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Lorekeeper de Marushium



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Informations

» Auteur : Marushium - Voir le profil
» Créé le 31/08/2020 à 15:14
» Dernière mise à jour le 09/10/2020 à 13:39

» Mots-clés :   Hoenn   Kalos   Mythologie

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De ma faute.
Il ne restait plus rien.

Les fragiles habitations, de paille comme de pierre, n’eurent pas la moindre chance face à l’impact qu’elles venaient de subir.

Toute forme de vie, humaine, Pokémon ou végétale, avait péri dans les décombres, laissant les lieux dans un silence de mort, sans aucun son pour ne perturber ce spectacle funèbre.

Du moins, c’est ce que n’importe qui aurait cru.

Un sifflement faible mais périodique persistait toujours, bravant le silence abyssal.

La respiration d’une personne.

C’est enterrée six pieds sous terre qu’Amaryllis venait de reprendre connaissance.

°~°

La jeune femme était complètement sonnée. Ses yeux, calibrés ni pour un réveil aussi drastique ni pour l’obscurité, ne discernaient strictement rien et chacun de ses os la faisaient souffrir. Était-elle restée des heures, des jours, des semaines dans cette position ? Elle n’en avait aucune idée.

Sa mémoire lui faisait tout autant défaut. Son corps se contentait de simples besoins primaires pour éviter de se surmener et pour le moment, son plus gros problème était le poids qui lui comprimait la poitrine. Après avoir quelque peu retrouvé l’usage de ses bras et de ses yeux, Amaryllis tâtonna et parvint à distinguer la masse qui se tenait au dessus d’elle.

Et son coeur s’arrêta.

Des larmes coulaient sur ses joues, pendant qu’elle identifiait lentement le corps sans vie de la doyenne, transpercé par les débris de plafond qui venaient de s’écrouler, protégeant sa fille comme bouclier humain.

°~°

Toutes les souvenirs refoulés d’Amaryllis lui revinrent d’un seul coup, et le haut-le-coeur qui suivit lui arracha presque les organes. Le choc émotionnel brutal était trop pour la jeune femme, et elle le cri bestial qu’elle hurla à pleins poumons était suffisant pour alerter n’importe qui de sa présence.

Mais aucune réponse.

Le mélange d’adrénaline et d’émotion pure était le seul carburant qui permettait au corps endommagé d’Amaryllis de persister. Rassemblant le peu de forces qu’il lui restait, elle tenta de reprendre le contrôle de ses jambes et de se relever, mais se vautra à sa première tentative.

Sa montée d’adrénaline lui avait fait temporairement oublier la douleur, mais sa jambe droite la ramena vite à la raison. Elle était complètement brisée suite à l’impact.

Cette tentative ratée heurta une fois de plus la jeune prêtresse qui, allongée sur le sol, sentait sa conscience la quitter petit à petit. Ses paupières étaient de plus en plus lourdes, ses sens l’abandonnaient et son esprit lui-même voulait en finir.

Le sol fissuré et les débris étaient plus confortables que le plus douillet des lits.

Le bourdonnement de ses oreilles sonnait comme une délicate berceuse.

Une douce lumière chatoyante apaisait sa vision.

Ce n’est pas une si mauvaise idée de s’endormir…



.

- " Marie-Lise. "

Le chuchotement du peu de conscience qui lui restait l’agrippa fermement et la réveilla de son hallucination.

Le corps d’Amaryllis avait dépassé ses limites depuis bien longtemps, mais ses yeux débordaient tellement de détermination qu’ils brillaient dans les ténèbres. Sans savoir d’où lui venait sa force, elle rampait. Ses bras tiraient de toutes leurs forces pour soutenir son poids avant de tâtonner et se repérer dans les décombres. Après plusieurs minutes de recherche, elle parvint à distinguer ce qu’elle recherchait.

Les escaliers.

Dans un ultime effort, la jambe droite toujours paralysée et les bras éraflés à cause des débris, la jeune mère escalada à la seule force de ses bras les interminables marches qui la séparaient du monde extérieur, ne reprenant pas son souffle une seule seconde de peur de son adrénaline ne la lâche.

Elle arriva en haut de l’escalier, et vit quelques rayons de lumière se faufiler à travers les rochers, synonymes de lueurs d’espoir pour Amaryllis. Elle tapa de toutes ses forces pour se forger une sortie et après plusieurs coups, elle y parvint.

Aveuglée par la lumière, Amaryllis prit plusieurs minutes à réaliser le paysage qui se dévoilait sous ses yeux larmoyants.

L’autrefois pittoresque et verdoyant village du Météore n’était plus qu’un cratère de plusieurs kilomètres peuplé par des misérables tas de cendres. L’air ambiant, gorgé de poussières et rougi par les vapeurs de sang, était irrespirable, obstruant vue et odorat comme le plus épais des brouillards. Il n’y avait plus la moindre trace de l’immense table de banquet, des torches festives, des huttes environnantes, mais surtout…

Il n’y avait plus personne.

La survivante reconnut les visages hurlants de quelques-uns des siens séparés du reste de leurs corps, des membres mutilés éparpillés dans toute la zone ou des cadavres défigurés bien trop petits pour être ceux d’adultes. Ce spectacle macabre retourna le coeur de la jeune femme et elle régurgita ses tripes.

Le ciel étoilé était écarlate, et la lune de sang.

C’en était trop, et Amaryllis s’écroula.

°~°



“ … ta faute. “

“ C’est de ta faute. “

“ Tout est de ta faute. “



“ Pourquoi est-ce que tu as survécu ? “


La jambe de la jeune fille lui faisait encore atrocement mal, mais ce n’était pas pour cette raison qu’elle se réveilla en hurlant.

Le ciel orangé serti de quelques étoiles qu’elle vit étaient les signes de la tombée de la nuit. Elle n’avait aucune idée du temps qu’elle avait passé à dormir mais à en juger par la difficulté qu’elle avait eu à ouvrir ses yeux croûtés, ce n’était pas une petite sieste.

Les pensées d’Amaryllis étaient vides, incapable de mener à bien la moindre réflexion. Elle ne savait pas si c’était un mécanisme de défense ou si elle était définitivement devenu folle mais elle ne voulait pas y penser. Elle ne voulait penser à rien.

Cependant, quelque chose n’allait pas.

Amaryllis s’était effondrée en plein milieu du cratère désert, et pourtant elle était allongée sur un lit de fortune faits de draps qu’elle n’avait jamais vu de sa vie. Pire encore, sa jambe brisée était entourée d’une branche spiralée et de bandages comme un tuteur. Le terrain était herbu, un campement avait été installé et elle ne voyait l’astéroide nulle part.

“ Tu es enfin réveillée. “ résonna une voix grave, mais calme.

Le coeur fatigué d’Amaryllis ne fit qu’un tour. Elle était très loin d’être en position de force et à court d’adrénaline pour se sauver. En bref, si cette mystérieuse voix appartenait à un ennemi, c’était la fin.

Amaryllis n’aurait jamais pu inventer l’homme à qui appartenait cette voix. Des cheveux blancs ébouriffés lui arrivant jusqu'à la taille, des vêtements d’hiver en piteux état et un visage âgé, fatigué par le temps. Cependant, tous ces détails pâlissaient en comparaison de la taille monumentale de son interlocuteur. L’homme s’approchait plus du titan que de l’humain, avec une taille avoisinant celle de son ancienne hutte. Amaryllis était loin d’être naine mais elle n’était même pas sûre d’atteindre les hanches du colosse sur la pointe des pieds. Une chose était sûre, elle avait définitivement perdu si l’individu était hostile, mais plus rien n’avait d’importance à ce stade.

Le géant s’installa à quelques mètres du lit d’Amaryllis et préparait son feu. C’était maintenant ou jamais.

- “ Ou suis-je ? “ demanda Amaryllis de sa voix la plus ferme.

- “ A quelques mètres de l’endroit où la météorite est écrasée, là où l’air est plus respirable. Je t’ai trouvée allongée à côté du cratère, très faible, alors j’ai décidé de te soigner et de camper ici un petit moment. “ répondit le colosse d’une voix très douce et amicale.

- “ … “

Des milliards de questions empoisonnaient l’esprit d’Amaryllis en ce moment, mais la seule qu’elle jugeait vitale était la suivante.

- “ Est-ce-que vous… avez trouvé d’autres survivants…? “ demanda Amaryllis, déjà terrifiée par la réponse.

- “ Non. Personne excepté toi. “ confirma l’immense individu.

Cette réponse négative acheva tous les espoirs d’Amaryllis et alourdit un peu plus l’immense poids qui comprimait sa poitrine. Ses souvenirs était désormais clairs et limpides et elle était condamnée à se les remémorer.

- “ La météorite était réelle. La prophétie… était réelle. Ils avaient tous raison... J’avais tort… “ murmura Amaryllis, à bout de souffle.

Ses environs n’existaient plus. Amaryllis était si submergée par ses idées noires qu’elle ne remarqua même pas les baies que le géant lui tendait.

- “ Pourquoi est-ce-que le météore s’est écrasé ? Est-ce-que Rayquaza n’est pas venu parce que j’ai raté quelque chose ? Non, c’est impossible ! “

Est ce que Rayquaza n’est pas venu parce qu’il n’y avait pas assez de météorites ?

Les souvenirs du sac rempli de roches de la rivière lui revint d’un coup, et il lui était désormais impossible de l’oublier.

- “ Non… Non. Non. Non ! Je n’ai pas pu… Ce n’est pas de ma faute… C’est autre chose… Ca ne peut pas être ça… Marie-Lise “ paniqua la jeune femme, la vision obstruée par les larmes.

Amaryllis se convulsa à l’idée même de ce qu’elle venait de réaliser.

Incapable de se mentir à elle-même, elle savait qu’elle venait d’indirectement contribuer à la mort de sa fille et de sa mère, ainsi que le reste du village du Météore, et s’écroula une fois de plus.

Devant cette scène, le colosse au grand coeur la borda et déposa son repas à côté du lit avant d’éteindre le feu et de s’endormir lui aussi.

°~°

Clouée au lit, Amaryllis n’avait pas d’autre choix que de vivre en compagnie de son gigantesque sauveur.

- “ Si seulement tu étais réellement partie chercher des météorites. “

Les deux compagnons n’interagissaient quasiment jamais entre eux. Amaryllis se contentait de se réveiller toutes les quatres heures lorsque le géant lui tendait un plat avant de l’engloutir sans aucune grâce, comme un vulgaire Pokémon sauvage avant de retourner dans son sommeil relatif. Il fallait dire que la jeune femme n’arrivait plus vraiment à se reposer. Elle ne voulait parler de rien, et continuer à macérer avec ses réflexions et ses regrets, seule.

- “ Tout le monde comptait sur toi et voilà comment tu les remercie. “

Cette cohabitation avait pu durer des mois, des années… Aucun des deux ne pouvaient le dire. Ils avaient tous deux perdus la notion du temps.

- “ Tu as tué ta fille et d’innombrables innocents, alors pourquoi es-tu la seule à survivre ? “

°~°

Malgré les circonstances de leur rencontre, Amaryllis avait fini par apprécier la compagnie de son mystérieux sauveur. Contrairement à tous les autres villageois dont elle avait dû endurer la présence, celui-ci connaissait l’importance du silence. Il ne cherchait jamais à forcer une conversation et les quelques mots qu’il prononçait étaient toujours nécessaires et mesurés.
Elle appréciait ces qualités, surtout face à la monstruosité qu’était la situation qu’elle devait affronter et accepter.

La jambe d’Amaryllis était endommagée en profondeur et il paraissait évident qu’elle devrait garder son tuteur de fortune pour le reste de ses jours. Cependant, cela ne la gênait pas plus que ça et ne l'empêchait pas de se rétablir petit à petit. Elle parvenait à remarcher sur des distances de plus en plus longues et en profitait pour accompagner le géant à ses tâches journalières.

Contrairement à la plupart des villageois du Météore, le colosse était très proche de la nature et des Pokémon. Il lui arrivait souvent de se poser sur l’herbe et de fixer un nid de Nirondelle pendant plusieurs minutes, aider un Chenipotte coincé dans un arbre ou sympathiser avec un Parecool pendant qu’il cueillait des baies. Il arrivait souvent que l’imposant homme proposait à la jeune fille de caresser un Pokémon ou en aider un autre à se nourrir en lui donnant quelques baies. Il vivait au jour le jour, simplement, et Amaryllis l’enviait.

Elle ne voulait que cette vie. Et elle avait tout perdu à cause de ses choix.

Son village.

Sa mère.

Sa fille...

Un haut-le-coeur fit tituber la demoiselle avant qu’elle ne flanche, ses jambes étant trop faible pour soutenir toutes ses émotions, et ne s’évanouisse une fois de plus.

°~°

Amaryllis se réveilla quelques heures plus tard dans son lit, éclairée par le reflet de la lune, les yeux enflés à cause des larmes. Le doux titan se tenait à ses côtés, comme toujours, rassemblant du bois pour son feu.

Elle ne savait pas pourquoi mais Amaryllis était incapable de penser à autre chose qu'à sa fille et ses larmes refusaient de s’assécher.

- “Marie-Lise… Si seulement… Je pouvais te revoir ne serait-ce qu’une dernière fois… “ marmonna Amaryllis en sanglotant, agrippant sa couette de toutes ses forces.

L’habituel silencieux colosse semblait visiblement touché par les mots de la jeune femme, après longue réflexion, il franchit le pas et s’adressa directement à la mère en deuil.

- “ Je comprends… ” répondit le géant.

Cette soudaine réponse prit la jeune femme au dépourvu et les centaines d’émotions refoulées qu’elle avait accumulé explosèrent d’un seul coup.

- “ Tu comprends ? TU COMPRENDS ? Tu ne peux pas comprendre ce que je ressens ! Tous les matins, je me réveille avec le fardeau de la mort de tout mon village dont ma mère et ma petite fille parce que je n’ai pas pu ravaler ma fierté et je n’ai aucun moyen de me racheter ! COMMENT VEUX TU COMPRENDRE CA ?! “ craqua Amaryllis, désemparée.

Cet éclat d’émotions instaura un silence dans la conversation. Amaryllis sentait elle-même qu’elle avait exagéré et baissa les yeux.

Le colosse, calme comme toujours, alluma son feu pour préparer leur repas. Il fixa le feu crépiter pendant plusieurs secondes en réfléchissant avant de rompre le silence.

- “ Laisse moi te raconter une histoire.