Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Shadows Avenged de Malak



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 07/02/2021 à 08:26
» Dernière mise à jour le 07/02/2021 à 08:26

» Mots-clés :   Action   Fantastique   Organisation criminelle   Policier   Présence de Pokémon inventés

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 4 : Le feu, le psy, l'acier
Kalie était assommée mentalement. Elle pensa d’abord à une erreur, à un cauchemar, à un dérèglement cosmique de la réalité. Il était impossible qu’elle soit une Rejetée. Elle était quelqu’un de bien, élevée par des gens biens. Elle pensait au bien commun de la ville et à la justice. Les Rejetés étaient des monstres, ou des monstres en devenir. Ils devaient leur statut de Rejetés au mal profond qui se trouvait en eux. Kalie n’avait pas de tel mal en elle. C’était ce qu’elle se répétait en boucle, les bras accrochés à ses épaules, remarquant à peine que le salon continuait de prendre feu.

Ensuite, ce fut la partie logique de son esprit qui résonna. Non, bien sûr qu’elle pouvait pas être une Rejetée. Elle avait bien passé le test, non ? Elle avait touché la flamme, et avait ressentit sa brûlure. Si elle avait été une Brûleuse, elle aurait dû ne pas être affectée par le feu. Et en ce moment même, elle sentait la chaleur des flammes autour d’elle. Selon toute vraisemblance, elle ne pouvait pas être une Brûleuse. Mais, d’une simple pensée, elle éteignit les flammes qu’elle avait crée. Elle pouvait vérifier une bonne dizaine de fois, elle pouvait invoquer le feu tout comme elle faisait léviter les objets.

Kalie ne comprenait pas. Plus rien n’avait de sens. Mais elle fut ramenée à la réalité par le bruit d’une étagère, qui, ayant quasiment brûlée, se brisa sous le poids des livres et bibelots. Ce bruit alerta l’oreille aguerrie de William, dont les pas se rapprochèrent de la salle à manger. Alertée et terrifiée à ce quelqu’un la découvre dans une situation si compromettante, elle se servit de ses pouvoirs psy pour fermer la porte à la volée.

- Mademoiselle ? Tout va bien ? Demanda le majordome derrière la porte.

Kalie s’efforça de prendre une voix naturelle.

- Très bien, merci.

- J’ai cru entendre un bruit.

- Ah, c’est moi qui aie fait tomber une coupe. Je vais nettoyer. Retournez à vos devoirs.

Si William devait paraître surpris derrière la porte, un homme de son expérience avait appris à reconnaître quand on le congédiait, quelqu’un soit la raison.

- Bien, mademoiselle.

Elle entendit William s’éloigner. Elle soupira, mais savait qu’elle ne pourrait pas conserver son secret longtemps. William était vieux, mais pas idiot. Quand il verrait la salle à manger à moitié brûlée, il ne manquerait pas de faire un lien avec le début d’incendie qui s’était déclarée dans la chambre de Kalie.

Mais comment faire ? Comment en parler, et à qui ? Tout le monde dans cette maison connaissait les dangers que représentaient les Rejetés et le sort qu’était le leur. Peut-être que l’amour de ses parents pour leur fille unique les retiendrait de la livrer, mais ça ne changeait rien au problème. Kalie devrait se rendre au Bureau Analyse dans moins d’une semaine pour faire le point sur ses pouvoirs et décider de son affectation. Ces gens là ne manqueraient pas de constater qu’elle était une Rejetée. Aucun Rejeté n’a pu garder secret ses pouvoirs. Ils finissaient immanquablement par ressortir, ne pouvant être contrôlés.

Kalie secoua la tête. Pourquoi elle pensait ça, d’ailleurs ? Pourquoi voulait-elle se cacher ? Après avoir découvert qu’elle était une Rejetée, elle voulait faire comme si rien ne s’était passé et vivre comme avant ? Folie. Sa seule présence ici mettait ses parents en danger. Les Rejetés ne vivaient que dans la folie et pour la destruction.

Mais Kalie n’arrivait pas à envisager de partir. Et partir où, d’ailleurs ? Se rendre aux Brigades de Désignés ? Elle doutait que sa position de nièce du gouverneur ne la sauve si elle le faisait. Elle serait éliminée, comme les autres. Et Kalie avait beau savoir qu’elle était une Rejetée, qu’elle était un monstre, une abomination, elle ne voulait pas mourir. Il devait y avoir une solution. Quelque chose pour qu’elle redevienne comme avant, sans ces pouvoirs maudits. Ah, comme elle regrettait d’avoir tant espéré de devenir Désignée. Si seulement elle avait écouté Laureen, et demandé à Clovis un passe-droit pour ne pas passer sa Désignation…

Laureen ! Elle était sa meilleure amie. Elle pourrait l’aider ! Mais non… Kalie abandonna cette idée rapidement. Laureen était une Désignée, membres des six Brigades. Sa foi en la justice et en la loi ferait qu’elle n’hésiterai pas à capturer sa meilleure amie si nécessaire. Ses parents, eux, ne pourraient pas l’aider. Mais qui alors restait-il ?

La solution était tellement évidente que Kalie s’étonna d’y avoir tant pensé. Clovis était le gouverneur d’Ortris, le maître absolu de la ville. Et Kalie était sa nièce unique et adorée. Lui pourrait faire quelque chose. Il avait tant de gens sous ses ordres, plein de scientifiques de grand talent. Ils pourraient peut-être la guérir. Ils pourraient la faire redevenir humaine. Et Clovis la protégerait durant ce temps. Kalie avait même plus confiance en son oncle qu’en ses parents. Tout ce temps qu’ils avaient passé ensemble, quand elle était petite, et même après. Clovis saurait quoi faire, c’était obligé.

Elle prit son portable et avait déjà le doigt sur l’onglet de son oncle dans ses contacts quand elle s’arrêta. Non. Elle ne se voyait pas raconter ça par téléphone. Il fallait qu’elle lui dise de vive voix. La Tour Powergate, siège du gouverneur, n’était pas loin, et Clovis avait pour habitude de se lever tôt. Et tout le monde là-bas savait qui était Kalie. Personne ne lui refuserait l’entrée.

Oui, c’était le mieux. Mais avant, elle devait couvrir ses traces. Elle ne pouvait pas sortir sans rien dire en laissant la salle à manger dans cet état. Ce serait une preuve flagrante de sa culpabilité. Si elle pouvait cacher tout ça à ses parents le temps que Clovis trouve une solution, elle n’hésiterai pas. Il y avait beaucoup de chose qu’elle avait dites à Clovis et qu’elle n’aurait pas osé avouer à ses parents. Son oncle faisait un bien meilleur confident. Et il savait aussi garder un secret. Elle sortit de la pièce prudemment, en priant de ne pas tomber sur William. Elle chercha Feunard. Elle le trouva dans la bibliothèque, en train de somnoler. Pour l’instant, il n’y avait que lui qui pouvait l’aider ici.

- Feunard… chuchota-t-elle. Feunard, réveille-toi.

Le Pokemon chromatique ouvrit ses yeux en amande, observant Kalie avec curiosité.

- Écoute-moi Feunard. Il faut que tu me rendes un grand service. Tu ne vas pas comprendre, mais c’est très important. J’ai besoin que tu ailles dans la salle à manger, et que dans dix minutes, ou avant si William débarque, tu mettes le feu aux endroits qui sont déjà brûlés. Tu comprends ?

Question idiote. Les Feunard étaient des Pokemon très intelligent, surtout celui-ci. Il comprenait parfaitement ce que lui demandait Kalie, mais la raison de tout ça lui échappait, bien entendu. Son regard interrogatif tint lieu de perplexité.

- Je ne peux pas t’expliquer, fit Kalie. Mais sans toi, je vais avoir de gros ennuis. Juste cracher de petites flammes aux endroits déjà un peu brûlés, pour faire croire à William et à mes parents que c’est toi qui a fait ça. J’ai vraiment besoin de toi.

Feunard acquiesça gracieusement, se leva, s’étira, et se dirigea vers la salle à manger à pas feutré. Kalie avait toujours eu un lien très fort avec Feunard, depuis toute petite. Le Pokemon l’aimait bien et veillait sur elle. Il ferait ce qu’elle lui demandait, même s’il n’en comprenait pas le but. Ceci fait, elle passa dans le vestibule, se changea, et entra dans le grand salon où William était toujours en train de ranger et nettoyer.

- Je sors William, annonça-t-elle.

- Si tôt, mademoiselle ? Il ne fait même pas encore jour !

Kalie se hâta d’inventer un mensonge potable.

- Justement. Laureen n’est pas encore partie au boulot. Je veux la voir. J’ai hâte de lui raconter… tout ça.

- Bien sûr, mademoiselle, mais… maîtresse Kristerly habite dans le 2ème district, non ? Il n’est pas prudent de s’y promener seule à cette heure ci.

- Allons, le 2ème n’est pas le 9ème, quand même. Et puis… si quelqu’un me cherche des noises, je n’aurai qu’à lui montrer mes pouvoirs. Je suis une Désignée, maintenant. Y’a pas beaucoup de criminels qui osent s’en prendre à des Désignés.

- Certes, maîtresse Kalie, acquiesça William. Très bien, j’en informerai madame et monsieur. Soyez prudente tout de même.

- Toujours William. Toujours…

Il était difficile de cacher la vérité à William. Ce vieil homme avait toujours été si attentionné envers elle… Mais le choc de la nouvelle l’aurai sûrement tué. Elle sortit donc de la demeure, seule, sous le ciel obscur matinal d’Ortris, seulement éclairé que par les flammes éternelles du Mur.

Le Mur… comme elle aurait aimé ne jamais y aller, à présent. C’était sa faute. Pas la sienne. C’était lui qui lui avait refilé ces deux pouvoirs. Pourquoi ? Qu’avait-elle fait ou songé de mal ? Il est vrai qu’autrefois, quand elle était plus jeune, elle avait été une fille plutôt hautaine et orgueilleuse, une chipie qui se pensait supérieure à tout le monde. Mais c’était il y a longtemps, et elle n’était qu’une gamine à l’époque. Le Mur pouvait-elle vraiment la juger sur son comportement d’enfant ? Si c’était le cas, beaucoup de gens auraient été des Rejetés. Cela n’avait pas de sens.

Ou alors… c’était que le Mur avait jugé qu’elle deviendrait mauvaise dans le futur, qu’un mal latent sommeillait en elle. Kalie ne se croyait pas capable de faire de mauvaises choses, même dans l’avenir, mais elle ne pouvait pas en être sûre. Et même, le Mur avait-il le droit de la juger sur des choses non encore avenues ? Pourtant, elle se souvenait de ce Rejeté, Juan, qui était en seconde comme elle. Il lui avait toujours fait l’effet d’un garçon gentil. Lui aussi avait-il été jugé sur son futur ? Étaient-ils tous les deux des criminels en devenir ?

Kalie se sentait souillée, comme porteuse d’une terrible maladie. Avait-elle le droit de marcher tranquillement dans le 1er district, parmi la bonne société, alors qu’elle était une de ceux qui ne vivaient que pour sa destruction ? Combien de temps mettait un Rejeté devenir instable et destructeur, au juste ? Aurait-elle envie d’attaquer férocement la première personne qu’elle allait croiser ?

Arrête, s’ordonna-t-elle. Tu n’es ni folle, ni un monstre. C’est une erreur. Clovis va tout arranger. Il va tout…

- Ohhhhh ! Mais vous êtes Kalie Warcelos !

Kalie se retourna. Un des passants venait de la reconnaître, et la regardait avec des yeux ronds. Ça arrivait souvent. Kalie était bien connue dans le 1er district, et passait souvent à la télé en compagnie de son oncle.

- C’est vrai ce qu’il se raconte, mademoiselle ? Demanda l’homme. Vous êtes vraiment devenue une Désignée ?

- Euh… oui, en effet…

Il y eut sur le visage de l’homme une expression si admirative que Kalie en fut dégoutée. Elle ne méritait pas ce regard. Plus maintenant.

- Votre famille aura tant fait pour cette ville, fit l’individu d’une voix émotive. C’est grâce à monsieur votre oncle le gouverneur qu’on peut enfin dormir sans craindre de se faire assassiner le lendemain. Tous les honnêtes citoyens comptent sur vous à présent pour protéger encore plus Ortris !

- C’est… je ferai de mon mieux, monsieur.

Elle était assez pressée, mais ce type ne voulait pas se pousser. Il la regardait en ce gesticulant nerveusement de droite à gauche.

- Je… Est-ce que je peux vous demander quelque chose, mademoiselle Warcelos ? J’aimerai tant vous serrer la main. Je sais que je n’en suis pas digne, mais toucher un être aussi pur et béni du Mur qu’un Désigné aura l’effet d’un talisman sur moi.

Ça va plutôt te contaminer oui, songea Kalie avec tristesse. Elle lui tendit quand même la main pour se débarrasser de lui au plus vite. L’homme la serra avec avidité, mais aussi avec une précaution incroyable, comme s’il touchait quelque chose de très beau et de très fragile. C’est alors que, d’un coup, il cria. Kalie sursauta et posa la main sur sa dague de Lunacier.

Mais l’homme ne s’en prit pas à elle. Elle tenait sa main avec une grimace de souffrance, et Kalie vit avec horreur qu’elle était en sang et que de vilaines coupures y étaient apparues. Plus grande encore fut son horreur quand elle constata que c’est elle qui avait fait ça : le bord de ses doigts avaient pris une teinte grise brillante, et s’étaient transformés en lame de rasoir.

Kalie n’aurait pas imaginé qu’elle puisse tomber plus bas dans le désespoir après avoir découvert sa nature de Rejetée, mais c’était pourtant ce qui était en train de se passer. Les doigts qui se changeaient en lame, c’était un truc typique des Féreux, les Désignés qui avaient le pouvoir de l’Acier. C’était leur pouvoir de base, tout comme la lévitation d’objets était celui des Penseurs, et la création de flammes celui des Brûleurs. Cela voulait donc dire… non contente d’être déjà une Rejetée à cause de ses pouvoirs Psy et Feu, elle avait aussi celui de l’Acier ! Mais comment cela était-il possible ?!

La nature pragmatique de Kalie reprit le pas face à ce nouveau choc. L’homme qu’elle avait blessé secouait toujours sa main et l’appuyait contre sa chemise. Clovis. Elle devait voir Clovis. Et pour cela, elle ne devait pas se faire arrêter avant.

- Oh, je suis vraiment désolée ! S’écria-t-elle. Je n’ai eu mon pouvoir d’Acier que hier, et je ne le contrôle pas encore !

Elle faisait le pari que cet homme, bien qu’il sache qu’elle était une Désignée, ignore totalement quel pouvoir elle était censée avoir hérité. Et elle gagna son pari.

- Ce… ce n’est pas grave, mademoiselle. Je comprends tout à fait, bien sûr…

- Vous voulez que j’appelle les secours ? Une ambulance ?

- Non, ce ne sont que quelque coupures. Rien de grave.

- Vraiment, je suis confuse…

- Ce n’est rien, mademoiselle Warcelos, insista l’homme avec un sourire rassurant. C’est moi qui vous ai demandé de me serrer la main. Je garderai ces coupures comme une bénédiction, le touché sacré d’un Désigné sur moi.

Après deux trois autres excuses forcées, elle s’éloigna en vitesse, l’esprit en ébullition. Trois pouvoirs. Elle avait trois pouvoirs. Elle était à la fois Pensive, Brûleuse et Féreuse. Du jamais vu. Kalie n’avait jamais entendu parlé d’un Rejeté à trois pouvoirs. Ils n’en avaient toujours que deux seulement, et c’était déjà trop. Quel genre de créature était-elle ?! Quelque chose d’encore plus mauvais, d’encore plus horrible que les Rejetés ?

Mais pourquoi ? Pourquoi le test n’avait-il rien décelé ?! Quelqu’un avec trois pouvoirs, ça aurait du se détecter ! C’est alors qu’elle ralentit son pas, repensant à ce qui s’était passé lors du test. Elle avait d’abord mis sa main dans le bocal d’énergie draconique, et elle n’avait quasiment rien senti. Donc, elle n’était pas une Drakmen. Jusque là, ça allait. Mais ensuite, elle avait approché sa main de la flamme, et elle avait bien ressenti sa brûlure. Vu qu’elle était une Brûleuse, elle n’aurait pas dû. Sauf si…

Sauf si elle était aussi une Féreuse. Le type Acier craignait le feu. Et donc Kalie, qui avait les deux à la fois, n’avait aucune immunité ni faiblesse sur le feu. Sa nature de Brûleuse avait donc une explication. Mais après… elle n’avait pas passé le test de l’acier. Elle s’était dit, à juste titre, que si elle avait été une Féreuse, elle aurait beaucoup souffert en touchant la flamme. Sauf si comme dans son cas, elle était aussi une Brûleuse. Si elle s’était faite cette petite coupure lors du test, avec son triple type Feu/Acier/Psy, elle n’aurait absolument rien senti. Et on l’aurait alors identifié comme une Rejetée dès le début.

Si elle n’avait pas été repérée lors du test, c’est parce qu’il n’avait pas été conçu pour démasquer les Rejetés à trois pouvoirs. Personne n’aurait imaginé que de tels êtres puissent exister. Si elle avait été une Rejetée classique, à deux pouvoirs, elle se serait faite démasquer. Mais le triple type l’avait sauvé. La femme du Bureau Analyse n’y avait vu que du feu. Kalie aussi, d’ailleurs.

Elle reprit son allure accélérée en direction de la Tour Powergate. OK, elle comprenait à présent pourquoi ses pouvoirs n’avaient pas été détectés plus tôt. Mais ça ne lui expliquait en aucun cas pourquoi elle les avait, ni ce qu’elle était. Était-elle toujours seulement une Rejetée ? Personne n’a jamais vu quelqu’un avec trois pouvoirs. C’était probablement une première depuis l’apparition du Mur. Fallait-il inventer un nouveau nom spécialement pour elle ? Quelque chose d’encore plus terrible que Rejeté ?

Plus rien n’avait de sens. L’univers bien construit, bien carré et bien ordonné de Kalie venait de se retrouver sans dessus dessous en une seule petite heure. Comment tout pouvait basculer à ce point en si peu de temps ? Comment avait-elle pu être encore si joyeuse en se levant tout à l’heure ? Il lui semblait déjà que ça appartenait à une autre vie, à une autre personne. Elle courait au travers du district vers la Tour Powergate comme si sa vie en dépendait ; ce qui était effectivement le cas. Clovis aurait une solution. Il en avait toujours. Il ne l’abandonnerai pas à son sort. Il ne l’avait jamais abandonné.

Comme prévu, les deux gardes à l’entrée de la tour la laissèrent passer en la saluant même. La Tour Powergate était le centre d’Ortris, là d’où le gouverneur dirigeait, mais c’était aussi la base de toutes les bridages de Désignés. Personne, même le pire des Rejetés, n’iraient s’amuser à attaquer la Tour Powergate, à moins d’être totalement suicidaire. Toutefois, la sécurité n’y était pas laxiste pour autant. Des gardes se trouvaient en permanence devant la porte, et il fallait montrer patte blanche pour entrer. Normalement, on vous demandait la raison de votre venue, et on vous fouillait. Bien sûr, le garde qui s’amuserait à fouiller un membre de la famille Warcelos n’était pas encore né.

À cette heure ci, un seul guichet était occupé à l’accueil. Quand la femme derrière vit arriver Kalie, il s’inclina brièvement.

- Mademoiselle Warcelos…

- Je viens voir mon oncle, dit Kalie sans autre formalité. C’est urgent. Est-il en réunion ?

- Euh, non, mademoiselle. Le gouverneur vient de se lever il y a quelque minutes…

- Je connais le chemin.

Kalie prit l’ascenseur sans que la femme ne tente de l’arrêter, et monta jusqu’au dernier étage. Là, elle trouva deux Désignés en faction devant le bureau de Clovis. Elle les connaissait un peu, ces deux là. Ils faisaient partis de ceux qui, dans la Brigade de Protection, étaient souvent assignés à la sécurité du gouverneur quand il sortait. Le vieux au visage austère, c’était Ractol, un Brûleur. Vu son âge, il était Désigné depuis le tout début, avant la mise en place de la Désignation obligatoire dès seize ans. L’autre, plus jeune et aux cheveux roux, c’était Mizuha. Il était Désigné depuis peu de temps, mais faisait toujours montre d’un enthousiasme débordant.

- Mademoiselle, dit Ractol. Nous avons appris pour votre Désignation. Toutes nos félicitations.

Kalie se força à sourire.

- Merci.

- Vous êtes une Pensive, paraît-il ? Demanda Mizuha, toujours jovial. Moi aussi. Je pense, sans me vanter, que c’est le plus utile des quatre pouvoirs.

Kalie émit un vague son qui n’engageait à rien.

- Vous savez quelle bridage vous voulez rejoindre ? Poursuivit-il. Ce serait drôle que vous rejoignez notre Brigade de Protection. Le gouverneur aurait sa propre nièce comme garde du corps.

- Idiot, répliqua Ractol. Garde du corps n’est pas un métier pour mademoiselle Warcelos. Elle doit viser une bridage plus prestigieuse.

- Je ne sais pas encore où j’irai, coupa Kalie. Les intellos du Bureau Analyse me le diront mieux que moi, j’imagine. Clovis est levé ? Je dois lui parler.

- Bien sûr miss, mais je dois vous demander de me laisser vous fouiller. Question de procédure.

Kalie acquiesça. Rentrer dans la Tour Powergate, c’était une chose, mais on ne pouvait pas laisser rentrer quiconque dans le bureau du gouverneur sans le strict minimum de sécurité, cette personne fut-elle sa propre nièce. Kalie trouvait ça un peu idiot, vu qu’avec ses pouvoirs, si elle avait eu envie d’assassiner Clovis, elle n’aurait eu besoin de quoi que ce soit d’autre sur elle. Elle se laissa faire néanmoins. Ractol retira la dague en Lunacier de sous la ceinture de Kalie.

- Bizarre comme couteau. C’est du cristal ?

- Du Lunacier, répondit Kalie. Un métal très précieux. Clovis me l’a offert hier soir.

Mizuha se pencha pour l’observer de plus près.

- Oh ! J’en ai entendu parler. C’est un métal qui peut absorber l’énergie et la recracher ensuite à volonté ! Vous avez essayé d’y faire rentrer un peu de vos pouvoirs ?

- Pas encore non.

- Permettez que j’essaie ?

Kalie fut agacée. Elle n’avait pas que ça à fiche, mais elle acquiesça. Avec un sourire d’enfant, Mizuha fit appel à ses pouvoirs psy. Il tendit la main et une aura violette en sortie, enveloppant la dague de Lunacier. Cette dernière brilla à son tour de cette même couleur violette. Après quoi, Mizuha manipula la dague, la pointa d’un coup devant lui, et un rayon psychique en sorti, percutant le mur en face et laissant dessus une trace roussie.

- Génial ! S’exclama le jeune Désigné. Trop fort !

- Crétin, soupira le vieux Ractol. C’est la maintenance qui va réparer tes bêtises. On le retiendra sur ton salaire.

L’air penaud, Mizuha rendit la dague à Ractol.

- Je la conserve pour vous, mademoiselle Warcelos, jusqu’à que vous ressortiez.

Kalie hocha la tête et rentra enfin. Le bureau du gouverneur était à l’image de celui-ci. Clovis avait beau être l’homme le plus important de la ville, et le plus médiatisé, il avait su rester simple et modeste. Son bureau était sobre, sans luxe inutile, bien que parfaitement organisé. C’était un lieu pour travailler, et seulement pour travailler. C’est ce qu’aimait Clovis par-dessus tout : l’efficacité sans chichi inutile. Il ne cherchait jamais à impressionner quelqu’un, et les gens l’aimaient aussi pour cela.

La seule chose de valeur qu’on pouvait trouver ici, c’était la statue en granit de Faerios. Clovis semblait admirer le Pokemon qui les avait fait tous prisonniers de la ville. Il avait payé très cher pour cette sculpture, car si Faerios restait toujours au dessus d’Ortris, le prendre comme modèle n’était pas évident, car il bougeait constamment, et surtout très vite.

Clovis était en train de prendre son petit déjeuner. Il se leva avec un sourire pour accueillir sa nièce.

- À peine Désignée et déjà si matinale ? Tu as dormi au moins ? Tu as une mine affreuse.

Entendre Clovis s’enquérir d’elle brisa quelque chose en Kalie. C’était comme avant. C’était comme si rien n’avait changé. Alors qu’au contraire, tout avait changé. Elle ne le supporta plus, et couru se réfugier entre les bras de son oncle, en pleurs. Clovis fut visiblement pris de court.

- K-Kalie ? Qu’est-ce qui ne va pas ?

Kalie mit un moment avant de pouvoir lui expliquer. Son état hystérique n’aidait à rien, et son récit devint vite incohérent. Clovis secoua la tête et la fit s’asseoir de force. Il alla ensuite chercher une bouteille contenant un liquide ambré dans une armoire, et lui en versa un demi-verre.

- Bois ça. D’un coup.

Kalie fit ce qu’il dit. Ce devait être un alcool très fort, car il réchauffa son corps d’un seul coup.

- Maintenant, calme-toi. Quoi qu’il se passe, je peux tout arranger, tu le sais. Tu peux me faire confiance. Raconte-moi.

Kalie ne put maintenir son regard dans les yeux de son oncle bleus clairs de son oncle. Ce fut en regardant le sol qu’elle déclara, à voie claire et intelligible.

- Clovis, je suis une Rejetée.

Moment de stupeur sur le visage du gouverneur. Puis il secoua à nouveau la tête, avec un sourire rassurant.

- Absurde. Ça se serait vu au test si tu étais une Rejetée. Tu dois te tromper. Les pouvoirs psychiques sont très variés et peuvent provoquer beaucoup de choses différentes. Ce n’est pas pour autant que ça signifie un second type de pouvoir.

Kalie n’insista pas. Autant lui montrer carrément. Une démonstration valait mieux que tous les mots existants. Elle se leva, s’éloigna un peu, puis fit transparaître le type Acier sur ses mains, qui se mirent à briller. Puis elle invoqua une flamme dans chaque mains. Et enfin, elle fit léviter le verre vide sur la table. Tout cela en même temps. Là, Clovis ne put qu’en rester pantois.

- Je… vois, fit-il finalement.

- Trois pouvoirs, Clovis ! S’exclama Kalie. Trois pouvoirs. Qu’est-ce que je suis ? Pourquoi est que ça m’arrive ?! Je n’ai jamais… Je ne sais plus quoi faire…

Et tandis qu’elle reperdait le contrôle de ses nerfs, elle perdit aussi le contrôle sur ses différents pouvoirs. Une partie de la table de Clovis s’enflamma, tandis ses doigts redevenaient les lames de rasoirs qui avaient blessé le passant tout à l’heure. Tout cela l’affola encore plus. Perdait-elle déjà le contrôle ? Devenait-elle folle et incontrôlable, comme tous les Rejetés ? Clovis alla toutefois jusqu’à elle, sans se soucier de pouvoir être blessé, et la pris par les épaules.

- Reste calme Kalie. On trouvera une solution. Ton cas est nouveau. On ignore tout de cela. Peut-être est-ce différent des Rejetés. Nous allons étudier ça. Je ne t’abandonnerai pas, je te le promet. Mais calme-toi.

Le fait que Clovis lui dise exactement ce qu’elle avait pu espérer de lui l’apaisa, et ses pouvoirs cessèrent d’eux-mêmes. Pendant un long moment, elle resta blottie contre son oncle, son corps secoués de sanglot. Oui, Clovis allait la sauver. Il était le gouverneur. Il était si talentueux, si gentil…

- Viens avec moi, lui dit-il enfin. On va descendre au sous-sol. C’est là qu’on mène les recherches sur les Désignés et leurs pouvoirs. On va tâcher d’y voir plus clair. Personne n’en saura rien pour l’instant. J’inventerai une excuse quelconque pour ton école et le Bureau Analyse.

- Mais… papa et maman ? Je ne leur ai rien dit…

- Je m’en occupe aussi. Ne t’inquiète pas, Kalie. Tout se passera bien. Maintenant, suis-moi.

Il la poussa presque vers la porte. Kalie aurait du se méfier, alors que son oncle évitait même de la regarder, et ordonna aux deux gardes Désignés de les accompagner. Mais il ne cessait de lui dire que tout allait bien se passer, et Kalie ne pouvait plus que se raccrocher à ses paroles douces et rassurantes. Au passage, le Désigné Ractol, qui avait conservé son poignard en Lunacier, le lui rendit avec un clin d’œil.

Clovis l’amena dans les niveaux souterrains de la tour, là où elle n’était jamais allée. Une série de couloir sombre, de salles bizarres, mais Kalie ne le remarquait même pas. Elle se contentait de suivre Clovis comme si elle n’avait que ce seul but dans la vie. Finalement, il ouvrit une porte blindée devant lui à l’aide d’un digicode et d’une emprunte du doigt. Il fit signe à Kalie d’entrer.

La salle était vraiment mal éclairée, mais au fur et à mesure que les yeux de Kalie s’habituaient à cette vision nocturne, elle vit plusieurs tables d’opérations bizarres, avec ce qui semblaient être des chaînes. Au mur étaient accrochés divers instruments, dont certains lui faisaient penser à une salle de torture. Elle se tourna vers son oncle, interrogative. Clovis n’avait pas franchi le seuil. Il la regardait à présent avec un air de profonde tristesse.

- Je suis navré Kalie. Vraiment navré…

Puis il referma la porte. Et dans le même temps, la salle s’éclaira subitement, aveuglant Kalie au passage. Puis elle sentit des mains se saisir d’elle. Plusieurs mains. On enchainait ses jambes et ses bras, et on pointait divers seringues sur elle. Kalie hurla aussi fort qu’elle le put, mais sentit bientôt ses forces l’abandonner et le noir qui venait. Elle s’y laissa sombrer, s’épargnant ainsi pour le moment la douleur de la trahison de son oncle.