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Echos Infinis de Icej



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» Auteur : Icej - Voir le profil
» Créé le 24/08/2015 à 07:12
» Dernière mise à jour le 04/04/2020 à 08:57

» Mots-clés :   Action   Aventure   Humour   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de shippings

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Épisode 15 : Le vent nous portera
(J't'emmène au vent)
Le 26 Juin 2999, Syd Redding-Park s’éveilla avec un sourire.

Il ne sut pas d'où venait ce rictus léger, ce vague bonheur qui le porta hors de son lit, vers ses habits, et la boulangerie la plus proche. Mais sans se poser de question, il le savoura.

Le matin était frais. L'air, lourd d'une humidité salée. L'aube esquissait à peine les contours des toits ; Syd se faufilait dans une pénombre grise, sur des pavés glissants. Déci-delà, une lucarne s'éclairait, une goutte de lumière roulait jusqu'aux gouttières, le long de rondes tuiles d'ardoise. Il ne croisait personne. Effleurait l'esprit endormi de la ville.

Puis Syd trouva une boulangerie, la porte grande ouverte pour accueillir l'été. Une bulle de chaleur enflait puis éclatait au seuil, mêlée aux senteurs de café, de pistache, de chocolat, de pain frais. Derrière le comptoir un homme gracieux s'affairait, ses doigts habiles attrapant, arrangeant pâtisseries et baguettes, présentant des pains fraîchement pétris, des religieuses luisantes. Il accueillit Syd d'un sourire et le convainquit d'acheter une couronne aux algues typique de la ville en plus des croissants, des pains au chocolat.

Syd s'enfonça dans l'humidité salée avec, au creux de son bras, un cœur tendre de chaleur.

Quand il revint au Centre, l'Infirmière Joëlle s’éveillait à peine, enchaînant comme sa mère le faisait d'immenses tasses de café. Il hésita, puis lui laissa un croissant, esquivant ses remerciements étonnés avec sourire. Il avait hâte de montrer ses trouvailles aux autres. Il se sentait tout simplement heureux.

Évidemment, il fallut réveiller Élin, qui les insulta, la tête dans l'oreiller, à coup de gargouillement monstrueux : « Grmblg Mrglb !! ». Oscar la supplia valeureusement de bouger. Cependant il fallut Syd prononce les mots magiques « pain au chocolat » pour la faire lever—et elle se jeta sur lui, de la bave aux lèvres.

Il pacifia la barbare grâce à deux énormes pains. Elsa et Oscar, à peine plus réveillés que la blonde, eurent aussi droit à quelques viennoiseries. Elsa le fixa avec peur—mais il secoua de la tête, souhaitant plus que tout qu’elle oublie l’incident. Ils s'assirent en cercle à terre comme était leur coutume et savourèrent silencieusement. Élin voulut un peu de croissant pour Hope, on lui répondit qu'elle le gâtait trop, elle rétorqua que c'était son problème, et on l'abandonna à sa ruine certaine.

Puis vint le moment de partir. Syd enveloppa la couronne aux algues dans un beau torchon, et le plaça vers le haut de son sac à dos pour ne pas l'écraser. Ils rangèrent tous leurs affaires, songeant avec nostalgie qu'ils s'étaient installés dans cette chambre pendant une semaine entière, mais que ce matin ils quittaient définitivement leur petit cocon... Ils avaient éclaté le grand écran du Multiplex en canoë, joué dans un film aux multiples Oscars—sans mauvais jeux de mots—et avaient remporté leur premier match d'Arène... malgré les disputes, leur séjour à Ondes-sur-mer avait été extraordinaire !

Cependant, comme un Voyage Initiatique est fait de départs comme de rencontres, ils quittèrent la chambre 303 et tournèrent une dernière fois la clé dans son verrou. À l'accueil, pourtant débordée par un flot de touristes bloqués à Ondes-sur-mer par la panne du Ferry, l'Infirmière Joëlle remercia Syd d'une Corde Sortie « pour le cas où il se perdait dans un endroit peu recommandable avec ses croissants ». Les autres adolescents ne comprirent pas grand-chose mais Syd en sortit rouge et balbutiant.

— Eh mais Elsa, il vole ta manière de parler ! commenta Oscar, déçu.

La brune eut le courage de lui asséner une belle chiquette, et Élin pouffa. Ils s'évanouirent dans le vague doré du lointain.



(Wild is the Wind)
Le soleil s'était levé sur un ciel pâle. Ils marchaient depuis des heures le long de rails abandonnés, frôlant parfois le fantôme d'un train. Souvent ils confondaient le cri de la mer avec le sifflement d'un conducteur paniqué et sursautaient, s'écartant vivement des traverses de bois mité. Cependant il n'y avait aucune raison à leur peur—le groupe était la seule trace de vie à des kilomètres. Cette route avait été abandonnée depuis longtemps, et aucune trace de vie n’animait la côte rocailleuse.

À gauche, la mer grise, éraflée d'écume blanche, striée de reflets plus vifs que le soleil. À droite, les rondes montagnes Pavle, sombres et touffues, qui étaient longtemps auparavant des volcans, mais étaient éteintes depuis tant d'années que leurs anciens cratères étaient devenus des nids à Pokémon rares, protégés par des Rangers. Passé le versant ouest de ces montagnes s'étendait la campagne fertile de Pavonnay...

Mais les adolescents marchaient du côté est, sec et salé, une lande peuplée de bruyère et de lavande. Il n'y avait rien d'intéressant autre que la mer grise et eux-mêmes.

Syd réfléchissait à son match d'Arène. La bonne humeur du matin était retombée. Il entendait les mots de Strykna résonner dans son esprit, la voix de la Championne sussurant une litanie grinçante de—« Tu as perdu presque une manche entière à te remettre de l’utilisation d’un Pokémon inattendu, duh! C’est le match le plus désastreux qu’il m’ai été donné de voir depuis longtemps ! ».

Nikolaï. Et Elsa qui l’avait presque percé à jour. Il était nul même pour ça.

Hier soir, les adolescents avaient décortiqués chacun des combats, et on l'avait complimenté pour la manière extraordinaire dont il était parvenu à retourner la situation pour gagner le match. Élin s'était moquée de lui pour son hésitation et sa peur, mais avait bien fini par reconnaître que Syd avait fait preuve d'une détermination incroyable à la fin de son duel. Mais les mots de la blonde n’avait fait qu’ajouter du sel à la plaie. « Prends exemple sur ta copine la morveuse blonde. Elle, elle a de l’avenir. » Là où sa rivale Élin s'amusait avec des combinaisons d'Attaques imprévues, s'intéressait au travail d'équipe... lui se bornait à appliquer ce que l'on lui avait appris à l'époque et ordonner une Attaque à la fois, bien gentiment.

Jamais il ne pourrait battre tous les Champions et ammasser assez d’argent à ce rythme.

Malheureusement, Élin était trop fatiguée pour le distraire de ses sombres pensées. Si au début de leur voyage, galvanisée par les pains au chocolat, elle sautillait à l'avant du groupe et se lançait dans des saltos fous, elle s’était rapidement souvenue que marcher était un calvaire lorsqu’elle s’ennuyait. Du coup, elle se traînait à l'arrière, seule... quémandant des pauses toutes les cinq minutes... que Syd lui refusait ô combien cruellement, sous les rires d'Oscar et Elsa...

Elle boudait depuis une heure, grelottant à chaque bourrasque.

Et les Pokémon la surveillaient, discutant tranquillement à l'arrière. Les Caninos, petits nouveaux, faisaient bande à part ; mais Baggy, Riolu et Jeans étaient regroupés autour des Pokémon évolués et les harcelaient de questions sur leur nouvel état.

— Mais mais mais, ça fait mal ou pas ? s'inquiéta Vipelierre, observant son corps, et l'imaginant plus grand, avec plus d'écailles, et plus de lianes et aaaaah.
— Je ne crois pas. Je n'ai perçu pour ma part aucune douleur, répliqua Grotichon, souriant gentiment.
— Mais t'es différent depuis ton évolution... soupira Riolu.
— Ah bon ! s'étonna le Pokémon Feu. De quelle manière ?
— T'es plus féroce. En Gruikui, t'aurais jamais rugit en entrant en combat...

Baggy refusait, par fierté, de poser des questions. Lui était très bien sans évoluer, merci ! Mais quand il jeta un coup d'œil méfiant à Lucky, le chien, qui le côtoyait déjà depuis deux semaines, comprit la demande implicite. Avec le Baggiguane si fier, qui ne se livrait jamais et se moquait de toute curiosité et sentimentalisme, il fallait savoir capter les petits éclats d'intérêt.

— De mon côté, j'ai juste plus chaud, aboya donc Lucky, tristement, secouant son épaisse fourrure.

Baggy ricana. Le groupe se tut quand Grotichon déclara, scrutant l'œuf qu'il portait en bandoulière, que celui-ci vibrait beaucoup et éclorait probablement dans peu de temps. On lâcha un soupir ému, s'imaginant maman ou papa—enfin, sauf Baggy, pour qui les bébés donnaient surtout des envies de meurtre. Et cette-fois, celle qui brisa les fantasmes des uns et des autres ne fut pas Vipelierre, ni Riolu...

— Moi, j'ai beaucoup changé depuis mon évolution.

Ils se tournèrent tous vers Amaryllis. Elle ne bégayait plus. Sa voix était douce, mais portait quelque chose de vicieux... Elle avait l'air puissante et maligne et les surpassait. Pourtant, d'entre tous les Pokémon, c'était certainement Baggy qui avait le niveau le plus élevé.

— Je comprends beaucoup de choses depuis que je suis passée à l'état de Mateloutre, et ça m'a radicalement transformée. Je le sens. Maintenant je suis sûre de moi. Je veux protéger ma dresseuse. Et je n'ai plus peur de combattre.

Ils frissonnèrent tous quand elle leur jeta un regard non pas menaçant, mais impassible... Rien que cela était effrayant au vu de sa nouvelle conduite !

— Mais aussi... et ses yeux verts se perdirent dans le vague, sa voix prit un ton lointain. Je me souviens...
— Amaryllis, intervint gravement Grotichon. Je pense qu'il vaudrait mieux taire cet aspect de l'évolution.

Elle se braqua un instant, regard vert glissant avec méfiance vers le puissant cochon, mais acquiesça.

— Si vous le dites.

Lucky haussa les épaules, et après un dernier regard attendri vers l'œuf, la conversation dériva vers les méthodes d'entraînement des dresseurs respectifs. Baggy raillait allègrement Élin, la considérant comme une débutante ignorante—sans doute tant de rancoeur accumulée venait des entraînements les yeux bandés. Cependant Lucky estimait que c'était une humaine de confiance sur laquelle on pouvait entièrement se reposer : elle comprenait implicitement les Pokémon. Grotichon et Riolu, quant à eux, étaient unanimes en cela qu'ils respectaient les entraînements durs et académiques de Syd, et qu'ils appréciaient l'autonomie qu'on leur accordait. Même si Riolu aurait préféré que son dresseur soit un peu moins mauviette et cesse de se faire déstabiliser en plein match, non mais. Amaryllis, de son côté, avouait s'entraîner seule très souvent, en plus des exercices avec son humaine—quant à Jeans, elle ne savait même pas si son dresseur l’entraînait bien ou pas, car en réalité il ne l'entraînait pas du tout.

Une heure passa. Puis les rails s'élevèrent en un élégant aqueduc de brique, qui obliqua vers les Monts Pavle, tranchant la lande sèche en deux. Les adolescents marchèrent au milieu du ciel gris, leurs silhouettes glacées par le vent des hauteurs, contemplant avec de grands yeux le paysage qui s’étendait de loin en loin, la mer plate et patinée. Elsa se pencha au bord du chemin, s'enivrant un instant du vent de l’altitude puis recula, effrayée, retenue par une main prévenante... Oscar. Son cœur s'emballa, elle bafouilla.

L'aqueduc vira une dernière fois en rencontrant les montagnes, les longeant paisiblement. La bande fut absorbée par la végétation ; d'immenses arbres aux troncs torsadés, des fougères humides, partout, s'enlaçant au-dessus de leurs chefs en un tunnel de rosée ; des fleurs bleues et violettes, délicates. L'écosystème avait un air de monde perdu... un cœur mystérieux, palpitant doucement, faiblement, protégé par une écorce de fougères. Le soleil atteignait à peine la terre humide. Il était rare, blanc et diffus, et les adolescents étaient plongés dans l'ombre.

Cependant Élin avait retrouvé sa bonne humeur—ils étaient protégés du vent et elle avait cessé de grelotter ! Alors elle sauta sur le dos de Syd qui la rejeta, tomba à la renverse et manqua de s'ouvrir le crâne—puis elle interrompit la conversation d'Oscar et d'Elsa, blagua avec le premier, et harcela la dernière de questions sur son match d'arène.

Comment avait-elle attiré Strykna dans son piège ? Ah bon, mais c'est quoi un schéma ? Ah ça s'apprend ? Diiis tu m'apprendras hein ?

Et Elsa ne savait si elle devait être furieuse qu'Élin l'éloigne d'Oscar, ou fière que la blonde lui demande des conseils... en tout cas, même en lui réexpliquant trois fois les étapes du Schéma Lure, la dresseuse ne comprenait toujours pas, elle voulait tout le temps modifier si ou ça, bref n'en faire qu'à sa tête. Elsa abandonna après plus d'un quart d'heure, concluant avec désespoir qu'Élin n'était pas et ne serait jamais disciplinée.

La blonde lui fit promettre de « tout lui apprendre correctement » un jour, exprimant même le souhait de connaître le nom de toutes les Attaques Pokémon existant, mais Elsa doutait qu’elle se souvienne de sa demande le lendemain.

— Parfois elle me fait penser à ma mère, commenta Oscar, souriant.

Elsa fit une grimace dégoûtée dont le garçon lui demanda innocemment la provenance, et elle dû mentir et expliquer qu'elle avait marché sur un champignon—« Ah bon ? Y a des champions ici ? – Bah... oui. – Ah ». Après un toussotement gêné, la brune put enfin demander, le cœur palpitant...

— Pourquoi ?

C'était son occasion d'en savoir plus sur son Oscarochinouu !!—nouveau toussotement gêné—

— Bahh ma mère est toujours hyper-excitée tu vois... le dresseur rougit brutalement. Enfin pas comme ça ! quand ils partent en voyage, elle est toujours très heureuse, et pourtant elle a déjà tout fait : restaurants, plongée, sky-diving...
— Ah o-oui, c'est vrai que t-tes parents p-partent souvent... souffla Elsa, gênée.

Elle se sentit tout à coup gênée, surtout quand elle le vit détourner son regard clair vers le flanc de la montagne, et ses épaules se tendre. Ils leur avait révélé les absences répétées de ses parents la nuit du pacte, et elle ne faisait que lui rappeler des mauvais souvenirs au lieu de s'abstenir : elle était vraiment nulle...

— P-Pardon.
— C'est pas grave ! rit fortement Oscar, avec un sourire faussement convaincu. Je devais rester à Volucité pour l'école, après tout ! Impossible de les suivre partout.

Mais eux n'auraient jamais dû te laisser... Elle l'imaginait, rentrant seul le soir. Se préparant à manger, ou regardant la télé. Lançant un regard fatigué à ses devoirs, et renfermant ses cahiers. Observant Volucité de nuit, la vie de l'autre côté de la vitre... Était-ce à cause de l'Absence qu'il ne travaillait jamais en cours, ne récoltant que des notes passables à ses contrôles ? Était-ce à cause du vide familial qu'il avait tant d'amis ? Oscar invitant souvent dix à quinze de leurs camarades chez lui—selon les « amies » d'Elsa, ils avaient été la première bande à boire de l'alcool.

— O-On é-était tous les deux un p-peu seuls, comprit Elsa. M-Mais d'une m-manière différente...

Elsa rougit et se mordit la lèvre. Oscar la fixa. Elle ne devina pas qu'il sympathisait, regrettait sa conduite mais ne savait pas l'exprimer, s'empêtrant dans des excuses qui ne semblaient pas à la hauteur du tort causé. Elle ne sut pas qu’il ressentait une nostalgie diffuse, aérienne. Qu'il ne parvenait pas à saisir ses émotions et les transformer en phrase cohérente, matérielle... Finalement, le dresseur n'articula qu'une seule syllabe.

— Oui.

Ce fut la fin de leur conversation.

Les quatre adolescents et leurs Pokémon arrivèrent au village de pêcheur. Graduellement, l'aqueduc se rapprocha du sol, la pente qu'ils suivaient se fit de plus en plus inclinée, jusqu'à causer quelques glissades. Les arbres se tassèrent, se raréfièrent. L'herbe drue de la lande reprit le dessus, suivie par des vagues de bruyère. Ils abandonnèrent progressivement le mystérieux cœur des monts Pavle pour plonger dans une lande plus touffue, grouillante de Rattentif, de Chacripan—qu'Élin se fit un plaisir de pourchasser et terrifier avec Hope—et même de Ptitard. Ils en profitèrent pour s'arrêter et s'entraîner un peu, et ce fut rapide, car après leur match d'Arène aucun Pokémon ne leur résistait longtemps.

Finalement, le groupe arriva à un village de pêcheur pittoresque, entièrement construit en bois peint de jaune, de violet, de blanc, conquérant la mer grâce à d'épais pilotis. Le hameau entier se situait sur les flots, ses fondations rongées par les vagues, frappées par le sel. Toute cette eau marquée de souvenirs écumés, qui venait d'autres continents, de lieux inconnus aux Pokémon insoupçonnés...

Loin de ses pensées poétiques : Élin. La blonde, toujours occupée à insulter et traquer un malingre Chacripan, fonça droit dans un grand mec baraqué avec des dreadlocks, qui lui jeta un regard mauvais et rappela le Pokémon—ah parce qu'en plus c'était le sien, non mais Élin causait toujours des embrouilles pas possibles !

— T'as un problème avec mon p'tit Friskouille ? siffla le grand.
— Oui, il est MOCHE !

Syd tenta de calmer la situation, proclamant qu'Élin était fortement déséquilibrée depuis qu'un Léopardus avait éventré sa grand-mère, mais le ton montait, rien n'y faisait. Il fallait dire qu'Élin n'aida pas beaucoup, la gamine, infernale, se plut à balancer des remarques puériles et tirer la langue au jeune adulte baraqué. Celui-ci, excédé, siffla un plus jeune-au-gros-nez, et les garçons menèrent Élin au bord de la mer pour un duel.

Les deux gars se placèrent côte à côte, pieds nus dans les vagues. Élin eut des frissons, se sentant brusquement très seule. Puis un éclair de génie la saisit : elle harcela Syd et le provoqua jusqu’à ce qu’il accepte de combattre pour lui « prouver qu’il n’avait pas peur ». Il grogna, se plaça à côté d’Élin pour leur premier match en double depuis le Ranch d’Amaillide et sortit Riolu. Elsa annonça le début du duel...

- C-Combat d-double, une s-seule m-manche, entre Élin de la Ville Noire, Syd de Maillard, et...
- Owjan Leafer, affirma le plus grand. Lui... c'est Robert.

Un ange passa tandis qu'on considéra le petit, qui sans son nez serait probablement très mignon. Que la vie était dure, parfois.

Puis le combat débuta. Et contrairement aux apparences, ce n'était franchement pas Owjan le plus terrifiant... même s'il possédait un Lokhlass. Robert, avec son Spinda étourdi, prévoyait et bloquait absolument tout les mouvements d'Élin et de Syd, sans aucune hésitation ou difficulté, leur envoyant simplement un sourire malicieux. Ils avaient beau tenter des combinaisons incroyables, suivre les idées les plus folles d'Élin, le Pokémon confus était toujours au bon endroit pour les faire trébucher, échouer, ou même les amener à s'attaquer entre eux.

Syd, perplexe, essaya différentes tactiques que sa tante lui avait appris—offensives, défensives, lentes, rapides—mais le frêle garçon les contrait toujours, et pire que tout Élin s'agaçait, car elle avait trop de mal à suivre des enchaînements prédéterminés. Elle improvisait tout. Du coup Élin et lui finissaient par se gêner mutuellement ! C'était clair que leurs styles de combat étaient complètement opposés.

Les frères Leafer les auraient à l'usure. Dès que les ados se laissaient aller ne serait-ce qu'une seconde, relâchaient la pression, Owjan ordonnait un Laser Glace et les Pokémon morflaient, surtout Baggy qui détestait apparemment la Glace même si son Type n’avait aucun désavantage particulier. Riolu se moquait de lui quand il se prenait un laser et il s’énervait en retour. De plus, à force d’attaques Glace, les galets de la plage étaient devenus tellement glissants que les Pokémon—sauf Spinda qui se rétablissait toujours miraculeusement—ripaient jusque dans la mer et étaient... très bien accueillis par Lokhlass.

Finalement, Baggy se sacrifia pour trucider Spinda. Et Riolu ne fit pas long feu devant un Pokémon s'approchant du niveau trente, pour la plus grande rage de Syd et d'Élin. Au moins les deux rivaux se rejoignaient-ils sur un point.

Owjan s'en alla avec un sourire satisfait.
Mais Robert resta.

— Vous pouvez m'appeler par mon nom de famille, Leafer, leur proposa-t-il, haussant les épaules. C'est ce que tout le monde fait.
—Ah ? grimaça Syd, fronça les sourcils. Et pourquoi ça ?
Leafer tourna vers le dresseur avec son petit minois délicat—enfin, mis à part son nez—et rigola.
— Ben, parce qu'à part ma mère, personne n'a envie de m'appeler Robert. Et je crois que même elle regrette !

Un silence gêné s'abattit sur le groupe, mais Élin le dissipa d'un énorme et franc rire.
— Wah, t'es pas chiant comme ton frère !
Ah, quoiqu'en fait, elle ne faisait qu'empirer la situation. Nouveau silence gêné. Mais cette fois, ce fut Rob—enfin Leafer—qui les secouru.
— C'est marrant de dire ça ! Alors que pour le coup, tu me fais beaucoup penser à lui !

Et le groupe ricana cette fois aux dépends d'Élin. Bientôt, Leafer les mena au village sur pilotis, et ils s'assirent au bord d'une plateforme en bois doux, teinte d'un rouge passé, les jambes ballant au-dessus des flots gris.

Le frêle garçon était d'une politesse sans égal, versant souvent dans l'autodérision et singeant leurs divers sujets de conversation. Conversation qui dériva rapidement vers leur match. Élin harcela Leafer de questions et Syd, bien qu'il resta globalement silencieux, devait s’admettre qu'il brûlait tout autant d'en connaître les réponses.

— Mais comment t'as fait pour tout prévoir ?
— C'est facile, commença Leafer de sa voix douce.

La réplique ne fut pas du tout au goût d'Élin et de Syd, qui ressemblèrent soudain aux démons de leurs disputes d’antan.

— Comment ça ? rétorqua la première, se renfrognant.
— J'ai eu un aperçu vos personnalités. Ça m'a permit de prédire comment vous alliez agir.

Syd arqua un sourcil, son esprit se tournant vers son match déstabilisant contre Strykna malgré le brouillard de son orgueil. Une pensée se faufila entre deux pointes de fierté et d’incrédulité : si seulement il avait pu prévoir son comportement alors... Pourtant cela semblait impossible ! Comment connaître instamment une personne, comment la maîtriser aussi rapidement ? Lui qui avait autant de mal à se faire des amis, et accepter de nouvelles personnes dans sa vie, ne pouvait l'envisager. « C’est le match le plus désastreux qu’il m’ait été donné de voir depuis longtemps ! » L'adolescent se pencha vers Leafer, méfiant, et scruta son corps gracieux de haut en bas. Le garçon le remarqua, mais poursuivit sans tiquer.

— Vous savez, je vis dans un hameau de cent-soixante personnes. J'apprends à connaître les gens, leurs secrets. Et surtout leur nature... J'ai réalisé qu'il y avait des traits de caractères, des manières d'agir et des rôles dans la société qui influent sur la manière de combattre. Je sais les reconnaître, et au fil du combat, j'affine mon analyse. Voilà tout.

La douce réponse les sidéra. Élin, Oscar et Elsa échangèrent des regards interdits, abasourdis, et finalement ce fut Syd qui souffla :

— Mais t'as quel âge ?
— Oh ! répondit Leafer avec un sourire éclatant. Ben, douze ans !

Le groupe fit un effort conscient pour oublier qu'Élin avait le même âge, mais qu'ils avaient malheureusement écopé d'Élin et non de Leafer. Et la blonde qui perçut cet échange silencieux gonfla une joue, furieuse, leur déclarant qu'elle était là et que maintenant elles les collerait jusqu'à la mort, et même morte elle les hanterait alors inutile de l'assassiner—bref tant pis pour eux !

Robert, toujours souriant, leur dit qu'il devait aider sa mère à préparer le repas du soir, car c'était à son tour d'aider aux corvées ménagères. Il leur pointa un endroit plus loin sur la côte, où la mer s'étendait pendant des kilomètres à une profondeur de seulement quelques centimètres. C'était une balade magique, selon lui. Aussi, il leur fit cadeau d'un cerf-volant et d'un vieil appareil photo qu'il traînait autour du cou.

« Mon père m'en a offert un nouveau pour mon anniversaire, là je le portais seulement par nostalgie. Mon demi-frère—enfin Owjan—n'en veut pas, alors autant que vous le preniez, qu'il serve à quelque chose ! »

Quand Élin menaça par mégarde de le faire tomber dans les flots, on lui confisqua, et finalement Oscar en écopa. On remercia Leafer, et on échangea les numéros respectifs de Vokit.
Au moment de partir... Élin lui attrapa le poignet, et sourit malicieusement.

— Un jour j'te sonnerai pour une revanche. Et ce jour-là je te surprendrai !
— Mais j'y compte bien ! rigola le mince garçon. Après tout je commence mon voyage initiatique dans peu de temps !

Ils se firent la bise, complices, et le groupe quitta le village. Syd était pensif. Lui aussi aimerait bien tout prévoir, ne plus jamais se faire surprendre en combat... cela ferait une belle jambe à Élin, ça. « Prends exemple sur ta copine la morveuse blonde. Elle, elle a de l’avenir. » Cependant, se baser sur les personnalités des adversaires—c'était sûrement aussi bidon que l’astrologie, un mensonge que le gamin leur avait servi pour ne pas leur révéler son secret.

Si Syd imitait le style de combat de Leafer, lui se baserait sur les Pokémon adverses, et non les Humains.

Loin des pensées de Syd et bien ancrée de le monde réel, Amaryllis. Sous les yeux fiers de sa dresseuse, la Pokémon sondait la mer tous les cinq mètres pour repérer à quel moment elle perdait de sa profondeur. Au bout d'un quart d'heure, elle trouva. Le groupe, sauf Baggy et Grotichon, s'aventura sur la mer.

Autour d'eux le monde se brouilla. Leur environnement s’éclaira à... l’infini. Un infini gris. Doux, et délavé. L'eau caressait à peine leurs chaussures ; ils sentaient la pierre, lisse et dure, sous la surface. Mais ce ne pouvait pas être de l'eau... ! Car, quand ils effleuraient de leurs yeux la nappe glaciale... ils plongeaient dans les hauteurs insondables des nuages, ils ressentaient un vertige insensé, effrayant. Doux, et délavé. L'eau et le ciel se confondaient à l'horizon luisant. Les cieux ondoyaient sous leurs pas hésitants... La mer miroitait loin au-dessus de leurs frêles silhouettes, écumées de nuages d'or...

Élin marcha plus loin que les autres, hypnotisée. Elle faillit tomber quand le sol céda abruptement sous ses pas, creusant des abysses aussi infinis que le ciel. Aussi noirs. Mais elle se rattrapa à leur avancée de roche lisse, toussotant, grelottant, crachant de l'eau, ripant contre des rochers pointus, couinant. Elle se ressaisit et se mit debout, au bord du monde. Puis elle sentit qu'on l'enlaçait doucement, avec une serviette.

Elle ferma les yeux sans chercher à savoir qui la réchauffait. Son coeur battait dans un lointain flou.

Quand ils revinrent vers la berge, les deux autres avaient sorti leur premier cadeau, léger et chatoyant, qui s'envolait déjà vers les cieux. Ou était-ce l'océan... souriant légèrement, trop émerveillés pour parler, ils jouèrent au cerf-volant. Courant sous l'eau miroitante, sur le ciel trempé, plongeant vers l'horizon pour attraper le tissu chatoyant, ils s'essoufflèrent et ripèrent et rirent. Leurs poumons engloutissant l'air sec et pur de l'ailleurs.



Yuumeideviantart
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Yumeiideviantart

(Le vent l'emportera)
Syd était allé acheter les ingrédients du dîner au village de pêcheurs. Il s'était faufilé entre les maisons colorées du hameau, avait glissé sur le bois humide, poli par les âges... Le ciel rougissait à peine, courtisé par la lune. À la superette locale, une maison un peu plus efflanquée et un peu moins colorée que les autres, il croisa Robert. Enfin, Leafer. Aussitôt il se braqua. Le match de tout à l’heure tournait dans sa tête, tournait, tournoyait au rythme des critiques de Strykna… et ce gamin au gros nez disait détenir les clés de la victoire. Il se devait au moins de lui demander… de lui demander… Mais il ne savait pas comment l'aborder, son orgueil nouant sa langue aussi sûrement que le bégaiement d’Elsa.

Finalement Leafer le remarqua et lui jeta un drôle de regard, alors il se vit bien obligé de s’expliquer. Il bafouilla, gêné, avant de cracher :

— Dis, ton style de combat m'a vraiment impressionné, e-et je veux... bon en fait il... je pensais l'adapter à mes propres idées. Créer une sorte d'hybride.

Syd rougit très fortement après ce discours embarrassant, et pria avec ferveur pour que sa peau noire cache le pire de l’afflux sanguin.

— Bien sûr, fais ce dont tu as envie, répondit sérieusement le gamin. On pourra même s'affronter, comme ça on verra qui l'utilise le mieux !
— Oui, réplique Syd. Merci.

Un silence gêné s'installa suite à cette réponse crispée. Puis il ne sut ce qu'il lui prit. Il n'aurait jamais fait une telle proposition avant le 8 juin dernier. Mais ce jour-là, malgré l’amertume de la défaite et ses difficiles remises en questions, il osa. Décidemment, ce voyage le changeait entièrement et brutalement.

— Tu peux... tu peux nous rejoindre à dîner si tu veux.

Les prunelles chocolats du gamin s'élargirent et il sautilla de joie avant de se calmer et d'envoyer un sourire éclatant à Syd. Sur le coup il lui rappela énormément Élin—finalement, les gamins de douze ans étaient tous pareil.

— Oh oui ! Attends je demande à ma mère, et je vous rejoins !
— Ok, répondit Syd, brusquement mal à l'aise. On est aussi à la mer—enfin je veux dire, on est devant l'endroit que tu nous as indiqué.

Il mima un promontoire, et Leafer acquiesça, satisfait.

Puis Syd détala avec son poisson sous les bras, rougissant, vraiment mal à l'aise. Qu'est-ce qu'il lui prenait, voilà qu'il invita des étrangers à sa table et leur faisait assez confiance pour les intégrer—certes provisoirement, mais les intégrer !—dans son cercle d'amis. Quelle horreur !

Au cours des semaines il avait changé, petit à petit. À chaque aurore il s’était levé avec une perspective légèrement différente sur les trois adolescents qui l’accompagnait. Au cours de chaque journée il avait réalisé cent petits compromis et mille petits pas vers les autres. Au fil des choix forcés, des décisions incongrues il avait évolué, sans se rendre compte de sa transformation. Il ne pouvait clairement retracer le moment où il avait cédé à la présence, l’amitié, la chaleur des autres… Car avant la nuit du pacte avait eu lieu l’attaque du Ranch, et avant l’attaque il avait avoué la raison de son voyage à Elsa…

Et pourtant, il désirait encore sauver son grand-frère. Plus que tout autre chose au monde.

Quand Syd revint au promontoire où ils avaient élu domicile—avec comme colocataire une colonie de bruyère—le ciel s'embrasait une dernière fois. La mer semblait un bain de sang, un océan de plaies qui pulsait à chaque vagues. Et les lèvres, les yeux et les cheveux des adolescents prenaient une teinte passionnée et sauvage.

Ignorant la beauté étrange du paysage, Élin caressait Hope et discutait avec Oscar du prénom de son propre Caninos.

— Aiden ? Mais ça ressemble à Haydaim ! s'exclamait Oscar, dubitatif.
— Pfft mais non... c'est genre dans une langue étrangère mais je... me rappelle plus laquelle...
— Ah bah voilà tu t'inventes des prénoms et tout.

Syd leur expliqua la situation—il avait invité un étranger ! Mais les autres ne le comprirent pas, semblant plus heureux qu'autre chose... Alors Syd se résigna à réunir des galets pour le feu de camp sans aucun commentaire ; bientôt, le brasier vint lécher et noircir les écailles miroitantes des poissons. Élin s'en rapprocha, salivant, mais il réussit à la chasser—elle s'en alla entraîner ses Pokémon. À cette heure-ci. Sans aider Elsa à dérouler les sacs de couchage. Pfft.

La brune contemplait la mer sans un mot, installant leur campement sans regarder ce qu’elle faisait. Elle avait des amis. Elle avait des amis. Elle ne pouvait pas se permettre de les perdre. Des amis... Elle laissa ses boucles d'encre s'emmêler et s'enlacer au grès sur vent, une lueur farouche dans les yeux, tandis que le ciel mourait et que son âme s'envolait.

Élin s'abandonnait à la fourrure de Hope sans une arrière-pensée, donnant des ordres impérieux à ses Pokémon combattants... inventant de nouvelles combinaisons improbables... et surtout, imaginant les farces tordues qu'elle pourrait faire subir à Syd durant son sommeil. De l'algue dans le sac de couchage ? Une Flammèche mal-placée ? Héhé...

Oscar souriait aux côtés de son Pokémon nouvellement nommé, ne pensant à rien, même pas à ses parents. Finalement, c'était assez génial, d'être dans un groupe... Heureux, il aida Grotichon à poser l'œuf d'Amagara prêt du feu. La coquille tremblait, bouillonnait déjà ! D'être dans un groupe... il allait même devenir papa, en quelques sortes. L'adolescent allait se comporter bien différemment de ses parents, il se le promettait.

Syd retournait distraitement les poissons. Il s'installa sur un rocher plat et lisse, ravivant avec un sourire son portable. La lumière blanche et crue illumina les traits fatigués mais heureux de son visage... il contempla la mer violacée. Sortit la couronne d'algues qu'il avait acheté ce matin de son sac à dos. Remarqua aussi la corde sortie que lui avait offert l'Infirmière, qu'il avait oublié entre temps. Comme quoi, la gentillesse payait... et c'était agréable, de faire du bien aux autres.

(Mais—il repensa à Elsa—mais il fallait rester prudent).

C'est alors qu'Élin revint de son entraînement nocturne, haletante et en sueur, ses Pokémon fatigués mais fiers. À peine passa-t-elle une serviette sur son front luisant, sous les grommellements de Syd qui refusait de lui servir le dîner tant qu'elle puait autant, que Leafer arriva. D'abord sa gracieuse silhouette se dessina à l'horizon flouté ; puis il dansa autour des pires nœuds de bruyère, escaladant avec efficacité leur promontoire avant de les saluer.

— Yosh ! sourit Élin. On se revoit plus tôt que prévu, finalement ! Tu acceptes une revanche ?
— Haha, non, répondit en souriant le garçon. J'ai laissé mes Pokémon à la maison, ils étaient fatigués...
— Ah tiens, t'as quoi comme autres Pokémon ? s'enquit Oscar, intrigué.
— Deux Barguantua, qui ironiquement, aident mon père à pêcher, rigola Leafer. Même s'ils sont très... têtus...
— Tiens, on dirait Élin, s'amusa Syd en haussant les sourcils.
— Une vraie tête de Bargantua ! ajouta Oscar, même si l'expression n'existait pas en soit.

La concernée lui tira la langue, grommelant un « c'est pas vrai ! » très peu discret mais aussi très peu sérieux. On invita Leafer à s'asseoir autour du feu de camp et, illuminés par les rougeoiements du brasier, on discuta de tout et de rien. Oscar finit par sortir son jeu de « pêche », expliquant les règles à Leafer, qui n'en avait jamais entendu parler auparavant. De la pêche, la conversation dériva à la mer, à l'océan, et à leur excursion du jour.

— Vous avez bien aimé le coin dont je vous ai parlé ? s'enquit leur invité.
— O-Oh oui c'était m-magique... soupira Elsa, aux anges.
— Et on a pris plein de photos, regarde ! s'exclama Oscar, faisant défiler les clichés sur l'écran de l'appareil.

Il n'avait certes pas un grand talent de photographe—certains de ses clichés étant très mal cadrés—mais on y voyait l'essentiel. Leur nouveau cerf-volant rouge, cadeau de Leafer, une Elsa époustouflée et une Élin fatiguée… mais aussi de nombreux tirages où Syd grimaçait. On commenta que c’était un ronchon de première. Le dresseur de Grotichon vira au cramoisi, marmonnant avec mauvaise foi « c'est pas vrai ! », sous les rires cristallins des autres et le regard moqueur d'Élin. Finalement Elsa se risqua à poser une question.

— E-Et c'est q-quand que tu p-pars en Voyage Initiatique ?
— Dans très peu de temps, expliqua sérieusement Leafer. Dès que j'aurais treize ans je rejoindrai un oncle à Méanville, et je m'entraînerai un peu là-bas. Mes parents ont préféré attendre un peu avant de me laisser partir car je suis le premier dans la fratrie à en réaliser un, Owjan a refusé...
— Ah bon, et pourquoi ? s'enquit Élin, perplexe.

Elle qui avait littéralement fondu d'envie de sillonner Unys, depuis aussi longtemps qu'elle s'en souvienne...

— Faudrait lui demander, souffla Leafer, c'est un peu privé.

On lui répondu que l'on comprenait son droit—et même son devoir—de réserve. Syd ne put qu'approuver de tant de prudence… la famille était la famille, on ne se confiait simplement pas aux étrangers, tout aussi polis qu'ils étaient. (Ou même à des amies.)

Puis, Leafer remarqua l'œuf. Il poussa une exclamation intéressée, et voulut délicatement le saisir pour l'examiner.
Mais aussitôt qu'il posa sa paume contre la brûlante coquille, elle se fendilla. Vite, le jeune garçon demanda à qui appartenait la graine de Pokémon, on lui cria « OSCAR ! » et il balança presque l'œuf au dresseur, la coquille volant depuis ses paumes écorchées—elle valdingua, rebondit grâce à un coup de tête opportun de Baggy, Oscar cria « ZINÉDINE », on crut que la coquille allait s'écraser dans la mer mais heureusement le beau-gosse oublia ses rêves de football et la rattrapa.

Il la tint au creux de ses bras et observa avec des yeux de soucoupes un petit Pokémon bleuté en sortir la tête en même temps qu'une cascade de liquide blanchâtre et gluant, qui se répandit sur tous ses vêtements mais il s'en fichait il était heureux KYAAAAH !

Avec un grand sourire Oscar vit le bébé se traîner hors de sa coquille et grimper sur sa poitrine trempée et visqueuse, brisant les restant d'armure de ses petites patounes rondes et adorables. On l'étudia un instant, souriant. C’était un petit dinosaure aux écailles pâles, irisées à la lueur du feu de camp. Deux minuscules collerettes de nacre partaient de ses grands yeux azurs, ondulant vers l'arrière de son crâne.

— C'est une femelle, analysa Syd.
— Pervers ! lança Élin.
— Oh, je ne le connais pas celui-là ! s'étonna quant à lui Leafer.
— Normal, il vient de Kalos, c'est un Agamachin, expliqua fièrement la blonde.
— Amagara, corrigea Syd.
— C’est ce que j’ai dit.

Elsa, quant à elle, s'était rapprochée d'un Oscar ému qui enlaçait son Amagara au creux de ses bras délicats. La nouvelle-née était intriguée par le monde si chatoyant et scrutait son dresseur avec de grands yeux pâles, ouvrant et fermant sa bouche muettement. On pouvait dire qu'il était papa... Il ne récupérait pas cette Pokémon dans un laboratoire, il ne l'avait pas capturée après des mois voire des années de vie sauvage, non...

Il l'avait vue naître.

— F-Félicitations, lui murmura Elsa, prunelles luisantes d'émotions.

La soirée qu'ils passèrent fut simplement magique. Le vent de la mer semblait porter tous leurs espoirs vers l'infini, et exaucer leurs vœux sous le ciel noir d'encre... Quand Leafer prit congé, heureux d'avoir assisté—et peut-être aidé ?—à la naissance d'une enfant Pokémon, ils prévirent de se revoir à Méanville avec de larges sourires. Finalement Syd n'avait pas eu tort d'inviter L'Étranger.

Aucun des adolescents ne pouvaient prévoir que cette soirée serait leur dernière passée paisiblement, tous les quatre.