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Tome II : Le Nœud de Regigigas de Alecx



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Informations

» Auteur : Alecx - Voir le profil
» Créé le 06/04/2009 à 17:09
» Dernière mise à jour le 27/06/2009 à 15:33

» Mots-clés :   Action   Aventure   Sinnoh   Suspense

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Chapitre 7 : Sous les décombres
Un silence. Profond, pénétrant.

Le silence…

Ambre était arrivée à temps pour voir s'enfuir de loin les membres de ce qu'elle avait reconnu comme étant la Team Galaxie. De surprise, elle aurait crié si elle n'avait pas eu le réflexe de placer la main devant sa bouche. Que faisaient-ils là ? Et que s'était-il passé là-bas ? Si ils sortaient, où était Julien ? S'était-il enfui ? Et il aurait alors privilégié un endroit sûr pour se cacher plutôt que de rentrer ? Mais pourquoi fuir si il était aidé de Regigigas ? Le seul, l'unique, l'invincible… Une seule solution : il ne l'avait pas trouvé. Ou alors il l'avait bien trouvé mais la Team Galaxie s'en était emparé après l'avoir…

Non. Pas ça. Il fallait qu'elle arrête de penser à ça. Qu'est-ce qu'une femme pouvait s'en poser des questions ! Tout s'était bien passé et si elle n'avait pas vu Julien, c'était simplement parce qu'il était resté en bas pour répondre à l'étrange et soudaine envie qu'avait eu le vieillard de prendre un thé. Oui, ça correspondait parfaitement à l'idée qu'elle se faisait de ce petit vieux. Se prendre un petit thé à dix-sept heures tapantes. Il ne devait même pas être seize heures pourtant. Tant pis, il n'était peut-être pas aussi pointilleux que ça. Seize heures, dix-sept heures… Quelle différence après tout ? Mais si Ambre essayait de se calmer, la femme qui sortit du temple en hurlant ne fit rien pour la rassurer. Mais au moins lui permit-elle de se trouver une utilité. Elle allait la faire taire et la faire parler en même temps. Voilà qui la rassurerait. Elle s'approcha en courant de la femme qui hurlait des choses qui ressemblaient à « Fuyez ! » ou encore à « Le monde est fini ! » et, l'attrapant par les épaules, elle planta son regard droit dans ses yeux en lui murmurant un « Chuuut… » qui aurait apaisé n'importe qui. Sauf elle bien sûr.
-Madame, calmez-vous s'il vous plaît, expliquez-moi ce qu'il se passe, mon mari est dans ce temple.

La femme la regarda avec de gros yeux. Puis elle recommença.
-Le temple va s'écrouler !

Ambre resta interdite. Le temple… S'écrouler ? Et Julien ? Où était Julien ? Ou était-il ?? Comme pour confirmer ses doutes, un craquement sinistre se fit entendre à quelques mètres. De là où elle était, elle distinguait à peine le sol du premier étage par l'ouverture. Mais elle le vit clairement s'effondrer. Et l'entendit aussi. Mais l'épaisseur des murs absorba la plus grande partie du bruit fracassant que faisait la roche qui s'écroulait. Ambre était paralysée de terreur.
-Comment est construit le temple ? OÙ EST MON MARI ??

La jeune femme avait un air désolé. Elle ne dit pas un mot. Mais son regard en disait trop long. Ambre s'écroula dans la neige.
-JULIEN !! hurla-t-elle en sanglot. Noonn…

Elle s'agrippa de toutes ses forces au sol, ne sentant pas la matière froide s'incruster dans ses vêtements. Son mari… Le père de ses enfants… Comment cette journée avait-elle pu aussi mal tourner ? Et comment se serait-elle passée si elle n'avait pas été trouver le vieux ? Pourquoi avait-elle été chercher ce vieux croûton qui avait emmené son unique amour à la mort ? Elle ne pouvait pas vivre sans lui… Pourquoi ? Pourquoi ??



Bien des mètres plus bas, quand la poussière fut retombée, le vieillard réalisé l'étendue des dégâts, mais aussi ce que la découverte due à l'effondrement entraînait. Le destin leur avait encore une fois souri. A une chose près. Julien ne devait pas mourir. Hors, à moins qu'il ne fut surhumain, à l'heure qu'il était, il devait certainement être en train de saluer ses ancêtres. Mais, Julien n'était pas un humain normal après tout, n'est-ce pas ? Le vieil homme parcourut la salle du regard. Heureusement qu'il avait pu, pour son compte, agir à temps. Il avait même réussi à épargner son costume. La pièce était vaste, le plafond avait dû être beaucoup plus haut que ceux des autres étages. Comme si cet effondrement avait été prévu depuis toujours. Plus, la sortie n'était même pas visible. Le gouffre devait s'enfoncer très profondément en-dessous de la surface du sol.
-Bon, occupons-nous de trouver Julien, chantonna le vieillard.

Les débris, bien que ne formant pas une surface uniforme, restaient plutôt praticable, même pour lui. Il pouvait se déplacer à loisir à peu près de partout dans la salle sans avoir à pratiquer d'escalade. Cependant, il devait quand même faire attention à ne pas se blesser. A son âge, un os cassé ne se réparait pas en deux jours, même pour lui. C'est au détour d'un rocher qu'il le vit. Un bras qui dépassait. Bien, il n'aurait pas à retourner la salle.
-Simiabraz, j'ai besoin de tes muscles.

Le singe de feu, à dix ans près aussi vieux que son maître, sortit de sa Pokéball dans un magnifique salto enflammé.
-Pourrais-tu sortir ce jeune homme de sous ce tombeau qu'il s'est improvisé un peu trop tôt ? Ce serait fort aimable à toi.

Le puissant Pokémon s'exécuta immédiatement. N'ayant pas la force d'un Mackogneur, il devait parfois utiliser son attaque Éclate-Roc pour soulever plus facilement des rochers trop gros pour lui. Mais après une vingtaine de minutes que le vieil homme passa strictement immobile, et ce malgré la boule de neige qui vint s'écraser à deux mètres de lui, le corps fut entièrement dégagé.
-Hoho ! C'est beaucoup plus joli à voir que ce que je pensais ! s'exclama joyeusement le vieillard.

« Joli à voir » n'était pourtant pas l'expression la plus appropriée. Les vêtements de Julien étaient déchirés à de nombreux endroits et les quelques parties visibles de son corps étaient toutes ensanglantées. Dans ses cheveux châtains clairs se mélangeaient sang et poussière de roche. Mais il était vrai que pour quelqu'un qui venait de se recevoir un temple sur le crâne, il s'en sortait plutôt bien. En fait, quelqu'un qui n'aurait pas su ce qu'il lui était arrivé aurait juré qu'il était tout bêtement tombé de vélo. Bien mal tombé, certes.

Le vieil homme, comme si tout cela n'avait été en effet qu'une simple chute à vélo, se pencha tout naturellement vers Julien et lui tapota gentiment la joue. Mais bien sûr, aucune réaction. Il sortit donc toujours aussi calmement une bouteille d'eau de son sac et la vida sur la tête du jeune professeur, qui ce coup-ci remua les paupières. C'était un début. Pendant un moment, le vieil homme avait presque envisagé la plus sinistre des hypothèses. Le visage de Julien, trempé, s'était vu débarrassé de la poussière dont il était recouvert. Le vieillard en profita pour sortir un mouchoir et une bouteille d'alcool de son sac. Ça, au moins, ça allait le réveiller. Et en plus, ça éviterait aux plaies de s'infecter. Il faudrait aussi qu'il pense à lui en mettre sur le crâne, car c'était là que se trouvait la plus belle de ses bosses. Une belle ouverture sanguinolente qui commençait à coaguler.
-Allez, une bonne dose pour le grand garçon qui ne va pas crier, d'accord ?
-AAAAAH !!

Julien se réveilla en sursaut, se redressant immédiatement. Il le regretta tout de suite car il commença aussitôt à se sentir vaporeux. Il avait l'impression que tous les membres de son corps n'étaient que du coton. Lentement, il se recoucha, se rendant ainsi compte qu'il n'était pas dans un lit mais sur de la pierre froide. Que faisait-il couché sur une pierre froide ? Quand le visage du vieil homme entra dans son champ de vision, la mémoire lui revint. Ou du moins, en partie. Il ne se souvenait pas comment ils avaient fait pour éviter de se faire écraser lors de l'éboulement.
-Alors jeune homme, comment allez-vous ? se fit-il demander par un homme souriant.
-J'ai connu mieux, lui confia-t-il. J'ai l'impression de ressortir d'une soirée beaucoup trop arrosée.
-Hoho ! Une soirée, je ne sais pas, mais il est clair que ces roches vous ont généreusement arrosé !

Julien ne chercha pas à comprendre le sens caché de cette énigme insurmontable pour lui.
-Où sommes-nous ? demanda-t-il d'une voix pâteuse.
-Eh bien, je dirais à une bonne centaine de mètres en-dessous du sol, peut-être même plus.

Julien, encore une fois, ne comprit pas tout de suite. Cependant, en revenant sur la précédente réflexion du vieillard, il crut comprendre. Mais ce n'était pas possible.
-Vous voulez dire…
-Oui, vous avez parfaitement compris. Il y avait bien une pièce secrète cachée en-dessous de ce que l'on pensait être la dernière. Et vous êtes le premier humain à y avoir posé les pieds. Enfin, le premier humain depuis un certain temps.
-Non, ce n'est pas ça. Enfin, si, peut-être. Mais je veux dire… Le temple s'est effondré ?
-Je pensais que vous le saviez. Vous auriez dû voir le morceau qui vous est tombé sur le crâne ! Sur le moment, j'ai bien cru que vous alliez y passer, pouvoir ou non.

Julien avait déjà mal à la tête… Pouvoir ? Il avait bien dit pouvoir ?
-Oui oui, j'ai bien dit pouvoir. Et je pense que je suis même en mesure de vous l'expliquer. Lucas, ce jeune homme dont je vous ai déjà parlé, possédait le pouvoir de se créer un dôme de protection, par l'intermédiaire de son Pokémon, Darkrai. Eh bien je pense que Regigigas vous offre sa grande résistance aux attaques physiques ! Mais attention, vous n'êtes pas immortel. Ne prenez pas de risques inconsidérés.

Julien accusa le coup. Un pouvoir ? C'était insensé. Et pourtant, les faits étaient là. Il avait survécu. Il allait falloir qu'il s'habitue aux phénomènes paranormaux désormais.
-Bon, êtes-vous en état de marcher ? lui demanda son infirmier.
-Euh… fit-il en se redressant. J'ai la tête qui tourne un peu et – il se massa très légèrement les côtes – je crois que j'ai une côte ou deux de cassées.
-Tenez, mangez déjà ça, lui fit-il en lui tendant une barre céréalière aux fruits. Ensuite, vous avalerez une cuiller de cette potion. Ça ne vous guérira pas vos côtes bien sûr, mais cela atténuera la douleur et facilitera la guérison.

Quand Julien eut fini et que le vieil homme eut rangé ses affaires et fait revenir Simiabraz, ils commencèrent à inspecter les alentours. Julien peinait à marcher, mais le gâteau et la potion faisaient déjà effet et il sentait ses forces revenir peu à peu. Cependant certains mouvements lui demeuraient impossibles à cause de sa (ses ?) côtes. Une côte brisée pouvait ne pas être handicapante, mais elle n'en restait pas moins gênante.
-Je pense que vous en aurez pour un mois ou deux, fit le vieillard, comme en réponse à ses interrogations muettes. Avez-vous une idée de ce que l'on cherche ?
-J'avoue que non.
-Des inscriptions en braille. Le braille était énormément utilisé à l'époque. Le saviez-vous ?
-Oui. Les chercheurs ont toujours pensé que le braille avait un rapport avec les trois Pokémon dont parlent les anciens textes. Ceux que Hélio possède.
-Et il y en a un. Et ça va être à vous de le trouver. Vous lisez le braille ?
-Si ça ne s'oublie pas, je dois encore être en mesure de déchiffrer un texte, oui, affirma Julien.
-Alors ça tombe bien, je viens de vous trouver du boulot, conclut le vieil homme.

Julien le rejoignit en face du mur devant lequel le vieil homme se trouvait en faisant de grandes enjambées par-dessus les énormes morceaux de roche. Il n'avait jamais pensé qu'un jour le langage du toucher lui servirait à quelque chose lorsqu'il avait choisi cette option à l'université. Et pourtant, devant lui, gravé dans la roche avec un soin étonnant pour l'âge qu'on lui savait, se trouvait un écrit qui n'avait jamais été découvert à ce jour. Solennellement, Julien tendit l'index et, au contact du mur, le fit glisser lentement sur les caractères. Il lui fallut un certain temps avant de s'adapter.
-C'est bon, fit Julien. Vous pouvez prendre des notes ?
-Hoho, c'est mal connaître ma mémoire que de me demander cela. Allez-y, je vous écoute.

Julien commença à lire à voix haute, mot par mot, ce que les anciens leur avaient laissé.
-« SOus les pieds de Dieu se tRouve le Roi. Sous les pieds du Roi se Trouve le Cœur. » A la ligne. « C'est au porteur des troIs clEfs que s'ouvrira la Porte du Cœur. » Voilà. J'ai l'impression qu'il y a quelques caractères qui sont plus appuyés que les autres.

Mais il ne l'écoutait plus. Le vieillard mesurait l'importance de ce qu'il apprenait. Il en savait des choses, ça oui. Les Pokémon, les légendes et lui ne faisaient qu'un. Mais alors ça…
-Dieu… souffla-t-il. Pour l'anecdote, Julien, les textes qui parlent d'un dieu Pokémon sont rarissimes. Moi-même, je n'ai guère eu l'occasion d'en voir. Voulez-vous que je vous raconte une belle histoire ? Oh, sans doute la connaissez-vous déjà… Si c'est le cas, interrompez-moi, je ne vous en voudrai pas. Alors… Il y a des millions d'années, alors que l'Univers n'était que néant, s'est éveillé un Dieu Pokémon. Ce Dieu Pokémon donna naissance à cinq enfants qu'il chargea de créer un monde. L'Espace et le Temps créèrent la Terre et lui donnèrent vie. Le Continent et l'Océan s'étendirent sur toute la surface de cette Terre pour la rendre plus accessible aux humains qui étaient destinés à y vivre. Et le cinquième Pokémon, mystérieux, donna naissance à une infinité d'autres Pokémon tous différents. Il créa notamment un Roi, serviteur de Dieu, qui serait respecté de tous, humains comme Pokémon. Il accorda à ce Roi trois serviteurs. Ainsi, les êtres vivants respectèrent le Roi et le Roi respectait Dieu. C'était une forme de monarchie. C'est ce Roi qui déplaça les continents lorsque Groudon et Kyogre eurent fini leur combat.
-Je n'avais jamais entendu une version des faits si aboutie, souffla Julien. Excusez-moi, se reprit-il, continuez.
-Comme vous le savez, le Roi s'est servi d'une corde pour déplacer les continents. Une corde divine. Une corde au pouvoir tel que le Roi décida un jour d'y faire un nœud. Cette corde qui avait tiré les continents devint ce jour-là leur cœur. Le Nœud de Regigigas est le Cœur du Monde.

Julien finit d'assembler les pièces :
-« Et si ce Nœud venait à être défait, l'équilibre du monde serait corrompu… »
-Exactement. Et la course a commencé mon cher Julien. Ce texte tout nouveau nous en apprend beaucoup. Si jamais Hélio met la main sur les trois clefs, c'en est fini de tout !
-Et comment trouver les trois clefs ? demanda Julien.
-Telle est la question mon cher. Telle est la question…

Julien était médusé. Non seulement en quelques heures il en avait appris dix fois plus sur les Pokémon légendaires qu'il ne l'avait fait durant toutes ses études, mais en plus il apprenait que c'est avec l'aide de ces légendes pour le moins énigmatiques qu'il allait devoir sauver le monde. Sauver le monde… Cette formule semblait plus tirer d'un film de science-fiction. Mais là, ce n'était pas de la science-fiction. Mais avant de songer à cela, une autre question devait trouver sa réponse.
-Hum, toussota Julien. Comment sort-on d'ici ?
-Vous nous avez donné la réponse tout à l'heure non ?
-Pardon ?
-Les caractères plus appuyés sur le texte. C'est bien ce que vous avez dit non ?
-Euh… Oui, mais je ne vois pas…
-Quels sont-ils ? l'interrompit le vieillard.

Julien glissa de nouveau sur les lettres.
-Il y a : SODRRSRTCCIEPC, dit-il, légèrement perdu dans l'opacité des propos du vieux.
-Faites abstraction des mots qui devraient avoir des majuscules. Je ne parle pas des débuts de phrase mais des mots comme Cœur, Porte…
-Cela nous donne alors SORSTCIE.
-Ne voyez-vous pas là-dedans quelques lettres qui éventuellement pourraient attirer notre attention ?

Julien réfléchit. La sortie… Sortie ? Vraiment ?
-Vous êtes sûr ?
-Hoho, bien sûr que non, je ne suis jamais passé par là avant aujourd'hui. Mais bon, cela ne coûte rien d'essayer n'est-ce pas ?

Julien appuya sur les lettres qui formaient le mot SORTIE. Il sursauta. Sous la pression exercée, les caractères s'étaient légèrement enfoncés dans le mur, produisant un CLIC sonore. Après avoir relâché, le jeune homme regarda autour de lui, à l'affût. A première vue, rien n'avait changé. Mais c'est alors que des pierres se mirent à bouger sur les parois de leur prison. Elles glissaient hors de leur habitacle. Sur les quatre murs du temple et sur toute sa hauteur, un escalier en colimaçon apparaissait. Julien n'osa même pas imaginer la complexité des systèmes qui devaient se trouver de l'autre côté de la roche ni même la place qu'ils devaient prendre et le temps qu'il avait dû falloir pour construire tout ça.
-Bravo jeune homme, félicita le vieillard. Bon, j'espère que vous aimez le sport, parce que sinon, vous allez le sentir dans vos mollets.



Après une heure incroyablement musclée que nos deux personnages passèrent à gravir des escaliers, ils parvinrent enfin à rejoindre la sortie. Julien n'avait pas le vertige, mais la précarité des marches ne lui disait rien qui vaille. Aussi fut-il envahi d'un immense sentiment de joie quand il revit la blancheur de la neige refléter les rayons du soleil. Évidemment, la Team Galaxie n'était plus là… D'un autre côté, après ces centaines de marches, il ne se serait pas senti le courage ni la force d'affronter toute une armée.
-Allons vite retrouver ma famille, s'écria-t-il pourtant.
-Décidément, vous en voulez à mon pauvre cœur, plaisanta le vieil homme qui ne paraissait pourtant nullement essoufflé. Allons-y.

Dix minutes plus tard, porté par l'allégresse et le bonheur de pouvoir fouler un sol plat, Julien était chez lui, le vieillard à ses côtés. Lorsqu'il franchit le pas de la porte, il entendit des bruits de pieds martelant le sol avec fougue. L'instant d'après, il se retrouvait avec deux enfants dans les bras.
-Papa ! cria Florian. C'était bien ton travail ?
-C'est lui ton chef ? demanda Jade en désignant le vieillard du regard.

Julien les embrassa puis les reposa.
-Oui, c'est mon patron, et on voudrait parler à maman. Où est-elle ?

Les visages des deux bambins s'assombrirent. Julien y décela une pointe de tristesse. Quelque chose n'allait pas. Il s'inquiéta.
-Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qu'elle a fait ?
-Elle est dans la cuisine avec la dame, répondit Jade. Elle arrête pas de pleurer.

Ses yeux s'étaient emplis de larmes lorsqu'elle avait dit ça. Pauvre petite. Ne pas comprendre doit être pire que de savoir.
-Allez jouer dans la chambre, on va lui parler. Je vais lui raconter une bonne blague et après elle ne pourra pas s'arrêter de rire, d'accord ?
-D'accord, répondirent en chœur les deux jumeaux en s'en allant, la tête baissée.
-Ils sont très obéissants, remarqua le vieillard.
-Venez.

Le vieillard suivit Julien jusque dans la cuisine. Ils y trouvèrent Ambre, assise sur une chaise, les coudes posés sur la table, la tête dans les mains et les yeux rougis. A côté d'elle, une femme qui s'interrompit sous l'effet de la surprise lorsqu'elle les vit entrer. Quand Ambre leva la tête, elle parut voir un fantôme.
-Julien ! cria-t-elle en se levant pour venir se réfugier dans les bras de son mari. Oh Julien, qu'est-ce que je suis contente, j'ai cru que tu… (Sa voix se perdit)
-Je suis là Ambre, dit-il d'une voix qu'il l'apaisa aussitôt. Je suis là…
-J'ai vu la Team Galaxie sortir du temple ! Que s'est-il passé bon sang, tout s'est écroulé !
-Calme-toi, calme-toi. On s'assied, je sers à boire à tout le monde et je te raconte tout.

Julien regarda autour de lui. Il reconnut la femme qu'il avait libérée tout à l'heure. Cette même qui ce matin encore lui demandait de s'éloigner du temple. Décidément quelle journée.
-Je vous sers quelque chose ? demanda-t-il pour tout le monde.
-Rien, merci, souffla Ambre.
-Si vous aviez de l'eau… murmura une voix toute timide.
-Un petit whisky peut-être ? quémanda le vieillard.

Et cinq minutes plus tard, autour de deux verres d'eau, d'un jus d'orange et d'un whisky, Julien racontait sa première aventure aux côtés de Regigigas, sa première bataille gagnée. Bataille n'était pourtant pas guerre et il le savait bien. Après qu'il eut fini, un lourd silence s'installa. Quatre personnes connaissaient le secret du monde, et deux d'entre elles avaient vidé leur verre. Ce fut la jeune gardienne qui brisa le silence.
-Je crois que j'ai des renseignements pour vous.

Tout le monde la regarda. Le vieillard s'amusait. Décidément, ils allaient de surprise en surprise aujourd'hui.
-Comme vous le savez, je suis la gardienne du temple de Frimapic. Cela fait des générations et des générations que l'Arène confie à ma famille la garde de ce bâtiment. Dans l'attente d'un évènement. Et cet évènement a eu lieu aujourd'hui même. Je ne connaissais pas toute ces histoires de prophéties que vous venez de raconter, mais je me rends bien compte que ça plus les consignes que l'on reçoit dans ma famille sont liées.

A la table, tout le monde était accroché aux lèvres de la jeune Morgane, attendant la suite. Elle devait avoir environ vingt-et-un ans.
-Voilà. Depuis que je suis toute petite, on m'a dit qu'il y avait Regigigas dans ce temple. Bien sûr, j'ai toujours pensé à une légende puisque je n'y avais jamais vu que la statue. Et l'on m'a dit qu'un jour, il se réveillerait et qu'accompagné d'un humain, il partirait pour une quête longue et périlleuse. On m'a dit que ma mission, que NOTRE mission, à moi et aux membres de ma famille, était de veiller à ce que le jour où cet humain viendrait chercher Regigigas, il ait à sa disposition tout le nécessaire pour son périple.

En disant cela, elle passa ses mains dans son cou délicat et en détacha un collier, composé d'une grossière ficelle de cuir à laquelle était accroché un médaillon en or qui servait de socle à une pierre, plate et ronde, qui formait un petit tourbillon en relief. Elle était incrustée de deux saphirs qui formaient une lettre en braille. Le C.
-Hoho, voici déjà notre première clef ? rigola le vieillard.
-Ca se pourrait, répondit Morgane. Et j'ai peut-être même une piste pour les deux prochaines.

Sans attendre qu'on l'invite à continuer – il était évident que tout le monde voulait savoir –, Morgane exposa ses idées.
-Aviez-vous déjà remarqué que la région de Sinnoh, dans sa forme la plus simple, formait un triangle ? Et que si l'on reliait les trois villes se trouvant dans ses angles sur une carte, elles formaient un triangle équilatéral ? Une région, trois angles, trois villes, trois clefs… Et toutes trois ont un passé dans cette histoire.

Julien alla chercher une carte dans son bureau et revint avec une règle et un stylo. Il traça aussi proprement que possible le « Triangle de Sinnoh ». Les trois villes désignées étaient Bonaugure, Frimapic et Rivamar.
-Eh bien, fit le vieillard, nous savons maintenant où chercher ! Il faut faire vite, je suis prêt à parier qu'Hélio va bientôt trouver le moyen d'obtenir ces informations.

Demain allaient débuter les préparatifs d'un très long voyage. Un voyage dont le destin de Sinnoh toute entière dépendait.