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Niseme de Raidemo



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Informations

» Auteur : Raidemo - Voir le profil
» Créé le 06/12/2007 à 23:15
» Dernière mise à jour le 08/12/2007 à 23:46

» Mots-clés :   Hoenn   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Science fiction   Suspense

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Prologue
Note : Cela fait longtemps que j'essaye de donner corps aux aventures de Joachim, garçon aveugle, et Orion, Mangriff au destin secret, sans compter les nombreux personnages auxquels j'ai longuement refléchi. J'espère avoir enfin franchi un cap en entamant cette histoire, et je souhaite qu'elle vous plaise.
Le titre "Niseme" est une association de termes japonais.
Nise : imitation, contrefaçon
me : oeil
Ce qui donnerait "l'oeil faux" ou "l'oeil imité"



NISEME



Prologue

La pluie s'abat avec fracas, tintant l'air d'une odeur acre et poisseuse. La terre a été remuée avec acharnement, découvrant ses bourgeons et quelques racines détrempées. Les longues feuilles de bambou ploient sous les eaux diluviennes, l'écorce s'abreuve. Les pieds du jeune homme, chaussés de simples sandales, s'enfoncent doucement dans le sol fangeux.
Il est prêt. Attentif au moindre son, des gargouillements d'une boue épaisse au clapotis des lourdes gouttes qui s'écrasent mollement autour de lui. De l'eau filant sur les tiges. Du grondement sourd et lointain de l'orage. Du cliquetis régulier et enivrant qui accable la lame fine et aiguisée de son sabre. Son ouïe s'affine pour se concentrer sur l'ensemble du terrain.
Face à lui se tient son ennemi. Un ennemi sans visage, sans identité.
Il resserre ses doigts sur le manche de son arme. Le tissu imbibé suinte dans ses mains. Ses poignets se détendent légèrement, leur offrant plus de liberté pour anticiper un mouvement plus fluide, plus rapide, plus mortel. Déjà l'odeur du sang imprègne ses narines. Il croit voir le déplacement de son adversaire, sa propre lame qui fend l'air pour venir le taillader. Ses genoux se plient. Ses chevilles se raidissent. Il est trempé, mais il n'a pas froid. Il n'a pas peur.
Une impulsion soudaine envoie le sang fuser dans ses membres. Ses muscles se gonflent, ses articulations se détendent, et il frappe à l'instant même où son ennemi entame son attaque. Le crissement des lames qui se frôlent est de courte durée, et celle du jeune homme va s'enfoncer dans la gorge de l'autre. Un coup d'estoc imparable, d'une précision diabolique. L'arme tranche net la carotide de l'homme sans visage.

~ & ~
Joachim retira le casque qui blessait son front et ses tempes. Il l'observa un instant ; l'objet était semblable à une couronne de métal ornée de câbles noueux, surmontant une visière noire et brillante. Le bourdonnement de l'engin s'estompait lentement. La tension frémissante mourrait, étouffée par le bruit des hommes qui s'affairaient autour du jeune homme. Joachim sentit son esprit chuter vers un sommeil réparateur, mais il le rappela à lui dans un effort déchirant. Son regard loucha sur les fils qui partaient de son crâne pour le raccrocher aux ordinateurs de la salle. Une brume épaisse chevauchait encore ses pensées. Ses yeux lui faisaient mal. Il chancela.
Des mains apparurent de nulle part pour venir s'emparer du casque qu'il n'avait pas daigné lâcher et débrancher les électrodes. Deux bras robustes, couverts d'une fourrure blanche, l'aidèrent à quitter son siège et à se relever. Le jeune homme tituba sur quelques pas et leva des yeux mi-clos, à la vision brouillée vers celui qui le soutenait. Ses pupilles cerclées de jaune croisèrent les faux aiguisées formant le regard de son compagnon.
- Est-ce que ça va, Jo ? questionna le Mangriff, de son habituel ton neutre.
- Ça va, affirma le jeune homme avec humeur.
Il se dégagea maladroitement de l'étreinte du Pokémon, jeta un coup d'œil à ses mains, à ses vêtements, pour s'assurer que tout allait bien, et que l'entraînement virtuel n'avait rien faussé chez lui. Il remarqua aussitôt de légères taches rougeâtres qui s'étendaient dans son champ de vision, comme s'il avait fixé un point de lumière un peu trop longtemps. Il cligna des yeux, mais l'anomalie persista. Des mèches de ses longs cheveux habituellement blancs tombèrent devant son nez ; elles lui apparurent rosées.
Orion, le Mangriff aux yeux perçants, le détaillait des pieds à la tête, devinant l'amertume qui était en train d'envahir son compagnon humain. Son attention divergea soudain lorsqu'il entendit les portes du laboratoire s'ouvrir sur un petit groupe d'hommes. La plupart portait des blouses blanches et hochait la tête d'une air entendu et satisfait devant des liasses de papier. En tête marchait un homme solide aux cheveux rasés, mais aux pattes drument fournies d'un poil doré. Il portait un uniforme caractéristique des scientifiques de l'armée régulière de la région. Son visage semblait taillé dans la roche, mais ses traits détendus et son regard serein adoucissaient considérablement son allure de colosse.
Ils s'arrêtèrent près du jeune homme qui tenta de se redresser rapidement et de rester stable sur ses membres. Anxieux, il prit tout de même le temps de passer une main à l'arrière de son crâne, fouilla dans sa chevelure, et fut soulagé d'y trouver son implant.
- Vous avez été parfait Joachim, le complimenta le militaire tandis que le reste des scientifiques se dispersait. Je n'en attendais pas moins de vous bien sûr, mais vous n'êtes pas sans savoir que ces tests mensuels sont une obligation.
- Je le sais, affirma simplement le jeune homme d'une voix endormie.
Le colosse hocha la tête, puis scruta le jeune homme. Joachim baissa les yeux, conscient qu'il ne pourrait rien cacher au grand chercheur.
- Bien. Suivez moi. Orion, invita-t-il.
Le Mangriff décroisa les bras et suivit les deux humains. Le militaire les entraîna dans les couloirs fortement illuminés, et à l'odeur accablante de désinfectant. Joachim avait de plus en plus de mal à se concentrer. Sa vision tanguait, les couleurs se mélangeaient. Derrière lui Orion était en alerte, ses longues oreilles dressées, prêt à rattraper le garçon si jamais ses muscles venaient à lâcher.
Enfin ils entrèrent dans une petite pièce moins durement éclairée. Trois néons répandaient une lueur apaisante. Un grand chariot calé contre un mur supportait des flacons translucides et quelques seringues. Un lit aux draps immaculés se dressait contre la surface opposée. Le colosse ordonna à Joachim de s'y asseoir.
- Si cela ne vous dérange pas, j'aimerais vous faire passer moi-même l'examen médical.
Joachim hésita un instant, le temps à son cerveau engourdi d'assimiler cette information. Puis il hocha la tête, sachant parfaitement qu'il pouvait avoir confiance en cet homme ; sa réputation faisait de lui un fin chercheur, qui prenait grand soin à veiller sur ses créations comme sur ses propres enfants. Et Joachim avait eut plus d'une fois affaire à lui.
- J'ai un disfonctionnement visuel, avoua finalement le jeune homme en serrant légèrement les poings.
Le colosse acquiesça. Il fouilla dans la petite sacoche qui pendait à sa ceinture, et en sortit deux instruments allongés dont les pointes formaient des angles arrondis. Joachim pencha la tête sur le côté et le chercheur commença son ouvrage. Le jeune homme sentit les ustensiles s'introduire dans l'orifice dissimulé derrière son oreille, pour trafiquer les rouages de sa vision artificielle.
Devant lui, derrière le charriot, s'élevait deux grands miroirs. Il y concentra son attention, observa la pièce à travers lui. A sa gauche, Orion s'était adossé à un mur, ses yeux fermés lui donnant l'allure douce et fragile d'un jeune félin, mais ses oreilles frémissantes dévoilant un esprit attentif et aiguisé. Son pelage couleur neige tâchée de sang avait pour l'instant la teinte écœurante d'un rose fardé de vert.
Le militaire était concentré sur sa tâche présente. Joachim savait qu'il était blond, d'une couleur or virant parfois sur l'argent. Il devait mesurer près de deux mètres, était pourvu d'une carrure solide, mais nullement trop large. Il était mince, campé sur des jambes droites et musclées. Ses yeux doux devaient avoir une couleur lavande. Il portait l'uniforme désigné par sa fonction : une longue veste couleur bleu ciel, retenue d'une ceinture océan (d'où pendaient différentes petites sacoches), des épaulettes et bords de manches brodés de pourpre, une chemise et un pantalon gris mer. Joachim savait néanmoins que le colosse préférait arborer les couleurs de son véritable titre. Le soin vigilant et l'élégance de chacun de ses gestes dévoilaient la noblesse de sa lignée et l'origine de son nom : Elethan, baron du nord de Cimetronelle.
Joachim fixa enfin son regard sur son propre reflet. Sa vision commençait à reprendre une fonction normale, les couleurs ordinaires reprenaient place sur sa silhouette. Il avait dix-sept ans. Son corps élancé était finement musclé, en réponse à ses entrainements quotidiens. Ses longs cheveux blancs retombaient sur ses épaules et son visage comme un rideau de pluie. Sa peau était pâle, comme sa toison, et ses yeux moroses et lointains reprenaient leur teinte safran qui brillait de fatigue. Il portait encore son jogging de lutte, car il avait dû abandonner son combat avec Orion pour aller faire cette démonstration d'entrainement virtuel devant les inquisiteurs qui veillaient au bon fonctionnement de la base.
En temps normal, il n'aurait dû passer ce petit test de reflexe qu'à la fin du mois, et l'examen médical aurait suivi. Le court laps de temps qui l'avait séparé de son dernier exercice devait être à l'origine de son disfonctionnement.
Une fois de plus le jeune homme serra les poings à s'en faire blanchir les jointures. Il était né aveugle, mais Elethan et son invention de vision virtuelle lui avait permis d'ouvrir les yeux pour la première fois, dix ans plus tôt. S'il en venait à perdre à nouveau cette faculté, Joachim était sûr d'en mourir de douleur.
- Voilà, tout est réglé.
La voix du colosse tira le jeune homme de ses pensées. Les instruments se délogèrent de son implant. Joachim se leva et survola la pièce d'un bref regard. Tout semblait redevenu normal.
- Est-ce que ton traducteur fonctionne bien ?
Joachim préféra s'en assurer.
- Orion ? demanda-t-il. Tu me comprends.
Le Mangriff ouvrit les yeux et sembla sourire.
- Sans problème, le rassura-t-il.