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Lorekeeper de Marushium



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Informations

» Auteur : Marushium - Voir le profil
» Créé le 18/08/2020 à 19:09
» Dernière mise à jour le 09/10/2020 à 13:41

» Mots-clés :   Hoenn   Kalos   Mythologie

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Un simple caillou
CHOP !

CHOP !

CHOP !

Les coups de pelles d’Amaryllis furent si violents qu’ils finirent par briser les plus petites roches enfouies sous terre. Elle ne s’intéressait même plus aux météorites à trouver et se contentait de se défouler sur la pauvre lithosphère locale, animée d’une colère presque palpable. Elle continua ainsi pendant une bonne vingtaine de minutes avant de se faire rattraper par la fatigue et les ampoules, l’obligeant à s’allonger sur l’herbe pour reprendre des forces.

La mélodie naturelle du cours d’eau, du bruissement des feuilles d’arbres et des chants des Pokémon oiseaux environnants rendaient le décor idyllique mais malgré cela, il était impossible pour la jeune fille de se reposer. Les mots de sa doyenne se retournaient dans sa tête, l'empêchant de se focaliser sur autre chose.

- “ Future Gardienne du Savoir ? Organiser la cérémonie d’appel ? Et puis quoi encore, construire des statues de trente mètres de Rayquaza avec le reste de nos vivres et les os des cadavres tant qu’on y est ! “ s’énerva Amaryllis, tapant du poing le sol.

Parmi le trop-plein de pensées qui se battaient dans son esprit, une image vint et apaisa la jeune femme. Cette image était celle de sa petite fille, Marie-Lise.


°~°

Depuis toute petite, Amaryllis a toujours été une anomalie dans son village. Malgré toute l’influence menée par l’effet de groupe, principalement dirigée par sa mère, elle ne s’y est jamais intégrée. Pire encore, elle se fichait complètement des autres et ne songeait qu'à ses besoins personnels. Allant à contre-courant de toutes les valeurs du village et sceptique de toutes leurs traditions, elle s’isola très vite, au grand dam de sa mère qui faisait tout pour la remettre sur le droit chemin. Légendes, visites de ruines, prières, travaux, rien n’y fit. Elle alla même jusqu'à la marier pour la forcer à s’impliquer un tant soit peu au village mais en vain, Amaryllis n’accordait pas la moindre attention particulière à son conjoint et continuait à vivre recluse. Pourtant, un beau jour, tout à changé.


Pour la première fois de sa vie, le coeur d’Amaryllis battait.

Sous la pression familiale, elle avait dû endurer les pires neuf mois de sa vie. Elle subissait nausées, crampes, douleurs, fatigue au point de ne plus pouvoir marcher et surtout les centaines de cérémonies de bonne fortune et de protection des dieux de la doyenne. Excédée, elle n’en pouvait plus et voulait juste en finir une bonne fois pour toutes avec ce fardeau.

Le jour J, Amaryllis hurlait de douleur, maudissant les mots de son époux et de sa mère, à moitié engloutie dans un lac non loin du village, entourée par sa famille et de plusieurs matrones assistant l’accouchement. Submergée par les contractions, la situation était si éprouvante et accablante que la jeune femme vit trouble et s'évanouit pendant plusieurs heures.

A son réveil, Amaryllis expira profondément. La purge était terminée et elle en était soulagée. Plus grand chose n’importait pour elle, encore plus que d’habitude, maintenant qu’elle était délivrée de sa pesante charge. Elle était si épuisée qu’il lui fallut plusieurs secondes pour déposer le regard sur ce que l’une des matrones lui tendait.

C’était un bébé.

Son bébé.

Pour la première fois de sa vie, les yeux d’Amaryllis brillaient.

La nouvelle mère était tout bonnement incapable de quitter le nouveau-né du regard. Sa petite touffe de poils halée sur la tête, ses courts membres s’agitant dans le morceau de tissu le retenant, ses petits yeux fermés, tant d’attributs qui rendaient le nourrisson adorable aux yeux de sa mère. Une vague d’émotions qu’elle n’avait jamais ressenti la submergeait, au point qu’elle ne réalisait même plus la présence de son mari et de sa mère à ses côtés, ni même de ses alentours. Toute son attention était focalisée sur la petite fille, blottie dans ses bras, qui luttait pour prendre le contrôle de ses paupières.

Et elle y parvint.

Ses grands yeux verts, vierges de toute expérience, se posèrent pour la première fois sur le visage de sa mère. Désorientée, sans qu’elle ne puisse réfléchir à quoi que ce soit comme elle le faisait si bien, Amaryllis sourit. Cette réaction était purement instinctive et la jeune femme en était la première étonnée. C’était le sourire le plus sincère de sa vie.

Le nourrisson identifia celle qui allait être sa mère et lui offrit le premier sourire de sa vie en retour. Un sourire pur, innocent, dénué de toute arrière-pensée qui venait de faire fondre le coeur vide et glacial de la jeune femme.

Pour la première fois de sa vie, Amaryllis ressentait le besoin de protéger autre chose.


°~°

Des rayons de soleil ambrés, se faufilant à travers les feuilles, parvinrent à chatouiller le visage d’Amaryllis et à la tirer de sa transe.

Ses yeux, enflés et croûtés par les restes de larmes prirent plusieurs secondes d’adaptation avant de réaliser que le soleil commençait à décliner et que la nuit s’apprêtait à tomber.

- “ Oh non, combien de temps est-ce que je me suis endormie ?! Les météorites ! “ paniqua la jeune femme.

Ses jambes endormies la tenant à peine debout, elle se redressa rapidement, craquant douloureusement ses os habitués à la position couchée qu’ils venaient d’endurer et regarda autour d’elle.

Rien n’avait bougé. Une pelle était disposée à proximité d’un arbre tandis que l’autre, plus amochée, gisait toujours à proximité d’un trou béant, qui paraissait beaucoup plus gros maintenant qu’Amaryllis ne baignait plus dans la bile et l’adrénaline. Une multitude de rochers noirâtres avaient été brisés dans le processus, éparpillés un peu partout dans les environs. Amaryllis s’agenouilla et en récupéra un.

- “ Tiens, c’est un fragment de météorite ça ? “ se questionna-t-elle.

À y regarder de plus près, cette roche ressemblait à s’y méprendre à un fragment de ciel : couleur noirâtre et crevasses circulaires assez uniformes, il ne faisait aucun doute qu’Amaryllis venait de tomber sur un météore pendant son excavation.

- “ Non, c’est juste un caillou normal. ” confirma Amaryllis.

N’importe quel autre individu aurait confondu cette roche avec un fragment de ciel, mais Amaryllis, grand esprit logique et observateur, avait déjà pu examiner des morceaux de météorite de près et avait directement pointé la différence frappante de la roche usurpatrice.

- “ C’est trop léger, impossible que ce soit une météorite. “ pensa-t-elle en jonglant d’une main avec le roc, exaspérée.

Irritée, Amaryllis resongea à son village, à leurs stupides coutumes, aux mots de sa mère et à sa petite fille dont elle aurait pu s’occuper si ce n’était pour ces fichus cailloux. La nuit commençait à tomber et il aurait fallu arrêter les recherches. Elle serait rentrée penaude et se serait fait passer un savon par sa mère une fois de plus. Tout cela raviva sa colère, pendant qu’elle s'apprêtait à jeter sa trouvaille dans la rivière.

Mais elle se stoppa net.

Ses yeux se posèrent une dernière fois sur le fragment de pierre qu’elle venait de dénicher et elle s’étonna une fois de plus de la forte ressemblance visuelle de cette roche avec une météorite. Elle se retourna, se baissa et fouilla en profondeur le cratère qu’elle avait creusé : il regorgeait de ce minerai.

- “ Et si je les faisais passer pour des météorites ? “

Cette idée traversa l’esprit d’Amaryllis comme une flèche en plein dans sa cible. Ainsi commença le combat unilatéral entre la bonne conscience et l’esprit rancunier d'Amaryllis.

- “ Ils sont tous si stupides, ils ne verront même pas la différence. Qu’est ce que j’en ai à faire que ce soit des météores ou des cailloux normaux ? ” ajouta le côté incisif de la jeune fille.

Elle réfléchit pendant une bonne minute, mais ne parvint pas à trouver de bons arguments pour défendre les moeurs de son village. Leurs détracteurs, cependant, empilait les arguments en leur faveur, alimentés par les années de frustration qu’Amaryllis empilait.
Une dernière phrase vint mettre fin au débat.

- “ Si je ramène beaucoup de météores au village, ils me laisseront m’occuper de Marie-Lise. “

Ce dernier argument vint planter le dernier clou sur la tombe de sa bonne conscience. Son esprit était devenu clair comme de l’eau de roche. Sans sourciller, elle remplit son sac des plus belles pierres qu’elle pouvait dénicher, ramassa le reste de ses affaires et emprunta le sentier pour redescendre vers son village.

- “ Bande d’idiots... ” pensa-t-elle sur la route, savourant la petite pique de dopamine que lui procurait sa petite vengeance.


°~°

La nuit venait de tomber.

Les torches étaient allumées, les fragments de ciel déposés comme offrande, et la prêtresse Amaryllis se tenait au centre du temple, face aux cieux.

La cérémonie d’invocation de Rayquaza allait commencer.