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L'Empire Delassien de Johan64000



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» Auteur : Johan64000 - Voir le profil
» Créé le 21/02/2021 à 00:43
» Dernière mise à jour le 26/03/2021 à 15:41

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Fantastique   Guerre   Mythologie

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Chapitre 2 - Le Onzième Nome
Une semaine après le couronnement.

Khae avait bien du mal à se remettre des jours qui avaient suivi son accession au trône de l'Empire. Déjà, parce qu'il avait eu à subir l'isolement forcé qu'on imposait à tous les nouveaux Pharaons afin qu'ils puissent profiter de ce repos pour se rapprocher des Dieux. Le jeune homme n'avait jamais rien eu de spirituel, et les quelques leçons qu'était venu lui dispenser un prêtre ne l'avaient pas aidé outre mesure. Selon lui, le meilleur moyen pour se rapprocher du plan divin, c'était la méditation. Malheureusement, Khae n'avait jamais eu l'esprit calme et les heures passées accroupies dans sa chambre lui avait donné plus de courbatures qu'autre chose. Le prêtre avait fini par laissé tomber devant une énième plainte du jeune Pharaon. De toutes façons, rares étaient ceux qui arrivaient à se connecter de façon saine avec les divinités de nos jours. Lui-même avait encore du mal à le faire, alors que c'était l'essence même de sa foi et de son rôle au sein de l'Empire. Se rapprocher des Dieux, c'était d'autant plus complexe que ceux-ci se révélaient la plupart du temps capricieux et insondables.

Quoiqu'il en soi, Khae dû se rendre à l'évidence que ces quelques jours de repos forcé ne lui apporterait rien de plus quant à sa connexion divine. Aussi en profita-t-il pour préparer son trajet vers le Onzième Nome. Là-bas, il allait devoir renforcer l'allégeance du Nomarque Baal, un souverain peu scrupuleux et soucieux de faire le plus de profit possible. Afin d'assurer ses arrières, il avait demandé à Mahou de venir avec lui. Son meilleur ami était capable de se défendre sans trop de mal. Depuis sa tendre enfance, il avait été formé par les plus prestigieux gardes du palais. Et même s'il n'avait aucune vocation à entrer dans l'armée malgré les injonctions pressantes de sa famille et de la famille royale, tout le monde s'accordait pour dire qu'il était sûrement le guerrier le plus prometteur de l'Empire. Pas encore à égaler les grandes pontes présentes dans les rangs des soldats du Premier Nome, mais il s'en approchait sans trop de mal du haut de ses dix-neuf ans.

Malgré la présence de son ami et de l'escorte royale – composée de quarante soldats en armes – qui le suivrait désormais à chacun de ses déplacements, Khae choisit la prudence en proposant à son Salamèche de l'accompagner. Un pokémon peu docile et soucieux de bien faire, certes pas très puissant mais fidèle à son maître. Le Scorplane bleu, quant à lui, était tout bonnement introuvable, aussi Khae décida de se passer de sa présence pour ce voyage de courtoisie. Afin de s'assurer une sécurité supplémentaire, Khae demanda à Douamoutef, son garde du corps, de l'accompagner également.

Et c'est donc ainsi accompagné que le jeune Pharaon prit la route du Onzième Nome, une semaine après son couronnement. La caravane royale était peu luxueuse pour ce déplacement – entendez par là une trentaine de Camerupt de voyage, le double de Chamallot et quelques Tropius pour porter les affaires. Le trajet ne dura que trois jours, le Onzième Nome se trouvant à proximité du Premier Nome, dans lequel résidait le Pharaon et sa cour. Khae profita du voyage pour discuter allègrement avec Mahou, eux qui n'avaient pas eu l'occasion de partir sur les routes ensemble depuis des années. Mais malgré son envie de passer le plus de temps possible avec son ami, il fut bien vite rattrapé par ses obligations de nouveau régent. Le Trésorier Matdat et le Vizir Amehbadeb avaient tenu à accompagner Khae pour sa première rencontre diplomatique officielle en temps que Pharaon. Les deux étaient amis de longues dates avec son père, et le jeune homme avait une pleine confiance en leurs conseils.

« Le Nomarque Baal a toujours défendu ses propres intérêts avant ceux de l'Empire, Pharaon »

Ils s'étaient isolés tous les trois, en tête de file du cortège, afin de discuter des affaires courantes. Le sable chaud du désert Délassant ralentissait drôlement la traversée, mais les habitants de l'Empire avait fini par se faire au climat aride qu'il imposait sur leur contrée. Alors qu'il allait répondre, un Dunaja se faufila entre les pieds de Khae, qui le chassa d'un geste de la main. Il n'avait jamais eu peur de ces pokémon des sables, même s'il devait reconnaître que leur forme évoluée pouvait se montrer bien plus imposante et difficile à mettre en déroute.

« J'en ai bien conscience, Matdat. Mais je dois m'assurer de son allégeance le plus longtemps possible. Si jamais je venais à nommer un nouveau Nomarque maintenant, le peuple du Onzième Nome se soulèverait certainement. Et au vu de l'état de l'armée royale après la défaite de père au Neuvième Nome, je ne peux me permettre de faire subir une nouvelle guerre civile à l'Empire. »

Souvent, Khae lui-même se surprenait à adopter un discours aussi politiquement correct et cette vision d'ensemble d'une situation. Il fallait dire que son père avait été un parfait instructeur dans la défense des intérêts et du bien-être de l'Empire. Pour l'instant, le jeune souverain se contentait de l'imiter, un peu pâlement, pour ne pas trahir sa mémoire et son héritage en attendant son possible retour.

« Assurez-vous cependant que je ne manquerai pas de pointer du doigt à ce Baal ses récents manquements à son devoir de Nomarque. »

La discussion continua jusqu'à tard le soir, lorsque les lumières de la ville d'Agara se dessinèrent au milieu des dunes. Une grande métropole, sans ajout superflu et aux maisons en terre cuite. Un immense palais trônait au centre de la ville, fait d'or et de métaux précieux. Le Nomarque aimait l'opulence et ne se cachait pas de le montrer aux habitants de la capitale de son Nome. Khae n'approuvait absolument pas cette manière de faire, même s'il était légèrement hypocrite, puisque lui-même habitait le plus grand palais de tout l'Empire. Malgré tout, le fait que Baal ne se cache absolument pas de dépenser l'argent des habitants de sa ville pour son propre bien-être avait tendance à agacer sévèrement le jeune homme.

D'ailleurs, le fameux Baal attendait, escorté par une dizaine d'hommes armés, la diligence du nouveau Pharaon. Le Nomarque était petit, bien plus petit que la majorité des hommes de l'Empire. Ses cheveux coupés courts et grisonnants descendaient jusqu'à ses épaules. Un ventre bedonnant se détachait sous sa veste de lin blanc, elle-même ornée de dizaine de pierres précieuses. Une vilaine balafre mal cicatrisée lui fendait le visage de l'œil gauche jusqu'à la commissure de ses lèvres, lui donnant un air encore plus rustre que ce qu'il ne pouvait être. Sur sa bouche, il arborait un constant sourire narquois, signe de sa perfidie et de ses manipulations sordides. La visite de Khae n'avait pas été annoncée officiellement – le jeune homme espérait ainsi surprendre le souverain peu scrupuleux en pleine affaire illégale et ainsi avoir un motif pour le défaire de ses fonctions – mais, comme à son habitude, Baal avait été informé de l'arrivée du roi sur ses terres. Une véritable Fouinette, avec des oreilles que l'on disait s'étendre jusque dans les recoins des réunions les plus privées du Pharaon.

L'Empire était divisé en exactement trente-deux Nomes, basé sur le même principe que des mini-Etats dans un seul et même grand pays. Chaque Nomes avait à sa tête un Nomarque, une sorte de dirigeant devant faire régner l'ordre et la justice sur la région qu'il avait en charge. Tous les Nomarques étaient choisis par le Pharaon lui-même, et était soumis à son autorité suprême. Même s'il pouvait théoriquement nommer de nouveaux Nomarques au sein de l'Empire, Khae n'avait pas l'aval de ses conseillers pour le faire. Déjà, parce que ceux déjà en place convenaient parfaitement aux régions qu'ils avaient sous leur coupelle. Mais également parce que nommer de nouveaux dirigeants dès son accession au pouvoir, c'était en quelque sorte renier les choix qu'avait pu faire son père et désavouer sa politique. Si jamais il s'amusait à changer les têtes pensantes de son Empire du jour au lendemain, il se risquait à quelques révoltes de la part de son peuple. Et inutile de préciser que personne n'aime avoir à gérer une foule en colère juste après son investiture en temps que Pharaon.

Mais le jeune homme avait bien du mal avec ce Baal Nazequia. Outre le fait qu'il profitait allègrement de son influence pour s'octroyer encore plus de droits qu'il n'en avait déjà – en s'assurant par la même occasion la présence constante de femmes pour grossir son harem personnel -, le Nomarque du Onzième Nome avait toujours pris le contre-courant des décisions du père de Khae à l'époque. Pour avoir participé à quelques conseils de défense en tant qu'héritier de l'Empire, le jeune Pharaon se souvenait de la virulence avec laquelle Baal contredisait chacune des idées qui allaient dans le sens de donner au peuple plus de liberté. Selon lui, et il ne s'en cachait même pas, un empire sain ne peut fonctionner correctement qu'avec une population entièrement soumise à l'égide des plus forts. Des idées bien trop radicales pour le garçon, même s'il avait bien conscience que certains hauts fonctionnaires de l'Empire partageaient ces ambitions. Enrichir les riches en piquant aux plus pauvres. Une manière de faire qu'avait tenté d'abolir le Pharaon Horemheb durant son règne de trente-trois ans, et que Khae voulait continuer.

« Pharaon Khaemou'aset, quel plaisir de vous voir. Je n'ai même pas eu le temps de venir vous saluer le jour de la cérémonie d'investiture. Il faut dire que vous aviez pléthore de mains à serrer et je n'ai pas souhaité vous rajouter la mienne, sale et rugueuse. »

C'était là l'adage de ce fameux Baal que de se faire passer pour un homme issu des classes sociales pauvres. Il se donnait cette image de travailleur ayant réussi à accéder aux hautes-sphères de l'Empire par son seul labeur. Il avait bâti cette représentation jusque dans la propagande qu'il exerçait au sein du onzième Nome, en placardant des affiches en bambou sur les murs le représentant jeune, travaillant dans les champs. Seulement, ceux qui le connaissait un tant soit peu savaient que tout cela était totalement faux. Baal avait toujours été privilégié, son père ayant fait parti un temps du Conseil des Six, ces six Hauts-Fonctionnaires qui conseillaient en priorité le Pharaon et possédaient un pouvoir supérieur à celui des Nomarques. Le Trésorier, le Vizir, le Scribe, le Chef des Armées, le Grand Prêtre et le Juge Impérial. Des places de choix, réservées aux personnes de confiance et favorites du régent. Actuellement Khae était lui-même entouré du Conseil des Six constitué par son père. À terme, il allait devoir se forger le sien, même s'il doutait encore des personnes à mettre à ses côtés pour gouverner l'Empire en son nom.

« Ne vous excusez pas, Nomarque Baal. C'est un plaisir de pouvoir enfin converser avec vous dans un cadre bien moins réglementaire que celui du palais royal. Vos visites se font de plus en plus rares, et je ne crois pas me tromper en disant que votre présence commençait drôlement à manquer à mon défunt père lors des conseils de défense récents. »

À la fois une manière polie de répondre, mais également de lui rappeler qu'il avait manqué à certaines de ses obligations en temps que fonctionnaire de l'Empire. Car si Baal était loin d'être un idiot, le fait de ne pas se présenter aux conseils de défense sans raison viable, pourtant obligatoires pour tout les Nomarques de l'Empire, était une faute grave qui lui serait difficilement pardonnée. Mais comme s'en doutait Khae, l'homme au ventre bedonnant avait une excuse bien ficelée sous le bras pour justifier de son absence.

« J'ai conscience du manquement à mes fonctions, veuillez m'en excusez. Ma femme est gravement malade depuis quelque temps, et je me dois de rester le plus souvent possible à son chevet. J'ai fait parvenir une missive au palais royal pour qu'elle puisse recevoir les traitements que l'on dit miraculeux de votre Grande Prêtresse. Et bien que je n'ai toujours pas eu de réponse de votre part, je ne désespère pas qu'elle puisse en bénéficier sous peu. »

Un fin orateur et stratège que ce Baal. En se mettant en position de victime et en indiquant que sa femme était au bord de l'agonie par la faute de la gestion du Pharaon, il en venait presque à inspirer la pitié. Pourtant, Khae ne se laissait pas berner par les belles paroles du Nomarque. Il se doutait bien qu'il n'en avait rien à faire de sa femme officielle, alors qu'il se plaisait à exposer sa collection d'épouses adultérines aux yeux de ses sujets. Certes, le mariage polygame n'était pas interdit dans l'Empire, mais il était de plus en plus mal vu par le peuple, surtout dans les villes civilisées comme Agara.

« Vous m'en voyez désolé. Que diriez-vous que nous en discutions de ce fâcheux incident à l'abri de votre palais ? »

Khae détestait cette manière de parler, même s'il devait s'y soustraire quand il s'agissait de diplomatie. Pour autant, il était bien plus à l'aise quand il pouvait discuter librement avec Mahou ou les jeunes gens du Premier Nome. Là, il avait l'impression d'être pédant et hautain à chaque fois qu'un mot traversait ses lèvres.

Le vieil homme perfide les mena donc jusqu'à son palais. Sur le chemin pour atteindre le somptueux monument, le cortège du Pharaon croisa nombreux civils qui ne manquèrent pas de s'agenouiller devant Khae, en remerciant les Dieux de leur faire ce cadeau. Le jeune homme, lui, avait beaucoup de mal avec ces démonstrations d'affection, aussi se contentait-il de sourire et de demander aux gens de se relever. Il ne pensait pas mériter que l'on se rabaisse devant lui, même si ça faisait parti des codes sociaux de l'Empire. Une fois dans le salon principal du bâtiment, et débarrassé de la majorité du cortège qui s'attelait désormais à installer les affaires dans les suites accordées pour le Pharaon et sa cours, Baal et Khae se retrouvèrent seul. Deux gardes pour chacun d'entre eux se trouvaient à l'extérieur des portes de ce salon gigantesque, attendant patiemment avec l'ordre de ne laisser personne déranger Pharaon et son Nomarque.

« Je m'attendais à votre visite. », raconta Baal en servant nonchalamment un peu de vin rouge dans un verre en terre cuite. « Il faut dire que vos déplacements sont rarement discrets, Pharaon. »

Khae accepta avec un peu d'appréhension le verre que lui tendait le vieil homme. Le fait qu'il possède son propre vin, alors que sa production est si difficile et coûteuse, était un nouveau signe de sa richesse non dissimulée. Qu'il en fasse profiter le jeune homme pouvait également dire qu'il voulait lui jeter au visage qu'il était quelqu'un d'important, et donc pas à négliger comme le premier venu. Ça, Khae en avait bien conscience.

« Une vieille habitude de mon père, que voulez-vous. Je me dois de respecter les traditions. »
« Je me doute bien, oui. C'est même pour cela que vous avez fait le déplacement jusqu'à mon modeste Nome, n'est-ce pas ? Pour respecter la...Tradition, comme vous dîtes. »

Khae avala une gorgée du liquide. Bon goût, belle robe. Baal savait recevoir. Cependant, le jeune homme ne pouvait pas abuser de la boisson comme il avait l'habitude de le faire aux réceptions du palais. Quand on discutait avec un homme aussi influent et fourbe que celui face à lui, il valait mieux avoir les idées claires.

« Je ne suis pas aussi à cheval sur le protocole que mon père cependant. Si je tenais à vous rencontrer aujourd'hui, c'est afin de converser avec vous au sujet du budget alloué aux Nomes pour l'année à venir. Vous n'êtes pas sans savoir que la guerre contre les rebelles du Neuvième Nome a été fort coûteuse, que cela soit en vie humaine ou en monnaie. »
« En effet. Je dois dire que je ne pensais pas que l'impact d'un affrontement si banal en apparence aurait de telles répercutions sur l'Empire tout entier. »
« Personne ne pouvait le prévoir. Pas même mon défunt père. Quoiqu'il en soi, il va nous falloir faire face aux pertes financières qui vont suivre. Pour cela, le Trésorier Matdat a prévu de baisser le budget que l'Empire octroie pour la sécurité de chaque Nome. Il vous expliquera cela bien mieux que moi, mais je tenais tout de même à vous faire part de cette information de vive voix. »

Baal se servit à son tour un verre de vin rouge avant de répondre, prenant sûrement la mesure des conséquences d'une telle décision pour ses propres intérêts, même si la sécurité de son Nome ne semblait pas être la première de ses préoccupations. Le Onzième Nome était réputé pour ses nombreux vices et la criminalité y avait explosé depuis que Baal était arrivé au pouvoir. Il avait principalement renforcé sa garde rapproché et celle de la capitale, délaissant les villages alentours qui se retrouvaient la cible de mercenaires et de pilleurs qui sévissaient dans le désert.

« Vous avez conscience que cette décision ne peut être approuvée sans la concertation pleine et entière du Conseil de Défense ? »
« Bien évidemment. Rien n'est acté pour le moment. Mais je voulais m'assurer que vous... Soyez informé avant les autres. »
« On en arrive donc au sujet épineux. Ce n'est pas pour discuter avec moi de cette question que vous avez tenu à me rencontrer. C'est au contraire pour vous assurer de mon allégeance à votre cause et être certain que je ne viendrai pas vous contredire lors des débats qui suivront la mise en place de ce gel de nos fonds, n'est-ce pas ? »

Khae savait le Nomarque manipulateur, mais il ne le pensait pas si intelligent. En quelques phrases, il avait réussi à percer la stratégie sur laquelle il s'était basé pour lui faire avaler la pilule plus facilement.

« Et donc ? Ai-je votre consentement à approuver mon discours face aux autres Nomarques ? »

L'atmosphère dans la grande pièce venait soudainement de se tendre. Les deux hommes se dévisageaient. Malgré son pouvoir et son autorité par son grade supérieur, Khae se sentait en position d'infériorité face au vieil homme. Peu aguerri aux négociations, le jeune adolescent avait bien du mal à faire entendre sa parole, même s'il pensait ne pas s'en être trop mal sorti dans cette joute verbale.
Le Nomarque se mit alors à sourire, avalant d'un trait son verre de vin, ce qui lui fit une vilaine moustache au-dessus des lèvres.

« J'accepte. Mais à une seule condition : que votre Grande Prêtresse vienne au chevet de ma femme pour la soulager du mal qui la ronge. »
« Vous avez conscience que la Grande Prêtresse est certainement l'unique personne dans cet Empire sur laquelle même moi je n'ai aucune autorité ? Elle ne répond qu'à la justice divine, et je ne peux outrepasser mes droits en lui imposant de venir à Agara. »

Baal croisa aussitôt les bras devant lui, en signe d'abnégation. Voyant une opportunité lui passer sous le nez, Khae fini par se résoudre.

« Je vais voir ce que je peux faire. », lâcha-t-il.
« Bien, nous avons donc un accord, Pharaon Khaemou'aset.», conclue le vieil homme en s'approchant de Khae pour lui serrer franchement la main.

Un contact poisseux et froid, qui resta un moment dans les pensées du jeune homme tandis qu'il quittait la salle de réception pour se rendre dans les appartements qu'on lui avait alloués. Encore une fois, il fut frappé par l'opulence de ce palais, presque aussi flamboyant que celui dans lequel il vivait. Content du dénouement de cette négociation, il s'empressa de retrouver Mahou qui l'attendait dans sa chambre, en dépit de l'interdiction formelle qu'avait tout individu de pénétrer dans les appartements privés du régent. L'ami de Khae avait depuis toujours eu le don de réussir à se faufiler dans les endroits les plus improbables, en dépit de la sécurité.

« Enfin ! Pas trop dur cet entretien avec ce connard prétentieux ? »

Mahou était assis sur le lit de son ami, le Salamèche de Khae entre les bras. Il n'avait pas emmené son propre pokémon de compagnie – un Carapuce – qu'il avait laissé se prélasser dans les piscines du palais royal pour la semaine. Ayant toujours eu une attirance pour les pokémon depuis son enfance, Khae avait du mal à comprendre qu'on puisse laisser derrière soi un compagnon qui avait choisi de quitter la vie sauvage pour s'accoutumer à un régime bien plus strict. Mais étant donné qu'il était une des rares personnes à avoir cette vision des pokémon, il ne pouvait en vouloir à Mahou.

« Ne parle pas si fort, crétin. Je te rappelle que j'ai certaines responsabilités maintenant. T'as envie de créer un incident diplomatique ou quoi ? »

Et le Pharaon raconta à son ami la discussion qu'il avait eu avec le Nomarque du Onzième Nome. Il essaye d'omettre aucun détail, Mahou étant souvent un conseiller de bonne augure, même si la plupart de ses solutions consistaient à frapper fort sur la tête d'une autre personne. Quand il eu fini, le blondinet bagarreur afficha une mine déconfite.

« T'es sérieux ? Tu lui as vraiment promis de faire venir Ankhet ici ? Et pourquoi elle te ferait cet honneur ? »
« J'suis le Pharaon maintenant, je te rappelle. »
« Et moi, je peux te rappeler l'incident d'Augerus ? Elle te déteste littéralement depuis. »

Mahou n'avait pas tord. Lui, Khae et Ankhet se connaissaient depuis leur plus tendre enfance. Ils avaient tous les trois grandi au palais royal. Khae en tant qu'héritier du Pharaon, Mahou en tant que fils d'un haut-fonctionnaire bien placé au sein de l'Empire, et Ankhet en tant que fille du Juge Impérial de l'époque. Autant dire qu'ils étaient destinés à passer leurs vies ensemble, rien que par leur naissance. Pour autant, et si ça avait été vrai jusqu'à leurs quatorze ans, Ankhet avait trouvé la voie de la religion et s'y était pleinement engagée. C'était à ce moment-là que Khae avait décidé de lui avouer ses sentiments. Ne comprenant pas pourquoi le jeune héritier n'avait pas déclaré sa flamme avant qu'elle n'entre au service des Dieux, Ankhet s'était éloigné de lui pour ne pas être détournée de sa foi. Puis il y avait eu l'incident d'Augerus.

« Je...Je vais voir si j'arrive à la convaincre. Ou alors, tu pourrais... »
« Même pas en rêve, mon pote. Elle m'a toujours fiché la trouille cette nana. »

Khae baissa la tête, prenant conscience qu'une discussion avec la Grande Prêtresse allait lui être inévitable. Il ouvrit la porte de sa chambre, et somma un garde de lui faire parvenir le Mistigrix de communication. C'était le meilleur moyen qu'avait trouvé l'Empire pour réussir à converser directement avec quelqu'un, malgré la distance. Les Mistrigrix avaient pour particularité d'être différents en fonction de leur sexe. Quand deux d'entre eux tombaient amoureux et nouaient une relation solide, ils étaient capables de communiquer à distance, même sur plusieurs centaines de kilomètres. L'Empire en avait donc élevé un nombre incommensurable afin que tous les hauts fonctionnaires puissent avoir une ligne raccordée directement au palais royal. Une fois le pokémon dans sa chambre, Khae ne put s'empêcher de lui sourire. Il avait un peu de mal avec l'exploitation qu'on faisait de ces pauvres bêtes, même s'il devait reconnaître que l'Empire serait paralysé si l'on venait à ne plus s'en servir pour communiquer. Des fois, des décisions contre-intuitives étaient nécessaires pour maintenir à flot une nation.

Il déposa sa main sur le crâne du pokémon et ferma les yeux. Il se retrouva aussitôt plongé dans un monde entièrement noir, dans lequel il flottait dans le vide. Il attendit quelques instants que la communication se fasse et rapidement, la silhouette d'Ankhet, Grande Prêtresse, se dessina dans ce même vide. Elle était belle, avec ses longs cheveux blonds qui descendaient jusqu'au creux de ses reins. Pourtant, ce jour, elle affichait un regard sombre et terne. Certainement le fait de voir Khae devant elle.

« Salut, Ankhet. »
« Bonjour Pharaon Khaemou'aset. Que me vaut l'honneur de votre communication ? »

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Quelque part dans les souterrains du palais d'Agara

Baal pressait le pas pour se rendre au lieu de son prochain rendez-vous. Il venait d'obtenir ce qu'il voulait du Pharaon et avait donc de bonnes nouvelles à annoncer à son interlocuteur. Descendant quatre à quatre les marches qui menaient au donjon se trouvant sous le palais, dans une aile inaccessible au public, il tenait sa toge de lin bien haut afin de ne pas chuter. Avec sa constitution fragile et son métabolisme faible, inutile de dire qu'une chute dans ce dédale poussiéreux lui serait certainement fatal, et il en avait conscience.

Une fois devant de grandes portes en bois massif, qu'il poussa à la hâte, il pénétra dans une grande pièce aux murs de pierre, éclairée par un unique flambeau, ce qui donnait un air sinistre à l'endroit. Çà et là, des tables étaient renversées, des décoctions jetées à même le sol et quelques tablettes de pierre brisées sur les dalles. On aurait dit qu'une tempête venait de traverser ce qui devait être un bureau bien rangé auparavant, mais Baal ne parut pas plus étonné que ça. Il avait l'habitude de voir cette pièce dans cet état. À moitié dissimulée dans l'obscurité, dans un angle de la pièce, une ombre humaine semblait attendre le nouveau venu. Le Nomarque s'avança vers elle, un sourire sinistre sur le visage.

« J'ai de bonnes nouvelles. La Grande Prêtresse sera bientôt parmi nous ! »

L'ombre se permit un ricanement. On avait l'impression que des dizaines de pierres roulaient dans sa gorge quand elle émettait le moindre son. Même Baal ne semblait pas totalement rassurée par cette présence menaçante, malgré le fait qu'il la côtoie depuis plusieurs semaines maintenant.

« Je vois, je vois. Notre plan suit donc son cours sans embûche. »
« Pour l'instant, oui. Je vais m'assurer que le Pharaon reparte au plus vite, autrement, il pourrait devenir gênant. »
« Non. Il pourrait nous être utile. »
« Mais c'est un fouineur. Bien plus suspicieux que son père. Je crois que... »
« J'AI DIS NON. »

La voix avait hurlé, prenant de court Baal qui n'eut d'autres choix que de reculer légèrement, impressionné et surtout soucieux pour sa propre sécurité.

« Je...D'accord. »
« Autre chose ? »

Baal se frotta les mains contre sa toge, afin d'essuyer la transpiration naissante qui affluait sur ses paumes. Il n'avait qu'une envie : s'enfuir. Malgré tout, il continua.

« Je... Oui. Le poison d'Arbok commence à ne plus faire effet sur Achetpsou. Afin d'être totalement crédible auprès du souverain, il m'en faudrait une nouvelle dose. »
« Bien, je t'en ferais parvenir demain matin. Tu peux maintenant disposer. »

Sur ses gardes, Baal fit demi-tour, laissant cette ombre seule dans la pièce. Sur le chemin du retour, il se fit la réflexion que la personne avec qui il marchandait était en train de perdre de plus en plus la tête. Mais peu lui importait la santé mentale de son associé : le pouvoir de la Grande Prêtresse allait bientôt lui appartenir. Et ça, personne ne pourrait rien y faire.

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Image de Mahou