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Les Apôtres d'Erubin de Malak



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» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 09/08/2020 à 08:43
» Dernière mise à jour le 30/11/2020 à 19:39

» Mots-clés :   Amitié   Aventure   Drame   Mythologie   Présence de Pokémon inventés

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Chapitre 29 : Les déboires de l'avocat
- Maître Brenwark est appelé à la barre.

De sa démarche franche et décidée, Oswald se leva et s'avança jusqu'au lutrin. Il y eut pas mal de murmures du côté du public. Beaucoup étaient venus juste pour voir le fameux avocat, et non pour le procès en lui-même dont ils se fichaient. Imperturbable, Oswald regarda bien dans les yeux trois secondes chacun le juge, ses deux assesseurs et le greffier, qui, en l’occurrence, se trouvait être un Neitram, un Pokemon Psy au visage imperturbable, qui, du fait de sa haute intelligence, recopiait toutes les paroles prononcées à la barre avec ses pouvoirs psychiques, tenant en suspension trois plumes à la fois.

Ils étaient à Unys, dans l'un des plus prestigieux tribunaux de Volucité, pour une de ces class actions dont les unysiens étaient si friands. Les plaignants, très nombreux et tous victimes d'un préjudice, se regroupaient en un collectif pour déposer plainte, ce qui avait plus de poids et de portée médiatique que plusieurs plaintes individuelles. C'était d'autant plus indispensable que la personne en cause était très souvent puissante et influente.

Comme aujourd'hui par exemple. Celui qui était derrière le banc des accusés était un haut fonctionnaire de la région ; Matthew Dawson, le ministre de l'Économie. Il était accusé d'avoir usé de sa position pour accorder un permis d'exploitation à une entreprise dont son beau-frère était le gérant. La zone exploitée se trouvait près de la ville balnéaire de Vaguelone, et avait, au dire du collectif, foutu en l'air le tourisme et même augmenté de façon significative la pollution. L'entreprise en question avait été jusqu'à jeter ses déchets toxiques dans la mer.

Bien sûr, le procès d'aujourd'hui était pour prouver le conflit d'intérêt évident de Monsieur Dawson, qui, non content d'avoir délivré un permis d'exploitation tout à fait illégalement, avait en plus installé ladite entreprise sur un terrain dont il était, comme Oswald l'avait découvert lors de son enquête, un lointain ayant-droit. Ça puait la corruption à plein nez. Et ça puait tellement fort que le gouvernement lui-même n'avait défendu son ministre que du bout des lèvres.

Oswald était l'avocat du collectif de victimes, naturellement. Et il avait un dossier suffisamment large pour non seulement faire condamner Dawson et jeter sur lui l'opprobre à vie, mais aussi pour attenter un second procès à l'entreprise de son beau-frère. Une affaire comme il les aimait ; celle de simples citoyens impunément floués par les riches et puissants qui se pensaient tout permis. Et justement, les riches et puissants avaient depuis le temps appris à trembler quand ils avaient Oswald Brenwark devant eux pour les interroger. Le public retint son souffle quand l'avocat se tourna vers l'accusé, attendant de voir à quelle sauce il allait le dévorer. Et Oswald ne comptait pas le décevoir. Un bon avocat devait certes connaître les lois, mais il devait aussi avoir un certain sens du spectacle.

- Monsieur le ministre Dawson, commença-t-il. Tout d'abord, s'il plaît à la Cour, permettez-moi de signifier ma consternation quant à votre présence ici aujourd'hui. Vous qui avez pourtant fait de la lutte contre la corruption le cœur de vos actions depuis que vous occupez ce poste. Il n'est guère étonnant, par la suite, que vos administrés ne croient plus en la politique et soient partisans du « tous pourris » quand il s'agit de vous...

- Objection ! S'exclama l'avocat de Dawson. Maître Brenwark se permet de parler à mon client comme si celui-ci avait déjà été jugé coupable !

C'était le cas bien sûr. Oswald s'était permis cette petite entorse au principe de l'innocence présumée juste pour amuser la galerie et si possible faire sortir Dawson de ses gonds. De toute façon, il n'y avait aucun doute qu'il soit coupable, même si le jugement n'avait pas été rendu. Le juge, visiblement amusé de l'audace de Brenwark, dut quand même le rappeler à l'ordre, quoi qu'à contrecœur.

- Objection retenue. Maître Brenwark, veuillez ne pas digresser et débuter vos questions sans préjugés.

- Bien Votre Honneur, mes excuses. Mais permettez-moi de conserver mes préjugés. Après tout, si je n'étais pas certain de la culpabilité de monsieur le ministre, croyez bien que je ne serai pas là. Nous autres avocats somme toujours persuadés de la bonne foi de nos clients respectifs, n'est-ce pas ?

Il y eut des éclats de rire dans la salle, chacun appréciant la pique ironique de Brenwark à sa propre profession. L'avocat de Dawson se renfrogna encore plus.

- Objection ! Votre Honneur, cette Cour n'est pas un spectacle ! Maître Brenwark a...

Oswald ne lui laissa même pas le temps de terminer sa phrase. C'est dire à quel point il considérait son adversaire comme quantité négligeable.

- Monsieur Dawson, je n'aurai qu'une seule question pour vous. Oui, une seule. J'ai déjà tout ce qu'il me faut. Le frère de votre épouse s'est montré étonnement coopératif. Oh, ne prenez pas cet air surpris et indigné. Il doit penser à la survie de son entreprise et de ses salariés avant tout. Il a, il faut l'avouer, commencé à prendre peur quand je lui ai mis le rapport d'expertise sur les dégâts environnementaux que son usine de Vaguelone a causés.

Dawson était en train de suer corps et âme sous son costume. C'était le but recherché par Oswald. Bien qu'il ait toutes les preuves nécessaires, il avait décidé de gagner ce procès en laissant le ministre mijoter et se dénoncer lui-même. Briser le mental des accusés était bien plus satisfaisant que passer une heure à montrer de la paperasse au juge.

- Objection ! Cria naturellement l'avocat de Dawson. Un tel rapport d'expertise n'a jamais été produit devant cette Cour, ni son authenticité vérifiée ! Ses conclusions ne sauraient...

- Rejetée, fit le juge. Maître Brenwark n'a cité aucune conclusion.

Oswald retint un sourire. Le juge voyait visiblement ce qu'il voulait faire avec Dawson, et avait décidé de profiter du spectacle. Eh bien, il allait en avoir pour son argent ! Moins de dix minutes plus tard, le ministre de l'Économie était à genoux, pleurant à chaudes larmes, et avouant tous ses méfaits en s'excusant. La salle était partagée entre les applaudissements pour Oswald et les huées pour le ministre déchu.

Comme à chaque fois pour les grands procès retentissants unysiens, la sortie de la salle se fit sous les yeux des caméras, des appareils photos et des cris des badauds qui attendaient à l'entrée. Oswald se laissa porter par l'ivresse des acclamations et alla à la rencontre du public qui lui rendait hommage. Il allait devoir aussi répondre à quelques questions des journalistes, histoire de bien faire les choses. Oswald Brenwark n'était pas un homme orgueilleux, mais cultiver sa popularité l'aidait énormément dans son travail et dans les affaires qui lui étaient proposées.

Il se mit à serrer des mains au hasard. Comme toujours, nombreux étaient les petites gens qui l'admiraient pour avoir fait tomber un puissant qui prenait des libertés avec la loi. Mais au bout d'un moment, il tomba sur un homme qui lui retint la main. Il eut à peine le temps de voir le bout du pistolet avant que le coup de feu retentisse. Le choc l'envoya à terre, tandis que les sons environnements – les cris de terreur de la foule, l'intervention de la police et les appels à l'aide – se brouillèrent jusqu'à devenir inaudible, et l'obscurité emporta Oswald.


***


Quand il rouvrit les yeux, ce fut pour voir le plafond d'une chambre d’hôpital. Et les beaux yeux roses d'une jeune femme au teint sombre qui le regardait avec sa sévérité ironique habituelle.

- Tiens... Leonora, fit-il d'une voix rauque. C'est gentil d'avoir fait le trajet jusqu'à Unys pour moi...

- On est à Safrania, crétinus, répliqua la jeune femme. Dès qu'Haysen a appris qu'on t'avait collé une balle à la sortie du tribunal de Volucité, il a vite usé de son influence pour te faire transférer jusqu'à Kanto illico-presto. Il aurait été dommage qu'un des toubibs d'Unys finisse le travail.

- C'est fort aimable, mais pourquoi un docteur de l'hôpital de Volucité voudrait-il ma mort ?

- Pour la même raison que ce petit délinquant t'a tiré une balle dans le poumon droit. Il a été payé pour cela. Par un mec qui a lui-même été payé pour l'engager, et ainsi de suite. Les flics d'Unys ne sont parvenus qu'à remonter jusqu'au troisième commanditaire, mais ça va plus loin encore. Et plus haut. Bien plus haut.

Comme Oswald garda le silence, Leonora explosa :

- Tu croyais quoi, pauvre con ? Tu humilies les ministres à la barre, tu mets en faillite des entreprises qui sont plus riches qu'un pays ! Ce n'était qu'une question de temps avant que l'un de ces puissants bafoués ne veuille se venger, ou qu'un autre pas encore inquiété ne décide de prendre les devants en se débarrassant d'un avocat un peu trop dangereux.

- Ce sont les risques du métier, répondit Oswald. Je ne vais pas céder à ce genre d'intimidation.

Leonora secoua la tête, exaspérée.

- Une lettre anonyme te menaçant de mort, ça c'est de l'intimidation. Mais une balle à bout portant, ce n'en est plus. C'est au-delà. Il faut sérieusement que tu te ranges un peu. Arrête les procès retentissants de hautes personnalités. Refais comme avant ; de petites affaires locales inoffensives. Comme quand on s'est rencontré ! Tu te souviens ? Les boules du Roi du Dojo.

L'avocat sourit légèrement à se souvenir, mais secoua la tête.

- Je ne pourrais pas, Leonora. Ce que je fais depuis un an... C'est totalement ce que je voulais faire. Et en le faisant, j'ai le sentiment d'accomplir le sens de mon existence.

- Si tu continues, ton existence ne durera pas bien longtemps, ducon. Je me fiche que tu crèves, mais si ça arrive, ça mettra le cafard à Haysen, qui n'a pas besoin de ça en ce moment.

- Je ferai plus attention, promit-il. Plus de bain de foule après les procès. Je m'engagerai un ou deux gardes du corps. Et...

- Et tu prendras un de mes Pokemon Psy, qui restera toujours non loin de toi, ajouta Leonora. Au moindre signe suspect, il te téléportera.

- D'accord, d'accord, capitula Oswald. Tout ce que tu veux.

Il était presque content d'avoir frôlé la mort pour voir ainsi Leonora se faire du souci pour lui. Même si elle s'en défendait en disant qu'elle s'inquiétait juste de l'humeur de son mari, il était évident qu'elle tenait un tant soi peu à lui. Mais en tant qu'ami, bien sûr, se rappela-t-il avec un soupir mental. Leonora était à Funerol. Elle était intouchable.

- Funerol n'est pas là ? Demanda-t-il.

- Il est à Unys justement. Pour faire part de son grand mécontentement aux autorités locales, après que son célèbre ami et ex-avocat eut frôlé la mort. Cette tentative d'assassinat fait la une de toutes les chaînes. Le gouvernement est grave dans l'embarras après ça, surtout après que tu aies démonté un de ses ministres. Beaucoup de gens l'ont carrément accusé d'avoir commandité ce meurtre. Sous la pression, le Président a dû se débarrasser en catastrophe de son secrétaire d’État à la justice et celui de l'intérieur. Et toi, t'as encore gagné en popularité. À ta sortie, tu pourrais carrément viser la présidence d'Unys.

- Il s'est passé combien de temps au juste ? Demanda Oswald, surprit par l'emballement des événements.

- Une semaine. T'étais assez mal en point. Les toubibs ont dû te mettre en coma artificiel pendant quatre jours. Dan et le professeur Erable sont passés te voir hier.

- Navré d'avoir causé toute cette agitation. Dan avait autre chose à faire, surtout depuis qu'il est devenu l'un des Apôtres d'Erubin. Et toi, avec ta grossesse...

- Je ne suis qu'à trois mois. Je ne suis pas invalide. Ah, et y'a même la Team Rocket qui est venue prendre de tes nouvelles.

- La Team Rocket ?

- Trois d'entre eux m'ont interpellé y'a deux jours quand je suis sortie de l'hôpital. Deux sbires et un gamin aux cheveux longs dégoûtants... Il m'a proposé de poster quelques-uns de ses hommes en civil pour surveiller les entrées dans l'hôpital, au cas où quelqu'un essaierai de t'atteindre ici aussi. T'as des fréquentations intéressantes, monsieur le défenseur de la justice.

Oswald grimaça, et se sentit obligé de se justifier.

- C'est le jeune Rocket qui nous a envoyé les documents compromettants sur N.W.C lors du procès. On s'échange parfois quelques faveurs, principalement au niveau du renseignement, mais c'est tout. Y'a pas d'argent qui circule entre nous, et je ne suis certainement pas un partisan de la Team Rocket.

- C'est bon, te bile pas, je te charriais. Tous les putains d'habitants de Kanto ont eu à faire à la Team Rocket, de près ou de loin. Même moi, quand j'ai pris la direction de l'arène d'ici et que j'étais fauchée comme les blés, j'ai fait appel à eux pour avoir une aide financière, et en échange j'ai pris deux trois de leurs dresseurs pour les entraîner un certain temps. Ils font partie du paysage et de la vie de Kanto, et sont utiles à tout le monde. Y'a que des tarés de la droiture comme Dan qui ne peuvent pas les encadrer.

Oswald n'avait pas ajouté que Worm était aussi un collègue des Gardiens de l'Innocence, même si c'était tentant pour justifier leur relation. La couverture de Worm devait être préservée. Même les Gardiens ignoraient son existence.

- Quand est-ce que je pourrais sortir ? Demanda-t-il.

- T'es passé à un cheveux de la mort, et à peine réveillé, tu ne penses qu'à te barrer ? Tu pourras sortir quand les toubibs diront que tu pourras. Mais ne compte pas remettre ta toge immédiatement après. Dès que tu sors, tu prends deux semaines de congé, et tu viens te ressourcer chez nous à Almia.

- Deux semaines ? S'exclama Oswald, épouvanté. Enfin voyons, je ne peux pas ! Tous mes dossiers en cours...

- Deux semaines, répliqua Leonora d'un ton qui ne souffrait aucune contestation. J'ai déjà prévenu tes secrétaires et ton assistant, et ils sont on ne peut plus d'accord avec moi. Tu vas souffler un peu, respirer le bon air pur d'Almia, ne plus songer à tes criminels et politiques pourris pour observer les Pokemon locaux. Tu verras ; tu vas t'emmerder aussi ferme que moi ! Tes dossiers ne s'envoleront pas. Tes clients comprendront qu'après avoir reçu une balle, tu prennes un peu de repos.

Oswald soupira, comprenant qu'il ne servirait à rien de protester plus longtemps. Leonora avait sans nul doute arrangé le coup avec Funerol, qui s'était sans doute empressé de communiquer tout cela à la presse.

- Bon, maintenant que je suis rassurée te concernant – tu ne t'es pas réveillé avec des séquelles neurologiques – je file.

- Tu rentres à Almia ? Ou tu t'es prise une chambre en ville ?

- Je squatte l'arène, bien sûr. Et j'en profite pour tester en combat mes anciens dresseurs. Et c'est triste pour moi. Soit ils ont foutrement progressé en neuf mois, soit c'est moi qui ai perdu la main. Je gagne, mais c'est serré. Du coup j'ai presque les jetons de me frotter à Morgane. Allez, je reviendrai demain. Porte-toi bien, l'intello.

Elle lui donna un petit coup de poing dans l'épaule avant de partir, et Oswald garda sa main dessus longtemps après son départ. Parce que comme d'habitude, Leonora ne mesurait pas sa force, mais aussi comme s'il chérissait ce contact fugace. Il ne comprenait pas son attirance certaine pour Leonora. Ça ne pouvait pas se résumer à leur couleur de peau qu'ils avaient en commun. Elle était jolie bien sûr, mais des femmes jolies, Oswald en avait vu plein. Et puis, elle était vulgaire, violente et une tête brûlée avérée. Tout le contraire d'Oswald en somme, qui était posé, diplomate et qui réfléchissait toujours avant d'agir ou de parler. À croire que les contraires s'attiraient bel et bien.

Oswald avait toujours eu l'intention de fonder une famille un jour, une fois qu'il aurait eu une situation confortable. Et c'était le cas aujourd'hui. Il était quasiment millionnaire à même pas trente ans. Il aurait eu mainte fois l'occasion de se marier avec une femme de son milieu. Mais il attendait. Avec cet espoir fou que Leonora soit à lui un jour. Ce qui était stupide bien sûr ; Leonora aimait Funerol d'un amour vrai et possessif. Ils s'étaient mariés, et elle était maintenant enceinte. Et pourtant, malgré toute la logique et le bon-sens qui étaient les siens en temps normal, Oswald n'arrivait pas à tirer un trait sur elle.

Il dut prendre son mal en patience quand une infirmière vint changer son pansement, surveiller sa blessure et lui injecter il ne savait trop quoi. On put toutefois lui retirer les perfusions pour qu'il puisse manger et boire de lui-même après une semaine. On lui amena même une petite télé portable, bien qu'à cette heure ci, il n'y avait que des feuilletons niais un peu partout. On lui refusa toutefois un téléphone, ce qui lui aurait été bien utile pour contacter son cabinet et faire le point. Sans doute que Leonora avait donné des ordres précis au personnel médical à ce sujet.

Comme promis, elle revint le lendemain, et le jour d'après. Elle acceptait de lui donner quelques nouvelles, mais rien qui aurait pu concerner son travail. Elle parlait le plus souvent d'elle-même, de sa vie à Almia, de petites anecdotes marrantes sur Funerol, qu'Oswald écoutait avec joie ne serait-ce que pour entendre le son de sa voix et avoir une raison de la regarder. Puis le troisième jour, elle en vint à évoquer l'avenir.

- Un môme, sûr que c'est pas chose facile. J'ai déjà un peu d'expérience avec Morgane bien sûr ; elle n'avait que sept ans quand ses vieux me l'ont refilé à l’arène, et même si elle se nourrissait toute seule et que j'avais aucune couche à changer, c'était pas évident de la gérer. Bon, après, tous les gamins n'ont pas de pouvoirs psychiques capables de raser une maison, c'est vrai. Mais j'suis pas sûre d'avoir ce fameux instinct maternel dont les magasines sur le sujet nous rabâchent l'existence.

- Tu ne peux pas l'avoir tant que tu n'es pas mère, raisonna Oswald. Et personne ne peut prévoir quel genre de parent il sera avant de l'être réellement.

- Mouais, mais faut dire que j'ai eu une sale expérience avec les miens. C'était pas leur faute. Enfin pas trop. C'est juste moi qu'était une gamine terrible. Je compte plus sur Haysen pour bien élever ce môme comme il faut.

- Vous avez choisi le nom ?

- Oh que oui. On s'est vite dépêché avant que cette nana bizarre là, Leslia, ne s'amuse à proposer tout un tas de noms chelous. Reina si c'est une fille, et Silas si c'est un garçon.

- Je suis sûr qu'il ou elle aura énormément de chance de vous avoir comme parents.

Il avait dit ça avec sincérité, mais aussi avec une pointe de tristesse dissimulée. Il aurait bien aimé être à la place de Funerol et être le futur papa d'une petite Reina ou d'un petit Silas. Mais il gagna un petit lot de consolation quand Leonora déclara qu'il en serait le parrain.

- Tu es sûre ? Dan ne ferait pas un meilleur choix ?

- Dan attendra le second, si second il y a. Faut penser pratique. C'est un Ranger, toujours à bouger ci et là en risquant sa vie, et qui ne nage pas spécialement sur l'or. Toi, t'es plein au as, t'a de la stature et tu connais les lois mieux que personne. C'est bien mieux adapté pour s'occuper d'un gamin si d'aventure il arrivait quelque chose à ses vieux.

Cette réponse arracha un sourire ironique et d'autodérision à l'avocat. Bien sûr. Ce choix trouvait sa raison dans le pragmatisme habituel de Leonora, et non dans une quelconque préférence sentimentale. Aussi tôt eut-il pensé cela qu'il se reprit. Arrête, se dit-il à lui-même. Tu ne vas pas être jaloux de Dan aussi.

Aux chaînes infos du soir, il s'amusa à écouter les réactions des unysiens sur la tentative d'assassinat dont il avait fait les frais. Beaucoup en effet y voyait là un signe qu'Oswald dérangeait bien des gens puissants, peut-être des personnes au plus niveau de l’État. Une des infirmières qui s'occupait de lui lui avait d'ailleurs déclaré qu'elle avait énormément de respect pour lui, et qu'il devait absolument poursuivre ce qu'il faisait.

Oswald se sentait quand même un peu honteux devant l'admiration de tous ces gens ; il avait certes un sens de la justice qu'il voulait défendre, mais il travaillait avant toute chose pour lui. Il était content de pouvoir tirer de la popularité de ses procès médiatisés, et ne crachait pas sur les cachets généreux de ses clients. Il n'était qu'un homme, après tout. Le lendemain, ce n'est pas Leonora qui lui rendit visite, mais quelqu'un qui, justement, lui rappelait que lui aussi n'était pas tout blanc.

- Maître Brenwark, fit Vaslot Worm avec son sourire obséquieux habituel. Je suis ravi de vous voir éveillé et semble-t-il en pleine forme.

Arceus merci, Worm était venu sans sbire et ne portait aucun signe distinctif qui aurait pu l'identifier comme un Rocket, si ce n'était un dossier entre ses mains, de documents sans doute confidentiels. Mais même sans ça, Oswald ne pouvait pas dire qu'il était heureux de le revoir. Autant il ne niait pas l'utilité de ce jeune homme pour les Gardiens de l'Innocence – et oui – pour lui-même aussi, autant il n'arriverait sans doute jamais à l'apprécier, avec ses cheveux longs et gras, son sourire hypocrite et sa voix mielleuse.

- J'ai été en meilleure forme, et elle ne va pas s'améliorer avec vous dans ma chambre, soupira l'avocat. Que voulez-vous ? De votre part, j'ai des doutes concernant une simple visite de courtoisie.

- Et pourtant, c'est que de cela qu'il s'agit. Une visite d'un collègue à un autre. Je suis le Gardien de l'Innocence le plus proche de vous actuellement, après tout. Et je suis même venu avec deux cadeaux. Le premier est des infos au sujet de ceux qui veulent vous voir mort.

- Vous travaillez plus vite que la police d'Unys alors ? Ironisa Oswald.

- La police d'Unys ne va pas faire beaucoup de zèle pour trouver les coupables. Probablement qu'ils ont déjà reçu un coup de fil de quelqu'un de haut placé les poussant à faire patiner l'enquête autant que possible.

Oswald devait lui accorder ce point.

- Qu'avez-vous trouvé ?

- La Team Rocket n'est que peu implantée à Unys, mais nous y avons nos relations. Vous serez sans doute soulagé d'apprendre que cette tentative de meurtre n'est nullement l'œuvre des Agents du Chaos, mais d'un simple collectif d'hommes d'affaires qui, semble-t-il, avait essayé de vous acheter par divers intermédiaires, et que vous avez envoyé balader.

- J'ai tellement envoyé balader de monde que je ne peux pas me souvenir de tous. Ce groupe avait des relations avec le gouvernement d'Unys ?

- Avec certains de ses membres, oui. Mais vu les ramifications de ce collectif, vous auriez plus à craindre de possibles liens avec Underground.

Oswald leva les yeux au ciel.

- Ne me dites pas que vous êtes de ceux qui croient à ce pseudo-réseau mondial qui contrôlerai en secret toute la finance et la politique terrienne ?

- J'ignore la part de vérité dans ces fantasmes populaires, mais il est sûr qu'un groupe structuré de ce genre existe à un certain niveau. Sans pour autant croire qu'il est composé d'Illuminatis reptiliens. Le fait est que des gens puissants ayant d'énormes moyens et relations veulent vous voir mort.

- Ce sont les risques du métier, relativisa Oswald. Vous-mêmes, je suis sûr que pas mal de gens veulent vous transformer en cadavre ou vous mettre sous les verrous.

- Comme vous dites. Je vous suggère néanmoins de prendre un peu plus de précautions désormais. Quant à mon second cadeau...

Il lui tendit le dossier qu'il tenait, et Oswald le prit avec suspicion.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Du travail. Une affaire judiciaire, portée par une communauté d'habitants de la région Sinnoh, contre leur gouvernement.

- Je peux trouver mes affaires tout seul, merci bien !

- Sans doute, mais celle-là, vous ne l'aurez pas trouvée, tant elle est insignifiante, même à Sinnoh. Il s'agit d'un conflit entre un tout petit village isolé dans le Mont Couronné, et le ministère des transports de Sinnoh. En résumé, le gouvernement a un projet de barrage à cet endroit précis, barrage qui va bien sûr engloutir tout le village. Des sommes substantielles ont été proposées aux habitants en dédommagement, bien plus que ce que leurs vielles bicoques valent, mais ils ont tous refusé. Aucun projet d'accord n'a réussi à aboutir, et le gouvernement a donc décidé de passer outre, tant ce village est inconnu et pensant que personne n'irait prendre sa défense.

Oswald haussa les sourcils en feuilletant le dossier, rempli d'informations et d'images. L'injustice semblait en effet flagrante, mais un détail inquiéta l'avocat.

- Et pourquoi la Team Rocket a-t-elle connaissance des déboires de ce petit village insignifiant de Sinnoh ?

- Le village d'Ikalanis a une petite particularité. Ses habitants vénèrent un certain dieu, du nom d'Agoetir. Il est absent de tous panthéons des dieux connus, mais la Team Rocket a des raisons de penser qu'il s'agirait d'un Pokemon Légendaire, qui plus est venu de l'espace. Nous souhaitons donc poursuivre nos investigations dans ce village, ce qui implique qu'il survive. Nous avons conscience que la mairie d'Ikalanis n'a pas les moyens de vous offrir un cachet à la mesure de vos talents, et que vous ne gagnerez aucune popularité à traiter ce genre d'affaire insignifiante. Aussi la Team Rocket sera ravie de vous fournir un dédommagement substantiel si vous voulez bien vous charger de ce procès... et de le gagner, bien sûr.

- Vous ne manquez pas de culot, comme toujours, Worm, ricana Oswald. Pourquoi je devrais travailler pour vous ?

- Ce n'est pas pour nous, mais pour ces braves habitants d'Ikalanis, qui sont victimes d'une grave voie de fait de la part de leur propre gouvernement. La Team Rocket ne bénéficierai qu’indirectement de leur victoire. Et puis, ça vous permettrez de changer d'air, d'aller vous ressourcer dans les montagnes sinnohïtes, et de vous faire discret un petit moment. Et j'ajouterai que défendre ce village et la nature environnante est certainement très compatible avec nos missions de Gardiens de l'Innocence.

Oswald soupira à nouveau. Worm se servait de lui comme d'un outil bien sûr, mais sa proposition avait du bon. Entre ça et rester inactif deux semaines à Almia chez Funerol, le choix était vite fait. Leonora ne verrait sans doute pas inconvénients à ce qu'il aille se perdre dans les montagnes de Sinnoh plutôt que chez elle.

- Je vais étudier ça, fit-il en agitant le dossier, et je verrai ce que j'en pense.

- Vous m'en voyez ravi, sourit Worm. Et n'oubliez pas : même sans travailler pour la Team Rocket, elle sait se montrer très généreuse niveau liquidité.

- Je ne fais pas ça pour l'argent, Worm.

- Non bien sûr. Nous autres Gardiens de l'Innocence, nous sommes au-dessus de ça, n'est-ce pas ? L'amour d'Erubin nous suffit à nous nourrir.

Pour la première fois depuis qu'il côtoyait Worm, Oswald cru déceler un soupçon de colère et de mépris dans sa voix. Celui typique des gens qui ont souffert de beaucoup de privations dans leur jeunesse, quand ils parlaient d'argent avec quelqu'un qui était né privilégié.