Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

La Faucheuse. de T-Tylon



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : T-Tylon - Voir le profil
» Créé le 22/04/2011 à 18:55
» Dernière mise à jour le 22/04/2011 à 18:55

» Mots-clés :   Présence d'armes   Sinnoh   Suspense   Terreur

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Ecueil.
(Première partie)


Sinnoh. Voilaroc. Ambassade du Consortium. Bureau du gouverneur Matis.

Mercredi 26 Mai, 18 heures 10 minutes.



Terminé ! Avec ce dernier document posé au sommet de la pile qui rejoignait les autres dans l'ensemble de ceux traités, tout le travail d'archivage des dernières semaines en retard de son père était enfin terminé… Pourtant elle n'éprouvait aucune joie, ni même le plus infime sentiment de satisfaction à la vue vide du dessus de son bureau, épuré de toute cette paperasserie. Cela n'avait rien à voir avec le fait qu'elle devait se remettre rapidement au travail en s'attelant désormais avec ceux des affaires actuellement en cours, même s'ils étaient bien moins nombreux (bien que cela restait évidemment harassant). Mais au contraire n'arrivait pas à penser à autre chose que sa seule réunion «privée» de la semaine. Plus précisément de son interlocuteur… La neutralité dont ce, ou cette dernière avait fait preuve avec elle l'a retournait encore. Un ton si neutre, parfaitement perceptible malgré le brouillage, qu'elle aurait cru parler au vide… Etait-il vraiment possible pour un être humain de dégager une pareille «absence», inversement aussi imposante qu'elle l'était ? C'était à se demander si elle n'avait pas conversée avec une machine… Une machine froide et calculatrice, dénué de vie ou d'intérêt, autre que celui de tuer. Et dire que son père avait déjà traité avec elle comme n'importe quel autre négociant…

De ce qu'elle eut apprit de cette première «réunion» et de ce qui en était ressortit, elle doutait vraiment un jour pouvoir réussir à égaler sa maitrise ; ou même à le vouloir concernant cette «relation».

--------

«Un problème ? T'as l'air toute pâlotte.»


Prise par défaut, elle se retourna vers son garde du corps «préféré» en se rendant compte qu'elle avait lâchée un soupir à ce constat déprimant, et qu'il l'avait parfaitement perçu depuis la distance «respectueuse» qu'elle devait conserver avec lui.


«Non, ce n'est rien. Juste de savoir encore la masse de boulot qui m'attend ne me donne pas la pêche, si tu vois ce que je veux dire.»

«Je vois très bien ce que tu veux dire ; aussi bien que les maquettes miniatures de buildings en papier sur ton bureau.» Rendit-il d'un sourire jovial, plus encourageant que moqueur.

Elle lui rendit un sourire fatigué, mais amusé par la remarque plus que «constructive» (pour rester dans le thème de l'entreprise ; à tous les niveaux.)

«J'aimerais bien pouvoir t'aider… Mais, déjà que j'ai du mal rien qu'avec la rédaction de mes rapports en temps normal, quelque chose me dit que, si je me mets à empiéter sur tes plates-bandes, je risque de foutre un tel bazar qu'après la pile actuelle sur ton bureau passerait pour une vaste plaisanterie.»

«Tu ne m'avancerais pas plutôt une excuse pour ne pas faire ta part administrative ?» Releva-t-elle d'un soupçon. «J'ai cru comprendre que, tant que le programme de ma protection se maintenait, tu étais exempts de cette tâche… C'est vrai ?»

Le garde du corps détourna «subtilement» le regard en se mettant à siffloter. Visiblement, elle venait de le griller en beauté.

«C'à c'est bien les hommes.» Reprit-elle d'un soupir d'exaspération. «Toujours à trouver une excuse pour ne pas faire leur part du travail, mais toujours s'arranger pour la refiler aux femmes.»

«Mais que veux-tu, nous n'avons pas vôtre sens aigüe de l'organisation.» Renvoya-t-il d'un petit air goguenard. «Et puis cela ne parait pas logique, et même intelligent de confier l'ampleur d'une tâche aux personnes les plus compétentes ?»

«Serait-ce une insidieuse tentative d'esquiver la conversation que je perçois dans cette flatterie ?» Releva-t-elle d'une fine note hautaine.

«A toi de me le dire : ici c'est toi la personnalité politique qui connait toutes les ficelles fallacieuses de la conversation. Pas un humble représentant des forces de l'ordre comme moi.»


Elle ne put s'empêcher de rire. La réponse avait été parfaite et formulée de manière idéalement représentative à son caractère franc et honnête, mais comprenant également la malice rusée toujours cachée dans son revers de manche. Remarque, il fallait bien ça pour s'occuper de faire parler le genre de canaille dont il s'occupait habituellement ; mais lui s'en sortait avec une certaine élégance qui le rendait appréciable… Au point qu'elle en oubliait presque que, malgré son air tout agréable, il l'avait subtilement traitée de manipulatrice ; bien que ce fut indirectement. Ce qui n'était pas le genre de chose qu'un employeur pouvait laisser passer sans sévir.


«Dans ce cas serait-il possible à l'humble représentant des forces de l'ordre de bien vouloir se rendre utile en allant chercher du café ? Cela serait aussi aimable que bien plus productif à rester là assis à ne rien faire d'autre que de chauffer le siège.»


Malgré le sourire angélique et radieux qu'elle arborait, le garde du corps émit une mimique de douleur exagérée en réponse à la froide pique qu'il venait de se prendre. La réprimande lui fut énoncée avec la douceur du velours, mais il sentait très clairement l'arrière goût piquant comme des aiguilles emblématique d'une fine rancœur sournoise… Mais si elle croyait qu'elle allait faire plier sa nature faussement insouciante ainsi, elle eut une belle déconvenue lorsqu'elle vit sa mimique de douleur faire à nouveau rapidement place à son petit sourire amusé habituel. C'à n'était pas par défi en voulant continuer à s'amuser avec elle à ses dépends qu'il réagissait ainsi, mais parce qu'il la trouvait tout simplement craquante quand elle se sentait vexée ; comme maintenant. Et le pire c'était qu'elle le savait. Ce qui était d'autant plus frustrant qu'elle adorait qu'il garde son calme en toute situation, toujours à rester passionnément à ses côtés même lors de crise de nerf ou de passage à vide comme récemment ; à la supporter calmement même lorsqu'elle se montrait pourtant clairement désagréable…

Comment pouvoir briser la personne que vous aimez quand à chaque fois que vous tentez de vous disputer avec elle, il vous admire avec le même regard admiratif et envieux que la première fois, que c'est justement pour cette volonté inébranlable que vous l'avez choisit, et que vous savez consciemment que vous ne pourrez de toute manière jamais réussir à le haïr ? Oui c'était rageant. Parce qu'il n'y avait rien à y faire, mais surtout parce que son sourire était la seule chose qui lui faisait oublier le poids du fardeau qu'elle portait sur ses épaules.

----

Puis, alors qu'il s'était levé en prenant la direction de la porte, sur le point de l'ouvrir, celle-ci se mit à résonner de quelques coups portés attentionnels. Il s'arrêta automatiquement pour se poster sur le côté de cette dernière, dos au mur dans la posture prête à désarmer n'importe quel importun, avant de faire signe à l'assistante de s'enquérir de l'interlocuteur désireux d'entrer.


«Qui demande ? Je ne me souviens pas n'avoir aucun rendez-vous de prévu pour aujourd'hui.» Demanda-t-elle d'un ton formel.

«Deux membres de la Ligue.» Répondit platement l'un des gardes de l'ambassade gardant l'accès au bureau depuis l'autre côté. «Ils sont accrédités en bonne et due forme, et demandent de leur accorder une entrevue à caractère pleinement officiel.»

«Accrédités à quel niveau ?» Releva-t-elle de nouveau formellement, la procédure l'obligeant.

Alors que le garde s'apprêtait à répondre à leur place, celui menant la petite «expédition» (comme il aimait à le faire sarcastiquement détourner) l'interrompit pour l'annoncer de lui-même.

«Par les plus hautes instances de la Ligue, en tant que championne de Voilaroc et maitre de Sinnoh.» Répondit la voix jeune mais forte de ce dernier. «Pourriez-vous nous accorder un instant, s'il vous plait ?»


Un instant de silence se posa alors que le garde du corps fit signe à l'assistante d'attendre un instant avant de répondre ; le temps qu'il change de position silencieusement pour passer de l'autre côté de la porte dans le sens d'ouverture. Pour se retrouver derrière cette dernière une fois ouverte, en dehors de leur champ de vision immédiat, afin de prendre par surprise une éventuelle agression. Une fois en position (ce qui ne prit que quelques instants) il lui fit signe qu'il était prêt.


«Vous pouvez entrer.»


La poignée de la porte tourna mécaniquement et la porte fut ouverte en grand par l'un des gardes gardant cette dernière, par laquelle les deux dresseurs pénétrèrent sous l'injonction formelle de ce dernier, pour s'avancer et se retrouver devant le bureau duquel siégeait calmement la prochaine gouvernante et détentrice légitime des lieux. Cette dernière se prit à jauger ses jeunes interlocuteurs qui, malgré leur notoriété, restait des parfaits inconnus pour elle.

----

Bien qu'elle vive à Voilaroc, Tatiana Matis reconnaissait n'avoir jamais vu en chair et en os, ni même en image la championne de la ville. Elle fut quelque peu étonnée par le style, disons… Unique, de cette dernière : des pantalons blanc léger mais ample dotés chacun d'une seule ligne rose sur la longueur par-dessus de simple sandales en guise de chaussures, tandis que le haut consistait en une chemisette blanche déboutonnée qui laissait apparaitre une forme de débardeur bleu foncé et noir. Son visage, bien qu'elle ne pouvait le savoir, avait quand à lui bien peu changé depuis ces dernières années : toujours ce pansement qui lui recouvrait l'arête du nez, ses même yeux d'un quartz rose débordant de vitalité presque de la même couleur de ses cheveux ; en plus mates. En fait, sans compter le gain de taille en dizaines de centimètres de part les années écoulées ou l'absence de ses gants de combat, seule sa coupe de cheveux (plus longue par soucis de paraitre un peu plus féminine) avait changée.

Quand au jeune homme qui lui faisait face à ses côtés, elle comprit du premier coup d'œil pourquoi ce dernier avait provoqué un tel buzz parmi la communauté de dresseur de l'île : d'apparence toute simple et sobre par rapport à la championne, vêtu de pantalons noirs mates, d'une chemise rouge un peu foncé par-dessous un sweat-shirt bleu foncé ouvert, et chaussé normalement de basket gris granit et gris clair. Quand à son visage, elle pourrait bien le croiser dans la rue qu'il ne lui reviendrait certainement pas plus que celui de n'importe qui d'autre : des cheveux d'un noir brut ornant la tête d'un adolescent comme les autres… Si on exceptait le marron improbable de ses yeux qui échappait à toute tentative de catégorisation ; lui apparaissant aussi translucide qu'une opale mais également aussi mates que de l'onyx. Un paradoxe dont elle avait du mal à croire qu'il ne puisse pas porter des lentilles (mais quelles lentilles pourrait donner un tel effet ?) Il était aisé de comprendre comment tant de gens, et surtout de dresseurs ont crûs que la Ligue avait perdue la main en se basant uniquement sur l'apparence de celui qui les avait battu. Mais s'arrêter à ce seul critère pour juger de la puissance qu'il recelait s'avérait une erreur phénoménale dont aucun ne pouvait espérer la commettre sans en payer le prix fort ; pas après l'évènement de la zone de combat. Car derrière l'apparence tout à fait banale du jeune homme qui lui faisait face se trouvait être le dresseur le plus fort de toute l'archipel de Sinnoh.

A passer de ce dernier à la championne, par simple réflexe comparatif, elle devait se reconnaitre –malgré l'expérience de la politique- qu'elle avait bien du mal à admettre qu'il puisse bien être le maitre de l'île (ce qui était d'avantage une impression renforcée en le voyant dénué des pokéballs contenants son équipe, comme la demoiselle l'accompagnant ; par soucis de sécurité). Il était si «normal» par rapport à la championne que ça en paraissait anormal…

Eut-elle à peine pensée cela qu'une pensée à l'idée du projet traversa son esprit en une fraction de seconde. Mais elle chassa cette dernière aussi prestement qu'elle était apparu, plus accaparée par celle déjà plus concrète concernant son autre «affaire en cours», et n'avait ni le temps, ni les moyens, ni l'esprit à consacrer à cette théorie. Pour l'instant.


«Pardonnez mon manque de politesse, et laissez-moi nous présenter plus formellement.» Reprit poliment ce dernier. «Lucas Cloud, Maitre de la Ligue Pokémon de Sinnoh. Et voici Miléna Tasif, championne d'arène de Voilaroc.»


La championne fit un petit geste de tête sommaire pour saluer la jeune femme derrière le bureau ; dont les manières timides trahissaient sans mal son malaise à devoir se trouver en sa présence. Du point de vue de la Ligue, disant en être mandatés tout deux officiellement, cela paraissait évident qu'il faille à la championne devoir être présente puisqu'il s'agissait de sa ville. Mais d'un autre côté elle pouvait comprendre ce que cette jeune championne pouvait ressentir : entre se trouver dans l'arène du combat, direct et clair, et devoir se retrouver dans celle de la politique, avec ses trop nombreuse manières et voies détournées, cela revenait pratiquement à devoir demander à un oiseau de se mettre d'un coup à abandonner l'idée de voler dans les airs pour se mettre à nager dans l'eau.


«Excusez-moi, madame.» Demanda justement cette dernière en levant timidement la main pour requérir son attention.

«Oui ?» Lui rendait-elle doucement en espérant la mettre plus à son aise.

«Est-ce que vous pouvez demander à la personne qui se cache derrière la porte de bien vouloir sortir de lui-même, s'il vous plait ? Parce que je me sens mal à l'aise à l'idée de me faire espionner dans mon dos.»


L'assistante fut stupéfaite devant la perceptivité de la championne qui avait repérer son garde du corps sans même l'avoir cherché du regard depuis qu'ils étaient entrés, et resta interdite en comprenant qu'il ne s'agissait pas d'une timidité, mais d'une gêne de méfiance. Pourtant elle l'avait vu et entendu à l'œuvre devant lui, et garantissait qu'il fut bien furtif. Cela ne l'avait pas empêchée de le découvrir comme si elle savait depuis avant même qu'ils n'entrent qu'il se trouvait là. Quand à son garde du corps, comprenant que cela ne servait à rien de continuer de se cacher, il prit la poignée de l'autre côté de la porte derrière il se cachait pour venir la fermer calmement.


«Pas de doute, vous êtes bien la championne de la ville.» Releva-t-il sur le ton du bon joueur reconnaissant sa défaite lors d'une partie. «Mais je reste étonné : comment avez-vous devinée que j'étais là ? J'ai pourtant l'impression d'avoir été parfaitement silencieux.»

«C'est vrai, je ne vous ai pas entendu avant que vous ne preniez la poignée de la porte.» Admit-elle en se tournant pour lui faire face. «Je vous ai perçut à vôtre respiration.»


L'homme resta incrédule de part l'aspect contradictoire de sa réponse. Si elle reconnaissait ne pas l'avoir entendu, comment pouvait-elle «percevoir» sa respiration ; qui devait être bien moins audible que ses gestes.


«Ma respiration ?» Releva-t-il d'une note curieuse.

«Disons plutôt à la tension de vôtre respiration.» Se corrigea-t-elle en passant de lui à l'assistante. «A la manière dont quelqu'un respire, on peut savoir s'il est soumis à une certaine tension ou non et déduire de quoi doit venir cette tension. Vôtre respiration était calme et mesurée pour être la moins perceptible possible, contrairement à celle de la gouvernante qui reste plus détendue.»

«Si j'étais moins perceptible, alors comment m'avoir aussi facilement trouvé ?»

«Parce que dans cette ambassade, depuis le moment où j'y suis entrée, tous les gardes du corps que j'ai croisé conservait cette même discipline de respiration. Seulement cette discipline de respiration, bien qu'elle soit silencieuse et efficace, n'en reste pas moins artificielle ; ça n'est pas celle naturelle avec laquelle vous vivez habituellement.» Précisa-t-elle posément. «Pour résumer la chose plus clairement, comparés à toutes les personnes travaillant habituellement dans l'ambassade, vous autres, garde du corps, tenez à garder une distance avec les lieux là où les gens, comme la gouvernante, s'y trouvent quelque part comme chez eux. Ironiquement la tension silencieuse de vôtre respiration est plus perceptible que la sienne.»

«Si je comprends bien : plus on veut se faire discret et plus facilement on se fait repérer, c'est ça ?»

«Tout juste.» Reprit le maitre d'un petit sourire sarcastique. «On se méfiera nettement moins du mec de routine qui fait le café tous les matins que du garde du corps qui vient tout juste d'arriver, avec son costume-cravate trois pièces et lunettes noires à l'apparence d'armoire à glace.»

«Je ne porte pas de cravate.» Répliqua-t-il faussement outré.


La remarque fit rigoler le jeune homme qui s'attendait plutôt à le voir prendre neutralement, ou carrément malla remarque, mais fut agréablement surprit d'y trouver à la place un sens de la répartie qui n'était pas dénué d'un certain humour.


«En voilà un plus vivant qu'à rien à voir avec les autres.» Releva-t-il en se tournant vers la championne. «Bravo, Mélina, pour l'avoir repéré aussi facilement. J'avais un doute sur une tierce personne, mais toi ça été direct du premier coup.»

«Privilège des spécialistes sur les généralistes.» Rendit-elle d'un petit clin d'œil. «Faut pas croire que ça a que des désavantages à s'orienter sur un seul type de pokémon ; même si on est moins polyvalents.»

«Soit.» Reprit la jeune femme pour remettre la conversation sur les bons rails. «Mademoiselle Tasif, Monsieur Cloud : que me vaut l'honneur de vôtre venue ? M'informer de l'intégrité compétente de la sécurité de part vôtre expertise est appréciable, mais je doute que vous ayez fait tout le trajet depuis la Ligue juste pour ça.»

Les petits sourires et l'expression détendue de leurs visages laissa automatiquement place à une expression plus sérieuse, tandis que Louka reprenait la parole.

«Non c'est vrai, nous ne sommes pas ici pour passer un simple coucou de circonstance.» Déclara-t-il platement. «Et puisqu'on en est là, autant en venir directement aux faits…»


------------


Au même moment, à quelques centaines de mètres de là. Sur la terrasse d'un petit café-restaurant donnant vue sur l'ambassade. Deux hommes discutaient tranquillement autour d'un expresso tandis qu'ils s'accordaient une «pause» dans leur ronde. Car malgré leur apparence de civile (qui étaient normalement celles qu'ils arboraient en dehors des heures de services de leurs anciens boulots, mais qui désormais étaient celles par défaut de leur nouvel «emploi» pour se fondre facilement dans la foule) ils étaient en plein exercice de leurs fonctions. Avec les deux autres membres de leur équipe qui n'étaient pas présents, avec qui ils composaient le groupe chargé de l'investigation à Voilaroc, ils maintenaient une forme de surveillance extérieure du bâtiment en l'attente de nouvelles instructions.

Mais l'attente était longue, et l'inaction que cela représentait pour eux érodait bien plus efficacement leurs sens alerte que le manque de sommeil auquel ils étaient habitués.


«Ce que c'est long…» Finit par lâcher le premier d'un gros soupir. «Quand est-ce qu'on aura le droit à une nouvelle affectation ? C'est pas en restant ici à se tourner le pouces que l'on va faire avancer les choses.»

«Ou peut-être que si.» Releva calmement son partenaire en finissant sa tasse de café. «Nous ne serions pas là à nous «tourner les pouces» si ça n'avait pas été jugé nécessaire.»

«Je sais… M'enfin, j'ai quand même des réticences à l'admettre.» Rendit-il plus posément. «Réponds-moi franchement, même si ça vient de la patronne en personne : tu crois vraiment qu'il y'ait des chances qu'«elle» puisse se pointer à Voilaroc ? Après si peu de temps ?»

L'autre homme reposa sa tasse sur la table d'un air pensif.

«Ce que je crois, c'est qu'elle ne nous aurait sans doute pas mobilisé si elle n'avait pas de sérieuses appréhensions sur le sujet. De même, malgré la rancœur qu'elle puisse lui éprouver, qu'elle ne fasse passer ses ressentiments personnels par delà son devoir.» Il s'arrêta un instant pour interpeler au loin une serveuse pour l'addition. «Aussi je ne crois pas que nôtre présence ici soit le fait d'un caprice ou d'une erreur de jugement : la patronne pense qu'«elle» puisse venir finir le boulot, et nous a réaffectés dans Voilaroc pour s'assurer que cela ne soit pas le cas.»


L'autre ne répondit pas tout de suite dans la continuité de la discussion alors que la serveuse vint leur apporter la note qui s'afficha sur une petite fiche holographique, auquel l'homme l'ayant interpelé sortit l'argent en liquide en le déposant sur la table ; dont la somme était légèrement plus importante que celle indiquée par la note. Puis se levèrent pour partir en laissant le surplus comme pourboire à l'attention de cette dernière pour la remercier de son service très appréciable, auquel elle rendit un sourire plus qu'agréable.


«Je suis d'accord pour reconnaitre qu'elle n'est pas le genre de personne à agir sur un coup de tête, rien qu'en me basant à la première impression qu'elle m'ait faite lors de la fondation.» Reprit-il alors qu'ils marchaient dans la rue en direction de leur avant poste dans la ville. «Je veux dire, qu'en se basant sur son expérience et ses déductions, elle nous a affectée à une sorte de rôle de surveillance dans l'une des plus grosses ville, si ce n'est la seconde plus grande ville de l'île ; parce que pour elle la mort du gouverneur n'est pas l'œuvre des teams ou d'une autre organisation, mais de nôtre objectif. Mais qu'est-ce qu'on est réellement sensé faire ?»

«Comme tu l'as dit : de la surveillance.» Lui répondit-il sans plus de conviction.

«Arrête une seconde ; même toi tu crois pas à ce que tu dis ou ce qu'on fait.» Lui renvoya-t-il quelque peu blasé.

«Parce que toi tu n'y crois pas ?» Répliqua-t-il plus durement en le regardant directement. «Tu crois que ce qu'on fait n'a pas de sens, que c'est inutile ?»

«Ne détourne pas mes propos. Je n'ai pas dis ça.» Renvoya-t-il plus fédérateur. «Je crois en nôtre but et en la valeur de nos convictions, mais on ne les mènera jamais à bien si nôtre seule option est de se contenter d'attendre en jouant les observateurs pour une évènement qui n'arrivera sans doute pas. Hors là c'est exactement ce qu'on fait en ne se contentant qu'à littéralement tourner en rond autour de cette ambassade depuis ces derniers jours, à continuellement surveiller tous les points d'observation les plus prometteurs qui servirait à établir une forme de plan d'attaque pour un éventuel agresseur. Mais comment peux-ton suspecter une personne plus qu'une autre à ces endroits continuellement bourrés de monde quand on sait «qui» on poursuit ? C'est juste une perte de temps ; et c'est un constat, pas une jérémiade.»


L'autre homme ne répondit pas. D'une part parce qu'il partageait son point de vue, de l'autre parce qu'il n'y avait rien à rajouter. Car ce qu'il disait était vrai : sans compter son centre commercial et son casino qui attiraient à eux seuls des milliers de personnes d'autres villes chaque jour, Voilaroc restait facilement la seconde ville la plus peuplée de Sinnoh après Unionpolis ; rien que de chercher une personne dans cette ville revenait à chercher une aiguille dans une botte de foin. Mais eux ne savaient même pas qui, précisément, chercher. De surcroit, en ayant consulté le rapport sur l'évènement tragique de la villa, si cela était bien l'œuvre de celle qu'ils voulaient arrêter, ça revenait pour eux à chasser une ombre capable de s'occuper seule d'une armée et disparaitre sans laisser la moindre trace. Comment pouvaient-ils espérer attraper une ombre aussi implacable et invisible rien qu'en tournant en rond ? Même alors qu'il leur avait été récemment informé que la Ligue allait parlementer avec sa potentielle prochaine victime, dont les négociations étaient menée en ce moment même par ni plus ni moins que le maitre et la championne de la ville en personne, comment étaient-ils sensés agir alors qu'ils se devaient en même temps de rester invisibles pour le public et les forces de l'ordre –qu'ils devaient considérer comme alliés, sans pouvoir autant les aider ouvertement ?

Mais alors qu'il réfléchissait à ce point en étant plongé dans ses pensée, il ne fit plus vraiment attention à sa marche et, bien que son partenaire ne tenta de l'avertir (trop tard), finit par percuter une autre personne dans la rue ; qui tomba à la renverse sur le trottoir en poussant un petit cri de surprise.

--------

Regrettant que sa réflexion ait menée au manque d'attention responsable de cette altercation brutale, il fut d'avantage gêné encore quand il comprit qu'il avait fait chuté une jeune femme lorsqu'il vit sa longue chevelure noire mate qui voilait en partie son visage, et aussi nouée en partie en queue de cheval à l'arrière par-dessous sa casquette blanche au sigle d'une pokéball sur le devant.


«Est-ce que vous allez bien ?» S'enquit-il désolé en aidant la demoiselle à se relever.

«Oui… Veuillez me pardonner, je ne vous avais pas vu.»

L'homme fut étonné que la demoiselle s'excuse alors qu'ils savaient bien que c'était lui qui lui était rentré dedans. Mais il fût d'avantage surprit en voyant qu'elle fermait les yeux volontairement.

«Excusez-moi encore, mais pourriez-vous m'aider à chercher mes lunettes ?» Reprit-elle gênée. «Je crois qu'elles sont tombées par là, mais je ne peux pas les retrouver toute seule. Est-ce que vous pourriez m'aider, s'il vous plait ?»


Evidemment ; il ne pouvait décemment pas refuser. Leur recherche fut l'affaire de quelques secondes alors que son collègue ramassait déjà les lunettes en question pour les rendre à la demoiselle, qui les prit d'un air rassuré pour les mettre devant ses yeux. L'homme fut prit d'un profond malaise en voyant qu'elles étaient complètement teintées d'une couleur très sombre, à l'image de celles que portaient les aveugles. Mais ce malaise se dissipa assez rapidement alors qu'il constatait qu'elle n'était pas équipée d'une canne pour l'aider à se diriger (ce qui ne l'empêchait pas d'éprouver du remords d'avoir été si négligent.)


«Merci beaucoup.» Reprit cette dernière en les remettants à leur place sur son nez. «Excusez-moi encore pour vous avoir rentré dedans.»

«C'est à moi de m'excuser.» Répliqua-t-il d'un ton navré. «C'est moi qui vous ai rentré dedans et qui vous ai fait tomber par mon inattention.»

«Ah bon ?» Releva-t-elle d'une réelle forme d'étonnement. «Mais je m'excuse quand même de ne pas vous avoir évité.»

Elle s'inclina légèrement pour souligner le regret de son inattention.

«Peut-être y verriez-vous mieux avec des lunettes un peu moins sombres.» Releva poliment son collègue.

«J'aimerais bien. Mais j'ai une mauvaise vue qui m'empêche de supporter la lumière en journée, même en jour nuageux.» Rendit-elle d'un petit sourire triste. «Je ne peux pas sortir sans ces lunettes si je ne veux pas risquer d'évoluer à l'aveugle dans les rues.»


L'amer sentiment de malaise s'empara de nouveau de celui qui lui était rentré dedans en comprenant pourquoi elle ne l'avait pas évitée de son côté. Elle n'était pas aveugle, mais d'après ce qu'il comprenait ce n'était pas loin ; contrairement à ce qu'elle prétendait, même si elle l'avait voulu elle n'aurait pas pu l'éviter.


«Ecoutez, ça n'était pas à vous de m'excuser. Mais à moi.» Etablit-il clairement. «J'étais absorbé dans mes pensées sans regarder où j'allais, et résultat je vous ai rentré dedans. Je vous prie alors de bien vouloir accepter mes excuses les plus sincères.»

«Et bien… Je vous remercie.» Rendit-elle d'un petit sourire gêné. «J'aurais une autre question : pourriez-vous m'indiquer où se situe le centre commercial ? Bien qu'il soit fameux et que tout le monde doit le connaitre, c'est la première fois que je viens à Voilaroc et je me sens un peu perdue ; même avec le plan.»

«Bien sûr…»

Après quelques explications sommaires à lui indiquer quelle direction prendre, la demoiselle remercia sincèrement les deux hommes pour leur sollicitude à son égard. Puis elle prit congé d'eux dans la direction indiquée en leur souhaitant la bonne journée.

----

Quand cette dernière se trouva hors de vue une fois qu'elle se fondit dans la masse, les deux compères retournèrent à leur marche en essayant d'oublier tant bien que mal cette dernière altercation peu reluisante. Cela s'avérait remarquablement difficile. D'une part le fait que c'était le seul moment «fort» qui leur était arrivé depuis le début de leur surveillance. Et de l'autre…


«Elle était plutôt mignonne, non ?»


Son collègue ne put qu'acquiescer faiblement de la tête. Même avec cette casquette et ses lunettes noires, en plus de ses cheveux qui cachaient en partie son visage, le peu qu'ils en avaient vu valait vraiment le coup d'œil ; ce qui le faisait d'avantage s'en vouloir pour l'avoir bousculée aussi maladroitement.


«J'ai vraiment jamais de pot avec les femmes. Et c'est pas le changement de profession qui va m'aider à changer ça.» Finit-il par relever d'une pointe d'humour.

«L'espoir fait vivre.» Lui renvoya-t-il d'un petit rire, avant de s'arrêter un instant pour se tourner dans la direction où était partie la demoiselle. «N'empêche, j'aurais bien aimé voir ses yeux.»


Son collègue émit un petit rire en lui concédant lui aussi se point. Ils discutaient sérieusement à propos d'un tueur, et voilà désormais qu'ils discutaient femme après en avoir rencontré une charmante par inadvertance. Cela lui fit d'ailleurs réfléchir à un point : ils ne savaient même pas si l'objectif qu'ils chassaient était un homme ou une femme. Il soupira en se rendant compte à quel point ils étaient dans le vent ; surtout lui à venir à en arriver à cette conclusion après avoir bousculé la jeune femme. L'inactivité de leur routine lui pesait tellement qu'il en venait à s'inventer toutes les théories possibles et imaginables pour occuper son esprit. Mais là fallait admettre qu'il faisait fort : faire le rapprochement entre un tueur à gage mortellement talentueux et une pauvre touriste paumée qui n'arrive même pas à voir à dix mètres sans des lunettes paussi teintées que les vitres d'une limousine blindée…

Il se prit à rigoler de nouveau d'autodérision en repensant à l'ironie de leur situation : ils vagabondaient presque littéralement dans la rue sans réel plan d'action contre celui ou celle qu'ils traquaient, tout en se disant qu'il ou elle pouvait très bien passer à côté d'eux sans même qu'il ne s'en doute un instant. C'était risible au point qu'il était impossible de ne pas en rire. Car en fait, en regardant bien la manière dont leur «plan» apparaissait, ils attendaient tout bêtement qu'en fait le tueur face le premier pas en espérant être là quand ça arrivera, pour lui tomber ensuite dessus sans qu'il s'y attende… Mais en attendant, tout ce qu'ils faisaient consistait à se balader dans les rues. La seule autre possibilité qu'ils avaient que cette routine infernale se finisse serait qu'il puisse se montrer juste devant eux en un claquement de doigt. Mais là ça confinait au plus pure délire hallucinatoire.

Bien sûr que l'espoir fait vivre. Mais espérer tomber sur la Faucheuse dans la rue, comme ça. C'était le parfait exemple de la barrière qui séparait l'idéal de la réalité.


------------


Quelques dizaines de minutes plus tard. Du côté du centre commercial ; depuis le toit du dernier étage. Cette dernière s'y retrouvait justement pour la seconde fois dans l'intention d'achever le repérage de l'intégralité du périmètre de l'ambassade. Cela faisait déjà deux jours qu'elle avait repérer tous les points d'accès, possibilités de planques pour elle ou d'éventuels gêneurs de la sécurité agissants comme une cellule de surveillance à l'extérieur du périmètre, et les avait tous marqués à l'aide de la baie Parma (en déposant sur les vêtements de ceux qu'elle suspectait d'être de potentiels gêneurs) une fine pellicule de son zeste inodore pour eux, mais parfaitement perceptible pour son pokématos.

Surveiller le surveillant ; un paradoxe aussi ironique que vital. Surtout concernant sa cible, qui lui interdisait la moindre marge d'erreur possible, et auquel elle devait se maintenir un rôle parfait de touriste cruche et déficiente visuellement pour que personne ne puisse une seconde suspecter sa vraie nature (s'inventer une identité avec une personnalité et s'y tenir à la ligne de script près en guise de couverture, et mettre en application son caractère en rentrant «malencontreusement» dans des gens dans la rue à la vue de tous pour consolider ce rôle ; personne ne soupçonne quelqu'un qui attire malgré elle l'attention qu'elle soit autre chose qu'une pauvre petite idiote.) Ces «contraintes» de caractère lui étaient d'autant plus nécessaires qu'il lui fallait mener une forme de repérage des plus minutieuses concernant l'ambassade…

--------

Matis s'était isolé dans sa villa ; même avec la sécurité il y'avait beaucoup trop d'angle d'approche pour qu'elle ne puisse pas l'éliminer sans se faire remarquer. Mais l'ambassade à Voilaroc relevait d'une totale autre paire de manche : c'était pratiquement une vraie forteresse. Construite sur l'une des petites collines de roches caractéristiques de Voilaroc, l'ambassade trônait dessus à l'image du «Roc» en modèle réduit : l'entrée principale consistait en un énorme portail à barreau en acier dont le double accès principal était réservé aux voitures, là où il se trouvait aussi deux accès plus petits de chaque côté pour les piétons. Un barrage réellement impressionnant gardait d'ailleurs ces derniers : quatre petites cabine de douane de chaque côté de la porte, en interne et externe, qui surveillait le trafic entrant et sortant ; des barrières métalliques rouge et blanche au motif enroulé qui interdisait le passage à l'importun, et dont l'apparente fragilité masquait parfaitement sa résistance à pouvoir encaisser la charge d'un Tauros enragé de plein fouet ; quand ce n'était pas la vingtaine de petits pylônes rétractibles encastrés dans le sol qui pouvaient sortir en à peine quelques secondes pour bloquer l'accès principal (ce qui, avec l'apparence de couloir que donnait le seul accès «publique» à l'ambassade, transformait cela en un piège fatal, dont même la finesse d'un vélo ou la robustesse d'un char d'assaut ne pouvait permettre d'en réchapper.)

Mais si le barrage paraissait déjà impressionnant, rien ne disait que les moyens de sécurité s'arrêtaient là ; ce que la suite de ses observations démontrait. Une fois la double porte passée et le barrage de sécurité laissé derrière, l'ascension –au sens littéral du terme- pouvait débuter : l'accès de route pour les voitures consistait tout bêtement en une pente raide à la forme d'un escalier à une marche ; si raide qu'aucune voiture normale ne pouvait espérer la monter sans avoir prit un sérieux élan avant et d'appuyer à fond sur le champignon. Mais tout était prévu. Quelques mètres avant la pente en elle-même débutait une sorte de double ligne sombre au reflet de chaine : les voitures avançaient sur les lignes dans lesquelles les roues de tout modèle s'encastraient et, en fonction du type et du poids du véhicule, des accroches métalliques à l'apparence de crocs en sortaient et agrippaient fermement chacune des roues du véhicule par derrière les supports de ces dernières, et permettait ainsi au véhicule d'entamer sereinement sa lente ascension vers le sommet. Quand aux piétons, un long escalier était disposé de chaque côté de la route intérieure à leur attention. Mais le chemin était si long que tout le monde, qu'il soit habitué ou nouveau venu, choisissait toujours de prendre le long tapis/escalator qui s'y trouvait.

Dans cette pente la sécurité était la plus minime, d'un point de vue ressources humaine. Mais du point de vue pragmatique et logistique, c'était le plus redoutable de tous. L'ambassade se situant au sommet de la colline, à plusieurs dizaines de mètres du sol, avec un double-grillage qui rendait toute tentative d'escalade vouée à l'échec (sans compter que le périmètre était purement et simplement saturé de caméras et détecteurs en tout genre.) Le seul accès public consistait dont en une sorte de mini-canyon dépourvu de tout angle saillant pouvant éventuellement permettre une escalade interne, qui se transformait en le plus efficace piège possible pour celui qui avait le malheur de se trouver là au mauvais moment ; étant conçus pour que même un contingent léger de quelques dizaines d'hommes de chaque côtés de ce «canyon» puissent tenir l'équivalent de centaines d'agresseurs en respect avec un avantage monstrueux. (Et puisque la raideur de la pente interdisait physiquement tout bêtement à n'importe véhicule non autorisé à évoluer librement en ces lieux, toute tentative d'approche rapide et blindé était à proscrire.)

Rien que l'entrée soulignait à quel point la sécurité n'était pas un sujet traité à la légère, et où le Consortium péchait ses architectes pour ses bâtiments (les militaires on vraiment la côte depuis ces dernières années.) Mais si seulement cela s'arrêtait là… Parce qu'une fois le barrage de l'entrée et l'obstacle du canyon franchit : il restait encore l'entrée de l'ambassade. La forme du bâtiment en lui-même du dessus faisait penser à une molaire vue de profil, dont la racine constituait l'entrée : une forme de demi-lune aux angles saillants qui recouvrait toute la place d'accueil, qui consistait en une forme de rond point qui desservait sur un parking ouvert pour le public, et plusieurs accès en sous-sols du parking interne pour le privé. Si on postait un garde armé à chaque fenêtre de la vaste entrée en demi-lune, sans compter le toit, on se mangerait le plus terrible déluge de feu croisé qu'il soit, sans aucun autre couvert -très relatif- que celui des voitures (voitures qui de toute manière ne devraient pas se trouver là vu que la pente devait en interdire la présence pour l'éventuel agresseur.)

Voyant les choses sous cet angle, même un vétéran en arriverait à la conclusion que les meilleures chances d'approche consisteraient à un assaut aérien. Cela se révèlerait au contraire la pire décision à prendre : tout l'espace aérien juste au dessus de l'ambassade est recouvert d'un dôme de toile de Migalos et d'autres pokémons insectes ; si fine qu'elle n'apparait à la vue que les jours de neige quand cette dernière s'accroche dessus, mais tellement résistante que même balancer un Wailord de toute force dedans avec l'équivalent en poids de dix de ses congénères ne pourrait la faire céder.

L'aérien et le terrestre étant à proscrire, il reste alors l'approche souterraine. Encore une mauvaise idée, bien que déjà plus «accessible» : toute l'ambassade tient sur une colline, dans laquelle n'importe quel pokémon sol digne de ce nom pouvait creuser sans réelle difficulté. Le problème tenait au fait que des détecteurs sismiques de très haute précision étaient reliés directement au centre de sécurité, et qu'ils déclenchaient l'alerte à ce qui se révèlerait être la moindre tentative d'incursion de la part d'un agresseur.

En passant outre toute cette difficulté, il restait encore l'intérieur de l'ambassade. Si le côté public et administratif de cette dernière rendait la progression très aisée pour les visiteurs et les employés, les plans qu'elle acquit au prix fort sur le marché noir lui révélaient que la face cachée des souterrains consistaient en une forme pure et simple de labyrinthe qui desservaient pratiquement partout dans la bâtiment ; étant en fait bourré de nombreux passages secrets. Souterrain dans lequel se trouvait aussi une masse monstrueuse de caméras équipées de micros très performants ; un moustique viendrait y lâcher un pet qu'il serait instantanément repéré par la sécurité… Et que cette dernière rappliquerait avec des dizaines de gardes qui représentaient à peine l'effectif de la deux-centaines d'autres gardes qui gardaient de part et d'autre le bâtiment…

Et, comble de «malchance», le bureau du gouverneur, grâce en plus à la colline, se trouvait trop haut pour pouvoir faire l'usage d'une arme de précision sans une position embusquée plus surélevée, autre que l'un des très rares bâtiments qui lui permettrait d'en réussir le tir en employant tout son savoir-faire ; dont faisait notamment partie le centre-commercial où elle se trouvait, de part l'inégalable point de vue qu'il offrait sur le bureau en question (sans compter le dôme de toile qui absorberait, pour ne pas dire stopperait net le projectile sans qu'il n'ait pu accomplir quoique ce soit d'autre que d'indiquer sa position, et qu'elle ne pouvait pas se servir de l'Astartes vu qu'il subissait la mise à jour de la SCS comme le reste de son matériel.)

C'était vrai ce qu'il se disait dans l'underworld par le DevilBite. De part son incroyable architecture de forteresse, l'ambassade méritait bien son nom de «mini-Roc». Réputation amplement méritée…

Elle lui revenait de la lui retirer.

Heureusement pour elle, malgré la difficulté que représentaient l'épreuve et le génie qu'il fallait mettre en œuvre pour la réussir avec tellement de contraintes, elle n'était pas totalement dépourvue de possibilité d'approche. Surtout qu'ils lui en donnaient une splendide sous la forme d'une faille de taille révélée dans les plans, dont ils n'imaginaient pas à quel point elle pouvait se révéler fatale. Et qui, ironiquement, aurait pu être évitée s'ils n'avaient pas mit que des architectes militaires sur le coup…

----

Comme pour souligner l'aspect pratique ses réflexions, elle prit ses jumelles pour les tourner plein Sud-est en suivant le tracé fixe d'une ligne imaginaire qui partait de l'ambassade jusqu'à un point inconnu… Jusqu'à ce qu'elle s'arrête machinalement sur l'un des multiples canaux de la rivière en amont de la ville, qui traversait cette dernière en s'écoulant dans la mer… Et d'où elle repérait sa meilleure porte d'entrée et de sortie.

Mais chaque chose en son temps. En premier : récupérer le sac avec lequel elle était arrivée et qu'elle avait rangé dans l'une de ses planques de la ville ; et dans lequel se trouvait sa première tenue avec laquelle elle avait mené ses assassinats depuis ses débuts. Ainsi que tout le nécessaire pour mener à bien son opération, et qui donnerait tout son sens au terme «one man army».

S'en prendre à cette forteresse n'allait pas être une partie de plaisir. Mais d'un autre côté, elle n'avait pas le choix : soit la prochaine gouvernante mourrait, soit c'était elle. Ici, il n'était question d'aucun jugement, d'aucune justice, d'aucune pulsion décidée par un avis ou une envie quelconque ; comme la haine, la jalousie, la peur ou simplement l'envie tout court. La seule règle qui s'appliquait était la même que celle qui régnait depuis la nuit des temps : tuer, ou être tué. Elle devait tuer pour assurer sa survie, sans que personne ne voie son visage pour que continue d'exister sa vie en tant que simple humaine.

----

Arrivant à la conclusion qu'il n'y avait rien de plus à voir qu'elle ne sache déjà, et que le temps jouait déjà contre elle. Elle délaissa donc les jumelles entre ses mains pour se mettre à réajuster sa casquette et redresser les lunettes sur son nez, dans une attitude parfaitement normale de citoyenne touriste comme les autres à la vue des autres personnes présentes sur le toit avec elle (et dont ils ne devaient sans doute n'avoir rien à faire, mais auxquels elle ne prenait jamais le risque de délaisser les rôles qu'elle se prenait un seul instant jusqu'à ce qu'ils aient accomplit leurs vocations.) Puis elle prit la direction des escalators pour redescendre les multiples étages qui la séparait de la sortie, en vue de se préparer et se rendre à son ultime présentation.


------------


Quelques minutes plus tard. Proche de la sortie de l'ambassade en prenant le long tapis escalator qui la reliait au bâtiment principal. Les deux dresseurs venus parlementer avec la gouvernante selon les termes de la Ligue avaient gardés le silence tout le long depuis la fin de l'entretien, pour éviter que leur conversation d'ordre privé puisse être perçue par le système de sécurité interne de l'ambassade. Mais maintenant qu'ils étaient dehors, dans l'espèce de cuvette en forme de canyon qui faisait toujours une forte impression aux visiteurs, à bonne distance de tout gêneur qui pourrait écouter leur conversation, les langues se mirent à se délier.


«Qu'est-ce qu'on fait maintenant, Louka ?» Commença la championne en se tenant la tête de ses deux mains par l'arrière. «Lui demander de renoncer à l'élection de gouvernante pour prendre la place de son père partait d'une bonne intention pour prévenir une tentative de la part des teams ou du Consortium de s'en prendre à elle, en la craignant sur le point de la politique. Mais fallait bien se douter qu'elle n'allait pas se débiner aussi facilement.»

Son interlocuteur ne répondit pas, comme plongé dans ses pensées. Mais elle enchaina sans attendre une réaction de sa part.

«Et puis comment tu voulais qu'on puisse la convaincre en affirmant qu'elle risque un danger réel de là où elle se trouve ?» Fit-elle en inclinant la tête pour souligner qu'elle indiquait l'ambassade. «Je suis championne d'arène, et j'y connais pas grand-chose en matière de sécurité militaire. Mais même moi je sais reconnaitre une place forte quand j'en vois une ; surtout dans ma ville. Même si je m'y mettais avec tous mes dresseurs et nos pokémons au meilleur de leur forme, je n'arriverais même pas à passer l'entrée sans risquer de me faire canarder de tous les côtés. Franchement elle ne risque rien tant qu'elle reste ici.»

Cette fois-ci elle s'attendit à une réponse de sa part, ou une réaction quelconque. Mais il semblait toujours plongé profondément dans ses pensées.

«Louka ? Dis tu m'écoutes ?»

«Mélina, avec tes aptitudes à déterminer la tension des gens rien qu'à la respiration, tu as pensée quoi de la gouvernante ?»

La réplique prit la championne par défaut, qui le fit savoir d'une petite mine vexée à l'idée qu'il ne l'ait pas écouté un instant. Mais il conserva une attitude parfaitement calme en retour.

«Je t'ai bien entendu. Mais il faut que tu me répondes ; c'est très important.» Rendit-il d'un air sérieux. «Pour toi, est-ce que l'attitude de Matis te paraissait inhabituelle ou déplacée durant l'entretient ?»


Seul le vrombissement discret des mécanismes de l'escalator étaient perçus en retour, alors que la championne tourna un instant la tête pour réfléchir à la question et trouver les bons termes à employer pour lui répondre en toute honnêteté.


«Honnêtement, je ne sais pas quoi penser d'elle. Au départ c'était son garde du corps qui était tendu et elle détendue. Mais au fur et à mesure que la discussion avançait, ce fut elle qui devint de plus en plus tendue.» Finit-elle par répondre en baissant ses bras. «Au départ je me disais que c'était normal vu qu'on abordait des sujets plutôt sensibles ; que sa réaction était logique vu que, y comprit pour moi, on arrivait quand même un peu avec nos gros sabots à croire réussir la convaincre avec des arguments si… Vagues.»

«Moi aussi, ne t'inquiète pas.» Lui rendit-il d'un petit rire pour détendre l'atmosphère. «J'aurais été à sa place, bien à l'abri derrière les murs de cette forteresse, avec des centaines de gardes armés jusqu'aux dents pour me défendre et un système de sécurité aussi blindé que le sien, que si d'un coup je voyais deux gamins venir pour me prévenir d'un danger qui nécessiterait que je démissionne : moi aussi je croirais à une véritable farce, mais je ne serais pas sûr du tout de l'apprécier.»

«Ne joue pas aux imbéciles avec moi.» Le reprit-elle d'une note de contrariété. «Si tu me pose la question c'est que toi aussi tu as senti qu'il y'avait un truc d'anormal dans sa réaction.»

Le sourire disparut de son visage alors qu'il reconnaissait la justesse de ses déductions.

«Ouais, y'a un truc qui m'a vraiment fait tilter dans la discussion.» Reprit-il plus sérieusement. «Je veux dire, en résumant grossièrement, on vient pour demander à la fille du gouverneur mort d'abandonner sa carrière et le rêve de son père un temps en se cachant, le temps que l'on se charge des teams qu'on croyait avoir évincé depuis des années. Normalement je me serais attendu à ce qu'elle nous sorte nos quatre vérités avec une réplique bien acerbe pour nous remettre à notre place ; je m'y étais même préparé. Mais en fait…»

«En fait, c'était comme si on lui parlait de quelque chose dont elle avait parfaitement connaissance, mais auquel elle était aussi parfaitement surprise.» Termina-t-elle dans la continuité.

Il acquiesça d'un geste de tête.

«Et c'est pas arrivé lentement. L'irritation aurait dû la gagner progressivement, mais elle m'a paru changer d'attitude presque d'un coup quand on a abordé le sujet délicat.»

«Quand on a parlé de la théorie du tueur isolé.» Reprit-elle, et un nouveau signe d'acquiescement lui fut rendu par le maitre.

«Que cela puisse être le fait des teams est matériellement réaliste : ils ont les hommes, le matériel, les ressources, et même la possibilité d'avoir du personnel infiltré dans la sécurité. Mais le résultat fut que tout leur avait été directement imputé comme étant directement désignés comme responsables. Or les teams se passent bien volontiers de ce genre de publicité s'ils veulent recruter en passant pour les gentils aux yeux des gens.»

«C'est là que c'est surprenant. Aborder le sujet des teams ne l'avait pas étonnée le moins du monde. En fait elle semblait parfaitement s'y être attendue, sans que cela ne l'inquiète ou même la dérange un seul instant. Par contre quand on a abordé la possibilité qu'il s'agisse d'un tueur isolé, j'ai sentis sa respiration se tendre d'un coup. Puis elle a éludée le sujet pour passer rapidement à autre chose. Comme si de rien n'était…» Continua-t-elle plus mal à son aise. «Mais quand on a quitté son bureau, la dernière chose que j'ai cru sentir dans sa respiration... C'était de la peur.»


L'escalator lui interdisait l'image du geste. Mais s'ils avaient prit l'escalier pour marcher, elle était sûre qu'il se serait arrêté vu comment il l'a regardait ; un regard anxieux comme elle ne les aimait pas, mais qu'elle partageait en partie elle aussi.


«C'à voudrait dire qu'elle connaitrait la Faucheuse…» Conclut-il dans un souffle.

«De nom, je ne crois pas. Je ne verrais pas comment elle pourrait la connaitre.» Répliqua-t-elle platement. «Mais imagine qu'on lui ait envoyé une lettre de menace en prétendant que ce fut bel et bien l'œuvre d'un tueur isolé, et que si elle continuait de se montrer gênante elle pourrait finir comme son père ?»

«Mais pourquoi croirait-elle et craindrait-elle plus la théorie d'un assassin isolé que les teams, si elle ne le connaissait pas ? Vas-y, explique-moi.» Releva-t-il incrédule.

«Parce que les teams, même si on n'a pas réussit à s'en débarrasser, on leur a donné une bonne leçon sur toutes les îles où elles sévissaient ; y comprit dans le grand marais en ruinant tous leurs rêves de come-back flamboyant.» Répondit-elle en le soulignant du regard pour la première partie. «Donc logiquement, pour elle, il ne devrait pas y avoir grand-chose à craindre d'eux vu que pour l'instant on s'est bien chargé d'eux. Mais là, par contre, on se présente à elle avec une théorie plutôt «extravagante», si tu me permets l'expression, qu'il s'agirait d'une personne qui réussirait à abattre le boulot d'une armée entière –sans mauvais jeu de mot. C'à quoi il y'aurait de quoi rire si la Ligue n'avait pas de fortes présomptions, en envoyant une championne d'arène et le maitre en personne pour souligner l'importance de ses inquiétudes.»

«Si je suis ce que tu veux dire, tu crois qu'en gros elle ait reçu une menace lui expliquant en détail la mort de son père, en lui promettant la même chose si elle ne se retirait pas des élections, a laquelle, depuis son abri dans l'ambassade, elle y a rit comme d'une mauvaise blague sans y donner suite ou n'en être inquiété outre mesure. Mais qu'une fois que la Ligue, c'est-à-dire nous, venons pour lui confirmer de prendre très au sérieux cette menace, sans même savoir qu'elle en ait reçu une ; en sachant que son père s'est fait éliminer sous bonne garde et qu'elle ne peut pas rester éternellement à l'abri dans l'ambassade : d'un coup elle se met à réaliser que sa vie puisse être vraiment en danger. Mais ça ne l'empêche pas de nier volontairement le risque en continuant de viser les élections… ?» Il l'a regarda avec un air aussi suspicieux qu'il ne la prenait pas au sérieux. «Franchement, Mélina, je crois que tu regardes beaucoup trop de séries policières aux scénarios aussi douteux que compliqués.»

«C'est vrai que l'idée d'apprendre qu'une puissance égale à celle de l'univers a bien failli tomber entre les mains d'un fou à la tête d'une organisation criminelle tentaculaire, qui considère l'esprit et l'âme comme des concepts méprisants qu'il s'agit de réduire à néant, mais qui s'est fait battre, lui et toute sa clique de cosmonautes, par des enfants à peine adolescents, est en effet un scénario beaucoup plus réaliste.» Releva-t-elle d'une note de déni volontairement audible. «Surtout si on considère qu'il faille le multiplier par quatre en comptant les autres îles où ce même scénario fut presque répéter de manière semblable sur le principe de la domination mondiale…»

Un sourire crispé s'esquissa difficilement sur le visage du maitre pokémon ; dont l'envie et la notion de répartie lui furent presque d'un coup rendues étrangères.

«Touché… Coulé.» Concéda-t-il. «J'aurais dû me douter que j'y aurais droit à ce rappel.»

Elle lui rendit un sourire légèrement dépité.

«Je veux bien reconnaitre que mon explication peut être tirée par les cheveux… Mais dis-moi, entre nous, quand tu avais affronté la Team Galaxie, tu savais bien que t'étais à un contre mille et que c'était dangereux. Mais est-ce que ça t'avais empêché de continuer à te battre et à leur mettre des bâtons dans les roues ?»

«Non… Mais ça ne m'avait pas empêché d'avoir la trouille à chaque fois que je les affrontais ; la simple idée que de perdre un seul match pouvant venir à me faire voler mes pokémons m'empêchait même parfois de dormir la nuit.»

«Et elle, elle sait pertinemment qu'elle risque sa vie dans le milieu de la politique en se présentant. C'à ne veut pas dire qu'elle n'a pas peur à l'idée de risquer de se faire assassiner à chaque apparition publique.» Reprit-elle dans la continuation. « Au final, tout ce qu'on a peut-être bien réussi à faire serait de lui avoir d'avantage filé la frousse. C'est pas vraiment habile comme manière de négocier.»

«Je me rappelle que tu étais aussi présente lorsqu'on les a mené…»

«J'ai pas dis que j'avais été habile.» Renvoya-t-elle franchement. «Avec mes pieds ou dans un ring, oui je suis habile. Mais à négocier sérieusement avec une personnalité politique, y'a largement plus qualifiés que moi.»

«Comme qui ?» Répliqua-t-il d'un sourire soulignant clairement le sarcasme. «Tanguy avec son naturel flegme ? Flo avec son caractère un peu lunatique ? Ou peut-être Lovis en tenue de catch ?»

«Oui, bon là, forcément si tu les prends en comparaison ça ira pas très loin.» Répliqua-t-elle un peu sur le tas. «Mais prend Lucio, Terry, ou encore Kiméra ; pour eux ça ne serait même pas une formalité.»

«Le problème c'est qu'ils sont tous occupés, et qu'aucun d'eux n'est champion d'arène de Voilaroc.»Fit-il aimablement remarquer.

L'intéressée émit un gros soupir à la remarque, qu'elle ne prenait vraiment pas avec humour.

«Si j'avais su ce qui m'attendait lorsqu'on m'avait proposé de devenir championne d'arène, j'y aurais réfléchit à deux fois avant d'accepter…»

«Et encore, t'as pas idée de ce que c'est pour un maitre de Ligue.» Reprit-il sur le même ton. «Franchement, contrairement à ce qu'elle pourrait dire, Cynthia a fait une bonne affaire en me laissant sa place. Même si j'assume pas encore toutes les fonctions à cause de mon âge.»

«En parlant de ça, tu n'as toujours pas répondu à ma question.» Reprit-elle normalement. «Vu qu'elle a refusé de laisser tomber les élections. Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?»

--------

La question fut posée que le tapis mécanique les portait à la sortie en arrivant au terme de son cycle descendant. Ils étaient désormais trop proches de la sécurité pour continuer à aborder le sujet librement, mais cela lui donnait le bref répit nécessaire pour réfléchir à la question ; ce qui fut inutile. Car une fois passé le barrage de l'ambassade pour se retrouver dehors, en continuant sur des dizaines de mètres supplémentaires pour plus de prudence et «d'intimité», il n'avait toujours pas trouvé de solution convenable autre que le pitoyable seul plan «B» qu'ils avaient en tête si l'entretien échouait.


«Pas grand-chose, j'avoue.» Admit-il difficilement. «Les teams nous accaparent trop pour mobiliser des top-dresseurs directement affiliés à la Ligue ; auxquels de toute manière elle n'accordera aucune confiance. Sa sécurité est entre les mains de la police et celles de la sécurité privée du Consortium, de même qu'elle se trouve dans ce qui pourrait être considéré comme l'un des endroits les plus sûrs de Sinnoh. D'un certains point de vue, espérer l'assassiner tant qu'elle est ici relève de la pure folie ; mais d'un autre côté c'est exactement ce qu'il avait été dit avec son père dans sa villa des îles Oranges…» Il marqua une pause pour se tourner vers elle d'un air désolé. «Tout ce qu'on peut faire pour l'instant c'est de mettre un terme aux agissement des teams le plus vite possible, et prier qu'il ne lui arrive rien entre temps.»

«Et concernant «nos nouveaux membres» ?» Releva-t-elle à voix plus basse alors qu'ils arrivaient au barrage.

Cette fois-ci, son silence pensif ne dura que quelques instants.

«Je vais les recontacter pour leur faire état du déroulement de l'entretien, et insister comme je peux pour qu'ils envoient autant de leurs effectifs que possible ; même si ça parait exagéré. Ils ont une bien plus bonne marge de manœuvre que nous, ont déjà des agents en place dans la ville, et sont surtout les plus à même de réagir rapidement si elle se pointe comme on le soupçonne.» Répondit-il plus durement, avant de soupirer lamentablement. «Avec la réaction de Matis à l'évocation de ce tueur, et à la manière dont elle a éventée aussi rapidement la discussion à partir de cet instant… J'ai vraiment un sale pressentiment…»


Puis tout d'un coup, comme frapper d'illumination, il s'arrêta d'un coup en frappant dans la paume de sa main. La championne en fut d'avantage interpellée par son changement soudain d'attitude qu'il revint à ses côtés en affichant un visage confiant qui tranchait totalement avec celui presque déprimant qu'il arborait encore quelques secondes avant.


«Mélina, rappelle-moi, les élections exceptionnelles se tiendront bien d'ici trois jours ?»

Complètement prise au dépourvu, il fallu quelques instants à cette dernière de se reprendre pour lui répondre.

«Euh… Oui. Normalement l'élection à bien lieue dans trois jours, au congrès du Consortium dans le Parlement d'Unionpolis. C'est juste pour la formalité de procédure et elle devrait être légalement élue nouvelle gouvernante après ça.» Lui répondit-elle avec hésitation. «Pourquoi, qu'est-ce qui y'a ?»

----

Il ne lui répondit pas en retournant son attention sur sa pokémontre, emporté par son élan, puis d'en manipuler les quelques boutons de l'interface pour en activer les capacités «peu orthodoxes» par rapport aux autres montres vendues au public, et d'y voir s'afficher le nom de plusieurs contacts et du numéro de chacun associé à leur fréquence d'appel privé. Il se saisit ensuite du petit et discret micro-écouteur fournit avec cette dernière pour que la conversation reste privée (la championne fit de même en sortant le sien pour la relier à la communication), et appuya sur une touche virtuelle marquée d'un petit symbole de téléphone pour confirmer l'appel.

Presque comme s'il avaient attendus son appel, tous les contacts décrochèrent en même temps et leurs numéros affichés sur l'écran passèrent du gris au vert clair pour indiquer la connexion comme étant établie. Tous saluèrent brièvement d'une petite phrase propre à leur nature, et la qualité du son était telle qu'à l'écoute ils semblaient comme lui faire vraiment face. Il se prit à sourire en pensant à l'ancienne maitresse ; plus précisément à sa contribution en passant leur commande auprès de Drayfus, et de la véritable épreuve qu'elle ait due traversée pour qu'ils en profitent. (Il ne fallait pas non plus oublier la participation et les efforts fournis par celle qui l'avait accompagnée, et qui occupait une bonne partie d'un autre sujet de discussion. Mais cela attendra un autre jour.)


«Alors ? Comment c'est passé le passage par la case rond de cuir ?»

Louka releva sans aucune difficulté la note pleine de sarcasme du premier contact, qui portait le numéro lui correspondant parfaitement à son tempérament tête brulé : 321.

«C'est d'une personne en deuil et qui a calmée les tensions des îles, malgré le meurtre de son père, dont on parle. Tu pourrais lui témoigner le minimum de respect qu'elle mérite.» le rabroua-t-il calmement.

«Ok, ça veut dire que le plan «A» a foiré.»Renvoya-t-il goguenard. «J'ai parlé de rond de cuir, pas quel rond de cuir ; et dans une ambassade ça ne manque pas les ronds de cuir. Pour que tu en sois venu à défendre ZE gouvernante directos, c'est que la discussion a finit aussi vite que mon Ronflex déguste une baie Sitrus.»


Et lui de crisper à nouveau. Il lui avait tendu le piège basique, et il s'était jeté dedans tête la première. Ils se connaissaient parfaitement en plus : il savait qu'il n'était pas de nature à laisser passer une occasion pour essayer ce genre de passe-passe (lui-même lui en ayant fait de nombreux de son côté ; et d'un dont il ne s'était toujours pas remit.) Mais là, avec tout ce qui se bousculait dans sa tête, il n'avait plus pensé à ça… D'un autre côté il lui avait dégagé le terrain. Autant pas se casser la tête et en profiter.


«En plein dans le mille.» Renvoya-t-il comme s'il n'avait pas prit compte de sa remarque. «Matis refuse de renoncer à prendre la succession de son père, malgré les avertissements sur nos craintes concernant sa mort.»

Ses interlocuteurs n'en furent pas surpris le moins du monde, même s'ils conservaient tous quelques part un petit espoir qu'il n'en soit pas ainsi.

«Alors on fait quoi ?» Questionna le contact au numéro juste à côté du premier. «Il ne nous reste que le plan «B», qui mériterait plus de se faire appeler le plan «que dalle». Mais tu ne nous aurais pas tous appelé en même temps si t'avais pas une idée en tête.»

A nouveau Louka se prit à sourire devant la juste perspicacité dont il espérait en entendre la conclusion de sa part.

«Comment se porte ton Monaflemit ?» S'enquit-il d'une brève hésitation.

Malgré le son des écouteurs réglés par défaut à des valeurs d'écoute calmes, le soupir aux échos d'exaspération qu'ils entendirent leur donne tous l'impression d'avoir mit le volume à fond.

«En un seul mot : in-cre-va-ble.» Répliqua-t-il avec une note sèche qui tranchait brutalement avec le ton poli qu'il usait encore quelques secondes avant. «Je sais pas comment mon père l'a entrainé, ni même ce qui se passe dans leurs têtes –à celle de mon père et de ce babouin mal léché-, et j'veux pas le savoir. Mais oui il va bien ; même suffisamment bien pour m'envoyer balader comme d'habitude. Passer à deux doigts de finir six pieds sous terre ne lui a strictement rien apprit sur les dangers à se comporter comme un parfait con lors d'un combat. Et c'est pas les infirmières et médecins qui l'ont soigné qui diront le contraire ; supers content à l'idée d'être débarrassés de lui. Nom de dieu que je les comprends…»

L'anecdote avait de quoi faire sourire. Au lieu de ça, en partie à cause du ton vraiment énervé avec lequel elle avait été énoncée, ils gardèrent tous leurs avis pour eux.

«Tu l'as renvoyé à ton père, à Hoenn ?»

«Et il s'est pas fait prier pour le reprendre !» S'exclama-t-il d'un coup. «Quand je lui ai dis que s'il le reprenait pas je prenais le premier vol en partance pour Hoenn dans l'heure pour le refiler en mains propre à ma mère, sachant tout ce qu'elle pense elle aussi de son précieux macaque, son accès de boite PC s'est rapidement débloqué. Et j'ai enfin pu récupérer mon Galeking ; la vache, vous imaginez pas à quel point il m'a manqué !»


En tant que dresseurs, tous comprenaient parfaitement sa réaction. Il n'y a rien de plus désagréable que de devoir s'occuper du pokémon d'un autre si on sait d'avance que les relations avec le dit pokémon puissent conduire à la catastrophe, autant que de savoir être obligé de «sacrifier» l'un des compagnons qu'on apprécie pour faire place à celui qu'on déteste ; ce qui était une punition aussi désagréable pour le dresseur que le pokémon devant laisser sa place.


«Et ton Archeomire ?» Continua-t-il sur sa lancée.

«J'en ai profité pour lui envoyer en même temps, afin qu'il l'apporte de ma part à Seko. Du coup j'ai aussi récupérer mon Elecsprint : mon équipe est à nouveau au complet.» Répondit-il d'un vrai soulagement. «Mais, même si c'est sympa que tu poses la question, on n'est pas vraiment là pour parler des rapports que j'entretiens avec mon père ou son babouin. Alors viens-en aux faits.»

«Ouais, parce que là ça devient un peu chiant tes détours.» Renchérit le premier, qui n'interpella même pas Louka connaissant sa nature impatiente à la base.

«Attends encore un peu, j'te promets que ça va pas être long.»

----

La note hâtive présentée dans la réponse ne parvint pas à convaincre l'impatient, mais Louka s'était déjà détourné de lui pour revenir vers le troisième contact.

«Lovis, est-ce que tu pourrais me passer l'invitée spéciale de séjour dans ton arène ?»

«Je suis déjà là et j'écoute fort et clair.» Reprit cette dernière au travers du numéro de contact du champion. «C'est à quel sujet, maitre de Sinnoh ?»

N'arrivant jamais à s'accoutumer aux formalités, encore moins avec son titre, il choisit de laisser couler pour cette fois. Trop accaparé parce qu'il avait en tête.

«Comment ça se passe avec le Grotadmorv Shiny ; vous n'avez pas trop de mal avec lui ?»

«Honnêtement, il me donne un mal de chien.» Reconnu-t-elle d'une note de contrariété évidente. «Les poisons purs sont déjà pénibles. Mais alors lui, même avec l'aide des rangers sous un environnement spécialement prévu pour le garder sous contrôle, il est vraiment pain in the ass si vous me permettez l'expression.»

«La douleur est partagée.» Renvoya le second contact, dont le macaque détestable occupait encore la conversation quelques instants avant.

«Attendez, pas tous en même temps, sinon on va jamais s'en sortir.» Intervint à nouveau Louka en reprenant à l'attention de l'invitée. «Selon vous, il vous faudrait encore combien de temps pour le dresser dans les règles de l'art afin qu'il n'essaye pas de nous faire un remake de Tchernobyl dans la nature ?»

Son interlocutrice prit un instant de réflexion avant de répondre.

«Pour lui apprendre le strict nécessaire de restriction de ses poisons, je dirais qu'il me faudrait encore au minimum trois semaines. Si tout se passe bien.» Estima-t-elle d'un ton objectif. «Mais je ne pense pas qu'il faudra attendre jusque là.»

«Pourquoi ça ?» Releva-t-il d'une fine note d'interpellation.

«Et bien parce qu'en fait je ne suis pas vraiment là pour le dresser.» Reconnu-t-elle platement. «Mon père a eut vent de la capture du Grotadmorv Shiny avant que vous nous ayez contactés. Immédiatement il a cherché vouloir se rendre à Sinnoh, mais ses obligations dans le conseil 4 de Kanto avec le championnat de la Ligue en cours l'en empêchaient. En ce moment même il doit encore mener d'âpres négociations avec la réserve spéciale des pokémons pour qu'on nous le transfert à Kanto. En attendant, vu que comme les négociations ont bloquées la procédure de transfert il se trouve encore dans le stock PC de Verchamp, Il m'a envoyé à sa place pour estimer le pokémon.»

«C'à veut dire que vous restez à Sinnoh encore combien de jours ?» Reprit-il insistant.

«Il est prévu que je reparte pour la fin du mois, d'ici cinq jours.» Répondit-elle interpellée.

Sa réaction se transmit rapidement aux autres quand ils entendirent Louka émettre un discret mais franc «yes» s'échapper d'entre ses dents, comme un sifflement.

«Hey, Louka : arrête de tourner autour du pot et décides-toi à nous cracher le morceau !» S'exclama la tête brulée en cédant à la frustration. «Tu le fais maintenant, ou j'te garantis que j'viens en personne te botter les fesses !»


S'attendant à une nouvelle esquive de Louka, elle aussi commençant à en avoir marre des détours qu'il prenait, Mélina reporta son attention vers le visage du maitre en espérant voir qu'il se décide à parler… Au lieu de ça, elle fut étonnée de voir qu'il affichait un sourire très sarcastique envers sa pokémontre ; le genre de sourire à préparer un sale coup et de jubiler à l'avance d'en savourer les conséquences.


«Dans ce cas je t'attends, crâne de piaf.» Renvoya-t-il d'une note pateline.


Mélina fut choquée par la réponse, mais surtout le ton avec lequel elle avait été formulée : moqueur, mesquin, perfide, voir même insultant. Le genre de ton qu'elle ne croirait pas entendre venir de lui. Mais si de son côté elle en fut choquée, son interlocuteur en fut outrée de se faire vanner ainsi aussi ouvertement. Ce qui était quelque chose qu'il ne laisserait jamais passer sans réagir ; dans cette vie ou dans une autre.


«Oh putain, tu va prendre cher le bleu…» Persiffla-t-il d'un accent de racaille caricaturalement exagéré.

«Wow, doucement les jeunes. On se calme.»

«Maitre, je ne peux pas rester calme après une telle insulte à mon égo : l'honneur exige revanche !» Explosa-t-il.

«D'ailleurs si le tuteur pouvait aussi se ramener pour surveiller son poulain, et éviter qu'il réduise en cendre la moitié de la ville, ce serait très apprécié.» Continua le maitre de son ton moqueur.

«Ha ! Avec le Kamikaze et le Teigneux, Voilaroc va se transformer en gruyère !» Reprit le second en riant outrageusement. «Je viens, j'peux pas rater un tel spectacle ! Faut juste avant penser à prendre une chaise longue, du soda, du pop-corn et un caméscope pour la postérité.»

Lentement, Mélina commençait à comprendre le manège auquel jouait le maitre à côté d'elle ; ce qui lui fut confirmé par la suite.

«Est-ce que Kanto voudrait s'inviter aussi pour venir constater de ses yeux comment les dresseurs de Sinnoh «entreprennent» dans leur île, et reconnaitre que nous sommes indubitablement les meilleurs pour foutre le dawa sur toutes les archipels ?» Reprit Louka sur la continuité.

«Proposé si gentiment, je ne dis pas non.» Répondit poliment l'intéressée en se prêtant au jeu. «Je n'ai encore jamais assistée à la destruction d'une ville avant… C'à pourrait être intéressant.»

«Tout comme sa reconstruction.» Trancha froidement la championne de la ville en question. «Parce qu'après détruire la moitié de la ville, va falloir nettoyer derrière. Et si je vois que vous avez oubliés un seul trou, attendez-vous à ce que je me serve de vos têtes pour le colmater.»


Le maitre releva la tête vers la championne pour afficher un air consterné, qui devait sans doute relayer par la même celui des autres. Mais il revira rapidement au sourire en lui rendant le clin d'œil de l'entretien ; qu'elle prit d'un air amusé.


«Mince, Mélina qui nous autorise à raser sa p'tite bourgade jusqu'à l'assise rocheuse !» Releva exagérément son homologue de Verchamp. «Où est mon avocat ?! Faut faire coucher ça sur papier !»

«Surtout que c'est à titre exceptionnel et que ça va pas durer éternellement.» Renchérit Louka.

«Combien de temps ?!» L'accrocha immédiatement la tête brulée, comme s'il craignait ne perdre chaque seconde de sa vie inutilement en ne le sachant pas.

«Hum… Trois jours, je crois ?» Balança-t-il négligemment.

«TROIS JOURS ?!» S'exclama le premier presque comme une vocifération. «Plus une seconde à perdre !»

La communication s'interrompit brutalement avec le premier contact, comme en témoigna l'icône de son numéro qui revira au gris.

«Hey, il pourrait dire au revoir avant ! Foutu égoïste !» Continua le second, dont l'icône se grisa à son tour comme si le fait de couper la communication signifiait qu'il pouvait le rattraper.

«Et le respect envers les ainés ?! Je m'en vais vous apprendre la politesse, foutus garnements !» Fulmina le champion, avant de quitter brutalement à son tour.

----

Ainsi s'interrompit la conversation privée entre les dresseurs, aussi vite qu'elle commença (l'invitée du dernier partit n'avait même pas pu tenter un au revoir tellement ce fut fulgurant.) Pourtant, malgré la tournure «inquiétante» que venait de prendre les évènements concernant l'avenir de la ville des rocs, le maitre ne sembla pas un seul instant regretter son affaire ; il semblait même s'en réjouir. Et c'à n'était pas la championne à ses côtés qui allait lui en vouloir, bien au contraire.


«Bien…» Reprit ce dernier d'un faux soupir vraiment amusé. «Maintenant il ne reste plus qu'à contacter nos petits camarades pour leur dire de ne plus trop s'inquiéter pour la Faucheuse, et plutôt même leur conseiller de se trouver un bon abri antiatomique s'ils ne veulent pas se faire pulvériser comme le reste de la ville.»

«Et si c'était possible d'éviter mon arène et le centre commercial, ce serait sympa.» Continua-t-elle du même air.

«Et le casino ?» Releva-t-il innocemment, en connaissant pourtant le passé de joueur de son père.

«Feu à volonté.» Rendit-elle d'un ton cassant.


Il n'en fallu pas plus du changement brutal de caractère en jouant sur sa corde sensible pour qu'ils ne se mettent à rigoler en même temps. La sentence était sans appel et l'avait proférée froidement comme un ordre d'exécution prêt à être rendu dans l'instant, indiquant ainsi à quel point elle avait en horreur cet endroit ; au point d'être prête à «sacrifier» le reste de la ville pour le voir rayé de la carte.

Plus sérieusement, en parlant de sacrifice, sa «manœuvre» répondait à un véritable besoin de s'affranchir de ces craintes, en mobilisant autant d'alliés que possible pour aider à les écarter. Bien sûr que cela paraissait abusé de s'accaparer l'aide de tels dresseurs, y comprit deux champions d'arène (dont d'une qui n'appartenait même pas à leur île.) Surtout qu'il les interrompait dans leurs occupations pour s'occuper d'un problème fantôme basé sur la foi d'une intuition, et qui ne devait pas relever d'eux… Mais ils étaient forts. Forts, compétents, intelligents et déterminés. Des alliés de valeur pour venir prêter main forte à ceux qui se trouvaient en l'instant trop peu nombreux pour accomplir pleinement leur devoir. Décemment, en tant que maitre, Louka ne pouvait pas leur ordonner la chose en l'état. Mais ils le savaient. Derrière leur scène de théâtre et le prétexte grotesque de leur intervention en cette ville, tous avaient compris, sans la moindre exception, qu'ils devaient se trouver là pour apporter leur aide et leur force aux seuls alliés de confiance qu'ils aient dans cette guerre secrète.

Et puis trois jours, si cela permettait de s'assurer d'écarter tout danger, ça n'est quand même pas la mer à boire non plus. D'autant plus qu'ils pouvaient toujours se faire des matchs entre eux pour passer «officiellement» le temps ; ce qui, avec le centre commercial réputé pour être plein à craquer côté produit pokémon, ne s'en trouvait qu'être un détour aussi intéressant que profitable. C'à n'était pas tous les jours qu'une occasion pareille, qui combinait l'utile à l'agréable, pouvait se présenter à eux. Il aurait été bête de ne pas en profiter.

Evidemment, il fallait déjà qu'ils se rendent sur place pour «profiter» de l'occasion. Mais, de là où ils étaient respectivement, c'était plus une affaire d'heures que de jours. Un détail en somme ; qui d'ici quelques heures ne sera plus qu'un futile souvenir sans importance…

Il est pourtant dur de s'imaginer que ces quelques heures allaient faire toute la différence.

------------


Sinnoh. Voilaroc. Quartier Sud-Est Méréo-Site. Croisement du canal Azuroc se situant à quelques centaines de mètres du poste de passage de la route 214.

Mercredi 26 Mai, 20 heures 57 minutes.



Le crépuscule hésitait à poser ses tons orangés dans le ciel tandis que le soleil se couchait difficilement à l'horizon, mais la brise marine qui parcourait la ville en portant les senteurs lancinantes de la mer annonçait déjà la nuit de part sa fraicheur. Une nuit qui, au vu de l'absence de nuage, allait s'annoncer comme la plus claire de tout le mois. Comme si le ciel lui-même attendait fiévreusement sa venue, les conditions les plus idéales pour la représentation de la pleine lune au paroxysme de son éclat avaient été réunies dans la plus parfaite démonstration de coïncidence élémentaire. Ce même mystère qui venait à remettre en question sa place dans l'univers devant la majesté de cette perfection, en ne l'envisageant que comme ne pouvant être que la volonté d'une conscience supérieure…

Qu'il en soit le cas ou non, pour la silhouette vêtue comme une ombre devant la porte de sa scène, prête à jouer le dernier acte, cela n'avait aucune importance. La mort était à cette conscience supérieure ce qu'était la pratique concrète à la théorie infondée ; la théorie n'a aucune valeur par rapport à la pratique, et n'en aura jamais aucune.

Pour preuve : la porte devant laquelle elle se trouvait actuellement, l'accès 44 du système d'épuration publique, consistait en une grille circulaire de barreaux métallique doublement protégée par un verrou à code numérique et d'une serrure à mécanisme matériel classique ; un système réputé théoriquement inviolable sans l'aide d'un pokémon d'un niveau plus que décent, et dont toute tentative de forcing alerterait dans l'instant la sécurité.

D'un geste mécanique, elle fit sortir de l'une des poches dissimulées sous sa sombre tenue une petite fiole d'un violet bordeaux sombre, contenant un mélange complexe de l'association d'une baie Myrte et Pomroz, en même temps qu'un petit spray semblable à ceux de ses repousses ; dont elle y déversa une infime quantité du mélange dedans. Puis elle s'approcha de la grille, sans s'intéresser un instant à la serrure. Tendit le spray en direction des barreaux, et les aspergea généreusement d'un nuage de fine particules humides sur toute leur surface. Rangea ensuite son matériel sous son manteau. Puis attendit…

--------

Jugeant le temps passé suffisant pour que les effets de son mélange se soient activés, elle s'avança encore pour se trouver juste à quelques centimètres de la grille n'ayant visiblement subit aucun changement, se saisit à main nue de deux barreaux du milieu lui faisant face… Et les écarta sans le moindre effort. Tout comme les autres dans la continuité en créant une très large entrée ; comme s'ils n'étaient pas fait de métal rigide mais d'un matériau complètement malléable.

Une fois de l'autre côté, elle prit quelques instants à les manipuler une fois de plus pour les faire reprendre leur forme normale comme si de rien n'était ; sans que quiconque ne puisse suspecter le changement opéré dans la structure même du grillage.

21 :00 pile : début de l'opération. Tout se passait comme elle l'avait prévu ; exactement à la seconde près dans son timing.

La faucheuse venait d'entrer dans la place.



[A suivre]