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Whisky, cigares et bon goût. Ou pas.
de Drayker

                   


Bonjour et bienvenue dans ce vieux musée poussiéreux qu'est mon blog. Enfin poussiéreux pas vraiment, étant donné que je viens tout juste de le refaire. Peut-être que certains d'entre vous se rappelleront de moi, mais dans le doute, présentons-nous.

Je suis Drayker, inscrit sur Bip depuis 2007 et écrivain amateur depuis à peu près autant d'années. J'ai fait mes armes, naïf débutant que j'étais alors, et après de longues années, j'ai décidé de partir en pèlerinage (pendant quoi, un, deux ans ?), car le site n'avait plus grand-chose à m'apporter au niveau écriture, et en moi naissait l'envie d'explorer de nouveaux horizons. J'ai donc pris mes cliques et mes claques, et je suis parti, supprimant blog, fanfics et autres traces de mon activité. Mes excuses à tous mes lecteurs de l'époque (s'ils repassent éventuellement ici) pour ça, d'ailleurs.

Enfin bref. Je suis à présent de retour, plein de nostalgie et décidé à agrémenter la liste des fics de mes (modestes) écrits. A mon rythme, bien entendu - j'ai un IRL assez chargé, alors ne comptez pas sur moi pour mettre ce blog à jour chaque soir ou pour poster un chapitre tous les deux jours.

Malgré tout, j'espère que vous prendrez plaisir à naviguer tranquillement sur ce blog capitonné, qui sent bon la fumée et les lettres. Prenez donc un fauteuil et laissez-vous bercer.


Ma fanfic : Apocalyptica
Fanfics en cours de préparation :
Le Paradoxe du Rocher - La Troupe de l'Horizon

F.A.Q. : ici
Facettes :
Le déraciné, l'aliénée, l'écorché, le détaché
.

Articles sur l'écriture :
Pourquoi "évitez les clichés" est le pire conseil qu'on puisse vous donner
Pourquoi Mulan, Star Wars et l'Odyssée racontent la même chose (et pourquoi ça marche)
Construire un récit, étape 1 : il faut un vieux mentor barbu dedans. Non négociable.
Construire un récit, étape 2 : 75% du travail se fait avant d'ouvrir Word. Et si.


Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


La fin d'Apocalyptica
Bonsoir tout le monde ! (ou en tout cas à ceux qui repassent encore ici !)

Après de longs mois (voir années) sans nouvelles, que ce soit sur ce blog ou dans l'espace commentaire de la fic, j'ai décidé d'abandonner Apocalyptica.

Pourquoi ?

Pour plusieurs raisons :

- La fic commence à dater. Je l'ai créée en 2014, et les plus anciens de mes lecteurs se souviendront que c'était déjà une réécriture... entre temps, j'ai vieilli, j'ai commencé et finit des études, vécu à l'étranger, démarré dans la vie pro, bref ; mes centres d'intérêt ont évolué.
Le support a ses limites et écrire sur Pokébip n'est pas toujours simple (la partie fanfics de l'EM est longtemps restée en bas de la liste des priorités de développement et pâlit sévèrement face à ce qui se fait aujourd'hui ailleurs - ce qui est normal étant donné le caractère bénévole de l'équipe).

- La fic est extrêmement ambitieuse. Même si j'avais une idée claire d'où je voulais finir, j'ai rajouté en chemin quantité de thèmes que je n'avais pas envie d'aborder à la base, et le temps d'exécution de l'ensemble s'en est retrouvé démultiplié. L'arc III à Omnia, par exemple, n'était pas prévu, ou en tout cas pas aussi long - j'avais simplement besoin de ce temps d'exposition pour présenter les personnages cruciaux que sont Will et Tia.
Pour parler chiffres, je suis passé de chapitres de 4-5 pages Word (taille 11) initialement à une moyenne de 7-8, et des exceptions qui grimpaient jusqu'à 20 pages. Plus j'avançais et plus la rédaction prenait de temps, à une époque où j'en avais de moins en moins.

- J'ai d'autres projets auxquels je dédie mon temps libre. Je pense que c'est assez normal de passer autre chose et de finir par délaisser une fic dont la première mouture date quand même de 2009.

Qu'on se dise bien les choses, Apocalyptica m'a énormément apporté et fut un plaisir à écrire. Les retours de plus en plus nombreux ont été vraiment stimulants pour moi, parce qu'on ne va pas se mentir, les notifications sur le mur, c'est l'opium des écrivains.
J'ai pu faire mes armes sur cette fic, apprendre à construire un embryon d'univers avec Algosya, à gérer des trajectoires d'évolution de perso. A plus large échelle Pokébip m'a énormément apporté et construit, mes passages au Comité (et mes embrouilles avec certains aussi), mes discussions avec la communauté d'auteurs du site, que ce soit sur Discord ou sur les blogs, ont été très enrichissantes !

Même si depuis quelques années, je sentais, sans vouloir paraître hautain, que le niveau moyen du site, qui compte quand même pas mal de débutants, était de plus en plus éloigné du mien et que Pokébip n'avait plus grand chose à m'apporter. J'ai pondu quelques articles sur ma compréhension de l'écriture et de ses rouages, qui ont suscité quelques discussions intéressantes, dans une volonté de redonner un peu à la communauté. Mais le constat est là : il est temps de passer à autre chose.

Et maintenant ?

Pour Apocalyptica

Maintenant, je vais passer Apocalyptica en abandonnée, rajouter une note au lecteur qui redirigera vers cet article, et je pense m’arrêter là. Je repasserai peut-être sur le site à l’occasion, mais j’étais déjà un vieux fossile à l’époque, et la majorité des têtes que je vois traîner ici maintenant me sont inconnues, et je pense que la section fics a également fait son temps.

Autres projets

Concernant mes projets, j’ai -enfin- décidé d’attaquer la rédaction d’un univers perso que je mature depuis très longtemps, mais que je n’ai jamais étoffé (notamment à cause d’Apocalyptica). Pour en parler en peu de mots, il s’agit d’un monde constitué d’îles volantes, où la place manque et donc où le bois, l’agriculture et le minage sont peu développés. On est sur de la fantasy que j’ai voulu dépaysante, puisque qui dit absence de bois/métaux/autres dit âge de pierre, et donc exit les chevaliers, les dragons, les magiciens et les donjons.

C’est un univers que j’ai déjà bien détaillé sur un autre support, un site américain appelé WorldAnvil, qui permet en gros de se créer son propre wiki, de lier les pages entre elles, d’illustrer… L’univers sert de base à des sessions de jeux de rôle sur table que je fais jouer en ce moment même à des potes. L’idée à terme est d’être publié, soit sous forme de jdr, soit sous forme de roman.
Pour les intéressés, le lien est par-là :
https://www.worldanvil.com/w/troupe-de-l-horizon-drayker.

En ce moment je publie beaucoup d’articles dans le cadre d’un événement organisé par le site, une sorte d’Inktober pour les écrivains où il faut tenir le rythme pendant tout le mois de juillet !

Si certains veulent voir mon travail maintenant, n’hésitez pas à passer me faire coucou, là-bas, par MP ici, ou sur discord : Drayker#9096.

Et la fin d’Apocalyptica alors ?

J’ai changé de PC et perdu mes notes, mais la trajectoire que devait prendre la fic était claire dans ma tête. Pour ne pas vous laisser bras ballants, et parce que je m’en voudrais de vous abandonner sans le fin mot de l’histoire, je vous propose de vous mettre sous spoiler ci-dessous (longue lecture, attention !) comment la fin de la fic devait se dérouler :
Arc IV – Les Nouveaux Dieux
- Rappel des derniers chapitres :
Le dernier chapitre publié s’arrête alors qu’un groupe de Nettoyeurs apparaît devant le bunker. Lina et Will sont coincés en haut de la montagne qu’ils viennent de gravir pour tenter de localiser le mystérieux signal des survivants – le lecteur et Joshua soupçonnent fortement Will d’être possédé par l’Autre. Lina et Kate, qui ont remarqué les errances nocturnes de Joshua, ont monté un plan pour voir ce qu’il fabrique au dernier sous-sol. Kate a pris l’apparence de Will et découvert que Joshua allait discuter fréquemment avec Lyrian/l’Autre, retenu dans une cellule… bien qu’il semblerait que l’Autre puisse s’en libérer si l’envie lui chante. Joshua, qui pense que Kate est Will, la drogue au vortex en pensant libérer Will de l’emprise de l’Autre – avant de se rendre compte de la supercherie.
- L’attaque des Nettoyeurs : Lina et le vrai Will assistent, impuissants, à l’entrée des Nettoyeurs dans le bunker. Il est révélé que si les Nettoyeurs peuvent passer le scanner rétinien, c’est parce qu’il s’agit des derniers employés de X-Corp, qui ont été transformés en hybrides Sépiatroce pour rendre un ultime service à la société. On ignore encore qui les dirige, étant donné que l’IHM du labo du désert avait dit qu’ils étaient « envoyés par l’admin Jack Taylor », or Taylor est mort à la fin de l’arc III.

Will et Lina dévalent la montagne à toute vitesse. Comme pendant l’ascension, les capacités physiques étonnantes de Lina peuvent mettre la puce à l’oreille au lecteur.
Un combat s’engage entre Will et Fenrir VS les Nettoyeurs, où l’Elitien et son compagnon montrent toute leur maîtrise du combat de Dresseur. Lina veut s’enfoncer dans le bunker pour aider les autres mais en est dissuadée par Will.

A l’intérieur, Joshua est averti par Sanae que les Nettoyeurs sont rentrés – elle dit sentir leur présence. Il libère alors immédiatement Sanae, mais refuse de libérer Lyrian, toujours inquiet quant aux intentions de l’Autre. L’Autre l’avertit qu’avec sa blessure et la paraplégie de Jade, ils n’iront nulle part, mais Joshua refuse de l’écouter.

Joshua, Kate (à moitié inconsciente à cause du Vortex) et Sanae laissent alors Lyrian enfermé et remontent prestement pour rejoindre Jade, en fauteuil. Ils tombent nez-à-nez sur des Nettoyeurs que Sanae parvient à vaincre, rappelant à Joshua que les humains ne sont vraiment rien à côté des Apocalyptica.

Sanae les protège de son mieux mais les Nettoyeurs sont nombreux ; Joshua est rapidement essoufflé et Jade traîne également. En essayant de leur venir en aide, Sanae est blessée par un Nettoyeur et la situation prend un tournant sombre.

Coincés dans les étages inférieurs du bunker, le groupe se replie dans les cellules du dernier sous sol derrière la porte blindée. Sanae tient debout malgré sa blessure, mais sa fatigue est évidente. Kate hors d’état de combattre, Joshua handicapé et Jade paraplégique, Joshua se rend à l’évidence : Lyrian/l’Autre avait raison.

A l’extérieur, Will se démène comme un diable avec Fenrir. L’Arcanin est blessé mais ils parviennent à tenir en respect un bon nombre de Nettoyeurs.

Finalement le groupe de Joshua reparaît à la surface, tous blessés, et menés par Lyrian/l’Autre : Joshua l’a finalement libéré… et Jade marche ! Aussitôt libre, Lyrian l’a soignée de sa paraplégie, signe de sa puissance terrifiante. Lina hurle de rage en le voyant. Fin de chapitre.

- Will/Fenrir, Jade/Riolu, Lyrian et Sanae exterminent les Nettoyeurs. Lina crie de rage à l’encontre de Joshua en voyant ce qu’il lui a caché. « JE TE HAIS ! ».

Une fois le dernier Nettoyeur mort, elle se rue sur Lyrian/l’Autre pour le frapper. Ce dernier tente d’esquiver mais le coup de Lina l’atteint quand même et l’envoie valser dans les rochers à plusieurs dizaines de mètres de là. Tout le monde est médusé.

L’hallucination de Tia crie à Will de protéger Lina, qui reste tétanisée par ses propres capacités. Lyrian/l’Autre se reprend et tente de s’en prendre à Lina en disant qu’il aurait dû la tuer avant qu’elle ne s’éveille. Lina, prise des mêmes violentes migraines que Lyrian au début de la fanfic, s’évanouit.

Sanae s’interpose et un combat démarre entre les deux Apocalyptica, faisant trembler la terre. Joshua, qui tient Kate dans les bras, est séparé de Will/Lina. Le barbu et Lina inconsciente chevauchent Fenrir et fuient tandis que Joshua abrite Kate de la fureur des Apocalyptica dans le bunker.

Sanae, déjà blessée, est rapidement vaincue et s’effondre. Lyrian/l’Autre, parfaitement calme, refuse alors de s’en prendre aux autres, indiquant à Joshua qu’il n’en veut à personne. Quand ce dernier, qui se sent trahi, lui demande pourquoi il a voulu tuer Lina, il répond qu’il n’a pas le choix. Il leur propose alors de le rallier, lui et son groupe de fidèles dont il partage l’esprit, en leur promettant d’être à l’abri du besoin.
Joshua refuse. Kate, qui commence à reprendre ses esprits, refuse également.
Jade accepte, médusée par la puissance de l’Autre qui vient de lui rendre ses jambes. Lyrian lui tend la main d’un geste symbolique, elle l’attrape, et tous deux disparaissent (téléport).

Kate et Joshua se retrouvent donc seuls avec une Sanae à l’article de la mort au milieu du carnage.

- Will et Lina sont en fuite. L’hallu de Tia débite à toute vitesse que les capacités d’Apocalyptica de Lina se sont réveillées, et que l’Autre la considère comme un danger. Chevauchant un Fenrir blessé, Will s’énerve contre Tia et lui demande comment une simple hallucination peut savoir autant de choses. Il comprend alors : l’Autre est dans sa tête, cette hallucination n’en est pas une. Tia se défend, en essayant de lui expliquer qu’il se trompe et qu’elle n’est pas l’Autre. Will refuse d’écouter et met le cap sur les ruines d’Omnia, convaincu que le sarcophage est fonctionnel.

- Joshua et Kate assistent, impuissants, au décès de Sanae, qui leur sourit en disant qu’elle est contente d’avoir réussie à s’interposer et à confronter l’Autre, au lieu d’être contrôlée.
Ils décident récupèrent de leurs blessures avant de décider de secourir Lina. Joshua a toujours des doutes (comme Kate) sur la sanité de Will et pense qu’il peut être contrôlé par l’Autre, ce qui expliquerait pourquoi Lyrian ne les a pas poursuivis : Will serait son agent.
Le moral est très bas et Joshua considère Kate comme responsable de ce bordel. La Métamorphe réplique que s’il avait joué franc jeu, ils n’en seraient pas là, et que c’est lui qui a libéré Lyrian – même s’il leur a sauvé la vie des nettoyeurs. Violente engueulade.

- Chapitres séparés et alternés :
o Lina se réveille et se méfie de Will, et d’elle-même. Ce dernier ne lui avoue pas qu’il pense être possédé par l’Autre de peur qu’elle le fuie. Il lui explique ce qu’il sait sur le sarcophage et la convainc de l’accompagner à Omnia pour ouvrir le caisson et tuer celui qui est dedans.
o Joshua et Kate, qui ne peuvent pas franchir le désert à pied, sont déboussolés. Kate déclare qu’ils ne pourront pas secourir Lina sans aide, ni sans savoir où elle est. Elle propose de reprendre la piste du signal des survivants. Ils décident de traverser la montagne pour aller dans les marais de Lusignan, où s’amoncèlent les nuages de pluie – en direction du signal des survivants.
o Dans les ruines d’Omnia : groupes de pillards. Lina ne parvient pas à faire à nouveau appel à ses capacités, Will est blessé, Fenrir qui n’est pas remis, meurt des suites de ses blessures.
o Dans le marais : profonde détresse de Joshua qui est inquiet pour Lina. Kate tente de le réconforter à plusieurs reprises. Une relation ambigüe se développe entre eux au fur et à mesure des chapitres.
o Will et Lina, exténués, parviennent à la salle du sarcophage, mais il faut se rendre à l’évidence : il n’est pas alimenté en énergie, personne ne peut y être. Il est révélé au lecteur que Will a bel et bien tué Tia à la fin de l’arc III, pour ceux qui en douteraient ; or son cadavre n’est plus là, ce qui confirme pour lui que l’Autre est bien Tia. L’hallucination dans l’esprit de Will continue de maintenir qu’elle n’est pas l’Autre. « Quoi alors ? »
o Kate et Joshua parviennent à proximité du signal des survivants. Ils sont accueillis par les auteurs du message, qui les hébergent et les nourrissent, mais reste très évasifs. Méfiante, Kate fouine et découvre l’horreur de ce camp : ces survivants sont devenus cannibales et se servent de leur tour radio pour attirer les autres rescapés, les détrousser et les manger. Le duo tente de s’enfuir mais est repéré. Alors qu’ils vont être exécutés, un autre groupe apparaît et dévaste le campement à l’aide d’hybrides. Parmi eux, deux figures reconnaissables : Lyrian et Jade. D’abord inquiets, Kate et Joshua, exténués, se laissent conduire dans les marais par ce nouveau groupe, comprenant qu’il s’agit des fidèles de l’Autre. Jade les rassure et leur dit que tout va bien se passer et qu’ils vont rencontrer l’Autre.

Ils sont menés jusqu’au camp des « Enfants de l’Autre », comme ils se nomment : une centaine de survivants qui vivent apparemment heureux dans un camp post-apo monté à partir de débris. Kate et Joshua ont l’impression de revoir la colonie du début de la fanfic. On leur indique qu’ils seront reçus par l’Autre le soir venu.

Kate et Joshua attendent. La nuit tombée, une tente au centre du camp s’ouvre et une jeune femme en sort, acclamée par les autres comme une sorte de prophète ou de figure quasi-divine. La jeune femme s’arrête devant Joshua et Kate, et se présente : « Je m’appelle Tia ». Joshua percute alors qu’ils ont toujours désigné « L’Autre » comme un être masculin, à tort.

Une très longue discussion s’entame pendant laquelle l’Autre affirme ne pas posséder Will, essayant de rassurer Joshua sur le danger que court Lina.

Tia/L’Autre s’excusera de les avoir mis sur la piste du signal à l’époque du bunker, elle ignorait qu’il s’agirait de cannibales et est intervenue dès qu’elle a compris son erreur. Tia expliquera la même chose que ce que Joshua avait appris de la bouche de Lyrian dans les cellules : que l’Autre mûrit en partageant l’esprit d’autrui, et s’est résolument tourné vers l’incitation/conviction plutôt que l’intimidation ou le mensonge. Tia invite Joshua et Kate à rester s’ils le souhaitent, sans les forcer – mais s’ils restent, Tia leur promet de les mettre à l’abri du besoin. Kate demande si en échange, ils doivent la laisser pénétrer leur esprit, à quoi l’Autre répond que non, c’est sur base de volontariat.

- Will confronte son hallucination, qui lui explique que Tia a bien été placée dans le sarcophage. Par qui ? Le Rex, qui a survécu, connaissait le projet Apocalyptica et refusait que les Apocalyptica soient laissés sans surveillance. Tia est alors devenue l’Autre, mais l’hallucination explique que « une balle logée dans le cerveau le plus puissant du monde » a eu des effets imprévus. Selon elle, Tia était tiraillée entre guider les survivants et contrôler les Apocalyptica (ce qui a donné l’Autre), et son attachement pour Will et sa volonté de protéger ce qu’il reste de sa famille (ce qui a donné une autre facette, bien moins puissante, qui communique avec Will sous forme d’hallucination). Si l’hallucination exhorte Will à protéger Lina depuis tous ces chapitres, c’est parce que c’est non seulement sa sœur, mais aussi parce qu’en tant que première Apocalyptica, elle est la seule qui ait une chance de s’opposer à l’Autre.

- Joshua et Kate, après une nuit blanche à réfléchir, acceptent de rester avec les Enfants de l’Autre. Fin de l'arc.

Arc V – Je te le promets
- Une ellipse de plusieurs mois, voire années, semble s’être déroulée. On ouvre en suivant Will et Lina qui parviennent dans ce qu’il reste de Lusignan. Après tant de temps passé à survivre, le duo a développé une relation singulière. On découvre que Will entraîne Lina lors de passes d’arts martiaux où il lui interdit d’utiliser ses pouvoirs. « Si sans tes pouvoirs tu es meilleure qu’un humain, alors avec, tu seras meilleure qu’un Apocalyptica. ». La jeune femme, qui maîtrise désormais assez bien ses capacités (sauf quand elle perd son sang-froid), a finit par considérer Will comme une sorte de père adoptif. Quelques scènes au coin du feu et échanges intimes permettent au lecteur de comprendre le chemin qu’ont parcouru les personnages.

- Joshua et Kate ont rejoint les Enfants de l’Autre, qui sont désormais plusieurs centaines – la quasi-totalité ayant accepté que l’Autre partage leur esprit. D’abord réticents, ils ont fini par trouver leur place mais n’ont pas laissé Tia pénétrer leurs pensées.
Pendant tout ce temps, ils ont pu observer la vie au campement mené par Tia/l’Autre et se rendre à l’évidence : les survivants ici sont heureux, le camp tourne. Les Apocalyptica (au nombre de deux : Lyrian et un autre jamais rencontré) sont régulièrement envoyés en mission par l’Autre pour trouver de nouveaux survivants ou éliminer des menaces – à ce titre, Lyrian traque les Nettoyeurs et cherche toujours à savoir qui les contrôle. Joshua et Kate sont membres d’escouades chargées du ravitaillement, tandis que sur place, on cultive des fruits et légumes grâce à la modification du climat qu’opère l’Autre – qu’on voit de moins en moins et qui reste souvent enfermée dans sa tente.

Une chose travaille Joshua : le côté religieux de tout ça. Les Enfants de l’Autre vouent un vrai culte à leur meneuse. Jade (dont le Riolu est devenu un Lucario plutôt badass) est devenue une sorte de prêtresse qui encadre des cérémonies au nom de l’Autre.

- Will raconte à Lina la même histoire qu’il a racontée à Tia à l’époque sur son père et son amour pour les voiliers. Il retrouve ce qu’il reste de leur ancienne maison et du navire qu’il avait promis d’aider à terminer avant que la maladie n’emporte son paternel. Avec l’aide de Lina, il passe de longues journées à achever le navire. Tous deux vivent dans une solitude qui contraste avec la civilisation des chapitres de Joshua/Kate.

- Au camp de l’Autre, Joshua apprend qu’un Apocalyptica a été envoyé vers les îles Sogulen, où se trouverait un énième labo de X-Corp d’où seraient contrôlés les Nettoyeurs. Sa relation avec Kate, toujours ambigüe, s’assume finalement un soir d’ivresse, bien que le souvenir de Lina le hante encore. Après cette relation d’un soir, Joshua se réveille coupable et demande à voir l’Autre pour lui demander de le laisser partir à la recherche de Lina. Jade lui interdit de voir Tia, arguant qu’il ne faut pas la déranger. Kate, vexée et voyant bien que Joshua n’oubliera pas Lina, le quitte en froid. La Métamorph, elle, a définitivement trouvé sa place au camp parmi les autres hybrides, et se sent enfin acceptée ; elle regrette que Joshua reste hanté par leur vie passée et ne tourne pas la page.

- Will et Lina prennent le large pour les îles Sogulen. Il est révélé que c’est l’hallucination de Tia (ou l’anti-Autre, comme l’appelle ironiquement Lina) qui leur a indiqué cette destination.

- Le soir, Joshua est finalement reçu par Tia/l’Autre, à l’intérieur de sa tente. L’idole des Enfants de l’Autre le reçoit humblement et lui indique avoir entendu sa demande pour Lina. Joshua lui demande si l’Autre compte contrôler Lina comme elle contrôle les autres Apocalyptica, et Tia lui promet que non. Elle lui promet « d’ouvrir l’œil » pour savoir si Will et Lina sont encore en vie, mais lui déconseille fortement de tenter lui-même de retrouver le duo et de se mettre en danger inutilement. Joshua est important pour le camp et Tia l’encourage à s’installer durablement et à se faire une place, et à lui faire confiance.

Le soir même, Joshua retrouve Kate et tous deux passent la nuit ensemble.

- Après quelques péripéties pendant le trajet, Will et Lina accostent sur les îles Sogulen, où une communauté de plusieurs centaines de survivants coupée du continent vit de la pêche depuis longtemps. Comme la colonie à l’époque, ils ont accueilli les hybrides libérés du laboratoire X-Corp pendant le Changement. Parmi eux, Will retrouve Garvin, devenu Apocalyptica. Le survivant veut étreindre son ancien ami et mentor mais réalise dépité que comme tous les hybrides, il est amnésique.
Interrogés sur les Nettoyeurs, les survivants leur révèlent que c’est le Rex, bien vivant, qui les contrôle. Effarés, Will et Lina se précipitent dans le labo et tombent sur le personnage, qui à travers l’I.H.M. du labo contrôlait les Nettoyeurs. Les retrouvailles sont mouvementées : Will, qui croyait que le Rex était du côté de l’Autre, l’accuse d’avoir placé Tia dans le sarcophage et causé tout ce bordel. Le Rex accepte sans sourciller les remontrances et explique qu’il croyait effectivement au projet de Tia/l’Autre au départ, et qu’il était même son bras droit initialement. Mais en voyant la tournure religieuse qu’ont pris les survivants, il a pris conscience qu’il avait contribué à créer un dieu tyran, et s’est mis en tête de réparer son erreur. Il a rallié Sogulen peu après le Changement, où les Nettoyeurs étaient créés, et en a pris le contrôle pour tenter de débusquer et de tuer tous les Apocalyptica afin d’éviter que l’Autre ne les contrôle et ne se renforce. Il en a exécuté vaincu une majorité mais trois sont au service de l’Autre. Il s’excusera des souffrances que ses actes leurs ont infligé. Lui qui croyait Lina morte sera profondément renié par la jeune femme qui l’accusera d’avoir la mort de tous ses anciens compagnons sur les mains.

Will, dégoûté par les actes du Rex, tournera également les talons.

- L’Apocalyptica envoyé par l’Autre parvient aux îles Sogulen et s’en prend aux survivants. Lina, aidée de Garvin, parvient à le vaincre, mais Garvin succombe. Le Rex explique alors que Tia/l’Autre ne s’arrêtera pas tant qu’elle n’aura pas dominé ou tué tous les Apocalyptica. Le camp est compromis, et Lina et Will ont l’impression qu’où qu’ils aillent, le cycle se répètera. Convaincus par le Rex, ils prennent la décision de confronter Tia/l’Autre. Le Rex, qui dirige les survivants de Sogulen, rallie ses troupes et tous se préparent à une guerre ouverte.

- Chez les Enfants de l’Autre, Tia révèle qu’un groupe de survivants (dont des hybrides) des îles Sogulen ont vaincu un Apocalyptica de chez eux et veulent leur déclarer la guerre. Avec une ferveur quasi-religieuse, et exhortés par Jade, les Enfants de l’Autre (dont Kate) décrètent qu’ils vengeront les leurs. Joshua ne cède pas à la fièvre ambiante mais accepte de défendre les Enfants de l’Autre dans la guerre à venir.

- Une ellipse de quelques mois passe, pendant lesquels les survivants de Sogulen, menés par Will, Lina et le Rex, ont débarqué à Lusignan d’où ils mènent des escarmouches dévastatrices contre les Enfants de l’Autre. Au travers de cette guerre larvée, Lina, dernière Apocalyptica du groupe, s’est illustrée en véritable héroïne aux yeux des survivants de Sogulen. Grâce aux notions de tactique et à l’entraînement militaire de Will, qui a formé les survivants, ils ont pris l’avantage et se préparent à donner l’assaut sur le camp des Enfants de l’Autre. Pour vaincre l’Autre, les gens de Sogulen ont pillé les réserves de Vortex du laboratoire.

- Alors qu’ils sont conviés par Tia/l’Autre, Kate et Joshua découvrent la vérité : si on la voit de moins en moins, c’est parce que Tia est extrêmement affaiblie. A force de partager les pensées d’autant de personnes (les Enfants de l’Autre approchent du millier), elle a perdu la capacité de mouvoir son propre corps et reste majoritairement affalée en fauteuil roulant toute la journée. Elle raréfie ses apparitions publiques pour maintenir l’illusion, aidée par Jade à conserver le secret, mais leur avoue qu’elle n’est pas capable de remporter cette guerre. Création imparfaite et aujourd’hui affaiblie, elle n’a rien de la déesse qu’elle a longtemps cru être, et que les Enfants de l’Autre pensent encore qu’elle est. Elle révèlera alors au duo que ceux qui mènent l’assaut contre eux et qui ont tué beaucoup des leurs ne sont autres que Will et Lina. Joshua décide d’aller à leur rencontre pour les convaincre d’arrêter ce massacre. Kate essaye de l’en dissuader et lui avouera qu’elle est enceinte – chose réputée impossible étant donné la stérilité des hybrides. C’est pour cette raison que Tia/l’Autre, au courant, les a convoqués. La défaite est imminente et elle demande à Joshua et Kate de s’enfuir. Kate essayera de le convaincre que cette grossesse prouve que, malgré l’échec de l’Autre, un monde d’après est possible, et qu’ils n’ont qu’à fuir. Le chapitre s’arrête avant que le lecteur ne connaisse la décision de Joshua.

- Les survivants de Sogulen sont attaqués à leur camp de Lusignan par Lyrian, Jade & Lucario, et tout un tas d’hybrides. Cet assaut de la dernière chance semble désespéré, et les survivants de Sogulen l’emportent à l’issue d’une terrible bataille (que j’aurais chié à écrire je pense) pendant laquelle la majorité des humains tombe sous les attaques des hybrides des deux camps, ce qui achève d’imposer le statut d’espèce disparue à l’humanité. Le Rex trouve la mort pendant l’assaut, tué par Lyrian, et est vengé par Lina qui réalise avec colère que son père adoptif a été tué, comme tant d'autres, par l'hybride qu'elle avait insisté pour sauver dans le désert. Pendant la bataille, Will tombera sur Jade qui se lamente devant le cadavre de son Lucario. Voyant en elle le miroir de sa peine lorsqu’il avait lui-même perdu Fenrir, Will tentera de lui tendre la main mais Jade essayera de le tuer de rage et sera exécutée froidement par Lina. Cette dernière, profitant de la victoire, veut exhorter Will à pousser l’avantage et à se diriger vers le camp des Enfants pour tuer l’Autre.
Will, secoué par la mort de Jade dont il se souvient encore de l’innocence de jadis, est épuisé moralement et en vient à se demander s’ils ne sont pas en train de condamner toute perspective de rebâtir le monde. Blessé et plus tout à fait convaincu ded la justesse de leur cause, il ne peut accompagner Lina.
Cette dernière décide alors de partir seule. Elle quitte Lusignan sous les applaudissements des survivants – elle est plusieurs fois appelée l’Héroïne par leurs compagnons.

- En traversant la forêt pour rallier le camp de l’Autre, seule, Lina croise le chemin de Joshua, qui venait à leur rencontre pour tenter de mettre un terme au conflit. Effarée, elle comprend que le jeune homme a rallié ses ennemis, et Joshua déploie des trésors d’élocution pour tenter de la convaincre d’arrêter.

Persuadée que Joshua est sous la coupe de l’Autre et qu’il n’a plus de libre-arbitre, elle essaie de le lui expliquer, mais le jeune homme maintient qu’il est maître de lui-même et que c’est elle qui est aveuglée par sa soif de destruction. Il essaye de lui expliquer que l’Autre avait bâti un vrai havre de paix, mais Lina lui réplique que c’est l’Autre qui a attaqué les survivants de Sogulen le premier, et que Tia/l’Autre cherchera toujours à détruire ceux qui ne la rejoignent pas.

Comprenant que la spirale de violence ne s’arrêtera qu’avec l’oblitération d’un des deux partis, Joshua, les larmes aux yeux, déclare à Lina qu’elle devra lui passer sur le corps si elle veut tuer l’Autre. Après une scène déchirante où Lina, pleine de tristesse et de colère, supplie Joshua de s’écarter, elle le pousse sur le côté – mais dans un accès d’émotions, elle sous-estime sa force surhumaine et le jeune homme percute un tronc et s’effondre, la nuque brisée.

Un hurlement retentit alors que Kate, qui a avisé la scène, se précipite aux côtés du corps de Joshua et le pleure. Lina, stupéfaite et abattue, se défend à peine lorsque Kate la roue de coups désespérés, puis tourne les talons, laissant la Métamorph seule avec sa peine.

- Lina pénètre dans le camp des Enfants de l’Autre, mue par la colère et la vengeance pure. Dans le camp, quelques individus qui n’étaient pas en état de se battre tentent de s’interposer mais Lina les balaye d’un revers de main. Elle pénètre dans la tente de l’Autre et confronte son ennemi de toujours.

- Will, avachi dans les ruines de Lusignan, voit l’hallucination de Tia lui apparaître. En souriant, il lui demande si Lina a réussi, ce à quoi l’apparition indique « bientôt ». « Tu vas disparaître, alors ? Quand l’Autre ne sera plus là. Vous partagez le même cerveau, non ? » L’hallucination acquiesce et Will réalise qu’il va perdre le dernier souvenir de l’amour de sa vie. L’apparition s’assied à côté de lui et tous deux échangent quelques mots, se remémorant leurs moments à Omnia en attendant la fin.

- Lina tombe sur une Tia avachie dans son fauteuil, extrêmement faible et dévastée. « Alors c’est toi ? C’est à toi qu’on doit tout ça ? ». Ce à quoi l’Autre répondra : « A moi ? Non. Tu as ta part de responsabilités aussi. »
Lors d’une confrontation sans le moindre combat, où l’Autre avoue avoir échoué dans la construction du monde dont elle rêvait, Lina lui demandera pourquoi ils n’auraient pas pu vivre ensemble. L’Autre répondra qu’elle avait peur d’elle, car elle avait le pouvoir de la détruire. Elle avertira Lina qu’elle commettra les mêmes erreurs, ce à quoi Lina répondra qu’elle ne compte certainement pas devenir la déesse des survivants. « Tu l’es déjà », répondra Tia/l’Autre avant de se suicider d’une balle dans la tête, en écho à ce qui l’a créée.

- Epilogue : des mois plus tard, les restes des survivants de Sogulen ont regagné leur camp sur les îles. Lina, véritable héroïne, est adulée de tous comme leur sauveuse. Lors d’une apparition publique où, depuis le balcon d’une bâtisse, elle livre un discours aux survivants sur leur futur, elle est bruyamment acclamée par les siens qui scandent son nom avec ferveur.
Soudain, une personne dans la foule sort un revolver et tire sur Lina, qui s’effondre. Will, à ses côtés sur le balcon, la tire à l’abri tandis que le terroriste est maîtrisée par la foule : c’est Kate, qui hurle « POUR JOSHUA » avant d’être réduite au silence.

Will tire Lina à l’intérieur du bâtiment tandis qu’elle se vide de son sang. « Pourquoi est-ce que tu ne guéris pas ? » Lina lui répond qu’elle n’en a plus envie, qu’elle n’a plus sa place dans cette histoire. Qu’elle est devenue exactement ce qu’était l’Autre : une déesse, une icône née d’un mensonge, qu’elle est en train de perpétuer malgré elle ce qu’elle avait voulu stopper. Rongée par le meurtre de Joshua et la souffrance qu’elle a commise au nom d’une cause en laquelle elle ne croit plus, elle n’a plus la force de vivre. Will lui répondra que les survivants ont besoin d’espoir pour aller de l’avant, que croire en elle est le seul moyen de rebâtir le monde.

Lina lui rétorquera qu’un monde dirigé par un tyran ne mérite pas de voir le jour, et qu’elle préfère mourir que d’en être responsable. Elle ne veut pas créer un futur d’esclaves qui lui vouent un culte aveugle, à elle ou quiconque d’autre. Elle fera jurer à Will de lever la supercherie, de ne pas laisser les survivants s’enfermer dans une philosophie aveuglante qui empêchera le monde de repartir sur des bases saines.

« Promets-moi que tu vas leur dire, Will. Promets-moi que tu les empêcheras de devenir les esclaves de qui que ce soit.
- Je te le promets. »

Bien évidemment, il mentait.

FIN

Pour ceux qui le veulent, on peut discuter de la fin dans l'espace commentaire si ça vous botte ! Je les regarderai fréquemment. Pour ceux qui s'aviseraient de lire les commentaires avant la fin de la fic ci-dessus, attention aux spoilers !

Article ajouté le Dimanche 19 Juillet 2020 à 00h00 |
2 commentaires
[Teaser] Ils étaient cinq.
Ils étaient cinq.

Cinq insensés, certains qu'à force de sillonner sans cesse l'océan, ils réussiraient à toucher l'Horizon du bout des doigts.

Cinq suicidaires, capables d'encaisser les pires supplices et de rester soudés.

Leurs noms ? Bien sûr que je peux vous les citer.

Sylf l’oiselier-plongeur, dont la course ne saurait être freinée. Kragh le fardelier, aux épaules assez larges pour porter le monde. Aliénor l’hydromancienne, seule maîtresse véritable des courants. Telvan, ancreur et socle de la Troupe, tant physiquement que moralement.

Et puis évidemment, il y avait Quinn. Quinn la capière, Quinn la porte-lame, Quinn qui aurait fendu les flots jusqu’à trancher l’Horizon. Cette histoire est la sienne ; celle d’une femme indomptable, de ceux qui l’ont suivie, de ceux qui l’ont aimée, et de ceux qui l’ont trahie.

Cette histoire est celle de la Troupe de l’Horizon.


Article ajouté le Jeudi 14 Juin 2018 à 22h28 |
7 commentaires
[Ecriture] Construire un récit, étape 2 : 75% du travail se fait avant d'ouvrir Word. Et si.
Y'aura pas de troisième étape. La trilogie c'est cliché, et moi les clichés je les disrupte.

Bonjour à tous ! Me revoilà pour un nouvel article indigeste. Yay !

Cette fois, on va s’attaquer à du lourd : la construction d’une intrigue à proprement parler. C’est un sujet copieux, très copieux, donc une fois de plus, je vous recommande d’avoir lu les articles précédents (en particulier celui sur le cycle de Campbell, en fait).

  • Avant de commencer, une petite piqûre de rappel : comme dans les autres billets de blog, ce que je présente ici n’est que ma manière de procéder. J’ai beau me baser sur des théories et des noms de l’écriture dont le travail est fréquemment reconnu comme fondateur, je n’en ai pas moins ma propre subjectivité, et j’ai adapté les méthodes de Campbell, Vogler et compagnie pour qu’elles correspondent à mes propres besoins. A vous d’en faire de même ! L’écriture n’est pas une science exacte, et même si on peut y dégager des courants de pensée et des lignes directrices à suivre qui vous garantiront d’écrire quelque chose de potable, ce sera toujours à vous de faire le reste du chemin.


Bien, ceci écarté, passons aux choses sérieuses !

Au commencement était la Question


Le B.A.BA. de tout récit, le point d’origine, la question première que vous devez vous poser : qu’est-ce que je veux raconter dans mon histoire ?

Bon, ok, c’est ultra vague. Je reformule :

A quelle Question mon récit doit-il répondre ?

Ulysse va-t-il parvenir à rentrer chez lui ? Harry triomphera-t-il de Voldemort ? D’Artagnan et ses compagnons déjoueront-ils les complots du Cardinal de Richelieu ? Edward Lewis et Vivian Ward vont-ils finir ensemble ? Les Marcheurs Blancs seront-ils vaincus (et qui finira sur le Trône de Fer) ? Chihiro parviendra-t-elle à retourner dans son monde ?

Toutes ces histoires sont motivées par une interrogation, voilà donc ce qu’il vous faut trouver : une Question qui donne au lecteur l’envie de continuer votre histoire.

Dit comme ça, ça paraît ardu. Heureusement, il y a le conflit.

Toutes les Questions naissent d’un conflit. Peu importe son ampleur, il est le moteur de l’histoire, l’outil narratif qui va pousser votre protagoniste à entamer son Voyage du Héros – en bref, il est la collision entre le Monde Ordinaire et le Monde Extraordinaire (mais si, vous savez, ces deux demi-cercles qui composent le Cycle de Campbell).

On admet couramment six types de conflits universels, six structures qui se retrouvent parfois combinées au sein d’une même histoire (on a alors souvent affaire à un conflit primaire, et un ou plusieurs conflits secondaires).

- Personnage VS Personnage : le plus courant. Deux individus qui s’affrontent, Protagoniste contre Antagoniste, Héros contre Méchant… Les motifs sont variés et les moyens d’oppositions aussi, mais la structure reste la même. Exemples : Harry Potter, Peter Pan, Batman, Death Note…

- Personnage VS Nature : très commun dans les histoires d’aventuriers. Un individu se retrouve confronté à son environnement ou à des forces de la nature. Exemples : Jurassic Park, Moby Dick, Titanic…

- Personnage VS Soi : moins courant et souvent relégué au rang de conflit secondaire. Le principal ennemi du protagoniste est ici lui-même : il doit apprendre à surmonter un vice, une peur, ou simplement à trouver sa place et à se définir en tant qu’humain. C’est le seul des 6 qui ne soit pas un conflit externe. Exemples : Dr. Jekyll & Mr. Hyde, Fight Club (qui frise avec le Personnage VS Personnage), Hulk…

Arrivent ensuite trois genres, inventés plus tard, qui sont souvent considérés comme parents aux trois premiers :

- Personnage VS Société : apparu au départ comme un élargissement du Personnage VS Personnage, il prend de plus en plus d’ampleur jusqu’à devenir un genre à part entière. Le protagoniste lutte contre un groupe d’individus, une institution, ou contre la société toute entière. Ledit groupe est souvent assimilé à un unique personnage, d’où la parenté avec le premier type de conflit. Exemples : V pour Vendetta, 12 Hommes en Colère, Elephant Man…

- Personnage VS Non-Naturel (parfois scindé en Personnage VS Machine et Personnage VS Surnaturel) : assez proche du Personnage VS Nature… Version gavée aux stéroïdes. Zombies, machines intelligentes, démons, aliens… J’ai vraiment besoin de préciser plus que ça ? Exemples : Ghost Busters, Signs, The Walking Dead…

- Personnage VS Destin : où l’individu lutte contre une destinée imposée, une vision du futur qu’il tente d’empêcher, une maladie fatale, une malédiction, ou tout simplement des attentes sociétales que l’on a vis-à-vis de lui. C’est un conflit entre le destin et le libre-arbitre. Exemples : Pirates des Caraïbes, Roméo et Juliette, Saw…

Comme dit plus haut, il est courant de rencontrer des combinaisons entre plusieurs de ces conflits. Plusieurs Questions émergeront alors dans votre récit, mais attention ! Toutes devront trouver une réponse, sans quoi le lecteur aura l’impression d’être lésé. De la même manière, si trop de Questions d’importance égale apparaissent, on risque de perdre le fil conducteur. Et à l’inverse, s’il n’y a pas de Question, ou si elle est trop faible, le lecteur aura du mal à trouver la motivation de finir votre histoire.

  • Bonus : les motifs. On vient de voir les structures de conflit, c’est-à-dire la forme qu’ils prennent dans les récits. Mais chaque conflit doit être motivé par quelque chose, il doit avoir une source.

    Dans un grand élan de générosité, je vous propose donc ce tableau fait à l’arrache qui recense quelques-unes des situations propices au conflit les plus fréquentes :



Puis vint le Script


Ça y est, vous avez votre (ou vos) Questions(s), vous savez quelles thématiques vous allez aborder, quels conflits seront mis en lumière, bref, vous savez où vous voulez aller.

Reste à maintenant à savoir comment y aller sans se perdre en chemin.

Pour ça, rien de plus simple : il vous faut un script.

C’est là qu’arrive la partie subjective. Chaque auteur a sa manière de travailler et d’élaborer ses squelettes d’histoire. Plutôt que d’imposer la mienne comme la seule et unique méthode viable, je vais plutôt tâcher de dégager certains principes généraux qui vous guideront dans l’élaboration du script.

- Principe 1 : Du Script tu ne te passeras point. C’est non-négociable. Se lancer dans une histoire sans en connaître la fin, c’est s’exposer aux incohérences et à la démotivation. Et plus vous envisagez de faire une histoire longue, plus ces deux ressources vont être déterminantes. Un récit long gagne en complexité, aborde plus de conflits et pose plus de Questions – pour qu’elles trouvent toute une réponse, il faut avoir prévu son point de chute avant de sauter. De la même manière, un script permet, dans une histoire longue, de garder de la motivation lorsque l’on atteint tel ou tel point charnière. Il permet de garder une trace de la progression que l’on effectue.

- Principe 2 : Ton Script sera suffisamment détaillé. Hors de question de laisser des trous dedans. Chaque zone d’ombre doit y trouver sa réponse, chaque conflit doit y trouver sa résolution, sinon, on en revient au principe 1.

- Principe 3 : Ton Script ne sera point figé. Ne vous méprenez pas : il doit être détaillé, mais pas rigide. Il est quasi impossible de se lancer dans l’écriture d’une histoire (encore plus si elle est longue) sans avoir, à un moment ou un autre, envie de rectifier le tir en chemin. C’est tout à fait normal. A l’inverse, vouloir absolument tout planifier avant même d’entamer l’écriture est le meilleur moyen de ne jamais commencer à écrire du tout.

Attention, ce principe ne contrevient pas aux deux premiers. Il est toujours hors de question de se mettre en route sans connaître la destination. En revanche, il est judicieux de conserver une marge de manœuvre, et de se réserver le droit de modifier son script en cours de route pour y ajouter une scène marquante, une divergence qui sert le propos, une question supplémentaire, une réponse plus cohérente…

Dans l’idée, votre script doit ressembler un peu à une corde de Melde :


Les points rouges sont les charnières, les moments-clés de votre récit, ceux qui posent la Question ou contribuent à sa résolution. Ces points doivent être fixés car ils véhiculent en eux le propos de votre histoire et les valeurs que vous voulez qu’elle transmette. Parmi ces points, on retrouvera bien évidemment le début et la fin, mais aussi tous les points qui revêtent une importance significative dans l’évolution du récit – et parfois même des points plus accessoires, des scènes marquantes que vous avez envie d’intégrer.

Le reste, la corde, peut être tordu et déformé autant que nécessaire pour relier les points charnière entre eux. Plus vous aurez de points charnières préparés, plus il sera facile de les relier ; mais plus vous en aurez et moins vous aurez de marge de manœuvre pour intégrer d’éventuelles idées supplémentaires en cours de route.

Enfin apparut l’Exposition


Bravo, vous avez conçu votre intrigue. Maintenant, il va falloir l’écrire et y intéresser le lecteur – et vous n’êtes pas sans savoir que lorsqu’une histoire passe de la tête de son auteur au papier, on perd souvent de l’information en chemin.

Il n’y a pas trente mille manières d’exposer votre intrigue au lecteur.

A vrai dire, il n’y en a que trois - l’exposition omnisciente, l’exposition interne et l’exposition externe. (Quoi, comment ça, ça a le même nom que les points de vue narratifs ? Incroyable. Le monde est quand même bien fait, hein ?)

Et comme l’article commence déjà à être long, je vais plutôt vous donner trois exemples que l’on connaît tous (à moins qu’on ne vous ait jamais lu de contes quand vous étiez petit(e), auquel cas vous pouvez allez vous rouler en boule dans un coin et pleurer).

Exposition omnisciente
Il était une fois trois ours. Il y avait Papa Ours, qui était très grand, Maman Ours, de taille moyenne, et Bébé Ours, qui était tout petit. Ils vivaient tous ensemble dans une petite chaumière au cœur des bois. Leur petit-déjeuner favori était la bouillie d’avoine.

Un matin, alors qu’ils venaient de faire leur bouillie d’avoine, Papa Ours dit : « Allons nous promener en forêt le temps qu’elle refroidisse. » Maman Ours et Bébé Ours trouvèrent l’idée bonne, et tous trois s’en furent.

Et pendant qu’ils étaient loin, une jeune fille du nom de Boucles d’Or arriva par la forêt et sentit l’odeur de la bouillie d’avoine…

Exposition interne
Le jeune Hansel secoua le panier qu'il tenait dans sa main droite. Il était presque vide. Il n'était pas sûr de ce qu'il ferait quand les miettes de pain manqueraient, mais il était certain qu'il ne voulait pas alarmer sa petite sœur, Gretel. Il baissa les yeux sur son visage innocent et se demanda comment leur méchante mère pouvait être si cruelle. Comment avait-elle pu les chasser de leur maison ? Combien de temps pourraient-ils survivre dans cette forêt sombre ?

Exposition externe
« Tu devras porter le manteau rouge que je t’ai donné, dit la mère à sa fille.
- Est-ce que grand-mère est très malade ? demanda la jeune fille.
- Elle devrait aller beaucoup mieux après avoir vu ton joli visage et les friandises dans ton panneau, ma chérie. Et sois très prudente quand tu iras chez elle. Ne t’éloigne pas du chemin, et ne parle pas aux étrangers. Et méfie-toi du grand méchant loup !
- Je n’ai pas peur, Mère, répondit l’enfant. J’ai fait le trajet plusieurs fois. Le loup ne m’effraie pas. »

Le maître-mot de l’exposition peut se résumer ainsi : Entrez vite, frappez fort, et repartez immédiatement. L’exposition est là pour donner à votre lecteurs des détails sur l’intrigue, son décor et son atmosphère ; elle est cruciale, mais ne doit en aucun cas interrompre la fluidité de lecture.

A ce titre, on remarque que le premier exemple est le plus maladroit des trois. Avant que l’intrigue à proprement parler ne commence, on a le droit à une mise en place du décor poussive qui prend la moitié du paragraphe. Les lecteurs ne peuvent pas créer la scène dans leur esprit, parce que rien ne se passe – il n’y a rien à visualiser.

Le second exemple, lui, est déjà plus fluide, quoique certains lecteurs risquent de le trouver un peu trop rhétorique ou artificiel. Le dernier exemple, enfin, distille les informations au fil du dialogue entre le Petit Chaperon Rouge et sa mère, ce qui permet au lecteur d’apprendre le but, le décor et l’atmosphère de l’intrigue sans que l’histoire ne s’arrête.

Evidemment, il est tout à fait possible de faire de la bonne exposition omnisciente et de la mauvaise exposition externe. Beaucoup d’auteurs tombent d’ailleurs dans le travers des dialogues-narration, où deux personnages, qui sont membres de la diégèse de l’univers et sont donc censés en connaître les rouages, se posent des questions seulement destinées à expliquer ces rouages au lecteur. On en arrive alors à des échanges très artificiels, qui brisent l’immersion.

Dans tous les cas, je le répète, gardez bien ce principe en tête : n’interrompez le flot de l’histoire qu’en cas d’extrême nécessité. Il est souvent dur, en tant qu’auteur, de résister à la tentation de dévoiler à son lecteur le magnifique univers qu’on a conçu de nos propres mains. Mais personne n’a envie de lire vingt pages d’explications sur la manière dont fonctionne le commerce de laine de mouton-de-pierre dans votre univers médiéval-fantastique.

On me souffle dans l’oreillette que l’article touche à son terme. Pour synthétiser tout ça, rien de mieux que le fameux Show don’t tell américain. Cette phrase résume parfaitement ce qu’il faut garder en tête pour bien gérer son exposition : tout ce qui peut être montré, par des descriptions ponctuelles, des détails dans des dialogues, n’a pas besoin d’être dit par votre narrateur. C’est aussi pour cette raison que les flashbacks marchent bien mieux que si un personnage racontait ce qu’il lui était arrivé au sein d’un long monologue.

Voilà, on en arrive à la fin de ce billet de blog ! Comme d’habitude, abonne-toi mets la cloche, suis-moi sur les réseaux sociaux tout ça. Et en cas de questions, l’espace commentaires reste ouvert !
Article ajouté le Dimanche 08 Avril 2018 à 16h36 |
4 commentaires
[Ecriture] Construire un récit, étape 1 : il faut un vieux mentor barbu dedans. Non négociable.
Et vous obtenez des points de bonus si pendant l’histoire, il-meurt-mais-en-fait-pas-vraiment.

Bonjour à tous ! Deux mois après le précédent article, me voilà de retour comme promis. Cette fois-ci, on va parler construction d’histoire. Attention : cet article ne sera pas là pour vous apprendre à monter une intrigue, non. A vrai dire, on ne va pas parler de scénario à proprement parler, mais plutôt de ceux sans qui votre histoire ne tiendra pas la route : les personnages, et surtout leurs archétypes. Mais si, vous savez, ces termes que tout le monde utilise à tort et à travers : héros, antihéros, protagoniste, antagoniste, deutéragoniste… Bref, ces clés de lecture essentielles à la construction de toute histoire qui se respecte.

Avant toute chose, si ce n’est déjà fait, je vous recommande de lire les deux articles précédents, dont je vous remets les liens ci-après :
- Pourquoi « évitez les clichés » est le pire conseil qu’on puisse vous donner.
- Pourquoi Mulan, Star Wars et l'Odyssée racontent la même chose (et pourquoi ça marche)


Maintenant qu’on en a fini du préambule, passons aux choses sérieuses. On va enfoncer pas mal de portes ouvertes, surtout au début, mais ça ne fait pas de mal de coucher les choses noir sur blanc, n’est-ce pas ?

Archétypes « campbelliens »


Dans mon précédent article, j’expliquais que Campbell (et après lui, Vogler) ont décortiqué la structure et le fonctionnement des récits mythiques tout au long de l’Histoire, afin d’en dégager des principes permettant de comprendre ce qui rend une histoire populaire. Nous avons évoqué la structure de scénario qu’ils ont mise au point ; mais les deux loustics ont également théorisé un certain nombre d’archétypes de personnages, que l’on retrouve sous différentes formes dans la plupart des récits.

Le héros (ou protagoniste)


(Parce qu’il faut bien commencer quelque part.)

Le héros est celui qui entreprend le Voyage du Héros dont on a parlé dans l’article précédent. Il quitte son monde quotidien pour entrer dans un nouveau monde et entreprendre sa quête. Ses origines peuvent être variées, mais il véhicule toujours des valeurs importantes à l’époque de son récit :

- Le héros antique, souvent d’ascendance divine ou semi-divine, s’illustre par sa force ou sa ruse et entre lui-même au Panthéon grâce à la gloire qu’il amasse (la boucle est ainsi bouclée : né des dieux, il devient lui-même immortel en entrant dans la légende grâce à ses exploits). Il est là pour inciter les hommes à se dépasser.

- Puis, au Moyen-Âge, la fonction du héros évolue et il devient l’incarnation d’autres valeurs, telles que la vertu, la loyauté, la bravoure et l’obéissance au suzerain. Qu’il soit homme-lige ou paysan fidèle, il s’illustre par son abnégation et les exploits qu’il réalise, renforçant la légitimité de son seigneur. Il ne cherche plus à entrer dans les mémoires de ses héritiers, mais à servir fidèlement son suzerain et à faire honneur à sa maison. Ledit suzerain peut d’ailleurs être une belle demoiselle, le principe reste le même : le héros médiéval accomplit ses hauts faits pour autrui, et non pas pour lui.


- Avec l’avènement de la littérature, les récits héroïques se transmettent de moins en moins par tradition orale, et les icônes perdent de leur légende. Les chevaliers légendaires laissent la place aux figures historiques, aux mousquetaires, aux pirates… Dans un âge de découverte du monde, le héros-aventurier émerge, même s’il existe toujours des héros patriotes.

- Enfin, l’époque contemporaine voit la banalisation des héros (pompiers, flics, infirmières...), qui perdent parfois leurs vertus au point de devenir des anti-héros (mais on y reviendra plus tard). Un autre genre émerge également : les super-héros, individus surhumains qui nous inspirent par leur abnégation et le courage dont ils font preuve en défendant la société.

Vous l’aurez compris, la question à vous poser quand vous créez votre héros est de savoir quel message et quelles valeurs vous voulez qu’il véhicule.

Attention cependant ! Si le héros est un protagoniste, il n’est pas forcément le personnage principal. Les héros n’ont pas toujours le recul nécessaire pour évaluer leurs propres actions, et il est fréquent de trouver des œuvres dont le personnage principal ne fait que narrer les actions d’un protagoniste qui impose sa rhythmique à l’histoire (Lestat dans Entretien avec un vampire ou Sherlock Holmes sont des protagonistes, mais pas des personnages principaux).

L’antagoniste


L’antagoniste est le reflet du héros. Tous deux travaillent en opposition : si le héros poursuit une quête, alors l’antagoniste essayera de l’en empêcher. Si c’est au contraire l’antagoniste qui cherche à remplir un objectif (au pif : la domination mondiale), alors c’est le héros qui se lancera à l’aventure pour contrecarrer ses plans.

L’antagoniste, au même titre que le protagoniste, est source de rythme dans votre scénario, et ni lui ni le héros ne doivent être passifs. Un protagoniste qui subit tout le temps son destin finit par ennuyer, et un antagoniste qui passe son temps à essayer de contrecarrer le héros sans but propre n’est pas crédible.

Je pourrais faire un article entier dédié à l’antagoniste, mais ce n’est pas le but ici. Retenez bien la première phrase : l’antagoniste est le reflet du héros. Tout comme lui, il doit avoir une motivation, et tout comme lui, il doit être porteur de certaines valeurs (aussi dévoyées soient-elles) et d’un message. Parce qu’après tout, le méchant d’une histoire fait en général autant pour elle que son héros.

Le héraut


(A ne pas confondre avec le héros, hein, merci.)

Le héraut est celui qui véhicule l’appel à l’aventure et l’apporte au protagoniste. Il peut revêtir bien des formes : il peut s’agir d’un émissaire d’un pays lointain qui apporte la nouvelle d’une terrible menace. Le héraut peut être du côté du héros, ou en face – il peut l’inviter à l’aventure, ou la lui imposer en le kidnappant, en le bannissant… Ce n’est d’ailleurs pas forcément un personnage ; il peut s’agir d’une simple tentation qui poussera un héros insatisfait à quitter sa morne vie.

Dans tous les cas, le héraut est le catalyseur qui pousse le protagoniste à quitter le monde ordinaire, et sans lui, pas d’histoire.

Exemples de hérauts : R2D2 dans Star Wars, le dieu-sanglier corrompu dans Princesse Mononoké, l’invité ivre qui accuse Œdipe d’être adopté dans le mythe éponyme…

L’acolyte


Je pense que tout le monde voit de quoi je parle, donc on va vite passer dessus. L’ami du héros, qui l’accompagne dans sa quête. Parfois c’est un personnage fidèle qui accompagne le protagoniste dès le départ, parfois c’est un personnage au départ antipathique qui se met à aider le héros quand celui-ci a gagné son respect. Parfois même, c’est un antagoniste qui retourne sa veste. Le degré de niaiserie varie, mais pas le but. Votre héros (à moins d’être une Mary-Sue) a besoin de personnages pour l’accompagner dans sa quête, d’individus aux talents complémentaires avec lesquels il pourra interagir pendant l’aventure.

Le mentor (ou personnage de sang-froid)


Là encore, je ne pense pas vous apprendre quoi que ce soit. Le héraut a fait son boulot et le héros s’est lancé dans l’aventure ; mais il se retrouve dans un monde inconnu où l’attendent moult périls, et c’est le rôle du mentor que de le guider. Le mentor décrit comment fonctionne le nouveau monde, aide le héros à mettre au jour ses capacités et à comprendre les enjeux. Parfois, le mentor est fusionné avec le héraut, et c’est lui qui met l’histoire en route. Mais souvent, après avoir légué son savoir au héros, le mentor doit disparaître.

Je vais maintenant reboucler avec le titre de l’article : pourquoi faut-il un mentor à votre histoire ?

Parce que votre héros ne doit pas démarrer sa quête en sachant déjà tout. Il doit suivre une trajectoire et apprendre quelque chose pendant l’histoire, et pour cela, il faut le plonger dans l’inconnu. Le mentor est un outil de narration puissant, qui est capable d’expliquer les tenants et aboutissants du nouveau monde au héros, mais aussi aux lecteurs. Il dispense de l’exposition à tours de bras, chose essentielle pour l’immersion. Mais on reparlera d’exposition et de construction d’univers dans le prochain article.

Le métamorphe


Le métamorphe est là pour brouiller la frontière entre ami et ennemi. Personnage trouble, il force le lecteur à s’interroger régulièrement sur sa loyauté. Il peut être un allié qui trahit le héros, ou un ennemi qui trahit l’antagoniste. Il peut aussi avoir son propre objectif – dans tous les cas, il est là pour casser le manichéisme de l’histoire et sortir le lecteur de sa zone de confort en le poussant à s’interroger.

C’est aussi un bon moyen de dynamiser les relations au sein du groupe de personnages. Source de dynamisme très intéressante, c’est aussi l’un des archétypes les plus difficiles à subvertir, parce qu’on s’attendra toujours à ce qu’il retourne sa veste à un moment. A vous donc de trouver un moyen de l’écrire sans que vos lecteurs ne le trouvent cliché !

  • Le deutéragoniste n’a rien à voir avec le métamorphe ! Souvent, le terme « deutéragoniste » est employé comme s’il s’agissait d’une sorte de milieu entre le protagoniste et l’antagoniste. Tvdiev, n’estois point dv tovt cela ! Le deutéragoniste est simplement le deuxième personnage le plus important, derrière le personnage principal. Il existe aussi des tritagonistes, et cætera.


Le trickster (ou personnage de sang-chaud)


Le trickster (escroc, arnaqueur, finaud en français, même si aucune des traductions ne correspond vraiment) est souvent le comic relief de l’histoire, le personnage drôle (volontairement ou non) qui est là pour désamorcer la tension de temps à autres. Maladroit, gros, émotif… tout est bon à prendre tant qu’il fait rire.

Il a également un second rôle : celui de gérer la suspension volontaire de l’incrédulité (mais si, vous savez, on en a parlé au premier article). Quand un événement peu crédible survient dans l’histoire, n’essayez pas de le faire gober à vos lecteurs tel quel en essayant de glisser ledit événement sous le tapis. A la place, servez-vous du trickster pour évoquer vous-même le caractère improbable de l’événement.

Un exemple ? Ce passage extrait de Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé (le flim, pas le livre. Mais pas le flim sur le cyclimse, hein) :

McGonagall : Comment se fait-il que chaque fois qu’un désastre se produit, vous soyez tous les trois impliqués ?
Ron : Croyez-moi, professeur, ça fait six ans que je me pose la même question.

Ron, qui joue le rôle du trickster ici, désamorce un événement peu crédible (le fait que les emmerdes tombent toujours sur le trio de héros) simplement en y faisant référence. Les lecteurs auront alors instinctivement moins de mal à accepter cet état de fait. Cette technique, appelée lampshading, permet de limiter les dégâts sur votre lectorat en cas de rupture de la suspension volontaire d’incrédulité.

C’est un peu comme quand vous arriviez en cours sans avoir fait vos devoirs au collège – l’avouer directement au professeur diminuait les risques que vous vous fassiez salement engueuler. Cet aveu, c’est le rôle du trickster. Même dans une œuvre sérieuse, il peut le remplir. Par exemple, lorsque les héros chargent à un contre cent, il sera celui qui s’écriera « C’est de la folie ! ». Et lorsque les héros auront survécu à la bataille, il sera le premier à s’en étonner.

Déconstruction des archétypes & identification


Les œuvres contemporaines contiennent bien peu de preux chevaliers ou de héros au grand cœur. La faute à qui ? A une audience qui en a probablement marre des parangons de vertu. Ce qui fait le succès d’un protagoniste, c’est sa capacité à fixer la confiance du lectorat, à servir de point d’ancrage pour que le lecteur s’immerge dans le récit. Bref, plus le lecteur peut s’identifier au héros, plus celui-ci sera réussi.

Et si, à l’époque, on rêvait peut-être en entendant les récits héroïques de guerriers légendaires, ce n’est aujourd’hui plus le cas. Les croyances religieuses en recul et le désenchantement général de notre monde, comme l’appelle Max Weber ont permis à un nouveau type de protagoniste d’émerger : l’anti-héros.

L’anti-héros, à la base, est simplement un protagoniste à qui il manque une ou plusieurs des qualités du héros. Il peut être menteur, couard ou égoïste, mais il peut aussi être un héros incapable d’entreprendre sa quête (sa condition physique ne le lui permet pas, un traumatisme psychologique le tourmente, etc). Ces protagonistes pleins de failles permettent au lecteur de s’identifier, car leurs défauts les rendent plus crédibles. De Don Quichotte à Jessica Jones, les anti-héros sont aujourd’hui monnaie courante, tant et si bien que ce qui était à la base censé contrer un cliché est en train d’un devenir un.

Pour pallier au fait que l’anti-héros soit en train de devenir la nouvelle norme, certains auteurs essayent de noircir encore un peu plus leur protagoniste. D’individu à qui il manque certaines vertus, il devient alors plein de vices, ou bascule parfois carrément du côté des héros négatifs, ces personnages exécrables, immoraux et révoltants, qui illustrent tout ce qu’il y a de pire dans notre société (exemple : Bel-Ami, de Maupassant). Les vieilles histoires de ce genre finissent en général par la chute du héros négatif, puni par les dieux avec justesse. Dans les récits modernes, on a souvent le droit à une version plus pessimiste, où de tels individus triomphent grâce à leur immoralité, illustrant à quel point notre monde ne tourne pas rond.


Que votre protagoniste soit héros, anti-héros ou héros négatif, fondamentalement, peu importe ; l’important, c’est l’identification. Le lecteur doit pouvoir se servir du héros comme point d’entrée dans votre histoire ; il doit être l’ancre de sa confiance, et d’une manière ou d’une autre, on doit avoir envie qu’il réussisse (pour les héros positifs et les anti-héros) ou qu’il soit châtié (pour les héros négatifs). Et pour cela, il y a quelques techniques très simples :

- Utiliser les adjuvants : Vous avez besoin de connecter le lecteur à votre protagoniste en peu de temps ? Montrez qu’il est aimé, admiré ou que l’on s’inquiète pour lui. On aura toujours plus envie de voir le soldat rentrer chez lui si, avant qu’il parte en guerre, on nous a montré que sa femme enceinte l’attend à la maison. C’est elle qui sert de relais au lecteur pour entrer dans l’histoire – si le soldat est un célibataire sans attache, s’ancrer à lui sera tout de suite beaucoup plus difficile.

- Plus-méchant-que-méchant : Vous avez besoin de connecter le lecteur à un personnage peu attachant, antipathique, voire à un méchant ? Utilisez ou créez-en un encore pire ! C’est grâce à ce stratagème que l’on se surprend à se ranger du côté de Dark Vador lorsque l’Empereur essaye de tuer Luke, par exemple.

L’étau de la vulnérabilité VS la glue empathique



Je terminerai cet article sur cette métaphore que j’apprécie pas mal.

Voyez votre lecteur et votre protagoniste comme deux morceaux de bois que vous vous efforcez d’assembler. D’une manière ou d’une autre, il va falloir que le tout tienne jusqu’à la fin de votre histoire (voire même au-delà, dans l’idéal. Les meilleures histoires ne sont-elles pas celles qui nous font encore chialer deux semaines après que l’on ait fini le bouquin ?).

Pour que les deux pièces de bois tiennent sur le long terme, pas trente mille solutions : faut que ça colle. Et pour coller, il faut de l’engagement émotionnel : bref, il faut que votre lecteur ait de l’empathie pour votre héros. Jusqu’ici, rien de neuf, on en a déjà parlé.


Sauf que l’empathie, ça prend du temps à se développer. Et en attendant que la colle sèche, il va bien falloir garder vos deux pièces serrées l’une contre l’autre. Pour ça, rien de mieux qu’un étau.

Dans le cas d’une histoire, c’est la vulnérabilité qui va jouer le rôle d’étau. En attendant que l’engagement émotionnel se produise, il vous falloir recourir à divers artifices pour créez de l’empathie pour votre héros. Montrez-le vulnérable de temps à autres ; un héros qui agit bien, mais souffre quand même ; un héros qui prend deux minutes pour réconforter un enfant apeuré ; un héros qui s’en prend tout simplement plein la gueule de manière injuste – toutes ces choses créent de l’empathie.

Attention cependant : ce n’est pas l’étau qui maintiendra vos deux pièces en place sur le long terme ; c’est la colle. Si vous abusez de ces artifices ou si vous n’en disséminez pas assez dans votre histoire, l’empathie ne prendra pas. Et pour savoir quel dosage appliquer, il n’y a pas de secret : connaissez votre public.

On a tous une empathie à géométrie variable, et on ne peut pas connecter sentimentalement avec tout le monde. Certains individus seront plus sensibles que d’autres à votre récit ; à vous de comprendre lesquels, quelles valeurs et quels ancrages leur permettent de s’identifier à votre protagoniste, et creusez ensuite dans cette direction.

Un indice ? Les lecteurs potentiellement intéressés par votre histoire sont comme vous. Ecrivez un récit qui résonne en vous, et il intéressera ceux qui vous ressemblent, car il résonnera aussi en eux.

Voilà, c’est tout pour cet article ! Bravo si vous êtes arrivé au bout. J’espère qu’il vous aura plus, et comme d’habitude, je reste disponible pour répondre dans les commentaires à toute question, critique ou désaccord avec ce que j’ai avancé dans ce billet. Merci d’avoir lu !

Article ajouté le Jeudi 08 Mars 2018 à 23h16 |
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[Projet de Fanfic] La Troupe de l'Horizon
Pour les Enfants de l’Eau, le monde se résume à l’Archipel, cette kyrielle d’aiguilles rocheuses inhospitalières livrées à la merci du vent et des vagues. Cela fait des siècles que les derniers représentants de l’humanité s’entassent sur ces îlots où rien ne pousse, survivant tant bien que mal au milieu de l’océan infini.

Pourtant, une petite poignée d’individus à l’âme aventureuse refuse de croire que le monde se limite à l’amas de rochers hostiles sur lequel ils ont grandi. Rassemblés sous le nom de Troupe de l’Horizon, ces excentriques ont voué leur vie à l’exploration des mers à dos de Pokémon, convaincus que l’océan cache d’autres îles et d’autres survivants.

Mais le jour où la Troupe de l’Horizon sauve de la noyade un petit garçon mystérieux, aux traits étranges et à la langue incompréhensible, leur quête prend un tout autre tournant, au point de menacer l’équilibre séculaire de la société des Enfants de l’Eau...


Article ajouté le Samedi 10 Février 2018 à 13h43 |
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Absence
Salut à tous.

Comme peuvent s'en douter ceux qui ont lu le précédent article, j'ai un IRL assez difficile en ce moment, et c'est une période de bouleversements qui s'annonce, donc je vais être occupé, et pas franchement motivé pour revenir ici dans l'immédiat.

Je n'ai pas pour habitude de m'épancher sur ma vie donc voilà, un article concis. Mes excuses à tous ceux qui attendaient le prochain article d'écriture ou le prochain chapitre d'Apocalyptica. Le rythme de parution risque d'être très irrégulier, donc je mets en place ce que j'avais promis la dernière fois : une alert list. Si vous voulez que je vous contacte à la sortie d'un chapitre d'Apocalyptica, envoyez-moi un MP (ou laissez un commentaire ici) stipulant que vous voulez être prévenus (filez-moi votre mail si vous préférez ça aux MPs de Bip) et je vous enverrai un message quand le nouveau chapitre sera posté.

A bientôt ! (je l'espère)

Article ajouté le Mercredi 24 Janvier 2018 à 23h18 |
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Mâchoires
Elle a toujours souri.

D'aussi loin que je l'ai connue, elle a toujours souri. Et pourtant, elle a pas été facile, sa vie.

Ce qu'elle a eu, elle l'a souvent arraché du bout des ongles, et elle s'est battue pour le conserver. Mais elle ne s'est jamais plainte.

Pourtant dieu sait que moi aussi, j'ai pu lui causer du souci. Surtout quand j'étais petit. Mais non. Elle a toujours souri.

Même quand on a appris pour la maladie. Même quand elle réalisait ses propres oublis.

Au bout d'un moment, elle a cessé de s'en rendre compte. La lucidité s'en allait, morceau par morceau, petit à petit. Mais elle a continué à sourire.

Et puis moi aussi, elle m'a oublié. Et quand j'allais la voir et qu'elle me parlait de son fils qui ne venait jamais, c'était à mon tour de donner le change. Alors j'ai souri.

Je lui devais bien ça. Je lui disais qu'il viendrait sûrement lui rendre visite un jour. Qu'il devait être occupé, mais qu'il tenait très fort à elle, et qu'elle n'avait pas à se sentir seule.

Alors elle continuait à sourire.

Et même à la fin, quand elle n'avait plus que la peau sur les os et que seul son souffle irrégulier la différenciait du squelette, elle souriait.

Elle est littéralement morte le sourire aux lèvres.

Tu sais qu'en à peine quelques heures, un cadavre se rigidifie et que ça devient très difficile de bouger ses articulations ?

Les types des pompes funèbres, eux, ils le savent bien.

Il faut rendre le corps présentable, qu'ils ont dit. Lui refermer la bouche.

Alors ils lui ont cassé les mâchoires.

Et elle a arrêté de sourire.


Article ajouté le Dimanche 21 Janvier 2018 à 01h32 |
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[Ecriture] Pourquoi Mulan, Star Wars et l'Odyssée racontent la même chose (et pourquoi ça marche)
Cette écrivain amateur écrire un best-seller dans 3 jours grâce à méthode révolutionner, les maison d'éditions le déteste ! cliquez ici et tu découvrir sa soluce !

Bonsoir à tous ! (Je crois que je viens de franchir un pas dans les titres putaclic.)

Vu que le précédent article a bien plu, j’ai décidé de rempiler avec un sujet qui m’a pas mal fait cogiter : la construction d’une histoire. A l'heure de la sortie du nouvel épisode de l'une des sagas les plus populaires de tous les temps, et à l'heure de la guerre ouverte que les fans ont déclarée à Disney, je me suis dis que ça pourrait être intéressant de se pencher là-dessus.

Vous avez lu le titre (j’espère), vous avez donc une petite idée de quoi on va parler ici : de scénario (et d'Histoire un peu, aussi). Et plus particulièrement : comment construire une histoire qui fonctionne ?

Mais avant de pouvoir répondre à cette question, il faut bien poser le problème. Bah oui. Parce que pour savoir comment construire une histoire qui marche, il faut déjà savoir ce qui fait qu’une histoire marche, ce qu’elle doit contenir pour satisfaire le lecteur. On va donc devoir s’attaquer à une autre problématique en premier lieu :

Pourquoi est-ce qu’on se raconte des histoires ?


Si j’étais un lycéen en panne d’inspi pour l’intro de sa dissertation, j’aurai probablement écrit un truc du genre :

Depuis la nuit du temps, l’Homme s’est toujours raconté des histoires.

… Bon, pour le coup, ça aurait effectivement été à-propos. Mais je ne suis pas un lycéen en panne d’inspi, alors je vais vous faire faire un petit détour. Parce que quand on y réfléchit, c’est plutôt étrange, non ? Pourquoi est-ce qu’on se raconte des histoires ? Pourquoi est-ce qu’on perd du temps à s’intéresser à des aventures fictives ?

Vous et moi, on va mourir un jour. Si si. C’est vrai. Même que c’est plutôt contraignant, vous en conviendrez. Pourquoi ? Et bien notamment parce que ça nous donne un temps assez limité pour apprendre.

Bah oui. Dans la vie, il n’y a pas mille moyens d’apprendre : il faut vivre, il faut expérimenter les situations pour en retirer des enseignements. Sauf que nos existences sont bien courtes, et que si l’on veut apprendre un maximum de choses, on a tout intérêt à se bouger les fesses.

C’est là qu’interviennent les histoires. C’est quoi, une histoire ? C’est un truc avec un début, un milieu et une fin.

Voilà c’est tout, j’espère que cet article vous aura été utile !

… En vrai, j’étais plutôt sérieux. Toute histoire se compose de trois actes : le héros dans sa vie ordinaire (le début), puis PAF, une merde lui tombe sur le coin du nez et le voilà embarqué dans des péripéties (le milieu). A l’issue de ses tribulations, le héros résout le problème, ou en tout cas s’extirpe de la situation (la fin).

En trois actes, le héros est donc confronté au problème et en ressort avec un enseignement. Et nous, bien au chaud dans notre canapé, nous vivons cette aventure avec lui (si tant est qu’on peut s’identifier à lui). Et donc par procuration, on apprend de ce qui est arrivé au héros, en même temps que ce dernier apprend de ses péripéties.

C’est là tout l’intérêt des histoires : nous faire vivre en accéléré ce qu’on n’a pas le temps d’expérimenter dans notre vie bien courte. Nous apprendre quelque chose sans nous faire bouger de notre fauteuil. C’est pour ça que les civilisations antiques ont mis au point toute une mythologie. C’est pour ça que les parents racontent des contes à leurs enfants. L’histoire est la base de l’apprentissage, et les sociétés humaines ont besoin de la fiction, pour vivre par procuration ce que ses individus ne peuvent pas expérimenter d’eux-mêmes.

Evidemment, plus on s’identifie au héros, plus on retirera de choses de cette histoire et plus elle sera enrichissante pour nous. Mais la construction d’un héros, ça sera le sujet d’un autre article !

Si toutes les histoires ont le même but, celui d’être didactique, alors peut-être qu’elles ont aussi des structures similaires, non ?

Eh bah c’est précisément ce que s’est dit un type du nom de Joseph Campbell, un universitaire plutôt balèze qui, sans le faire exprès, a révolutionné le monde du storytelling.

Le Monomythe de Joseph Campbell


Campbell, c’est un gars malin. Comme vous et moi, il avait bien compris pourquoi les gens se racontaient des histoires fictives. Alors il a commencé à se demander s’il n’y avait pas une méthode de storytelling, un point commun entre toutes ces histoires qu’on se raconte depuis toujours.

Et comme Campbell faut pas le faire chier, il a compilé des centaines d’histoires et de mythes de tous horizons pour vérifier tout ça. Il a étudié les contes de toutes les époques et de tous les continents, il les a disséqués, et il en dégagé un socle commun, une thèse qu’il a appelée le Monomythe et qu’il a décrite dans son bouquin Le Héros aux mille visages.

Basiquement, le Monomythe de Campbell, c’est ça :

Un héros vit dans un monde ordinaire, jusqu’à ce qu’un événement impromptu l’incite à partir à l’aventure. Après une période d’hésitation, il finit par être convaincu, et guidé par son mentor, s’embarque dans un périple où il rencontrera moult amis et ennemis, affrontera mille épreuves avant d’atteindre le test ultime, où, au bord de l’abysse, il triomphera finalement, avant de ressortir changé à tout jamais avec l’objet de sa quête. S’ensuit alors un retour dans son monde quotidien, qu’il pourra métamorphoser grâce au fruit de son épopée.

Non, ça ne vous dit rien ? Ok, on la refait.

Luke Skywalker vit tranquillement sur Tatooine comme le paysan qu’il est, jusqu’au jour où deux droïdes arrivent et lui parlent de l’appel à l’aide de la princesse Leïa. Il rencontre Obi-Wan Kenobi, qui lui parle des Jedi et des Sith et l’incite à partir. Mais Luke refuse, ne voulant pas abandonner sa tante et son oncle. Hélas, quand ceux-ci sont tués par l’Empire, il ne peut revenir en arrière. Il s’embarque alors dans une épopée spatiale au cours de laquelle il rencontrera Han Solo & Chewbacca, ainsi que les troupes de l’Empire dirigées par Dark Vador. Lors de l’ultime épreuve, Luke puise dans ses ressources et dans les enseignements d’Obi-Wan pour détruire l’Etoile Noire. L’épopée achevée, il est couronné de succès par les rebelles qui lui remettent une médaille et l’honorent. La galaxie est maintenant libérée de la menace de l’Etoile Noire.

Harry Potter mène une existence morne sous la houlette de son oncle et sa tante. Le jour de son onzième anniversaire, des lettres arrivent et lui révèlent qu’il est un sorcier, et qu’il est attendu à l’école de Poudlard pour entamer sa formation et découvrir le fabuleux monde magique dont il a toujours ignoré l’existence. Mais son oncle refuse, et essayera de fuir les lettres jusqu’à ce qu’un géant nommé Hagrid ne les rattrape et force l’oncle à laisser Harry partir. Ce dernier s’embarque alors dans une aventure magique où, aidés de ses amis Ron et Hermione, il découvrira Poudlard et les sombres secrets qui se tapissent dans ses entrailles. A la suite d’une série d’épreuves, il triomphera de Voldemort et permettra la mise en sécurité de la pierre philosophale, ce qui lui vaudra les remerciements de Dumbledore et fera gagner la maison de Gryffindor in extremis.

Frodon Sacquet vit tranquillement dans la Comté quand il entre en possession de l’Anneau Unique. Neo mène son existence de paisible New Yorkais jusqu’à ce qu’un homme du nom de Morpheus l’appelle et le sorte de la Matrice. Simba est promis à un grand avenir et doit succéder à son père, qui se fait tuer par Scar. Refusant tout d’abord sa destinée en préférant lambiner avec Timon et Pumba, Simba finit par accepter ses responsabilités et fait face à Scar.

Ça y est, vous avez saisi ?

Ouais mais tu triches, tu as pris des exemples ultra mainstream et hollywoodiens…


Pas faux. Ça, c'est la faute à Vogler, mais j'y reviens dans un instant.

Les travaux de Campbell n’ont pas fait l’unanimité à leur sortie, loin de là. Campbell lui-même avouait volontiers que certains mythes ne suivaient pas exactement le même ordre d’étapes, ou que certains contes n’utilisaient qu’une partie du cercle. Les parties ne sont pas non plus toujours de la même taille.

A vrai dire, le Monomythe peut très bien ressembler à ça :

L’important, et ça s’est vérifié, c’est que toutes les histoires racontent une parte ou la totalité du cycle, et ce depuis que l’Homme a commencé à raconter des histoires. De Luke Skywalker à Ulysse, d’Eragon à Conan le Barbare, de Saint-Georges qui s’élance pour sauver sa dulcinée au simple paysan chinois qui traverse la rivière pour aller affronter le seigneur du village d’en face…

Cette structure est gravée dans l’inconscient des individus, et elle comble les lecteurs, parce qu’elle engage le spectateur, elle fait appel à des archétypes inconscients en mettant en scène un individu a priori lambda qui est tiré de son monde ordinaire pour faire face à un problème extraordinaire. Et ça, ça parle aux gens, ça leur permet d’apprendre. Ça tape directement dans l’inconscient collectif, et c’est ce qui rend cette méthode si puissante.

Alors c’est ça ton propos ? Il suffit de respecter cette structure pour écrire une histoire efficace ?


Quel est le point commun entre Aladdin (1992), Le Roi lion (1994), Un beau jour (1996), Hercule (1997), À l'épreuve du feu (1997), Volcano (1997), Mulan (1998), La Ligne rouge (1998), Anna et le Roi (1998), Fight Club (1999), Fantasia (2000), Je suis une légende (2007), The Wrestler (2007), Hancock (2008), Une histoire de famille (2008), 10 000 (2008), Karaté Kid (2010), The Fighter (2011) et Men in Black 3 (2012) ?

Ce sont tous des films qui ont marché, et à moins d’être un parfait ignare, vous devez en connaître une bonne partie.

Ce sont aussi tous des films sur lesquels est intervenu un bonhomme du nom de Christopher Vogler.

Vogler, c’était un lecteur chez Disney à l’époque où ils recevaient des milliards de scripts et de propositions d’histoires de BD. Autant dire qu’il était noyé sous les brouillons d’histoires que lui envoyaient des auteurs désireux d’être publiés par Disney.

Chris Vogler, il avait lu Campbell. Et il avait bien aimé. Alors pour aller plus vite dans la sélection des scripts qu’on lui soumettait, il s’est fait un petit fascicule basé sur le Monomythe, une aide destinée à lui permettre (à lui et ses collègues) d’identifier rapidement quelles histoires ne respectaient pas les critères de Disney : les histoires efficaces, au déroulé consistant, au message limpide et au propos intelligible.

Quelques mois plus tard, il s’est rendu compte que tout Hollywood avait adopté son fascicule.

Depuis, le bonhomme a continué à creuser sa théorie, il en a fait un livre, il a théorisé le voyage du héros et les archétypes (encore plus loin que Campbell), et il donne actuellement des masterclass et des conférences sur la méthode qu’il promeut depuis des années, méthode dont l’industrie américaine maîtrise les rouages depuis belle lurette. Et je vous mets au défi d’oser me dire que l’histoire des films cités plus haut est mal foutue. Ils ont sûrement bien d’autres défauts, mais le scénario n’y est pas.

Pour répondre à la question de cette rubrique, non, il ne suffit pas de respecter cette méthode pour écrire une bonne histoire. C’est ce que dit Alexandre Astier, fan inconditionnel de Vogler. Pour lui, écrire, c’est comme jouer du violon : quand tu veux jouer du violon, on t’apprend le solfège et on t’enseigne à jouer. Mais à la sortie du Conservatoire, il y aura des très mauvais violonistes, des violonistes moyens, et des génies. Tous ceux-là connaissent la méthode pour jouer du violon, mais ça ne fait pas d’eux de grands musiciens pour autant.

Pour écrire une histoire efficace, il ne suffit pas de respecter la méthode Campbell. En revanche, il faut respecter la méthode Campbell si on veut écrire une histoire efficace. (nuance !)

Donc on doit tous écrire la même chose ? Bonjour l’originalité.


Apprendre une méthode n’a jamais bridé l’imaginaire, au contraire. La méthode de Vogler et Campbell est là pour apprendre à écrire de manière propre et cadrée, elle ne tue en rien la créativité. Je vous renvoie à l’analogie du violon du paragraphe précédent. Un mauvais auteur qui écrit Campbell écrira une mauvaise histoire, mais au moins, une histoire propre. Un bon auteur qui n’écrit pas selon Campbell risque de se perdre en chemin, de s’embrouiller et de diluer son propos par manque de structure. Un bon auteur qui écrit selon Campbell, lui, aura tous les outils pour déployer son potentiel comme il le mérite. Le Conservatoire est là pour enseigner les méthodes, mais c'est le talent personnel de chacun qui fera le reste du chemin.

Beaucoup de bonnes histoires datent d’avant Campbell. Ce qui est étonnant, c’est qu’instinctivement, leurs auteurs ont adopté une méthode qui se rapprochait de celle décrite par notre bon vieil universitaire. Le Seigneur des Anneaux, le Commissaire Maigret… Tout y est, et pourtant leurs auteurs n’avaient pas connaissance de la théorie du Monomythe. Comme quoi c'est bien intégré à l'inconscient collectif.

Mais Drayker, c’est pas toi qui parlait de subversion des clichés et de prévisibilité dans ton précédent article ? T’as changé d’avis ?


Merci d’avoir posé cette question, cher intertitre qui n’a pas du tout été écrit par moi !

J’ai dit que Campbell permettait d’écrire propre, qu’il fournissait une structure puissante qui tape dans l’inconscient collectif. Par conséquent, comme tout procédé narratif qui fonctionne, il court le risque d’être suremployé et de devenir un cliché.

Effectivement, respecter la structure vous rend plus prévisible dans votre histoire, et le lecteur averti qui connaît Vogler & Campbell saura anticiper les événements.

Sauf si vous jouez avec ! Comme expliqué dans mon précédent article, le meilleur moyen de surprendre les lecteurs, c’est de retourner leurs attentes contre eux. Et si le mentor se retournait contre le héros ? Et si l’épreuve ultime résultait en une défaite ? Si le héros, après avoir obtenu le fruit de sa quête, refusait de retourner dans le monde ordinaire ? Tout ça, Campbell l’autorise. Comme dit plus haut, de nombreuses histoires ne respectent pas exactement la structure qu’il a théorisée. Et de toute manière, lui et Vogler laissent énormément de liberté à toutes sortes d’adaptations.

Mais pour faire ça avec le Monomythe, encore faut-il connaître le Monomythe. Une fois que l’on maîtrise les méthodes, bien sûr, il est toujours possible de les modifier, de les adapter et de les tordre.

Et ce sera bien évidemment le sujet du prochain article, où je m’attarderai sur les pivots d’un récit campbellien et les moyens de les détourner. On parlera de héros, d’antihéros, de trickster, de personnage protéiforme… Bref, que de réjouissances en perspective !

En attendant, j’espère que cet article vous a plu, et comme toujours, les commentaires restent ouverts pour tous ceux qui ne sont pas d’accord avec ce que j’ai écrit ici !
Article ajouté le Jeudi 21 Décembre 2017 à 18h08 |
6 commentaires
[Ecriture] Pourquoi "évitez les clichés" est le pire conseil qu'on puisse vous donner
putaclic much ?

Récemment, j’ai pas mal discuté des clichés, de leur nature et de comment les traiter, et je me suis rendu compte de quelque chose : l’énorme majorité des conseils aux auteurs, débutants ou non, vous diront d’éviter les stéréotypes à tout prix (comme la peste, diront-ils, aha, très drôle, jpp).

Et bien, pour moi, c’est l’un des pires conseils que l’on puisse donner. Et voir tous ces sites se délecter avec suffisance de leur profoooonde lucidité quant à la nature des clichés, voir tous ces auteurs se féliciter d’avoir réussi à les éviter, et voir ces critiques s’autocongratuler quand ils trouvent des clichés dans une fiction, ça m’énerve.

Du coup, j’ai décidé de faire un petit article de blog à ce sujet. Je n’ai pas la prétention d’avoir la science infuse, et si vous n’êtes pas d’accord avec ce billet, n’hésitez pas à vous manifester dans les commentaires !

Qu’est-ce qu’un cliché ?


Parce que oui, il faut bien commencer quelque part.

La définition pure et simple, j’imagine que tout le monde ou presque la connaît. On peut la formuler ainsi : un cliché est un concept qui a perdu de sa vitalité à force de répétition, jusqu’à devenir un lieu commun. Il peut s’agir d’une expression (cf l’introduction de cet article), d’un archétype de personnage, voire d’une structure narrative toute entière.

Quelques exemples ? Bien sûr. On va même essayer d’en prendre des plus originaux que « les orphelins mal traités par leurs garants qui se découvrent une destinée/un superpouvoir unique ».

Dialogue cliché :


« Mais qui es-tu ?
- Ton pire cauchemar. »


Je crois que cette réplique a été utilisée tellement de fois qui si un braqueur essayait de l’utiliser dans la rue, sa victime éclaterait de rire.

Bon, sauf si ledit braqueur a un flingue. Ou un couteau.

Personnage cliché :


La princesse rebelle, souvent insolente et pleine de fougue, qui s’échappe régulièrement du château pour côtoyer incognito la populace et essayer d’oublier le mariage arrangé qui l’attend.

Structure narrative clichée


Le Five-Man Band.


Mais si, vous savez. Ces histoires où l’équipe de protagonistes est composée du héros au cœur noble (leader), de son bras droit un peu plus anti-héros (lancer), d’un grand gaillard costaud (big guy) et pas toujours finaud, d’un sidekick frêle mais malin (smart guy), et évidemment, d’une présence féminine (heart)

Non, vous ne voyez pas ? Et si je vous dis Luke Skywalker, Han Solo, Chewbacca, R2D2 et Leïa Organa, ça ne vous rappelle rien ?

Il y en a énormément d’autres, bien sûr. Les triangles amoureux, les « On ne laisse personne derrière ! », les prophéties… Il en existe des centaines, et je ne saurai que vous recommander le site tvtropes.org, qui en recense une multitude avec une précision sans failles, et ce dans différents médias : littérature, films, anime, fanfiction. Attention, c’est en anglais (mais de toute façon, si vous vous intéressez à la théorie de l’écriture et que vous êtes allergique à l’anglais, je vous souhaite bien du courage, l’Internet français étant très pauvre dans ce domaine).

Pourquoi cliché est-il devenu synonyme de mauvais ?


Bah oui, parce qu’après tout, si tout le monde le dit, c’est qu’il y a bien une raison, non ? Un cliché, c’est mal !

Aujourd’hui, le cliché est devenu une preuve que l’histoire est mauvaise. C’est un défaut, un écueil qu’il faut éviter à tout prix. En identifier un dans une fiction, c’est en quelque sorte prouver que l’œuvre est mauvaise.

Mais d’où ça vient ?

Petit instant universitaire :

Dans une de ses thèses dont je n’arrive pas à traduire le nom de manière satisfaisante, Ryan J. Stark postule que si les créateurs détestent autant les clichés, c’est parce qu’ils démontrent que nous, auteurs, ne sommes pas vraiment les génies créatifs et innovants que nous nous imaginons parfois être. C’est une conception de l’écriture encore inspirée du romantisme qui nous dicte notre haine pour les clichés, car on les voit comme un manque d’originalité – or un auteur se DOIT d’être original, non ? (spoiler : non.)

Mais ce n’est pas pour ça qu’un cliché est dangereux. Au diable la créativité, on s’inspire tous de quelque chose (mais j’y reviendrai). Ce n’est pas ça, l’écueil qu’il faut éviter. Non, là où un cliché dessert l’histoire, c’est quand il en expulse le lecteur.

Un cliché, par essence, c’est quelque chose de surutilisé, et de prévisible – un rouage un peu trop voyant dans la mécanique de notre histoire, qui catapultera le lecteur hors de l’immersion si ce dernier le remarque. Les critiques professionnels, par métier, s’entraînent à identifier les rouages au sein d’une histoire, d’où les écarts de notation entre organismes pro et grand public. Du moins ça, c’était vrai avant. Mais aujourd’hui, à l’ère d’Internet et de la démocratisation du cinéma, à l’ère de SensCritique et AlloCiné, le lecteur moyen n’a jamais été aussi doué pour disséquer les histoires et en identifier les ficelles.

Est-ce que ça veut dire qu’il faut éviter à tous prix les clichés ? Est-ce que ça veut dire que si vous en identifiez un dans votre histoire, il vaut mieux la jeter à la poubelle ?

Diantre non ! Mais avant de répondre plus en détails à ces questions, je vais devoir faire un petit détour.

Comment en vient-on à utiliser un cliché dans son histoire ?


“La raison pour laquelle les clichés deviennent clichés, c’est qu’ils sont les marteaux et tournevis de la boîte à outils de la communication.” – Terry Pratchett.

Un cliché, avant tout, c’est une expression, un personnage ou une structure qui a fait ses preuves. C’est un moyen efficace de convoyer une idée ou un concept.

Votre personnage veut organiser une recherche minutieuse d’une surface définie où il suspecte que se trouve un objet/individu qu’il souhaite absolument récupérer, quitte à perdre du temps ? Eh bien il peut le dire comme ça à ses sous-fifres, ou alors il peut leur ordonner de « passer la zone au peigne fin ». L’idée est la même, mais la phrase clichée la communique en bien moins de mots.

Si on reprend nos exemples du début :

- Pourquoi un auteur utiliserait la phrase « ton pire cauchemar » ? Pour poser le personnage en némésis du héros. Pour instaurer un rapport de force, d’intimidation, voire même d’obstination (l’antagoniste VIT pour contrecarrer le héros, et VEUT lui faire peur à tout prix). Pour introduire un badass, ou au contraire, si utilisé de manière parodique, pour introduire un comic relief ou un perso un peu nerd qui s’exprime uniquement par phrases cultes. Dans tous les cas, en une seule phrase, le lecteur se fait déjà une idée du personnage.

- Pourquoi un auteur utiliserait une princesse rebelle ? Parce que c’est un excellent moyen de tenir une réflexion sur la pression verticale descendante, sur la structure stratifiée de la société. Ça fait aussi, il faut bien l’avouer, un bon socle pour une romance avec un héros vagabond de passage par là (Jasmine et Aladdin, anyone ?). Dans tous les cas, en un seul personnage, le lecteur se fait déjà une idée des thèmes de l’histoire.

- Pourquoi un auteur utiliserait un Five-Man Band ? Parce que c’est efficace, pardieu ! Ce sont 5 personnages complémentaires, qui fonctionnent bien ensemble et offrent plusieurs synergies (opposition leader/lancer au sujet du pragmatisme, opposition big guy/smart guy au sujet de la ruse… ainsi que l’évident love interest leader/heart ou lancer/heart), offrent un grand panel de compétences et de personnalités qui permettent une grande variété des situations et des obstacles à résoudre ! J’ai donné l’exemple de Star Wars, mais il y en a bien d’autres.

Se priver des clichés en les évitant à tout prix, c’est se priver de ces outils de communication fondamentaux. Et en plus, c’est impossible. Chaque œuvre est inspirée de ses prédécesseurs, et chaque créateur (auteur, scénariste, réalisateur, whatever) fera inconsciemment appel à ses influences dans son processus créatif, ce qui se retrouvera dans l’histoire.

Au lieu de vous faire perdre votre temps à vous dire d’éviter les clichés, les conseils d’écriture devraient plutôt chercher à vous apprendre comment les utiliser correctement !

Comment employer un cliché ?


EH BIEN FRED, C’EST TRÈS SIMPLE !

… Bon, je n’ai pas de maquette, mais j’ai un schéma.


Etape 1 : identifier le cliché


Ah bah oui. Parce que si vous l’utilisez sans même vous en rendre compte, y’a de bonnes chances que vous le fassiez sans vous poser la question ultime : « Est-ce que le lecteur va s’y attendre ? ».

Et comment donc qu’on fait-y pour identifier un cliché ? Eh bien déjà, en travaillant sa connaissance du genre dans lequel on écrit. Pas de secret, pour être conscient des clichés et des ressorts scénaristiques couramment employés, il faut lire. Mais pas que : il faut aussi s’entraîner à disséquer les histoires, leurs personnages, leurs structures.

Parfois (souvent, même, dans notre cas d’auteurs amateurs), les lecteurs sont plus forts que nous à ce petit jeu, et ils vous pointeront d’eux-mêmes les clichés évidents. Ou parfois, c’est un autre auteur plus expérimenté qui le fera. Dans tous les cas, il convient de prendre en compte la remarque !

Etape 2 : qu’est-ce que j’ai voulu communiquer avec ce cliché ?


Est-ce que ce cliché m’est utile ? Chaque scène doit servir l’histoire. Si la situation clichée ou le personnage cliché est useless, virez-le.

A quoi sert le cliché ? Qu’ai-je voulu faire avec ? Est-ce qu’il sert à introduire/caractériser un personnage ? Est-ce qu’il sert plutôt de vecteur à l’histoire et à ses thèmes ? Est-ce qu’il sert de socle au déroulement des événements ?

Etape 3 : qu’est-ce que je dois faire du cliché ?


S’il est inutile ou non-essentiel, virez-le, ou remplacez-le par quelque chose qui communique mieux ce que vous voulez exprimer.

S’il est utile, mais risque de rendre l’histoire prévisible : retournez les attentes des spectateurs contre eux ! Il n’y a rien de plus facile à surprendre qu’un lecteur qui pense avoir deviné la suite de l’histoire. Soyez subversif !

Quelques exemples de subversion qui partent de clichés surexploités (écrits en quelques minutes, hein, ça reste largement améliorable) :

- Votre héros est un orphelin paysan, qui du jour au lendemain, apprend qu’il est l’objet d’une prophétie et qu’il doit vaincre le seigneur des Ténèbres. Bouh, c’est chiant. Et si la prophétie était un mensonge ? Si elle était vraie, mais que le héros n’en était pas l’objet, et qu’il s’agissait de quelqu’un d’autre ? Si le héros échouait lors de la confrontation finale, et que c’était son sidekick qui prenait sa place et terminait sa quête ? Si le héros refusait carrément d’accomplir la prophétie ?
Exemples d’œuvres qui sortent du cliché : Anakin Skywalker dans Star Wars (qui devient carrément le bad guy avant d’accomplir la prophétie), le Nérévarine dans Morrowind (qui est loin d’être le seul candidat à la prophétie à la base, et qui doit travailler dur pour prouver que c’est bien lui qu’elle concerne)

- Votre héroïne est une princesse adolescente rebelle, promise à un mariage forcé, qui rêve de s’échapper et de caracoler avec la plèbe. Jusqu’au jour où paf, le romantique vagabond des classes inférieures arrive, et c’est parti pour une réinterprétation de Roméo & Juliette. Ou alors… ou alors, le love interest de votre héroïne la kidnappe, et elle se rend compte que la réalité des bas-fonds est bien moins glamour que ce qu’elle avait espéré, et elle doit survivre et s’échapper à la dure, ce qui donnerait une bonne histoire de passage à l’âge adulte. Ou alors, au lieu d’être une sale teigne ingrate, votre princesse apprend petit à petit à se conformer à son rôle, tout en jouant de la diplomatie et de son statut pour arriver à ses fins.
Exemples d’œuvres qui sortent du cliché : Zelda dans Breath of the Wild, Arya Stark (pour le côté « je veux vivre dans la rue » qui dégénère très rapidement. Sansa Stark ou Aryane Martell peuvent également être citées)

- Le grand méchant est méchant, et le monde est en danger. Son plan est sur le point de se concrétiser, et vos héros se lancent à l’assaut de la forteresse pour empêcher son triomphe imminent. Blabla, confrontation finale, arrivée in extremis, discours suffisant du méchant qui pense avoir gagné. Ou alors… vos héros arrivent trop tard, et le grand méchant, qui n’est pas un méchant de James Bond, a lancé les missiles/libéré le virus/lancé l’ordre 66 il y a plusieurs heures. Ou alors, le méchant n’est pas là – il a gagné, pourquoi devrait-il prendre le risque de rester là où on s’attend à ce qu’il soit, sachant que vos héros arrivent ?
Exemples d’œuvres qui sortent du cliché : Watchmen… Bon, j’en dis pas trop, ça spoile.)

Déconstruction & Suspension volontaire de l’incrédulité


Il existe une quatrième solution : conserver le cliché tel quel. Bah oui. Parfois, il arrive qu’un cliché soit le meilleur moyen d’arriver à vos fins, et tant pis si certains lecteurs devinent ce qui va se passer. Ça arrive, et comme dit plus haut, toutes les histoires ont leurs clichés. L’important est de ne pas briser l’immersion, et de ne pas devenir prévisible.

Si vous cherchez systématiquement à retourner les clichés, à les éviter ou à les retourner contre vos lecteurs, ceux-ci vont vite s’adapter, surtout s’ils sont malins. Une histoire qui désamorce en permanence ses clichés pour dire « Ahaha regardez, je suis conscient de mes propres clichés et je les désamorce, rigolons ensemble ! » va devenir vite répétitive et prévisible, au même titre qu’une histoire qui ne déconstruit jamais ses clichés. Le Fossoyeur de Films ayant récemment fait une vidéo sur ce sujet, je vous enjoins à y jeter un œil et ne m’étendrai pas plus que ça dessus. Même chose pour la subversion : retourner un cliché et jouer avec les attentes du spectateur ne fait pas nécessairement de vous quelqu’un de malin et d’intelligent, surtout si vous faites le coup à chaque fois !

Une dernière chose. Une excellente manière de réaliser une subversion est de ramener le principe de réalité au sein du cliché (par exemple, envisager un cliché romantique sous un aspect réaliste, comme avec la princesse enfermée qui rêve d’aventure, et qui regrette amèrement sa décision lorsqu’elle comprend la cruelle réalité de la rue).

Cependant, réaliste n’est pas toujours synonyme de bon. Un héros qui prend une balle dans l’épaule et qui ne reçoit pas de soins immédiats se vide de son sang, meurt, échoue sa quête et le monde est condamné, fin de l’histoire. C’est réaliste, c’est cru, mais bon sang, bon courage pour ne pas dégoûter vos lecteurs avec ça.

Ecrire une fiction, c’est passer un contrat avec vos lecteurs : ils acceptent de ne pas relever chaque entorse à la réalité, tant que l’histoire qu’on leur sert reste cohérente et crédible. C’est ce qu’on appelle la suspension volontaire de l’incrédulité (WSOD en anglais) : les lecteurs sont prêts à avaler que le vaisseau spatial des méchants a la technologie pour se rendre invisible sans rendre ses capteurs inutiles ; ils peuvent accepter que le magicien soit capable de se téléporter. Par contre, bon courage pour leur faire accepter que le lieutenant du méchant meurt d’une crise cardiaque au moment où il allait achever le héros.

Mais tout ça fera probablement l’objet d’un futur article dédié à la construction d’une histoire. Pour ce qui est des clichés, je pense avoir fait le tour. J’aurai aimé vous noyer sous les exemples, parler du Monomythe de Campbell et autres structures suremployées, mais cet article est déjà bien assez long.

J’espère qu’il vous aura plu, qu’il vous aura été utile et vous aura appris quelque chose, ou qu’à défaut, il vous aura fait réfléchir ! N’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez dans les commentaires, je reste tout à fait ouvert au débat.

Article ajouté le Lundi 11 Décembre 2017 à 19h52 |
10 commentaires
[Point News] Avancement du Paradoxe du Rocher, arc IV d'Apocalyptica, Calendrier, Facettes
Sincères salutations à tous, sondeurs des abysses de ce blog !

Quelques semaines après mon dernier article construit (les derniers textes ne comptent pas vraiment, mais j'y reviendrai !), je me dis qu'il est temps de vous donner quelques nouvelles de ce que j'ai prévu pour la suite !

Le Paradoxe du Rocher


C'est quoi ?


Le Paradoxe du Rocher est une réécriture d'une de mes fics dont je suis le plus fier, qui date d'il y a quelques années. Pour ceux qui n'ont pas vu l'article associé,
je vous renvoie par là.

C'est quand ?


Je n'ai toujours aucune idée de quand cette fic arrivera, et je dois avouer que ma motivation à l'écrire est passée par des hauts et des bas au cours des dernières semaines. Pourquoi ? Parce que chaque jour qui passe me rend un peu plus ambitieux que la veille vis-à-vis de ce que j'ai envie de faire avec cet écrit, principalement. J'ai envie de "step up" avec cette fic et de passer à la vitesse supérieure, en conséquence de quoi il est hors de question que je me lance avant d'être pleinement satisfait de ce que j'ai fait.

Alors où est-ce que ça en est exactement ?


Pas très loin. Le travail de documentation, plus conséquent que tout ce que j'ai eu l'occasion de faire jusqu'ici, est en bonne voie. Mais le reste va devoir attendre que je sois rentré en France, car habitant à l'étranger pour l'instant, il m'est difficile de trouver de la littérature d'alpinisme, et je refuse de me lancer sans avoir lu plus de romans de haute montagne.

Alors tu n'as rien ?


Et bien si ! J'ai malgré tout une idée très précise de la forme que cet écrit prendra.

Depuis plusieurs semaines, j'éprouve l'envie d'exploiter à fond le format des fanfics, plus que je ne l'ai jamais fait. Sur Pokébip, on a la chance de pouvoir écrire sur un support assez unique, où l'on peut intégrer des images, de la musique, mais aussi changer de police, de couleur, cacher du texte, dissimuler des informations au sein même d'un chapitre... Tout ça est rendu possible grâce aux balises, et j'aimerai bien que Paradoxe soit l'occasion de pousser à fond l'utilisation de ce format. Vous verrez bien quelle forme ça prendra, mais je ne pense pas trop m'avancer en prévenant que ça sera probablement une lecture assez singulière, probablement même un peu déroutante. Ceux qui connaissent la Horde du Contrevent voient de quel genre de procédé de mise en forme je veux m'inspirer (sauf que Damasio, lui, il n'avait pas le html !). Bon, à ma sauce, et sans le talent du bonhomme, loin de là, mais vous avez l'idée.

De manière un peu plus concrète, je peux vous dire que la fic ne fera que 3 chapitres, pas plus, pas moins. La longueur de chaque chapitre, en revanche... On verra bien !

Et pour ceux qui veulent un micro-spoil, voici les titres des trois chapitres en question :

L'information suivante est susceptible de révéler quelque chose d'important et de gâcher une surprise
Peu m’importe, Démiurge, que tu t’esclaffes quand je tombe
Ou que tu ricanes lorsque je suis suspendue dans les limbes
Car mon nimbe est d’hérésie, et mes mains seront ta tombe

Dans tous les cas, vous serez tenus au courant des avancées !

Apocalyptica


C'est quoi ?

C'est quand ?


Je sais que j'avais dit que je mettrais en pause la fic le temps de travailler sur le Paradoxe du Rocher... Mais au final, vu l'ampleur de cette fic, je pense que je ne tiendrai pas sans écrire aussi longtemps !

En conséquence de quoi, il est probable que je démarre la publication de l'arc IV avant de sortir Paradoxe. Peut-être même que le premier chapitre sortira en décembre, qui sait ! J'attendrai probablement que le pauvre évaluateur qui doit se coltiner les 103 chapitres ait terminé sa besogne avant de poster.

Le plan de l'arc est commencé. On y abordera les thèmes annoncés par la fin de l'arc III. Je n'en dirai pas plus, mais si vous voulez, je peux vous laisser un indice sonore.

Facettes


Vous l'aurez probablement remarqué, j'ai publié 4 textes un peu particulier sur ce blog ces derniers jours

A l'origine, ça devait être une sorte de catharsis, laisser couler l'encre que j'avais au bout des doigts. A ma grande surprise, ça a généré des discussions et des réactions très intéressantes, alors j'ai continué.

Je n'ai pas répondu aux commentaires par volonté de ne pas restreindre les textes, qui sont tous volontairement sujets à l'interprétation et à l'identification. En tout cas, je remercie tous ceux qui s'y sont intéressés et les ont lu, les commentaires m'ont fait très plaisir ! C'était un exercice d'extériorisation très intéressant, dans un format et un style que je pratique peu, et ça m'a fait le plus grand bien.

Le Calendrier de l'Avent


Pour ceux qui ne sont pas au courant, Flageolaid organise une très belle animation sur l'EM, un Calendrier de l'Avent version Song-Fic. Chaque jour, un auteur poste une Song-Fic, jusqu'au 24. J'ai eu l'honneur et le privilège d'en écrire une pour le 4 décembre, et qui sait, si l'inspiration me vient, peut-être que j'en écrirai une autre.

En tout cas ça se passe par ici, et il manque des auteurs, alors n'hésitez pas à vous joindre à l'initiative !

Voilà, c'est tout pour ce (gros) point news. On se retrouve prochainement, soit pour un nouveau chapitre d'Apocalyptica, soit pour des news sur le Paradoxe du Rocher !
Article ajouté le Mercredi 06 Décembre 2017 à 21h50 |
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