Eclat de Glace de Princess Leaf

Fynn prenait le chemin de la Guilde, la gorge sèche alors même qu’il sortait tout juste de la taverne. S’il ignorait encore de nombreux éléments de l’histoire, il en savait maintenant suffisamment pour en comprendre une partie.
Tandis que de nombreux autres explorateurs s’affairaient vers le lieu du rendez-vous, le pokémon feu remettait ses pensées en ordre, tâchant de rassembler les pièces du puzzle en sa possession.
« La Princesse Arya est apparemment innocente. Van aurait donc menti, et serait devenu Seigneur d’Andor après avoir quitté Grivon, dont il est l’un des fondateurs. Ceci expliquerait pourquoi il cherche à dissimuler l’existence du village, et la raison pour laquelle ce dernier semble si hostile envers le Royaume de l’Ombre. »
S’approchant du grand bâtiment en pierre, le Pyroli songea, en frémissant :
« Et à présent, il cherche à conduire notre peuple vers un conflit n’ayant pas lieu d’être. Mais que puis-je faire ? Que vaut ma parole contre la sienne ? »

Une fois au dernier étage, Fynn se fraya un passage parmi les nombreux pokémon afin de rejoindre Erza et Aizen, qui s’étaient postés au premier rang. Le Seigneur Van était déjà là et patientait en observant l’arrivée des pokémon, les yeux perçants.
Nyx, comme à son habitude, se trouvait en retrait derrière lui, le regard perdu vers la masse de pokémon qui se rassemblait – pour la deuxième fois en quelques jours – dans son bureau trop peu espacé pour tant d’individus.
« Te voilà enfin ! s’exclama Erza. On commençait presque à s’inquiéter.
- Pas d’inquiétude, répondit le Pyroli. J’étais juste en train de boire un verre.
- Tu aurais pu nous inviter, maugréa Aizen. On dirait presque que tu cherches à nous éviter, en ce moment. Quelque chose ne va pas ?
- Je… »
Le pokémon feu croisa le regard de Van, qui le fixait d’un air indescriptible. Le Jungko avait gagné la confiance de ses équipiers, au point où ces derniers l’admiraient autant qu’ils le craignaient, à présent. Fynn se sentit soudain pris au piège. Détournant la tête, il balbutia :
« N… Non. J’ai juste… Besoin d’être seul, en ce moment. »
C’était faux. La solitude l’écrasait désormais plus que jamais. Son hésitation n’était pas passée inaperçue aux yeux de ses camarades.
« Tu nous caches quelque chose, souffla Aizen. De quoi s’agit-il ? Nous sommes une équipe, souviens-t-en. Tu peux compter sur nous.
- Oui, arrête de tirer cette tête, renchérit Erza. On dirait que tu ne nous fais pas confiance ! »
Le Pyroli se sentit soudain coupable. S’il avait passé plus de temps à forger son amitié avec sa nouvelle équipe, il n’en serait pas là. Ses anciens amis lui manquaient terriblement, mais il n’avait pas vraiment fourni d’efforts pour reformer une complicité similaire avec d’autres pokémon. Cette erreur lui coûtait cher, à présent. Etait-il possible de la rattraper ? Ou bien était-ce trop tard ?
Jetant de nouveau un coup d’œil vers le Seigneur Van, il vit un sourire se dessiner sur le visage de ce dernier, tandis qu’il semblait les observer, pourtant trop loin pour les entendre dans le brouhaha ambiant.
« Je ne souhaite pas en parler. Je suis désolé.
- Comme tu veux, soupira Aizen.
Ses deux équipiers échangèrent un regard, déçus. Le cœur de Fynn se serra tandis que la culpabilité et la solitude s’alourdirent dans son esprit. Il ferma les yeux et se concentra sur sa respiration afin de reprendre contenance, et les rouvrit pour apercevoir le Seigneur Van s’avancer puis réclamer le silence alors que les derniers retardataires faisaient irruption dans la salle et s’alignaient contre le mur du fond près des escaliers, faute de place.

« Bien ! Je vous ai tous conviés en urgence ce soir afin de vous octroyer une mission spéciale à tous, qui aura lieu dès demain. »
Plus aucun murmure ne parcourait la pièce : tous les regards étaient tournés vers le Jungko, qui avait déjà captivé l’attention de l’assistance.
« Comme vous le savez sans doute déjà, je me suis rendu en personne à la rencontre de la Reine Aylee afin d’obtenir des informations au sujet de la Princesse Arya. Il s’avère que cette dernière se trouve bel et bien sur le territoire du Royaume Fleuri et, plus important encore, sous leur protection. »
Des hoquets de stupeur fusèrent tandis que les explorateurs réalisaient ce que cela signifiait d’un point de vue diplomatique.
« C’est évident, songea Fynn. Le peuple fleuri ne s’est pas laissé berner par les mensonges à son sujet. Voilà pourquoi Van tenait tant à l’empêcher de s’échapper. »
« J’ai bien peur, reprit le Jungko, que le Royaume Fleuri soit en fait de mèche avec elle depuis le début. Ou bien ces brouteurs d’herbe sont-ils assez sots pour croire à son flot d’inepties. Toujours est-il que nous allons agir en représailles. »
Il laissa sa phrase en suspense, afin de laisser la tension monter.
« J’ai informé la Reine Aylee que si la Princesse Arya ne nous était pas livrée demain soir, au crépuscule… Nous lancerions un assaut sur Dirindel, le petit village situé à la frontière du royaume. »

L’annonce frappa la Guilde tel un coup de tonnerre. Des exclamations jaillirent en tous sens, de natures variées : surprise, joie, excitation, colère, effroi… Le Seigneur Van laissa libre cours aux réactions, probablement afin de prendre note des effets provoqués par ses paroles.
« Une bataille ? C’est génial ! s’exclama Erza. Il va enfin se passer quelque chose d’intéressant.
- Ces traitres vont nous le payer ! aboya Aizen. Comment osent-ils ? »
Fynn avait le sentiment de revivre la même scène qu’à la réunion précédente. La communication du Seigneur Van était décidément efficace.
« Certainement plus que la mienne, en tout cas » songea-t-il avec amertume.
Une fois le calme partiellement revenu, le Jungko poursuivit :
« Je doute fort que la Reine Aylee n’accède à ma requête. Aussi les explorateurs de la Guilde se mettront en route en direction du Royaume Fleuri dès demain matin, aux côtés des guerriers d’Andor.
- Excusez-moi, Seigneur Van, mais par quel moyen pouvons-nous nous rendre au Royaume Fleuri en si peu de temps ? questionna une Vibraninf.
- Pas d’inquiétude… L’une de nos équipes d’exploration a dégagé l’accès via le Tunnel de Ladon, qui est à présent sécurisé. Nous serons donc sur les lieux à l’heure souhaitée. Et, au crépuscule, nous envahirons Dirindel. »
Le pokémon plante jeta un coup d’œil en direction des Iris Embrasés. Le sang de Fynn se figea dans ses veines.
« C’est donc la raison pour laquelle il voulait que nous passions par ce tunnel… Il avait tout à y gagner, je présume. »
A ses côtés, ses camarades bombèrent leur torse de fierté, loin de se rendre compte des réelles conséquences de leur succès.
« Je vous donne à tous et à toutes rendez-vous devant les portes de la cité, demain, à l’aube. Un gong résonnera afin de vous informer quand le moment sera venu. A présent, j’exige que tout le monde aille dormir sur le champ. »

Le Seigneur Van se détourna, et les pokémon quittèrent la pièce dans un tumulte.
Tandis que les explorateurs se pressaient dans les escaliers, Fynn s’extirpa de la foule et fit un détour par la bibliothèque, dans laquelle Arin était en train de ranger des livres.
« Bien le bonsoir, Fynn ! le salua le Delcatty. Alors, quelles sont les nouvelles ?
- Le temps presse, murmura le Pyroli en jetant un coup d’œil par-dessus son épaule. Ecoute-moi bien, les explorateurs partiront demain matin en direction du Royaume Fleuri. J’ai des informations importantes à transmettre à Nyx, mais… Je ne peux le faire en présence du Seigneur Van. Tu dois t’en charger pendant son absence, demain, au plus vite.
- Que se passe-t-il ? demanda le bibliothécaire, inquiet. Qu’as-tu découvert ?
- Je n’ai pas le temps de rentrer dans les détails. Grivon… Le Seigneur Van en est l’un des fondateurs, c’est la raison pour laquelle on ne trouve rien à son sujet. Il nous ment depuis le début. Nyx doit savoir, même si… Je pense que c’est trop tard, maintenant.
- En es-tu sûr ? Il s’agit d’accusations très lourdes de ta part.
- Pratiquement certain. Je vais essayer d’aller à la rencontre de la Princesse Arya mais, en attendant, nous devons lui accorder le bénéfice du doute. »
Arin fixa le Pyroli, songeur.
« Très bien, j’irai m’entretenir avec notre meneuse à ce sujet. Mais sache que, sans preuve concrète, je ne peux aller plus loin que lui confier tes craintes. Ce pourrait être suffisant afin de lui faire ouvrir les yeux sur l’ambiguïté de notre situation, cela dit. Il ne reste qu’à espérer que…
- Fynn ! Qu’est-ce que tu fiches, dépêche-toi ! »
L’intéressé se tourna vers Erza, qui l’appelait depuis les escaliers, et lui répondit d’un signe de tête.
« Je dois filer. Mes excuses, Arin.
- Ne t’en fais pas. Sois prudent, Fynn, et puisse la chance t’accompagner.
- Toi de même. »
Les deux pokémon échangèrent un salut, puis le Pyroli s’en retourna vers la sortie, où il rejoignit ses compagnons.

« Décidément, tu en fais des détours, en ce moment, soupira Aizen. Ne trainons pas, nous devons être en forme pour demain.
- J’ai hâte ! s’exclama Erza. Tu as déjà participé à une bataille, Fynn ?
- Pas de cette envergure, répondit sombrement ce dernier. Nous sommes des explorateurs, pas des guerriers. Nous ne nous battons qu’en dernier recours, en principe.
- La situation l’exige, déclara l’Ossatueur d’Alola. Nous devons mettre un terme aux manigances de nos ennemis une bonne fois pour toutes. Tu ne trouves pas ? ajouta-t-il devant l’air maussade de son camarade.
- Disons que… Je trouve ça quelque peu excessif, oui. Les conséquences de cet assaut risquent d’être terribles, et je peine à croire que la voie diplomatique ait vraiment échoué.
- C’est pourtant ce que le Seigneur Van nous a dit, fit Erza, surprise. Douterais-tu de lui ?
- Je… Regrette que tout cela aille si loin, voilà tout. »

Les Iris Embrasés atteignirent le seuil de leur petite demeure. L’Absol donna une tape sur le flanc du pokémon feu :
« Allons bon, ce n’est pas si terrible, si ? Nous allons juste affirmer au Royaume Fleuri notre position de façon un peu musclée, c’est tout !
- Et ils l’auront bien cherché, renchérit Aizen.
- Vous ne vous rendez pas compte de ce qui risque de se passer, fit Fynn en secouant la tête. Je ne peux me réjouir d’une telle issue. »
Ses compagnons haussèrent les épaules, perplexes.

« Nous verrons bien, conclu Erza. Se prendre la tête ne nous restaurera pas notre énergie, bien au contraire. Allez, tout le monde au lit ! »