant plus que son ordre, à sa grande satisfaction.

«Bien. Attaquons sans tarder.» Décréta-t-il d'un coup.


Malgré l'attitude stoïque qu'elle conserva depuis l'instant où elle se trouva en sa présence, elle ne put réprimer un sentiment de malaise qui s'emparait d'elle à la vue (plus à l'écoute) du Dimoret prenant déjà la direction du territoire de leurs ennemis, à la tête des sept autres Farfuret le suivant comme un seul combattant ; sachant qu'il était encore des informations en sa possession qu'elle savait devoir leur parvenir.


«… Chef… ?»


Elle lui adressait précautionneusement la parole avec défiance, d'un ton hésitant en espérant ne pas provoquer sa colère ou celle des autres Farfuret ; comme elle craignait que cela soit déjà le cas lorsqu'elle reconnut, par logique de positionnement, celui ayant manifesté ses réticences au Dimoret la concernant. Redoutant et se préparant déjà à subir le tranchant d'une griffe punitive pour avoir oser élever la voix en leur présence sans y avoir été autorisé... Néanmoins elle reçu l'intervention d'un autre membre pour s'opposer à la sanction sur le point d'être appliquée ; une intervention surprenant compte-tenu de qui elle venait.


«Hallayö, laisse.»

Aussi surprise par l'ingérence du Dimoret que l'était le Farfuret ; celui-ci retint son geste pour se retourner – à la limite de la consternation – vers le chef du clan.

«Pourquoi ?» Répliqua-t-il d'un ton voulu respectueux par son statut, mais perceptiblement sec.

«Elle vient avec nous.»


La stupeur s'étendit aux autres membres telle une vague uniforme d'incompréhension ; encore plus révélateur pour le Farfuret à côté de la principale concernée, dont le visage s'était figé dans une expression interdite.


«C'est une tentative de plaisanterie ?» Lui renvoya ce dernier partagé entre l'antipathie et la stupéfaction.

«C'est le début de la saison douce ; celle où les jours sont plus chauds et brillants, mais aussi la période durant laquelle les baies poussant sur leurs corps arrivent à maturité.» S'exprimait-il calmement. «Si l'on oublie le Blizzaroi – leur nouveau chef – il reste une dizaine de Blizzi dont le corps de chacun d'entre eux doit tenir plusieurs baies en l'attente d'être cueillies ; et si ce n'est pas le cas, en ayant déjà été récoltées et placées en réserve, qui n'attendent que nous pour les récupérer. Il faudra donc bien quelqu'un pour les transporter…»

Quoique l'explication tenait la route et convenait du point de vue des autres membres, celui-ci restait encore extrêmement dubitatif.

«Mais pourquoi «elle» ?» Le mot résonna comme s'il répugnait à le prononcer. «D'autres membres seraient bien plus aptes et fiables pour ce rôle.»

«Je te rappelle que l'on va au combat, pas faire une bataille de boule de neige. On ne va pas exposer l'un de nous inutilement au danger.» Répliqua-t-il calmement.


Elle s'attendit à ce que le Farfuret aille s'insurger de nouveau devant la décision du leader ; raisonnablement incapable d'accepter une justification aussi absurde pour l'inclure dans leur groupe de chasse. Cependant, à sa plus grande surprise, la réaction obtenue de ce dernier fut des plus inattendues.


«… Je comprends.» Finit-il par platement acquiescer. «Mais qu'elle reste loin de moi ; et à une dizaine d'arbre derrière nous. La dernière chose dont on aurait besoin serait que l'offensive foire à cause de ce poids.»


Elle resta interdite devant le changement s'étant opéré dans le comportement du Farfuret ; sachant qu'il faisait partie en tête de ceux la haïssant le plus au sein du clan elle s'attendait à ce qu'il conteste véhément cette décision jusqu'à ce que même le leader lui concède le dernier mot. Mais pas à ce qu'il abdique aussi «aisément»…

A cet instant cela ne se révélait d'aucune importance. Contrairement d'apprendre qu'ils allaient lancer leur offensive sans en avertir le reste du clan, donc sans soutien par rapport à un groupe d'adversaires qu'ils iraient affronter moins nombreux sur leur terrain alors qu'ils ne sont pas totalement au fait des changements drastiques s'étant opérés dans l'organisation des Arbregelés ; surtout concernant l'étrangeté leurs récents déplacements les amenant dans les steppes enneigées à la frontière de la forêt dans laquelle se trouvait le territoire des Farfuret, et qui les exposait à n'importe quelle menace pouvant en venir… Une anormalité qu'elle ne pouvait s'empêcher d'en ressentir un mauvais pressentiment après avoir vu le potentiel de leur nouveau leader, et fortement douter qu'il puisse commettre une erreur aussi grossière sans un plan dangereusement retors derrière.


«… Et le reste du clan… vous ne les informez pas de la nature de l'appel… ?»


Elle s'était adressée avec toute l'attention et la déférence qui devait être témoignée au Dimoret, autant par son statut de leader de clan que celui de meneur du groupe. Pour cette raison, peut-être, en plus d'envisager déjà la gloire du combat et la satisfaction de la victoire allant avec, celui-ci sembla être de bonnes dispositions pour lui accorder le strict minimum d'attention en repassant vers elle.


«Ce n'est pas nécessaire. Nous serons de retour avant la nuit.» Rétorqua-t-il nonchalamment.

«… Mais… et s'il arrive un imprévu ; que vous auriez besoin de faire intervenir d'autres membres… ?» Posa-t-elle soucieusement.


Les autres membres levèrent les yeux au ciel ou se frappèrent faiblement le front de leur patte, tandis que le Dimoret se contenta de soupirer lourdement ; d'un air nullement frustré, mais incroyablement las devant la remarque leur apparaissant d'une stupidité sans nom. Bien que n'en étant nullement surpris connaissant de «qui» venait la réflexion…


«Pourquoi devrais-je m'attendre à autre chose sachant qu'«elle» ne sait pas réfléchir…» Reprit-il d'un nouveau soupir prononcé.
«Si l'on a besoin de renfort il suffit juste de détacher un membre pour aller en chercher à la grotte. Même une jeune griffe d'une demie saison peut comprendre cette simple logique…»

«… Mais… avec juste huit combattants… Et ils sont do-»

«Il n'y aura pas besoin de plus.» La coupa-t-il sans sommation pour se retourner vers les autres Farfuret.
«S'ils se déplacent en nombre groupé dans les steppes gelée en direction de nôtre forêt cela veut dire qu'ils opèrent à découvert et qu'ils sont plus vulnérable que jamais : une brève préparation dans les bois, une salve soudaine et combinée d'Eclats Glace au moment où ils passent le plus à proximité, puis on finit avec un assaut général pour finir de tailler la dizaine de buissons en petits bois et on est de retour pour le diner.»


Alors que tous approuvèrent avec emphase le plan exposé du Dimoret, un frisson qu'elle ne put réprimer la parcouru de tout son corps en réalisant qu'il croyait les mener face à un seul Blizzaroi, alors qu'au contraire leur ancien leader se trouvait fermement aux côté du nouveau à l'exigence de celui-ci.


«Mais… ils sont douze…» Intervint-elle plus précipitamment.

«Un Blizzi de plus ne changera rien. Juste un nouvel arbre sur lequel se faire ses griffes.» Gouailla-t-il platement.

«Mais c'est-»


Elle n'eut pas le droit d'un autre instant. Par réflexe, presque paniquée par la tournure de la situation, elle avait sur-réagit et s'était redressée de quelques centimètres à peine dans sa posture inclinée, sans son aval : un pic de glace au tranchant acéré lancé par ce dernier passa juste à côté de sa tête, avant de finir sa course sur l'écorce de l'arbre derrière elle dans un bruit d'air sifflé brutalement étouffé. L'empêchant instinctivement d'aller plus loin.


«Vahtialla, tu occupes le milieu. Kuura, tu fais équipe avec ton frère Huure à droite et pilonneraient les buissons d'Eclats glace, pendant qu'Hallayö et moi poussons à l'avant avec Viima sur le côté. Ensuite…»

----

Le Dimoret reprenait à en direction du groupe comme si de rien n'était, en commençant à détailler les rôles de chacun. Mais déjà plus aucune autre information ne lui arrivait en tête… A part celle d'un signal de douleur associée à sa joue à l'endroit où le projectile glacé lacéra sa chair sur son trajet, et celui de son corps entier qui s'était pétrifiée dans l'instant en réaction. Seulement quelques dizaines de secondes s'écoulèrent durant le temps où le Dimoret termina de peaufiner les détails du plan à ses congénères, pendant qu'elle resta figée sur place de son côté. A ne plus esquisser le moindre geste. Ni ne prononcer le moindre mot en l'attente de ce dernier… Jusqu'à sa conclusion.


«Vous avez tous compris vos rôles ?»

Un bref signe de tête unanime lui fut rendu, confirmant et consolidant leur résolution quand à l'imminence du combat à venir.

«Bien.» Reprit-il d'un enthousiasme à peine dissimulé. «Après cette victoire, ce soir, le nom des Varjää résonnera une nouvelle fois jusqu'aux confins du Nord.»


D'une soudaine accélération il se précipita dans les bois couverts de neige, exultant au devant du combat ; le reste du groupe lui emboitant dans l'instant le pas en reprenant son bref mais sincère cri de guerre, pour disparaitre dans la végétation l'espace d'un seul battement de cil… A part elle, restant toujours inclinée sur place en l'attente qu'ils furent suffisamment loin pour être autorisée à se relever et à les suivre à bonne distance. De nouveau laissée en retrait. Seule… Les fines gouttes de sang de sa blessure venant lentement ponctuer ses instants d'intense solitude à maculer de rouge la neige à l'endroit où elles perlaient sur le manteau immaculé de blanc. Chacune d'entre elle lui rappelant cette scène se répétant avec la même clarté que la première fois. Ne faisant aucune différence entre passé et futur, souvenir ou présent. Réalité ou illusion.

Chaque instant vécu lui rappelant toujours la même vérité…



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«… Parce ma parole ne vaut rien…»


Le silence se fit en suspend quelques instants tandis qu'elle se recroquevillait sur elle-même dans le renfoncement, assise en position fœtal, de même qu'une boule se formait dans sa gorge. Chaque mot qu'elle prononçait, ou s'apprêtait à prononcer raffermissant l'étreinte tel un nœud coulant se resserrant lentement autour du cou d'un condamné. Mais d'un être étant condamné à mort avant même d'être né. En présence d'une humaine pour seule témoin de son calvaire…


«Je réitère à nouveau la question.» Reprit celle-ci. «Pourquoi te battais-tu contre ces Blizzi.»


La furette ne lui rendit que l'écho du crépitement des flammes se répercutant dans la pièce. Sa raison, au bord de l'effondrement après toutes ces épreuves, menait une lutte désespérée pour la maintenir consciente. Une lutte qu'elle réalisait ne pas savoir pourquoi mener, ni d'avoir la volonté à poursuivre plus longtemps…


«… Je ne sais pas…» Emit-elle faiblement.

«Pourquoi collecter des informations que personne n'écoute.»

«… Déjà qu'elle sache faire la différence entre un arbre et un Blizzi…»

«… Je ne sais pas…»

«Pourquoi envoyer en reconnaissance la plus inutile d'entre vous.»

«… Tu vois ? Même un déchet peut faire la différence…»

«… Je ne sais pas…»

«Pourquoi laisser un membre inutile participer au combat.»

«… On ne va pas exposer l'un de nous inutilement au danger…»

«… Je… ne sais pas…»

«Pour qu'elle raison préférer affronter la mort plutôt que d'accepter l'assistance de ce membre.»

«… Plutôt mourir que de se faire toucher par une maudite…»


Les réponses ne suivirent plus alors qu'elle se renfrognait dans le renfoncement rocheux. La gorge nouée au point qu'elle n'arrivait presque plus à respirer, à ne plus émettre le moindre son. Laissant l'humaine continuer de poser seule ses questions, et de n'empêcher ses souvenirs se manifester dans son esprit en réaction…


«Pourquoi continuer d'obéir pour le clan quand celui-ci le renie à chaque instant.»

«… Sans toi rien de tout ça ne serait arrivé !»

«Pourquoi t'avoir laissé en vie tout ce temps si chacun désirait ta mort.

«…Dégage, et va crever hors de ma vue !»

«Pour qu'elle raison ne pas t'avoir tuée plus tôt…»

«… Il est temps que tu disparaisses…»

«… alors que tu n'avais pas encore éclot.»

«… Tu n'aurais mieux fait de jamais naitre, sale maudite !»


… Le crépitement des flammes s'amenuisaient lentement, de même que l'éclat dansant de ses reflets sur les ombres tandis que le petit bois presque consumé l'amenait à la limite de l'extinction. La pièce sombrant peu à peu mais inexorablement la pièce et ses occupantes dans les ombres, comme une image figée dans la glace. L'humaine demeurant la seule contradiction avec la scène devant l'ombre du renfoncement dans lequel la furette s'était restreinte dans un mutisme complet ; donnant presque l'impression qu'elle se maintenait inutilement debout face à un trou dans la roche. Rien ne laissant supposer à une tierce personne qu'il puisse s'y trouver autre chose que du vide.


«Je ne poserais qu'une dernière fois la question : pour qu'elle raison survis-tu.»


Depuis les ténèbres enrobant le renfoncement d'un noir quasi des plus complet, il était possible de discerner cependant un infime mouvement ; à peine perceptible par l'obscurité qui y régnait et la lumière des flammes qui finissait de s'éteindre lentement dans le coin de la pièce. Mais suffisant pour percevoir les forme de la furette se dessiner d'un dernier reflet : un reflet de rose orné de jaune clair… d'où coulaient des larmes brisées depuis deux yeux d'un or doré sans éclat au centre noir comme une nuit sans étoiles.


«… Je ne sais pas…»

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Les flammes s'éteignirent, plongeant la pièce intégralement dans les ténèbres. Plus une seule source de lumière ne permettait désormais de distinguer la moindre présence – humaine ou pokémon – se trouvant dans la pièce… Pourtant cela n'attira nullement l'attention d'aucune d'entre elles. Leurs regards respectifs continuant de se fixer silencieusement dans ce lieu oublié du monde.

Elle n'éprouvait rien à la vue de son regard abyssal. Elle ne ressentait pas de peur ; pas parce qu'elle ne semblait pas craindre la signification de ce noir sans nom, mais parce qu'elle ne possédait rien qui la permettre de la craindre. Elle n'avait pas sombrée la folie ; pas parce qu'elle ne semblait avoir perdue la raison pour l'observer ainsi sans volonté, mais parce qu'elle n'avait plus la résolution pour maintenir la moindre raison. Aucune résistance, aucune défiance, ni animée d'aucune volonté de chercher à lui échapper si elle venait à vouloir à la tuer dans l'instant ; même si cela était dans les conditions les plus lentes et épouvantables qui soient… Tout ce qui se qui apparaissait devant l'humaine se résumant à la vision d'une créature désespérée qui n'attendait plus en silence que lui soit délivrer le coup de grâce.

Puis, depuis les ténèbres par sa vue perçante, elle vit l'humaine détourner le regard et la délaisser pour sortir de la pièce. Sans personne d'autre que le vide et l'isolement de la roche comme seuls spectateurs de ses tourments, alors qu'il semblait que même cette dernière supplique lui soit refusée. Se retrouvant à nouveau seule dans le noir… Mais l'instant d'après l'humaine revint dans la pièce, ne l'ayant quittée l'espace de quelques secondes, pour se diriger sans aucune difficulté dans cet environnement sombre vers l'âtre éteint de la pièce, changer le bois consumé par une forme de coupole remplie d'un liquide inconnu s'apparentant à de l'eau jaunie, et y tremper le maigre rondin encore chaud pour raviver la flamme d'un feu aussi éclatant que l'ancien. La lumière parcourant de nouveau la pièce pour éclairer ses moindres recoins et ses occupantes : l'humaine intégralement voilée de blanc neigeux aux reflets d'un jaune brillant, et la furette de rose vif ponctuée de trois plumes de jaune primaire en guise de queues et d'oreille, ainsi que de deux petites gemmes polies d'un bleu azurin serties au milieu de son torse et son front.

Laissant le renouveau des flammes s'attiser sereinement dans leur recoin, l'humain retourna son attention sur la pokémon pour reprendre la même posture stoïque devant elle que précédemment, dans sa quasi exactitude. Comme si la scène muette ne s'était jamais interrompue.


«Il n'y a qu'eux qui détiennent la réponse.»


La Farfuret retourna son regard sur l'humaine à l'image impassible, mais pourtant ne renvoyant aucun écho du moindre intérêt ou de la moindre attention. Comme si elle la voyait, l'entendait, mais ne pouvait pas l'entendre.


«Tu leur as tout dédié. Tu t'es pliée à la moindre de leur exigence, de leur demande, négligeant presque totalement ta propre survie dans le seul but que cela puisse assurer la leur. Condamnée à mener cette existence de paria, mais de l'avoir acceptée et supportée dans le seul intérêt du clan. Et malgré tous ces sacrifices, de t'être soumise et dévouée intégralement à leur cause, ceux-ci faillirent entrainer l'extinction de leur propre familles en ayant suivis une décision prise en contradiction avec les informations que tu avais récoltée à leur demande ; préférant même te livrer à la mort de leurs propres griffes plutôt que de reconnaitre en face que cette tragédie aurait pu être évitée s'ils t'avaient écoutée…»


La Farfuret restait silencieuse devant l'édiction impassible de l'humaine. Ne cherchant ni à l'approuver ou la contredire. N'étant simplement plus concernée par son devenir en ne trouvant plus de sens à sa vie, ni à comprendre où s'était jamais situé celui de son clan…


«Ta parole ne vaut rien. En conséquence ce que tu désire ou non n'importe pas, personne ne daignera y prêter la moindre attention. Mais si tu choisis de mettre un terme à ta vie, tu reconnaitras en conséquence que tu es encore vivante ; parce que ton clan, par lequel tu te retrouves dans ce lit, s'est finalement décidé de te livrer à ton sort. La seule question qu'il te resterait à te poser étant : pourquoi ne pas l'avoir fait avant ?»


Même dans un état désintéressé proche d'une statue de glace, la contradiction réussit à attiser l'infime parcelle d'attention qui subsistait en elle pour écouter le raisonnement de l'humaine ; ne pouvant rien faire d'autre par définition.


«Le fait est que ta parole ne vaut rien, mais qu'en tant que scout pour mener des reconnaissances tu ne possèdes rien d'autre. Et s'ils se contre-fichaient totalement de ce que tu leur rapportais et qu'ils pouvaient disposer de toi à n'importe quel instant si l'envie leur en prenait, cela signifie que tu n'as jamais eu la moindre importance à leurs yeux. Alors pourquoi t'avoir laissée vivre jusqu'à présent ? Pourquoi se donner tant de peine à supporter ton existence si elle les révulse à se point ? Pourquoi se fatiguer à t'envoyer inutilement en reconnaissance dans des territoires hostiles quand il s'agirait juste de te trancher la gorge d'un simple coup de patte ? Par simple logique des plus élémentaires, sachant qu'ils te considèrent comme la cause de tous leurs malheurs, pourquoi même t'avoir laissé naitre quand tout pouvait être réglé alors que tu étais encore dans un œuf ?»


Petit à petit, l'attention de la furette se tournait de plus en plus vers l'humaine. Ces questions – qu'elles s'étaient déjà posées tellement de fois sans jamais obtenir la plus petite réponse – n'eurent aucun mal à trouver écho en elle. La conclusion se résumant toujours à la même question : pourquoi vivait-elle ? Si son existence toute entière n'était qu'un poison, une erreur de la nature qu'il convenait d'éradiquer pour le bien de tous, que c'était la chose la plus élémentaire à faire… Pourquoi ne pas l'avoir tuée dès le départ ; s'être laissés volontairement infligés tant de malheur si elle était la cause de tous ces problèmes ? S'ils désiraient à ce point vouloir sa mort depuis le début ils leur auraient suffit de l'ordonner ; elle aurait parfaitement comprise et se serait résignée à laisser la sentence s'appliquer sans résister. Tant que cela servait au clan elle n'aurait rien fait pour l'empêcher… Mais elle était toujours en vie. Une vie qu'elle savait n'avoir aucune valeur…


«Si tu respires encore en cet instant cela est parce que tes semblables ne t'ont pas tués avant, pour une raison qu'eux seuls connaissent.» Reprit-elle platement. «Si tu souhaites mourir je ne t'y aiderais pas, mais je ne t'en empêcherais pas non plus. Réalise seulement qu'ainsi tu ne sauras jamais pour quelle raison ils te laissèrent en vie jusqu'à présent.»

«… Pourquoi je devrais vivre pour connaitre cette raison…» Lui renvoya-t-elle d'un écho presque imperceptible.

«Parce que tu es née.»

Calme comme le vide. Noir comme le néant. Implacable comme la mort… Une évidence qu'à venir de réaliser la Farfuret resta immobile, les yeux fixés à l'observer silencieusement…

«Tu n'es pas encore morte, mais il t'est laissé le choix de définir comment : dans l'oubli de l'ignorance à ne jamais savoir pourquoi tu es née, ou des griffes de ton propre clan en comprenant pourquoi tu dois mourir. «Exposa-t-elle platement. «Si tu respires encore parce qu'ils t'ont laissés naitre, et qu'ils sont les seuls à savoir pourquoi. Si tu veux connaitre cette raison, sachant que dans tous les cas la mort t'attendra au bout, alors prend cette baie. Récupère tes forces. Et survis pour affronter l'environnement du froid afin de te présenter une dernière fois devant eux, et mettre le point final à cette histoire. Tu n'as plus rien à perdre…»


Achevant sur ces mots l'humaine termina sa démarche hors de la pièce pour disparaitre de sa vue dans l'obscurité y régnant. La laissant de nouveau seule avec elle-même ; confrontée face à ses pensées et la présence insensible du fruit disposé devant elle… Ne sachant pas quelle décision prendre, ni ne semblant vouloir en prendre aucune.

C'est alors que l'image silencieuse de la baie aux reflets bleutés au milieu du blanc soyeux du tissu lui rappela le souvenir du rocher de glace au milieu de la plaine dans son esprit. Ainsi que les derniers mots de celle par qui elle fut condamnée à ce cycle de tourments sans fin…


«Je suis désolée… De t'avoir fait naitre…»


Sa douleur. Sa peine. Le souvenir de cette vie passée dans l'oubli et la solitude l'accabla du plus profond de son être. A n'avoir jamais trouvée la raison qui motivait son existence… Et réalisant craindre ne jamais la trouver ; plus que mourir, de ne pas savoir pourquoi elle était née. Comprenant dans tous les cas l'insignifiance de sa vie irait s'était achevée aujourd'hui.

Ses larmes séchèrent. Sa gorge se desserra. Le poids affligeant qui comprimait le torse s'effaça lentement alors qu'elle reportait une dernière fois le regard sur le fruit de la glace, puis de tendre mécaniquement l'une de ses pattes pour s'en saisir et la porter devant ses yeux. L'observant sans un mot. Avant de planter ses crocs dedans au point évoqué par les derniers mots de l'humaine.

Elle n'avait plus rien à perdre.