Les Sept Sceaux Plasma de G. Zapdohz

Les bruits du petit poste de télévision. Son regard d’argent passait des couleurs arc-en-ciel du rubik’s cube, à celle, chatoyante, du journal local à l’écran, frénétiquement. Frénétiquement, comme ses doigts sur le cube. Mais les décalages, de plus en plus violents n’alignaient pas les nuances identiques, les faces restaient bariolées. Ses sourcils se froncèrent.

« …Nous déconseillons fortement aux habitants de tenter de passer par la route 4 jusqu’à demain après-midi. En effet, une fois de plus, un groupe de crabicoques et de crabaraques particulièrement féroces sévit toujours dans la zone, agressant les dresseurs. Notre chère championne d’arène, Inezia, a promis de s’adonner à cette tâche. Il n’y a donc pas à s’inquiéter. »

Ayant régulièrement hoché la tête durant ce bloc d’information, il étendit le bras vers la table basse qu’il devinait à côté de son siège. Il saisit alors la télécommande, et éteignit le poste. Avant même qu’il n’ait achevé de replier le bras, une sonnerie stridente substitua aux paroles de la présentatrice télé. L’air du jeune homme se renfrogna d’autant plus lorsque ses doigts se refermaient sur le portable quelques centimètres à côté de la table. Il leva un sourcil en voyant le nom de l’appelant. Il expira des naseaux.

« Alandre, tu as regardé le JT, n’est-ce pas ? supposa immédiatement la voix sortante avec énergie.

-Ouais, Julien. Qu’est-ce tu veux ? demanda l’appelé de but-en-blanc.

-Oh- C’est juste qu’un des faits m’a fait penser à toi, et je voulais en profiter pour en prendre de tes nouvelles. Désolé si je dérange…

-Un fait ? Ah bon ?

Une pointe d’intérêt venait de naître dans le ton, d’abord sec, d’Alandre.

-Oui, renchérit le dénommé Julien, avec un regain d’aplomb. Je suis sûr que tu comptes t’en charger, j’ai raison, non ? Dans ce cas, tu peux me parler du phanpy que je t’ai offert.

-Traque ? Il pourrait avoir son utilité. Et il est plutôt fort. Je pense devoir te remercier.

Son ton n’exprimait pas de réelle reconnaissance, voire un ennui face à la redevance évoquée.

-Tu l’as appelé Traque ? s’étonna son interlocuteur. J’imagine que ça te ressemble, après tout. Sinon, tu ne me dois rien. C’est toi qui a retrouvé mon « vokit », donc j’imaginais que ce ne serais que justice de t’offrir un pokémon ayant également des capacités de « Ramassage ».

-Tant mieux, conclut-il. Autre chose ?

-Ehm- Je voulais te dire de faire attention et te souhaiter bonne cha-

-Pas besoin, l’interrompit sèchement Alandre.

Alors, il rompit la transmission et reposa le téléphone là où il l’avait attrapé. Alors, le jeune homme reporta son attention sur le cube, qu’il saisissait de sa main libre. Il se remit à faire pivoter les faces tout en marmonnant.

-« Bonne chance », comme si j’en étais à mon coup d’essai.

Son tripotage se faisait de plus en plus nerveux.

-Ce n’est pas de chance que j’ai besoin…

Les faces persistaient dans leur polychromie. Alandre abdiqua le premier.

-Tout ce dont j’ai besoin, c’est mon escouade.

Ces mots heurtèrent les murs de sa chambre au même instant que le rubik’s cube. Tous deux achevèrent leur course contre la paroi, à la différence que les résidus de l’objet s’éparpillèrent sur la moquette de la chambre.

*~*~*

« N, Leader s’impatiente et on doit libérer la chambre. La phrase, moins injonctive que ses mots ne le laissaient croire, sembla loin de satisfaire le baggiguane, à la vue du coup qu’il asséna au mollet de Maverick. La force investie se révéla tout juste suffisante pour arracher un coup d’œil neutre de l’adolescent.

-Ne t’inquiètes pas, on a fini.

Un jeune homme passa alors l’encadrure de la porte reliant douche et chambre prêtés par le centre pokémon.

Jeune homme à la vue duquel Mave inclina la tête, levant un sourcil.

-Merci, pour la coupe, Zora.

Le regard de l’adolescent se reporta alors sur les mèches que le polymorphox tenait entre ses griffes. Zora quitta le sillage de son maître pour jeter les restes de cheveux dans la poubelle.

-Alors, comment tu me trouves ? demanda N.

-Méconnaissable, déclara Mave. M’étais habitué à tes cheveux longs.

-C’est parfait, dans ce cas, commenta le Roi Déchu. Même si ça me fait un peu bizarre aussi.

Pour corroborer ses dires, N se passa la main sur la nuque, celle-ci désormais vierge de la queue de cheval. Hormis cela, Zora s’était visiblement contentée de lui raccourcir encore plus les cheveux, de manière à ce qu’aucune de ses mèches n’atteigne ses oreilles.

-Tu comptes me forcer à faire de même ? questionna Maverick, nonchalamment.

Zora, cessant alors de le fixer avec une expression dubitative, se tourna vers son maître. Ce-dernier tint alors son menton, observant son allié et cadet. Il laissa échapper un « mmh » indécis.

Alors, Leader, passant de N à Zora du regard depuis un bout de temps, grimpa brusquement sur l’épaule de Mave, et se saisit alors d’une touffe de ses mèches sombres, qu’il pressa contre son petit corps. Sourcils froncés, l’iguane émit un grognement hostile.

Sans un mot, son ami se contenta de lui jeter un regard du coin de l’œil, avant de reporter son attention sur Zora et N.

Ce-dernier sourit, étonné et amusé, tandis que Zora leva une patte avant, celle-ci enveloppée du halo caractéristique de « Tranche-Nuit ». N coupa cependant court à son animosité, plaçant une main devant son museau.

-Zora, nous sommes alliés maintenant, il ne faut pas se battre, réprimanda-t-il. Nous allons juste trouver une alternative.

Pour toute réponse, le polymorphox tourna le dos à l’autre duo. Poussant un soupir, N se tourna vers sa couche et s’empara du sac posé dessus, prêté par Mave. Le bagage se révélant léger, le vert n’eut pas vraiment à fouiller. Il en extirpa alors une casquette. Nulle autre que la sienne.

La nostalgie le frappa, lorsqu’il passa son regard sur les multiples coupures, maladroitement rafistolées pour la plupart, et surtout les trois signatures qui se distinguaient du noir de la casquette, l’une au dos, les deux autres sur et sous la visière. N s’attarda sur celles-ci.

Il leva alors les yeux au ciel, et Mave remarqua que ceux-ci brillaient. Toutefois, l’adolescent resta stoïque, le regardant s’avancer vers lui, casquette à la main. Leader réagit le premier, dirigeant vers le Roi Déchu des « Groz’Yeux », auquel N répondit par un sourire amical.

Si le reptile continua à le fixer, N put néanmoins s’approcher de l'adolescent, et même lui poser la coiffe sur la tête. Le noir terni de la casquette tranchait avec celui, de jais, de la pilosité de Maverick. Ce-dernier n’opposa aucune résistance et se tourna vers Leader, lui demandant tacitement son approbation. L’iguane haussa les épaules. Mave enfonça alors la casquette sur sa tête.

N l’étudia, le regard critique.

-J’ai peur que ce ne soit pas suffisant, constata le Roi Déchu.

Il dirigea de nouveau son regard vers Leader.

-Si je ne peux pas les couper, je peux au moins les nouer ?

Pour toutes réponses, le baggiguane jeta un coup d’œil à Mave, qui lui-même observait stoïquement N, et inclina la tête dans sa direction, avant de lâcher la chevelure de son ami.

-Je suppose que la décision te revient, interpréta N, se tournant vers le concerné.

-Non, trancha l’adolescent, sur un ton sans appel.

Les sourcils d’N s’élevèrent brièvement. Voir la docilité de Maverick face aux décisions de Leader, avait fini par lui sortir de la tête le libre arbitre du garçon.

-Cela s’annonce plus ardu que prévu » marmonna N.

Son regard passa ensuite sur les trois cicatrices balafrant la partie inférieur droite du visage de Mave. Décidément, il restait encore beaucoup à faire.
~*~*~

« Le désert est encore loin ?

La question sonnait comme une plainte. N se retourna pour évaluer l’état de son allié. Le croyant d’abord à bout de force, le Roi Déchu constata qu’il était plutôt penché, et ce, sur Leader. Zora se retourna à son tour, remarquant qu’ils avaient cessé d’avancer.

N voulut s’approcher, mais Mave, alors de dos, lui présenta une main en requête d’attente. Immobile, N observa l’adolescent murmurer des mots à son pokémon, puis faire glisser son sac de son épaule jusqu’au sol. Il put cependant à peine apercevoir le bout de la queue de Leader lorsque le baggiguane s’y glissa. Maverick ne remonta pas la fermeture zip tandis qu’il replaçait le sac sur son dos.

-Il a un mal ? s’enquit N.

Maverick jeta un bref coup d’œil dans sa réaction puis dirigea son regard vers le sable de la partie encore non aménagée de la route 4.

-C’est d’ici que Leader vient, annonça-t-il. Avançons, je te raconterai ça pendant qu’on marche.

-Justement, ça me rappelle. Zora, je crois que c’est bon, tu peux interrompre le camouflage.

Le zoroark l’observa un instant, comme pour attendre une confirmation, puis il clôt les deux yeux brièvement avant de les rouvrir. N vit ses muscles se décontracter.

-Désolé, tu dois certainement laisser beaucoup de force à maintenir une illusion autour de nous en te déplaçant. Tu souhaites te reposer dans ta poké ball ?

Zora acquiesça du chef et le faisceau vint immédiatement cueillir son corps pour le ramener dans la petite sphère. Plutôt que de la ranger, N décida de la garder en main. Il se tourna ensuite vers Maverick, qui avait levé un sourcil.

-Nous venons de quitter les zones de passages habituelles de la route 4, donc il y aura bien moins de gens susceptible de nous reconnaître, et la plupart n’auront certainement pas vu notre portrait ni même entendu parler de notre affaire, donc, ait l’esprit tranquille. Et puis, nous ne sommes pas à l’abri de tomber sur un Sage, et les conditions d’accès au Sceau seront certainement horribles. Je préfère que Zora conserve quelques forces, dans l’éventualité où un danger surviendrait.

Mave n’y redit rien, se contentant de marcher à la suite d’N. L’adolescent comprit rapidement pourquoi ce chemin était moins fréquenté : ils venaient de s’engager dans un couloir délimité par de grandes roches, et le sol se faisait de plus en plus rocailleux, de moins en moins sablonneux, différence qu’il ressentait malgré l’épaisseur de la semelle de ses chaussures de sports.

-Et Leader ? demanda le Roi Déchu, brisant le silence qui s’était mis à planer.

-Leader est originaire d’un gang de cette zone. C’est ici que mon père l’a rencontré, lorsque Leader a été exilé par les siens, exposa Maverick.

-C’est horrible… commenta N, se retournant, ce à quoi Maverick retorqua par un haussement d’épaules. Ton père voyageait ?

-Non. Il a travaillé sur le chantier de la route 4. Selon lui, Leader aurait été forcé à quitter son gang après avoir défié le baggaïd dominant. Même s’il a été gracié par son opposant, Leader a été abandonné au bord d’une route, dans un très sale état. Mon père l’a ramené à la maison après que le centre pokémon s’en soit occupé, parce qu’il était encore trop faible pour retourner à l’état sauvage. De fil en aiguille, il est resté avec moi. Mais j’imagine que cette route lui rappelle de mauvais souvenirs, entre son humiliation et sa douleur.

Alors qu’il racontait cette histoire, le sac de Maverick tressaillit. Peut-être avait-il parlé trop fort.

-Mais mon père n’est plus à Unys, il travaille sur un chantier à l’étranger. Un grand truc, d’après la dernière lettre que j’ai reçu de lui., conclut-t-il.

-Je vois.

Le regard d’N s’attarda sur les trois cicatrices de l’adolescent, mais il se retint de poser des questions.

« Je peux savoir ce que vous faites ici ?

Mave et N se retournèrent, constatant l’apparition d’un individu dans leur dos. Cependant, le Roi Déchu douta que cette voix, autoritaire et maîtrisée, puisse appartenir à cet adolescent qui tout comme Maverick, semblait baigner dans la seizaine, à la vue du début de moustache couleur platine qui poussait sous son nez pointu.

-Oh, nous sommes de simples aventuriers, et nous nous dirigeons vers le Désert Délassant, déclara N.

L’individu plissa ses yeux, qui semblaient déjà mi-clos.

-Pourtant vous n’êtes pas sur la route officielle. Celle qui mène au poste reliant la route 4, au désert.

L’expression de N se crispa. Son interlocuteur parlait vite, et son ton ne semblait laisser la place à aucune réplique.

-À moins que, poursuivit-t-il, vous ne soyez des gens recherchés par la police qui essaye de fuir.

N comprit alors qu’il n’y avait jamais eu une once d’interrogation ou de curiosité dans les yeux, d’un argent translucide, de ce jeune homme. Jeune homme, qui, retirant sa main de la poche de son treillis noir, la plongea dans celle de son bomber de couleur tout aussi festive. Il en tira un téléphone, dont il présenta l’écran, et malgré al demi-dizaine de mètres qui les séparaient, N reconnut son visage et surtout celui de Maverick, en-dessous d’une légende lui étant illisible.

-Vous pouvez vous rendre tout de suite…

Rangeant le téléphone, il extirpa deux poké ball de son autre poche. Alors, dans un grondement de tonnerre, un zèbre à la couleur noire dominante, et un pokémon oiseau au plumage sur lequel s’alternait deux nuances de gris.

-Ou on peut utiliser la manière forte.

*~*~*

NDA | Joyeux Nowel en retard.