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Whisky, cigares et bon goût. Ou pas.
de Drayker

                   



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[Ecriture] Construire un récit, étape 2 : 75% du travail se fait avant d'ouvrir Word. Et si.
Y'aura pas de troisième étape. La trilogie c'est cliché, et moi les clichés je les disrupte.

Bonjour à tous ! Me revoilà pour un nouvel article indigeste. Yay !

Cette fois, on va s’attaquer à du lourd : la construction d’une intrigue à proprement parler. C’est un sujet copieux, très copieux, donc une fois de plus, je vous recommande d’avoir lu les articles précédents (en particulier celui sur le cycle de Campbell, en fait).

  • Avant de commencer, une petite piqûre de rappel : comme dans les autres billets de blog, ce que je présente ici n’est que ma manière de procéder. J’ai beau me baser sur des théories et des noms de l’écriture dont le travail est fréquemment reconnu comme fondateur, je n’en ai pas moins ma propre subjectivité, et j’ai adapté les méthodes de Campbell, Vogler et compagnie pour qu’elles correspondent à mes propres besoins. A vous d’en faire de même ! L’écriture n’est pas une science exacte, et même si on peut y dégager des courants de pensée et des lignes directrices à suivre qui vous garantiront d’écrire quelque chose de potable, ce sera toujours à vous de faire le reste du chemin.


Bien, ceci écarté, passons aux choses sérieuses !

Au commencement était la Question


Le B.A.BA. de tout récit, le point d’origine, la question première que vous devez vous poser : qu’est-ce que je veux raconter dans mon histoire ?

Bon, ok, c’est ultra vague. Je reformule :

A quelle Question mon récit doit-il répondre ?

Ulysse va-t-il parvenir à rentrer chez lui ? Harry triomphera-t-il de Voldemort ? D’Artagnan et ses compagnons déjoueront-ils les complots du Cardinal de Richelieu ? Edward Lewis et Vivian Ward vont-ils finir ensemble ? Les Marcheurs Blancs seront-ils vaincus (et qui finira sur le Trône de Fer) ? Chihiro parviendra-t-elle à retourner dans son monde ?

Toutes ces histoires sont motivées par une interrogation, voilà donc ce qu’il vous faut trouver : une Question qui donne au lecteur l’envie de continuer votre histoire.

Dit comme ça, ça paraît ardu. Heureusement, il y a le conflit.

Toutes les Questions naissent d’un conflit. Peu importe son ampleur, il est le moteur de l’histoire, l’outil narratif qui va pousser votre protagoniste à entamer son Voyage du Héros – en bref, il est la collision entre le Monde Ordinaire et le Monde Extraordinaire (mais si, vous savez, ces deux demi-cercles qui composent le Cycle de Campbell).

On admet couramment six types de conflits universels, six structures qui se retrouvent parfois combinées au sein d’une même histoire (on a alors souvent affaire à un conflit primaire, et un ou plusieurs conflits secondaires).

- Personnage VS Personnage : le plus courant. Deux individus qui s’affrontent, Protagoniste contre Antagoniste, Héros contre Méchant… Les motifs sont variés et les moyens d’oppositions aussi, mais la structure reste la même. Exemples : Harry Potter, Peter Pan, Batman, Death Note…

- Personnage VS Nature : très commun dans les histoires d’aventuriers. Un individu se retrouve confronté à son environnement ou à des forces de la nature. Exemples : Jurassic Park, Moby Dick, Titanic…

- Personnage VS Soi : moins courant et souvent relégué au rang de conflit secondaire. Le principal ennemi du protagoniste est ici lui-même : il doit apprendre à surmonter un vice, une peur, ou simplement à trouver sa place et à se définir en tant qu’humain. C’est le seul des 6 qui ne soit pas un conflit externe. Exemples : Dr. Jekyll & Mr. Hyde, Fight Club (qui frise avec le Personnage VS Personnage), Hulk…

Arrivent ensuite trois genres, inventés plus tard, qui sont souvent considérés comme parents aux trois premiers :

- Personnage VS Société : apparu au départ comme un élargissement du Personnage VS Personnage, il prend de plus en plus d’ampleur jusqu’à devenir un genre à part entière. Le protagoniste lutte contre un groupe d’individus, une institution, ou contre la société toute entière. Ledit groupe est souvent assimilé à un unique personnage, d’où la parenté avec le premier type de conflit. Exemples : V pour Vendetta, 12 Hommes en Colère, Elephant Man…

- Personnage VS Non-Naturel (parfois scindé en Personnage VS Machine et Personnage VS Surnaturel) : assez proche du Personnage VS Nature… Version gavée aux stéroïdes. Zombies, machines intelligentes, démons, aliens… J’ai vraiment besoin de préciser plus que ça ? Exemples : Ghost Busters, Signs, The Walking Dead…

- Personnage VS Destin : où l’individu lutte contre une destinée imposée, une vision du futur qu’il tente d’empêcher, une maladie fatale, une malédiction, ou tout simplement des attentes sociétales que l’on a vis-à-vis de lui. C’est un conflit entre le destin et le libre-arbitre. Exemples : Pirates des Caraïbes, Roméo et Juliette, Saw…

Comme dit plus haut, il est courant de rencontrer des combinaisons entre plusieurs de ces conflits. Plusieurs Questions émergeront alors dans votre récit, mais attention ! Toutes devront trouver une réponse, sans quoi le lecteur aura l’impression d’être lésé. De la même manière, si trop de Questions d’importance égale apparaissent, on risque de perdre le fil conducteur. Et à l’inverse, s’il n’y a pas de Question, ou si elle est trop faible, le lecteur aura du mal à trouver la motivation de finir votre histoire.

  • Bonus : les motifs. On vient de voir les structures de conflit, c’est-à-dire la forme qu’ils prennent dans les récits. Mais chaque conflit doit être motivé par quelque chose, il doit avoir une source.

    Dans un grand élan de générosité, je vous propose donc ce tableau fait à l’arrache qui recense quelques-unes des situations propices au conflit les plus fréquentes :



Puis vint le Script


Ça y est, vous avez votre (ou vos) Questions(s), vous savez quelles thématiques vous allez aborder, quels conflits seront mis en lumière, bref, vous savez où vous voulez aller.

Reste à maintenant à savoir comment y aller sans se perdre en chemin.

Pour ça, rien de plus simple : il vous faut un script.

C’est là qu’arrive la partie subjective. Chaque auteur a sa manière de travailler et d’élaborer ses squelettes d’histoire. Plutôt que d’imposer la mienne comme la seule et unique méthode viable, je vais plutôt tâcher de dégager certains principes généraux qui vous guideront dans l’élaboration du script.

- Principe 1 : Du Script tu ne te passeras point. C’est non-négociable. Se lancer dans une histoire sans en connaître la fin, c’est s’exposer aux incohérences et à la démotivation. Et plus vous envisagez de faire une histoire longue, plus ces deux ressources vont être déterminantes. Un récit long gagne en complexité, aborde plus de conflits et pose plus de Questions – pour qu’elles trouvent toute une réponse, il faut avoir prévu son point de chute avant de sauter. De la même manière, un script permet, dans une histoire longue, de garder de la motivation lorsque l’on atteint tel ou tel point charnière. Il permet de garder une trace de la progression que l’on effectue.

- Principe 2 : Ton Script sera suffisamment détaillé. Hors de question de laisser des trous dedans. Chaque zone d’ombre doit y trouver sa réponse, chaque conflit doit y trouver sa résolution, sinon, on en revient au principe 1.

- Principe 3 : Ton Script ne sera point figé. Ne vous méprenez pas : il doit être détaillé, mais pas rigide. Il est quasi impossible de se lancer dans l’écriture d’une histoire (encore plus si elle est longue) sans avoir, à un moment ou un autre, envie de rectifier le tir en chemin. C’est tout à fait normal. A l’inverse, vouloir absolument tout planifier avant même d’entamer l’écriture est le meilleur moyen de ne jamais commencer à écrire du tout.

Attention, ce principe ne contrevient pas aux deux premiers. Il est toujours hors de question de se mettre en route sans connaître la destination. En revanche, il est judicieux de conserver une marge de manœuvre, et de se réserver le droit de modifier son script en cours de route pour y ajouter une scène marquante, une divergence qui sert le propos, une question supplémentaire, une réponse plus cohérente…

Dans l’idée, votre script doit ressembler un peu à une corde de Melde :


Les points rouges sont les charnières, les moments-clés de votre récit, ceux qui posent la Question ou contribuent à sa résolution. Ces points doivent être fixés car ils véhiculent en eux le propos de votre histoire et les valeurs que vous voulez qu’elle transmette. Parmi ces points, on retrouvera bien évidemment le début et la fin, mais aussi tous les points qui revêtent une importance significative dans l’évolution du récit – et parfois même des points plus accessoires, des scènes marquantes que vous avez envie d’intégrer.

Le reste, la corde, peut être tordu et déformé autant que nécessaire pour relier les points charnière entre eux. Plus vous aurez de points charnières préparés, plus il sera facile de les relier ; mais plus vous en aurez et moins vous aurez de marge de manœuvre pour intégrer d’éventuelles idées supplémentaires en cours de route.

Enfin apparut l’Exposition


Bravo, vous avez conçu votre intrigue. Maintenant, il va falloir l’écrire et y intéresser le lecteur – et vous n’êtes pas sans savoir que lorsqu’une histoire passe de la tête de son auteur au papier, on perd souvent de l’information en chemin.

Il n’y a pas trente mille manières d’exposer votre intrigue au lecteur.

A vrai dire, il n’y en a que trois - l’exposition omnisciente, l’exposition interne et l’exposition externe. (Quoi, comment ça, ça a le même nom que les points de vue narratifs ? Incroyable. Le monde est quand même bien fait, hein ?)

Et comme l’article commence déjà à être long, je vais plutôt vous donner trois exemples que l’on connaît tous (à moins qu’on ne vous ait jamais lu de contes quand vous étiez petit(e), auquel cas vous pouvez allez vous rouler en boule dans un coin et pleurer).

Exposition omnisciente
Il était une fois trois ours. Il y avait Papa Ours, qui était très grand, Maman Ours, de taille moyenne, et Bébé Ours, qui était tout petit. Ils vivaient tous ensemble dans une petite chaumière au cœur des bois. Leur petit-déjeuner favori était la bouillie d’avoine.

Un matin, alors qu’ils venaient de faire leur bouillie d’avoine, Papa Ours dit : « Allons nous promener en forêt le temps qu’elle refroidisse. » Maman Ours et Bébé Ours trouvèrent l’idée bonne, et tous trois s’en furent.

Et pendant qu’ils étaient loin, une jeune fille du nom de Boucles d’Or arriva par la forêt et sentit l’odeur de la bouillie d’avoine…

Exposition interne
Le jeune Hansel secoua le panier qu'il tenait dans sa main droite. Il était presque vide. Il n'était pas sûr de ce qu'il ferait quand les miettes de pain manqueraient, mais il était certain qu'il ne voulait pas alarmer sa petite sœur, Gretel. Il baissa les yeux sur son visage innocent et se demanda comment leur méchante mère pouvait être si cruelle. Comment avait-elle pu les chasser de leur maison ? Combien de temps pourraient-ils survivre dans cette forêt sombre ?

Exposition externe
« Tu devras porter le manteau rouge que je t’ai donné, dit la mère à sa fille.
- Est-ce que grand-mère est très malade ? demanda la jeune fille.
- Elle devrait aller beaucoup mieux après avoir vu ton joli visage et les friandises dans ton panneau, ma chérie. Et sois très prudente quand tu iras chez elle. Ne t’éloigne pas du chemin, et ne parle pas aux étrangers. Et méfie-toi du grand méchant loup !
- Je n’ai pas peur, Mère, répondit l’enfant. J’ai fait le trajet plusieurs fois. Le loup ne m’effraie pas. »

Le maître-mot de l’exposition peut se résumer ainsi : Entrez vite, frappez fort, et repartez immédiatement. L’exposition est là pour donner à votre lecteurs des détails sur l’intrigue, son décor et son atmosphère ; elle est cruciale, mais ne doit en aucun cas interrompre la fluidité de lecture.

A ce titre, on remarque que le premier exemple est le plus maladroit des trois. Avant que l’intrigue à proprement parler ne commence, on a le droit à une mise en place du décor poussive qui prend la moitié du paragraphe. Les lecteurs ne peuvent pas créer la scène dans leur esprit, parce que rien ne se passe – il n’y a rien à visualiser.

Le second exemple, lui, est déjà plus fluide, quoique certains lecteurs risquent de le trouver un peu trop rhétorique ou artificiel. Le dernier exemple, enfin, distille les informations au fil du dialogue entre le Petit Chaperon Rouge et sa mère, ce qui permet au lecteur d’apprendre le but, le décor et l’atmosphère de l’intrigue sans que l’histoire ne s’arrête.

Evidemment, il est tout à fait possible de faire de la bonne exposition omnisciente et de la mauvaise exposition externe. Beaucoup d’auteurs tombent d’ailleurs dans le travers des dialogues-narration, où deux personnages, qui sont membres de la diégèse de l’univers et sont donc censés en connaître les rouages, se posent des questions seulement destinées à expliquer ces rouages au lecteur. On en arrive alors à des échanges très artificiels, qui brisent l’immersion.

Dans tous les cas, je le répète, gardez bien ce principe en tête : n’interrompez le flot de l’histoire qu’en cas d’extrême nécessité. Il est souvent dur, en tant qu’auteur, de résister à la tentation de dévoiler à son lecteur le magnifique univers qu’on a conçu de nos propres mains. Mais personne n’a envie de lire vingt pages d’explications sur la manière dont fonctionne le commerce de laine de mouton-de-pierre dans votre univers médiéval-fantastique.

On me souffle dans l’oreillette que l’article touche à son terme. Pour synthétiser tout ça, rien de mieux que le fameux Show don’t tell américain. Cette phrase résume parfaitement ce qu’il faut garder en tête pour bien gérer son exposition : tout ce qui peut être montré, par des descriptions ponctuelles, des détails dans des dialogues, n’a pas besoin d’être dit par votre narrateur. C’est aussi pour cette raison que les flashbacks marchent bien mieux que si un personnage racontait ce qu’il lui était arrivé au sein d’un long monologue.

Voilà, on en arrive à la fin de ce billet de blog ! Comme d’habitude, abonne-toi mets la cloche, suis-moi sur les réseaux sociaux tout ça. Et en cas de questions, l’espace commentaires reste ouvert !
Article ajouté le Dimanche 08 Avril 2018 à 16h36 | |

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