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Le Projet Orion - Réalité parallèle de ABE



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Informations

» Auteur : ABE - Voir le profil
» Créé le 04/05/2009 à 23:42
» Dernière mise à jour le 16/05/2009 à 20:40

» Mots-clés :   Aventure   Fanfic collective   Présence d'armes   Région inventée

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Chapitre 37: Croisons le fer [YumeArashi]
Aucun membre du groupe n'avait suivi Zeronos. Aussi, chacun se trouva perplexe quand des bruits insolites agitèrent le couloir adjacent. La courte durée de ce que tous associèrent à un affrontement, dont le déclencheur devait surement être la ténacité de Zeronos, ne permit à personne d'intervenir. Et puis de toutes façons, le garçon s'était révélé quelques instants auparavant plus mature que ce que la plupart des gens pouvait penser. S'il avait eu besoin d'aide, tous espéraient plus ou moins qu'il aurait su la demander en ravalant sa fierté.
Ce Ros intriguait tous ceux que l'aventure commençait à « lasser », insufflant dans leurs esprits un motif mystérieux à expliquer, abreuvant leur soif de découverte. Lilian était rassuré. Rassuré, oui, il n'était plus le seul à avoir rencontré un « double dimensionnel » bien que les ressemblances fussent jusqu'alors en majorité plus psychologiques que physionomiques.
Zeronos revint vers le groupe, le front légèrement en sueur, partagé entre joie inexorable et cet agacement coutumier. D'un côté, il venait de prouver qu'il avait raison et cela le gonflait d'orgueil mais cela l'emmerdait aussi passablement qu'un type se balade dans ce monde avec sa propre tête et qui plus était, des capacités capables de contrer les siennes..

« Qui c'est qui avait raison ? C'est bibi ! Annonça t-il, gaiement.
- Explique toi, fit Louka, en haussant un sourcil.
- J'ai voulu vérifier un truc avec ce mec et...
- Pour ça, fallait lui casser la gueule. » Termina Lilian.

Marine et Lucas firent signe à la troupe de venir s'asseoir : cela serait plus commode pour discuter. Tout le monde s'attabla et attendit avec impatience que Zeronos consente à rompre le « suspense ». Tandis que Zeronos poursuivait ses explications, à la ceinture de Marine une pokéball ne cessait de bouger avec insistance ce qui commença à mettre la dresseuse hors d'elle.

« Tu vas arrêter oui ? »
« Marine, je te préviens, fais moi sortir de là TOUT DE SUITE ! »
« Tu sais bien que je ne peux pas, tu risquerais de cramer tous les bouquins ici présents et pas que. Et ce qu'ils contiennent est bien trop précieux pour qu'ils se voient consumer suite à une de tes fichues crises de nerf ! Contrôle toi bon sang ! »
« Tu sais bien ce qui se passe quand on est séparées par cette barrière métallique de merde ! »
« Oui mais c'est pas en me gueulant dessus que ça ira mieux et peut-être que je n'ai pas envie de te voir. »
« Tu trouveras jamais de meilleur pokémon que moi. C'est pas la peine de chercher des amis partout alors que t'en as une fidèle sous le nez ! En plus d'être muette, t'es aveugle, j'aurais pas pu rêver meilleur dresseur... » Lança la jument, avec toute l'ironie possible.
« Arrête, j'en peux plus, tu me fais mal. »
« Pas assez apparemment. Si j'avais été un dresseur, je te jure que je t'aurais enfermée et fait souffrir comme tu me fais souffrir maintenant. »


Ces paroles eurent un effet ravageur sur la jeune fille. Un autre cran. Celui de la parole. Il fallait bien que ça arrive.

« Entre autres, mais quand j'ai attaqué, il a riposté avec un espèce de tourbillon et nos offensives se sont annulées l'une l'autre. Du coup on a bu en verre tranquille...
- Zeronos ! Menaça Louka.
- Ça va ! Il m'a donné des infos. Selon lui...
- Ponyta tu me soules ! FERME-LA !! » Hurla Marine se redressant soudainement, la tête entre les mains, le bras brûlant.

La « plainte » flotta un instant dans l'air, pendant que les visages se tournaient vers la dresseuse aux longs cheveux roux. Les yeux ronds comme des billes, tous la fixaient avec insistance et elle se sentit rougir, pleurer : un amalgame de choses explosaient dans son corps. Son mutisme n'avait été que de courte durée mais c'était suffisant pour l'avoir privée de nombreuses discussions, principal objet de ses regrets. Elle venait de pousser un cri à réveiller les morts au beau milieu d'une importante réunion et elle se retrouvait la, plantée debout, immobile. La gêne était à son apogée. Le seul moment où elle supportait d'être dévisagée de la sorte, c'était pendant qu'elle courrait avec Ponyta. Là, personne ne pouvait la sonder ou quoique ce fut. Marine jeta un coup d'œil à chacun des membres du groupe, elle rencontra d'abord le regard étonné de Zeronos puis ceux de Lucas, de Roland, de Louka, de Lilian...
Elle hésita entre se rasseoir gentiment ou quitter la salle à grande enjambées. Elle choisit la seconde option, certaine que quelqu'un saurait lui résumer les dires de Zeronos. Elle posa la ball gigotante de Ponyta sur la table à côté du bloc-note, l'échange mental ne se faisant que lorsque les partenaires étaient proches, et sortit en courant.
Certains, partagés entre l'envie d'aller aux nouvelles et celle d'en apprendre davantage sur ce monde, élurent finalement la seconde option et se remirent à écouter Zeronos.

« Poursuivons, Zeronos, déclara Louka, rompant le silence pensant qui venait de s'installer.
- Euh, ouais. Qu'est-ce que je disais déjà ? Questionna Zeronos, que ce coup de théâtre avait brièvement déstabilisé.
- Selon ce garçon... commença Lucas.
- Ah oui, il ne serait pas étonnant qu'on rencontre prochainement nos doubles respectifs, récita t-il lentement, heureux d'être le centre d'attention. Et quand je dis « doubles », c'est vraiment des « doubles ». Il est probable que la ressemblance soit frappante à tous les niveaux. Le contraire est aussi envisageable apparemment. Il a dit mot pour mot : Tout est possible. Je sais pas vous mais j'aime pas tellement ça. »

La nouvelle avait le mérite d'être claire. Les esprits se préparaient à croiser leurs sosies avec un mélange d'angoisse et d'excitation. La discrétion était de mise concernant ce qu'ils venaient d'apprendre mais Zeronos avait quand même oublié de préciser la mention « N'en parlez à personne »... un facteur important.

***

« C'est grand, fit remarquer Drayke en massant son menton.
- Tenez, y a un bâtiment là-bas, dit Pluton qui venait d'apercevoir le camp d'entraînement. On pourrait aller sympathiser avec ces hommes. Cela me semble être une technique d'approche honorable.
- Vous êtes sûrs qu'on a carte blanche pour se balader dans le manoir comme ça ? Si on arrive en plein milieu d'une simulation de fusillade on sera mal, s'inquiéta Sahra.
- Le goût du risque. » Marmonna Drayke qui souriait pour la première fois depuis son arrivée.

Le jeune homme prit la tête du groupuscule et le trio se dirigea d'un pas fier et téméraire, la tête haute, le dos droit et les... vers l'une des « casernes » en acier laminé : elles se détachaient du reste de paysage, sans doute à cause de leurs horribles revêtements ferrugineux, déjà grignotés de parts et d'autres par une rouille vorace. L'homme en noir balaya rapidement la zone du regard : il aperçut des véhicules dont les roues n'étaient pas familières aux trois compagnons, répondant apparemment au nom de « tanks », mais aussi des pièces d'artillerie lourde ressemblant à de gros obus, de longs tubes cylindriques... Ces soldats avaient des moyens balistiques, certes pas les plus perfectionnés existant et l'on sentait bien, au vu de l'état de l'armement que ce n'était étrangement pas le principal souci de Lady Sibylle, mais des moyens quand même. D'un autre côté, il paraissait évident qu'ils ne savaient absolument pas s'en servir à bon escient, les rentabiliser afin d'en tirer une efficacité optimale. Mince de rien, bazarder un tel arsenal dans une bataille requérait une connaissance approfondie et une minutie spécifique qui ne s'acquéraient pas dans une pochette surprise. Aucun des membres ici présents ne se voyait s'aventurer dans l'explication de telles méthodes de combat. A la rigueur, seule Pluton l'aurait pu grâce au pouvoir reçu par Crehelf. Drayke se chargerait des attaques à courte portée, il avait l'habitude des armes à feu du type de celles dont il ne se séparait jamais et était sans nul doute capable d'apprendre deux trois astuces à ces soldats. Pluton s'occuperait de la théorie stratégique, de ce qui concernait la filature et la contre-attaque, sans pour autant s'épancher à tire larigot. Ils devaient se faire à l'idée que dans ce monde, les pokémon n'étaient pas aussi familiers aux autochtones qu'ils l'étaient pour eux : cela devenait un peu compliqué ça mais restait gérable. La pire des inquiétudes était sans doute le fait que ces savoirs bientôt enseignés se retourneraient peut-être un jour contre les « apprentis précepteurs ».

« Et moi, qu'est-ce que je fais ? » Demanda Sahra, qui se sentait légèrement dépassée par les évènements.

Personne ne lui répondit, et cela la mit drôlement en rogne. Spiritomb flottait toujours patiemment à ses côtés et elle se tâtait sérieusement. Elle entreprit un mouvement de supplication envers le fantôme : il fallait qu'il rentre dans sa pokéball et comme à l'accoutumée, le convaincre n'était pas une mince affaire. En ce qui concernait Abra, la discussion fut plus aisée. Il regagna l'habitacle métallique qui lui était attribué dans rechigner. Spiritomb dut se résigner lui aussi face à l'acharnement de sa maîtresse. Il commençait à comprendre qu'elle ne faisait ça que pour son bien, dans son monde elle fuyait déjà cette foutue organisation et pour une fois que ses pokémon pouvaient être tranquilles, que personne ne leur voulait de mal... Le timing fut parfait, lorsque le rayon rougeâtre disparut, un homme en costume kaki sortit de l'une des pièces exigües reliées à la caserne, probablement les toilettes. Il reluqua de haut les étrangers, qu'il trouvait drôlement vêtus, et s'en approcha en affichant un air désagréable puant de vanité. Au ton de sa voix, il devait occuper un poste important, un des officiers les plus gradés du camp au regard des nombreuses médailles épinglées ostensiblement sur sa poitrine gonflée.

« Officier Stephen ! Hurla t-il à moitié. Vous vous trouvez sur un lieu militaire interdit au public et...
- ...qui m'a tout l'air hautement sécurisé vu la facilité avec laquelle on peut rentrer dedans... » termina Drayke non sans ironie.

Avant que ces paroles ne déclenchent une quelconque hostilité, Pluton intervint, un grand sourire aux lèvres.

« Ravie de vous rencontrer, commença t-elle en tendant la main de manière si solennelle que l'homme ne put refuser de la serrer. - Il n'était pas certain qu'il se fut aperçut de la « nature féminine » de Pluton. - Je me nomme Pluton, et voici Drayke et Sahra. Nous sommes les hôtes de Lady Sibylle et nous aurions aimé nous familiariser avec vos techniques de combat et vous en apprendre de nouvelles. Nous sommes autorisés à nous promener dans tout le domaine, autorisation accordée par Lady Sibylle d'Azrad en personne, bien évidemment. »

L'argument semblait être d'autorité et le mot « mensonge » devait être si méconnu de l'officier qu'il rabaissa son caquet oubliant de demander une autorisation signée ou quelque chose d'officiel qui prouvait les dires de Pluton. Cette dernière en profita pour donner un coup de coude sec à Drayke qui en saisit parfaitement le sens. Un point négligé de plus : prudence est mère de sureté. Le militaire les mena jusqu'au centre de la cour et rassembla ses hommes d'un coup de sifflet prolongé. Lesdits hommes s'alignèrent en rang parfait, sagement, cinq minutes plus tard. Sahra, qui au cours des dernières semaines avait du faire face à la mesquinerie humaine, la fourberie, la mauvaise foi, la peur de se sentir suivie et entre autres la mort, ne comprenait pas comment la crédulité de ces soldats pouvait être aussi insensée. Aberrant : c'était le mot. Ce sentiment de surprise insuffla une bouffée de confiance dans sa poitrine et elle se sentait prête à montrer à ces types comment on se servait d'une arme blanche.
L'officier Stephen fit un rapide speech et les membres du trio se répartirent les tâches, sans pour autant se séparer. Quoiqu'il arrivait ils devaient rester ensembles.


***

Marine était adossée à un arbre dans la cour du château, un arbre énorme dont elle aurait eu du mal à faire le tour avec ses bras. Comme c'était reposant de ne plus entendre les sempiternelles fustigations de Ponyta : chacune à sa place et. pour l'instant, tout allait très bien comme ça. Elle s'amusa à émettre des sons, puis à fredonner les paroles d'une chanson avant de la réciter à pleine voix. S'entendre à nouveau avait vraiment du bon, bien que son élocution ne soit pas encore des plus intelligibles. Elle relâcha ses muscles et mit les mains dans ses poches, dont l'une abritait son Pokédex et ses lunettes de protection ; ses doigts effleurèrent tout à coup quelque chose dans la poche vide. Marine se tut, surprise, et extirpa l'objet du recoin de tissu où il était sagement enfoui. C'était un joli collier en argent fin au bout duquel pendait une élégante petite pokéball bleu nacré incrustée de pierres luisantes, plus menue que celles que tout dresseur portait habituellement à la ceinture. Brutalement Marine se souvint de la nature du bijou. Comment avait-elle pu l'oublier aussi négligemment ? Elle aurait pu le perdre et ne s'en serait même pas rendue compte. Si son père voyait ça.

« Ne t'en sépare jamais, cette chaine a une immense valeur, et elle pourrait te sauver la vie un jour. »

Il la lui avait confié la veille de son départ de l'Aire de Repos et Marine n'avait jamais réellement compris pourquoi ne voyant pas comment un pendentif pouvait être salvateur. C'était au terme d'une très longue conversation que le père l'avait glissée dans la paume tremblante de sa fille, ne tarissant pas de recommandations comme ne jamais porter le bijou autour de son cou, ne pas en parler autour d'elle et si quelqu'un remarquait le collier, arguer tout de suite que c'était du toc, le cacher très soigneusement hors de la vue des autres etc... Phil avait toujours été un peu farfelu, mais cette nuit la, il l'avait effrayée. Or, c'était son père, elle lui faisait confiance et appliquerait ses conseils à la lettre.
Elle tourna et retourna dans ses mains la petite sphère lisse, fascinée par la précision, le talent et l'évidente patience du joailler qui l'avait façonnée. Puis, certaine d'être seule, elle mit le collier. Il brillait. Il lui allait bien. Elle se sentait moins lourde, apaisée : quel drôle d'effet de que l'effet placebo. Marina souffla ; un peu de soutien aurait été le bienvenu. Elle n'avait besoin que d'une présence. Elle se leva, marcha jusqu'à la grande fontaine et décrocha une pokéball de sa ceinture, oubliant la chaîne autour de son cou.

« Allez, sors » Murmura t-elle en appuyant sur le bouton de la sphère.

Son majestueux Léviator se matérialisa gracieusement dans la fontaine, ondula dans l'eau quelques instants, ravi par le contact de son élément avant de fixer doucement sa dresseuse. Marine avait toujours aimé son pokémon, en tous cas, dès le moment où elle avait ressenti le besoin de le protéger, dès le jour où elle l'avait capturé en réalité. Et cet amour n'avait fait que croître. Sans Magicarpe maintenant Léviator, c'était comme sans Ponyta. C'était vide.

« Qu'est-ce que tu es beau... pensa la jeune femme. Lionel l'aurait mauvaise. »

S'il avait été un Persian, il aurait ronronné. Au lieu de cela, Léviator émit un grondement profond, lourd, rassurant, affectueux et avança sa grosse tête vers la main tendue de Marine : pas de doute, c'était bien son ancien Magicarpe, l'histoire du vilain petit canard transposée. Elle avait en face d'elle un magnifique dragon des mers, d'une somptueuse couleur bleu océan qui n'était quelques jours auparavant qu'un poisson presque amorphe. Peut-être même pourrait-elle s'inscrire aux épreuves maritimes désormais. Marine avait hâte de rentrer chez elle. Cela devait être plaisant d'écumer les mers à la recherche de nouvelles sensations avec pour seules contraintes, les états d'âme changeants des forces de la nature.. La course lui manquait mais curieusement cette sensation de carence diminuait d'heure en heure. Elle savait que ce monde ne la laisserait pas s'évaporer de sitôt et cela devenait de moins en moins important à ses yeux : il y avait quelque chose à faire ici, elle le sentait.
Tandis que Marine échafaudait passionnément de nouveaux projets, la confiance revint s'installer en elle. Tant et si bien qu'elle n'entendit pas le petit bataillon qui avançait dans son dos, s'approchant un peu plus à chaque seconde. Léviator observait le moindre mouvement de ces soldats et grogna férocement lorsqu'il s'aperçut que lesdits hommes ne faisaient pas que passer leur chemin. Un sentiment d'insécurité commença à croître dans le cœur de la jeune fille, et instinctivement elle fit volte face, se rapprocha de son pokémon aux aguets, prête à se défendre.
Au nombre de dix et solidement armés, ces militaires revenaient probablement d'un raid en foret ou d'un entrainement intensif. Leurs visages brunis par la terre, semblables à la palette désordonnée d'un peintre, exprimaient un mélange brouillon d'émotions primaires, un entrelacs de fils négligemment noués que Marine tenta démêler brièvement : elle y trouva de la peur, du dégoût, de la jalousie, de la fascination, de la faiblesse. La présence de Léviator ne devait sans doute pas être étrangère à l'immobile contemplation du groupuscule armé. Marine se frappa le front avec la paume. Elle ne s'exprimait pas encore comme avant, ne disposait d'aucun moyen mental pour contacter Ponyta – ce fut à coup sur une grossière erreur de se cacher derrière un « manteau défensif » ostentatoire – et ne savait pas encore maîtriser le flux psychique complexe de Léviator. Elle n'osait à présent plus le faire rentrer dans sa pokéball de peur qu'ils n'en comprennent le mécanisme. Quelle imbécile ! La seule chose qu'elle espérait à présent était un peu d'aide. Il y en avait un qui allait beaucoup lui en vouloir.

« Par contre, interdiction absolue de leur montrer comment capturer un Pokémon. »

Cette simple phrase l'empêchait de faire quoique ce soit. Elle espérait que les individus en face d'elle se satisferaient d'une observation muette et finiraient par s'en aller. Peine perdue.

« C'est quoi cet... animal ? » Demanda le plus massif des hommes.


***

Drayke avait emprunté les pistolets des soldats - il fallait bien qu'il ménage ses propres cartouches - et expliquait sans aménité à un bataillon de novices comment donner tel ou tel effet à une balle lors d'un tir, de quelle façon il était possible d'améliorer sa précision en plein mouvement etc... Certains se révélaient plutôt doués et Drayke, qui ne daignait ouvrir la bouche qu'en cas d'explications primordiales, se félicitant intérieurement de sa technique pédagogique. Pluton supervisait en discutant avec Stephen : elle apprit notamment que les forces armées dont les membres s'étaient engagés dans l'espoir de défendre leur patrie et de vivre ou même de mourir pour elle, ne pouvaient sortir que lorsque Lady Sibylle l'ordonnait et cette dernière ne mettait pas souvent les pieds dehors ces temps ci. De plus, leur arrivée représentait un « divertissement » de premier choix ; ils accordaient leur confiance a quiconque était accueilli par la maîtresse des lieux. Lady Sibylle avait toujours été une femme de caractère, une meneuse hors-pair ; elle se battait pour ce qu'elle croyait juste, elle se dévouait corps et âme à sa patrie, tant et si bien qu'elle n'avait jamais réellement eu d'amis... Et pourtant, elle luttait contre cet état de solitude, elle ne se complaisait pas passivement. Lorsqu'elle aurait pu être froide, distante, et traiter ses soldats avec mépris, elle n'en faisait rien. Partisane d'une société que l'on eût pu qualifier de démocratie à une échelle certes moindre, elle impliquait chaque être de sa petite communauté dans ses décisions par un principe de vote et malgré ses hautes fonctions, Sibylle n'était pas insensible aux états d'âme de ses hommes. Elle connaissait chacun d'eux : leurs noms, leurs aptitudes au combat, leurs grades, leurs situations familiales, leurs heures de garde... à croire que ses facultés de mémorisation témoignaient d'une autre nature, comme si elle n'était pas une simple Humaine. Personne ne pénétrait dans le manoir sans son autorisation, personne ne la dupait, personne n'abusait de sa confiance, personne ne pouvait la manipuler (ou tout du moins, c'était ce dont elle était persuadée).

Stephen, tout en dépeignant un portrait hautement dithyrambique de Lady Sibylle et brisant sciemment les frêles certitudes de Pluton, surveillait ses soldats, comme un père, ses enfants. Seul Lilian pouvait se douter d'une telle chose pour avoir rencontré la jeune femme en question. Du reste, chaque membre de la troupe des « bazardés involontaires » ne connaissait Sibylle que sous l'angle premier, sous cette facette qu'elle donnait à voir pour se protéger : ces révélations étonnaient Pluton et elle se promit d'en faire part au reste du groupe plus tard avec l'accord de Lilian. Elles avaient leur importance. Entre autres, elles lui permirent de comprendre d'où venait cette absence de méfiance au sein du domaine et elle se dit qu'il en était certainement - et cela valait mieux - autrement à l'extérieur.

« Or, tous nos hommes ne sont pas bons et sincères. Il traîne toujours de la vermine révolutionnaire dans les coins de la caserne. Nous ne les craignons pas, mais nous avons peur que ces individus se révèlent être des as de la rhétorique et qu'ils soulèvent les jeunes recrues dont l'esprit n'en est encore qu'au stade de pousse. Comme les conditions climatiques déterminent la morphologie d'un arbre, vous savez, le vent qui les fait pencher ou pas etc..., nous nous devons de leur inculquer des notions de respect, les formes en excluant toute contrainte. Ils sont dans un cadre tel qu'ils doivent allégeance à notre maîtresse et que c'est quelque chose de naturel. La plupart ne connaissent que ça et s'en acclimatent puisque vivre ici est très loin d'être une torture. Nous sommes heureux comme ça et les fauteurs de trouble n'aiment pas le bonheur des autres...
- Je comprends », acquiesça Pluton.

___

Sahra se tenait debout, droite au milieu de la cour, une sorte de katana dans la main. Elle avait tout d'abord pensé à utiliser Galekid et les propriétés acier qu'il pouvait conférer à sa Pokéblade, mais après mûre réflexion et un rapide flash où elle revit Lilian expliquer clairement qu'en aucun cas l'apprentissage ne devait toucher les pokémon, elle avait jugé nécessaire de la cacher quelque part ou tout du moins de l'oublier un instant puisque la lame requérait l'utilisation d'une pokéball et par extension d'un pokémon. L'épée qu'elle serrait entre ses doigts était plus lourde que son arme habituelle et elle dut enchaîner de nombreuses parades et assauts avant d'avoir le sentiment de contrôler l'objet. Une fois sûre d'elle, elle prit la parole face au petit groupe dont elle avait la charge.

« Bon, c'est bien beau de balourder de vous machins explosifs à tire-larigot mais si on vous envoie un raid armé pour vous descendre incognito, ça vous sera pas très utile. Alors, non, le maniement de l'épée c'est pas ringard, si ça vous sauve la vie au corps à corps, vous serez bien contents croyez moi. Oui, c'est une discipline qui demande de réfléchir vite et d'analyser précisément les mouvements de son adversaire et pour finir, je démonte la tête du premier qui critique le fait que je sois une fille. » éructa t-elle en se souvenant soudain des phrases sexistes du petit abruti qui l'avait dénoncé dans le monde d'où elle venait.

Ce discours plutôt féroce eut pour effet de clouer le bec de tous les soldats. Ravie, Sahra désigna un des hommes et lui fit signe de la rejoindre. Son premier adversaire connaissait un peu le maniement des armes mais à son grand soulagement ne semblait pas redoutable. La « patience » était un mot que Sahra avait pris en grippe. Attendre. Voilà ce qu'elle n'aimait pas faire.

« Ta garde ! On engage ! »

Elle para les assauts de « l'ennemi » avec adresse, tout en essayant de commenter ses actions avec un vocabulaire vulgarisé qui se voulait compréhensible pour tous. Plus Sahra combattait, plus elle rendait compte que son adversaire avait en fait une technique presque parfaite... pire, identique à la sienne, si particulière puisque élaborée en fonction de bases relatives : elle ne devait le fait de rester en lice qu'à une étrange vélocité qui animait ses membres, la faisait se mouvoir légèrement dans tous les sens. Ce monde décuplait-il les capacités naturelles des arrivants non volontaires ? Redescendant un peu de son nuage, le sourire du soldat l'agaçant un peu, elle se concentra davantage et après plusieurs minutes acharnées, mit finalement une raclée à son rival provisoire. Sahra jeta un coup d'œil circulaire et créa des groupes qu'elle venait voir de temps en temps. Elle se sentait fière. Tout son corps était alerte, prêt à bondir. Cette euphorie retomba vivement lorsqu'un détail frappant lui revint à l'esprit. Cet homme qui avait combattu, il avait durant une dizaine de secondes enchaîné les mêmes mouvements qu'elle. Sa technique était très personnelle, elle avait été surprise de la retrouver chez ce garçon. Elle secoua la tête et continua de tourner d'un pas hésitant, craignant de trouver chez le soldat d'autres marques de ressemblance, parmi les rangs de jeunes épéistes.