Victime de l'inconnu. de ghost_grahyena

«Et si je vous disais que le bien et le mal n'existe pas?
Et si je vous disais que la religion n'a pas de raison d'être?
Et si la vérité ou le mensonge n'existait pas non plus?
De même que la morale humaine?
Un monde sans punition ni récompense…
Et si tout cela avait lieu dans notre monde, que se passerait-il?»

«Ce serait le chaos.»

Un élève lança la réponse sans demander droit de parole. La professeure le regarda, puis fixa son Pokémon. La bête serpentine qui accompagnait l'adolescent approuva les dires d'un coup de tête affirmé et d'un sifflement strident. La tutrice se retourna, faisant dorénavant face à son tableau. Elle écrivit en plein centre du cadre les mots «Bien» et «Mal» un à côté de l'autre, puis les encercla d'un trait vif et précis. Elle se retourna à nouveau et fixa la salle. Elle demanda ensuite une question toute simple au groupe.

«Qu'est-ce que le bien et le mal?»

Alors, un autre garçon, en l'occurrence moi, leva la main. Elle me désigna, visiblement contente que j'ose m'exprimer. Je lançai un regard complice à ma Mangriff, Asaka, qui me le rendit tandis que je commençai à répondre :

«Ce sont des adjectifs qu'on relie aux actions selon leurs conséquences sur les humains. Mais selon moi, le bien et le mal n'existe pas. Réfléchissons-y. Une action mauvaise selon la plupart des gens, comme un vol, n'est jamais entièrement mauvaise. Par exemple, le volé sera malheureux mais le voleur pourra s'enrichir. Il y a toujours deux côtés à la médaille. C'est valable également pour le bien.»

Déçue, mon enseignante parue un peu surprise au début. Le reste du groupe tentait de comprendre ce que je baragouinais. Je suis comme ça, j'y peux rien. Philosophe dans l'âme. Il n'y a qu'Asaka et mes autres Pokémons qui me comprennent vraiment. Bien qu'Asaka ne sache pas parler comme un humain, elle est vraiment intelligente et j'ai décidé de lui apprendre quelque chose d'habituellement réservé aux humains : l'écriture. On pourrait dorénavant confondre ses écrits avec ceux d'un humain, et je suis très fier d'elle. Elle est la seule Pokémon que je connaisse à savoir écrire.

J'imagine que vous voulez maintenant en apprendre plus sur moi. Je m'appelle Kevin, j'ai quatorze ans et je vais au collège de Johto. Physiquement, je suis grand et maigre, j'ai le teint pâle, les cheveux bruns foncés et les yeux gris-bleu. J'adore les Pokémons et j'aimerais pouvoir étudier leur formidable intelligence. Vous en savez maintenant autant que tous les élèves de ma classe. Je possède trois Pokémons, mais jamais je ne les 'utilise' pour combattre ou pour quoique ce soit d'autre.

La première, vous la connaissez déjà, c'est Asaka. Mon deuxième Pokémon est un Absol très sage nommé Uranai. Finalement, il y a Naoki, un Xatu. Il ne m'appartient pas vraiment, puisqu'il vit dans la grande plaine en arrière de ma maison, mais nous sommes très proches l'un de l'autre et il m'accompagne parfois quand je vais dans la forêt. Mes meilleurs amis sont sans aucun doute mes Pokémons. Je passe mes soirées à méditer et à discuter avec eux. Il est rare que mes Pokémons rentrent dans leurs Pokéball, je le leur demande seulement lorsque c'est obligatoire.

Mais en ce moment, je suis encore en cours. Je trouve l'école ennuyante, je l'admets. C'est juste la matière qu'ils nous enseignent. Ils pensent que l'on veut tous devenir des dresseurs Pokémon, réussir la ligue et tout ce qui vient avec. Mais moi je vois la vie différemment des autres. Je suis presque contre le combat Pokémon, surtout que parfois la rivalité des adversaires humains l'emporte sur le plaisir et cela ne reste qu'un affrontement des humains par l'intermédiaire des Pokémons.

Toutefois, ce cours, appelé tout simplement 'Réflexion', bien que minoritaire, est mon préféré et le préféré d'Asaka. À notre école, et je nous en compte chanceux, nous avons un Pokémon qui nous accompagne dans tous nos cours et ça doit toujours être un travail d'équipe. J'avoue qu'en français, avec Asaka, c'est particulièrement facile! Mais en ce moment, cela importe peu puisque la maîtresse désire nous ramener à l'ordre. Nous sommes seulement huit élèves dans le groupe, mais avec nos Pokémons, cela en fait seize et c'est assez difficile à gérer pour les enseignants.

Ça y est; la cloche va retentir d'une minute à l'autre. C'est le moment que j'attends chaque jour : la fin des classes, à quatorze heure pile. Vaincue, la maîtresse attend avec impatience que la sonnerie résonne dans l'école sur sa chaise pivotante. Les autres élèves bavardent et Asaka grogne encore sur Waru, le Seviper de Maxime. Ils n'auraient jamais dû nous mettre dans la même classe. Déjà que Maxime n'est pas quelqu'un que j'apprécie particulièrement, il fallait qu'il possède un Seviper.

Résultat, à chaque minute ou le cours n'a pas lieu, Waru et Asaka se sifflent et se feulent dessus. Maxime et moi avons bien essayé de les calmer, mais rien à faire. Et il règne une sorte de rivalité entre nous, c'est assez bizarre. Pourtant, je ne lui ai jamais rien fait et il ne m'a jamais provoqué. À une exception près, toutefois; Waru s'était jeté sur Asaka et il n'a rien fait pour l'en empêcher. Asaka, bien que peu habituée à combattre, lui a réglé son compte avec des coups de griffe et des morsures bien placées. Depuis, Waru n'a jamais re-provoqué Asaka au corps à corps; Ils ne font que s'agacer mutuellement.

Puis, le moment que j'attendais arriva : tous les élèves coursèrent vers les casiers et s'empressèrent de paqueter leur sac à dos pour se retrouver chez eux au plus vite, moi y compris. Asaka se faufilait avec aisance entre les jambes des élèves malgré sa grande taille. J'empoignai rapidement mon sac et, suivi de près par Asaka, sauta dans le bus scolaire. Ce qui est bien avec un Pokémon comme ma chère Mangriff, c'est qu'elle n'est pas trop grande. Elle peut donc me suivre partout où je vais.

Une heure et demie plus tard, l'autobus me déposa devant chez moi, dans la campagne entourant Johto. Rendu chez moi, ma mère travaillant de nuit et mon père habitant à Sinnoh, je déposai mon sac dans ma chambre et sorti dehors retrouver Uranai et peut-être Naoki. Uranai était au poste, assit en position de garde, guettant mon arrivée. Je le saluai d'une brève caresse sur la tête en faisant attention à sa lame, puis jogga vers la forêt, suivi par mes deux Pokémons. Ils savaient bien ce que j'allais faire.

Je le faisais chaque jour, sans faute. Je me rendis en joggant au plus creux de la forêt, suivi silencieusement par mes deux amis à quatre pattes. Finalement, j'arrivai à ma destination. Un majestueux rocher couvert à moitié de mousse et éclairé par les rayons de soleil filtrés par les nombreux feuillus vieux d'environ trois cents ans. Je m'assis en plein milieu du rocher et me détendis en m'allongeant sur le dos et en observant le ciel. Asaka et Uranai vinrent s'assirent à mes côtés.

Un battement d'aile calme se fit entendre parmi le quasi-silence de la forêt, et l'énigmatique Naoki vint à nos côtés. Je saluai respectueusement l'oiseau d'une légère révérence de la tête, l'oiseau me la renvoyant tout en s'installant sur le grand rocher. Ce moment est mon préféré de la journée, c'est celui ou je médite et fais le vide, le silence presque parfait de la forêt régnant. Chacun apprécie ce moment et cet instant me permet d'endurer la vie comme elle est. Nous restâmes ainsi une bonne heure, comme à l'habitude.

Puis, je me levai calmement et, en gardant le calme que la méditation m'a apporté, marchai en direction de la forêt. En marchant lentement, le trajet dure environ vingt minutes, ce qui me laissa amplement le temps de 'discuter' avec mes Pokémons. Effectivement, je comprends presque leur langage. Et, lorsqu'Uranai et parfois Naoki tentent de me faire comprendre un mot inhabituel, Asaka me l'écrit, tout simplement.

Sinon je suis capable de comprendre selon le bruit émit des mots simples. Par exemple, deux cours jappements d'Uranai signifient qu'il s'est passé quelque chose d'inhabituel, un grognement qu'il désire rester seul, ou un long couinement calme qu'il ne s'est rien passé d'important. Asaka m'écrit rarement ce qu'elle veut me dire, elle ne le fait que lorsque c'est très compliqué comme message. Tant qu'à Naoki, il n'émet pas de bruit, mais il a une étrange faculté qui lui permet de me transmettre par le regard ce qu'il pense en général.

C'est ainsi que je communique presque aussi efficacement avec mes Pokémons qu'avec des humains. Je me compte extrêmement chanceux de pouvoir avoir un lien aussi profond avec mes Pokémons. Je suis convaincu qu'aucun autre élève de ma classe n'est aussi attaché à ses Pokémons. Aujourd'hui, durant la marche de retour, Uranai me signala qu'il avait entendu un Pokémon inconnu dans la forêt. Cela m'étonna assez, car cet Absol connait tous les Pokémons de la forêt et connait ce lieu comme le fond de sa poche.

J'ai ignoré sa remarque pour l'instant et Naoki m'a averti que, lui aussi, avait entendu le mystérieux Pokémon et n'avait pas réussi à l'identifier. Tout ce qu'il savait étant la taille approximative du Pokémon, facilement deux mètres de haut, et qu'il était un quadrupède. Je comptais investiguer plus tard malgré l'avertissement de mes compères et je suis finalement arrivé à la maison. J'ai fait tous mes devoirs avec Asaka et j'ai rangé ma chambre, incluant la sous-pièce d'Asaka et le panier d'Uranai.

Ensuite, lorsque le soleil commença à se coucher, je m'installai une nappe par terre, dans la plaine derrière la maison et prépara une grande assiette de sandwichs pour tous les goûts : végétariens pour moi et Naoki et au Magicarpe pour Asaka et Uranai. À quatre, nous mangèrent en regardant la nuit tomber tranquillement. Alors qu'il était environ neuf heures, je demandai à Uranai s'il préférait dormir dans la maison ou dans la forêt. Il me répondit que, vu la douce température, il désirait dormir dans la forêt, et je respectai son choix. Naoki, lui, évidemment, se réfugiai dans sa grotte.

Avec Asaka, je partis me coucher dans ma chambre. Mais je n'étais pas fatigué.

«Asaka? Penses-tu que le mystérieux Pokémon rôdant dans la forêt est un Pokémon légendaire?»

Visiblement éveillée, elle me fixa dans les yeux malgré le noir et haussa les épaules autant qu'un Mangriff pouvait le faire. Un peu déçu, je lui maugréai un «Bonne nuit» et fit mine de m'être endormi. Il fut bientôt dix heures du soir sans que je puisse fermer l'œil. Je pensais aux matières que j'aurai demain. D'abord, je commencerai en combat, matière détestée par Asaka et par moi, puis j'irai en français. Ensuite, après le repas, j'irai en physique, matière qui nous enseigne aussi les effets des attaques, puis finalement en dernier j'irai en éducation physique. Une journée comme les autres, en résumé.

Aussi, je faisais ce que je faisais toujours quand je m'ennuyais : me poser des questions…
Qui était le mystérieux Pokémon?
Était-il un Pokémon légendaire?
Qu'est-ce qui clochait avec Maxime?
Qu'allait-il advenir demain?
Mes Pokémons étaient-ils heureux en ce moment?
Pourquoi je n'arrive pas à m'endormir?
…Mais sans y répondre.

Légèrement découragé, je pus finalement fermer l'œil vers onze heures du soir.