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La treizième heure de MissDibule



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Informations

» Auteur : MissDibule - Voir le profil
» Créé le 07/08/2020 à 03:12
» Dernière mise à jour le 07/08/2020 à 03:12

» Mots-clés :   Kalos   Présence d'armes   Présence de personnages du jeu vidéo   Suspense   Terreur

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-1 • L’heure des sorcières
C’était une lumineuse et froide journée d’avril, et l’horloge de Romant-sous-Bois sonnait son treizième coup.

Personne dans le village n’y prêta attention : pourquoi s’y attarder, alors qu’il en était ainsi depuis mille cinq cents ans ? Plus personne ne se demandait même pourquoi l’horloge de la ville possédait treize heures à son cadran. Certains rares curieux supposaient qu’elle avait été mal conçue. D’autres, encore plus rares, à l’imagination plus fertile, se prenaient à rêver d’une époque où le temps ne s’écoulait pas de la même manière. Quant au reste du monde, c’est-à-dire la très vaste majorité des villageois, c’était ainsi et pas autrement : ils se moquaient éperdument du pourquoi et du comment.

Les touristes passaient parfois devant l’arbre millénaire et s’arrêtaient avec stupéfaction devant l’antique horloge, les yeux écarquillés. Ou bien, si un quelconque guide touristique les avait déjà renseignés sur ce monument insolite, ils se contentaient de rester là, à se gratter la tête, perplexes devant cette énigme insoluble. Leur esprit fourmillait de questions, et aucun guide ne leur apportait de réponse claire, et pour cause : la présence de cette treizième heure sur le cadran de l’horloge demeurait un mystère pour le commun des mortels.

Anja sourit en entendant sonner l’horloge.

Un mystère ? Pas pour tout le monde. Car Anja savait. Elle savait pourquoi le cadran de l’horloge était doté d’une treizième heure. Cette croyance avait bercé toute son enfance. Sa mère était une célébrité locale, une Mystimaniac dotée d’une étrange faculté qui lui permettait de lire dans les badges d’arène, tandis que son père était un amateur incontesté de contes de fées. Il avait tous les deux élevé Anja dans leur amour inconditionnel de l’occulte et du féérique.

Sa mère avait toujours mis un point d’honneur à habiller sa fille à la manière des Mystimaniac, avec une longue robe sombre ceinturée d’un motif de toile d’araignée et bordée de dentelle noire, des ballerines à bride noires… Que du noir. Les cheveux noir Cornèbre aux reflets bleu nuit d’Anja voletaient dans tous les sens, retenus à grand-peine par un serre-tête violet qui n’empêchait cependant pas de longues mèches de cheveux de lui barrer le front. Alors, si on réussissait à apercevoir ses grands yeux gris, on pouvait y déceler une étincelle de vie, bien vite éteinte par un torrent de tristesse.

Anja s’approcha de l’arène de Romant-sous-Bois et s’observa dans la vitre de l’une des fenêtres de la charmante bâtisse recouverte de lierre. Elle fut épouvantée par la pâleur de sa peau. Ce teint cadavérique, cette chevelure hérissée, ces vêtements sombres… Ce n’était pas elle. Cela ne pouvait pas être elle. Anja détestait cette apparence. Elle était si effrayante. Si bizarre. Si repoussante. Pourquoi devait-elle ressembler à ça ? Juste parce que ses parents le voulaient ? Ou alors…

Ou alors, c’est parce que j’ai des pouvoirs, murmura une petite voix au fond d’Anja. Oui, ce doit être ça. À cette pensée, la jeune fille se mit à contempler ses mains, anxieuse. Les mêmes mains qui avaient jadis révélé la puissance qui sommeillait en elle. C’était il y a dix ans. Elle n’avait alors que six ans, et elle faisait la cuisine avec ses parents. Son père avait fait tomber le poivrier. Et puis tout était allé très vite. Anja s’était précipitée pour rattraper le poivrier et avait instinctivement tendu son bras en avant.

Une force s’était alors animée en Anja. Un sentiment étrange s’était emparé d’elle, et une aura rosâtre était apparue autour du poivrier, qui, loin de s’être brisé sur le sol, flottait étrangement, juste au-dessus du carrelage de la cuisine. Puis, apeurée par ce qu’elle venait de faire, Anja avait brusquement abaissé le bras. Sous le choc, elle s’était ensuite évanouie, au moment précis où le poivrier, libéré de l’emprise psychique, s’était fracassé au sol.

Lorsqu’elle était revenue à elle, Anja se trouvait dans son lit, et avait été accueillie par la mine réjouie de ses parents, qui n’avaient jamais semblé aussi heureux. Ils étaient extrêmement fiers d’Anja, et pour cause : leur fille avait des pouvoirs psychiques !

Pourtant, le bonheur de ses parents fit le désespoir d’Anja : ce fut à partir de ce moment que sa mère entreprit de faire d’elle une Mystimaniac authentique, des pieds à la tête. Elle lui répétait sans cesse la chance qu’elle avait d’avoir des pouvoirs, à quel point c’était rare… Anja n’avait plus son mot à dire sur rien. Sa vie ne lui appartenait plus. Même les séances de lecture de contes avec son père étaient devenues une torture, alors même qu’Anja adorait les contes de fées : elle avait toujours rêvé de devenir une princesse de conte, elle aussi, lorsqu’elle serait plus grande.

Mais pas une princesse de conte de fées, prisonnière de sa tour comme elle était prisonnière de ses parents. Une princesse belle, intelligente, et bienveillante, mais aussi forte et indépendante, capable de mener sa vie comme elle l’entendait, sans se faire dicter sa conduite. Un jour, elle avait fait part de son rêve à son père, pleine d’espoir :

– Une princesse ? Toi ? s’était-il esclaffé. Elle est bien bonne celle-là ! Mais non, Anja, toi, tu es faite pour être une sorcière.

– Anja, tu ne peux pas être une princesse ! avait à son tour décrété sa mère, qui riait aux larmes. Les princesses sont rayonnantes et charmantes. Regarde-toi : tu es sombre et renfermée. C’est du sang de sorcière qui coule dans tes veines !

Ces paroles avaient touché Anja en plein cœur. Elle avait confié son rêve à ses parents, et ils l’avaient brisé en mille morceaux sans la moindre pitié. Ils s’étaient ri de leur propre fille, piétinant son âme d’enfant sans hésiter. La petite Anja aurait aimé trouver quelque chose à leur répliquer. Hurler à sa mère que si elle était « sombre et renfermée », c’était entièrement de sa faute. Mais elle n’avait pas su quoi répondre. Elle s’était simplement contentée de tourner les talons, les larmes aux yeux.

Une sorcière.

Le mot résonnait avec force dans l’esprit d’Anja. Elle releva alors la tête vers l’antique horloge qui trônait sur l’arbre millénaire.

L’heure des sorcières.

Voilà ce que représentait cette curieuse treizième heure à moitié dissimulée par les feuilles de l’arbre recouvert de champignons rouges à pois blancs. Le moment où les sorcières, les démons et les fantômes apparaissent, dotés de leur pleine puissance. Le moment où la magie noire se fait plus destructrice que jamais.

Anja observa à nouveau ses paumes de main : elle n’avait jamais expérimenté un moment de la journée ou de la nuit durant lequel elle se sentait bien plus forte que d’habitude. À la vérité, ses pouvoirs n’avaient même jamais été puissants du tout. La plupart du temps, elle n’arrivait même pas à s’en servir, et ce malgré les nombreux entraînements que lui faisait subir sa mère. Elle n’avait réussi à les convoquer qu’en de très rares occasions, et elle ignorait ce qui lui permettait de le faire.

Ses parents avaient tort. Elle n’était pas faite pour être une sorcière. Personne n’était prédestiné à être quoi que ce soit. Chacun décidait de son propre avenir. Mais ses parents refusaient de l’admettre. Ils ne pouvaient pas supporter l’idée qu’Anja désire devenir autre chose que ce qu’ils avaient prévu pour elle. C’était d’ailleurs exactement la raison de sa venue à l’arène Pokémon de Romant-sous-Bois : elle avait décidé de prendre sa vie en main et d’aller à la conquête de ses rêves.

Elle n’était pas une sorcière.

Alors qu’elle était perdue dans ses pensées, la porte en bois blanche de l’arène s’ouvrit doucement. Anja tressaillit, surprise, tandis qu’une magnifique jeune fille se glissait hors de la maisonnette aux allures de cabane enchantée.

Anja crut mourir de jalousie en la voyant. La nouvelle venue avait tout d’une princesse : un teint doré parfaitement hâlé, des cheveux bruns soyeux ornés d’une fleur rose, assortie au haut de son kimono. Sa jupe violette, retenue par une épaisse ceinture blanche, qui était ornée de motifs de fleurs mauves, ondulait au vent et recouvrait ses cuisses galbées. L’ensemble était complété par des chaussettes hautes du même violet, qui épousaient harmonieusement ses mollets, et des sandales traditionnelles à anse rose.

C’était si injuste. Pourquoi Anja ne pourrait-elle pas s’habiller ainsi ? Pourquoi ne pourrait-elle pas ressembler à une princesse, elle aussi ? Parce qu’elle avait des pouvoirs qu’elle ne maîtrisait même pas ? Elle tenta de lutter contre ses pensées négatives. Elle était justement ici pour briser le mauvais sort, et prouver à ses parents qu’ils avaient tort : elle pouvait être une princesse si elle le souhaitait. Elle n’était pas une sorcière. Elle ne voulait pas être une sorcière.

– Hum… Bonjour…? tenta la jeune fille, peu sûre d’elle.

Anja remarqua immédiatement qu’elle avait peur d’elle, ce qui la désola. Elle essaya vainement d’arranger ses mèches de cheveux et fit tout son possible pour adresser un sourire chaleureux à la Fille en Kimono :

– Bonjour !

– Nous avons remarqué que tu t’arrêtais souvent devant notre arène… Tu as besoin de quelque chose ? Tu souhaites défier Valériane ? lui demanda-t-elle poliment, un faux sourire plaqué sur le visage.

Mais le ton de sa voix ne trompait pas : elle était effrayée par Anja. Peut-être même dégoûtée. Anja rassembla tout son courage et prit une profonde inspiration. Elle s’efforça d’avoir l’air sympathique. Elle s’efforça d’être elle-même. Pas effrayante. Rayonnante. Comme une princesse.

– Non, en fait, je… J’ai toujours rêvé de faire partie des vôtres ! Moi aussi j’aimerais être une pr… euh, une Fille en Kimono ! S’il vous plaît, laissez-moi intégrer l’arène !

Son interlocutrice n’essaya même pas de masquer sa surprise. Elle jaugea Anja des pieds à la tête, éberluée. Visiblement embarrassée, elle se dépêcha de reprendre contenance et trouva une parade pour ne pas répondre elle-même à cette demande :

– Pour ça, il faut voir avec Valériane directement. Je vais l’appeler.

Puis elle retourna à l’intérieur de l’arène construite comme une maison de poupée. Anja attendit patiemment devant l’entrée, le cœur gonflé d’espoir. La jeune fille réapparut quelques instants plus tard, suivie par l’élégante championne d’arène aux longs cheveux noirs et aux grands yeux brillants. Son kimono était encore plus sublime et encore plus raffiné que celui de la dresseuse d’arène, ce qui n’était pas étonnant, pour une créatrice de mode.

Anja réprima sa jalousie : elle était persuadée qu’elle serait bientôt l’une des leurs, et elle aurait alors son propre kimono magnifique ! Elle avait tellement hâte. Pourtant, Valériane affectait elle aussi un air contrarié. Elle dévisagea Anja avant de lui demander de sa voix suave :

– Ainsi donc tu souhaites faire partie de notre arène ? Comment t’appelles-tu, ma petite ?

– Anja, chère Valériane, répondit la concernée en s’inclinant respectueusement comme il était coutume de le faire dans le pays d’origine de Valériane – Johto. Devenir dresseuse dans votre arène est l’un de mes rêves les plus chers !

Un silence empli de sous-entendus suivit cette déclaration. Valériane soupira et croisa – difficilement, à cause de ses immenses manches rose et jaune semblables à des ailes de Prismillon – les bras, secouant la tête.

– Anja. Si tu es venue ici, c’est que tu dois bien connaître mon amour pour la mode et tout ce qui est beau, commença la championne.

Anja hocha vigoureusement la tête :

– Oui ! Et je partage évidemment cet amour ! J’adore les jolis vêtements, et j’admire vos créations depuis que je suis toute petite.

– Oui, eh bien, le problème est là. Tu n’es pas à mon goût, assena Valériane en grimaçant.

– Pas… à votre goût ? répéta Anja sans comprendre.

– Oui. Tu n’es ni à la mode, ni belle, explicita-t-elle de façon bien plus abrupte en la toisant de ses yeux immenses. Tu ne peux donc pas faire partie de mon arène. Nous avons un certain standing ici. On ne peut pas se permettre d’accepter n’importe qui. Viens, Lizzy, on rentre, intima-telle ensuite à la jeune fille en kimono.

Sans même attendre une réaction de la part d’Anja, Valériane et sa suivante tournèrent les talons et s’engouffrèrent à l’intérieur de l’arène, claquant la porte blanche derrière elle. Anja ne comprenait pas du tout ce qui venait de se passer. Elle resta figée devant l’arène, les yeux perdus dans le vague. Son cerveau n’arrivait pas à analyser la situation. Puis, à force de ressasser les paroles de Valériane, deux vérités cruelles lui transpercèrent le cœur.

Elle venait d’être rejetée.

Elle était laide.

Plus encore, elle venait d’être rejetée parce qu’elle était laide.

Frappée d’un éclair de compréhension, Anja regarda à nouveau son visage dans la vitre : elle avait compris. Elle avait enfin compris. Ce que ses parents avaient toujours voulu dire. Elle n’était pas faite pour être une princesse. Elle était née pour être une sorcière. Elle comprenait enfin pourquoi ses parents lui répétaient cela. Ce n’était pas parce qu’elle avait des pouvoirs ou parce que sa mère l’avait décidé arbitrairement. Du moins, pas seulement. C’était parce qu’elle était laide.

Des larmes se mirent à perler au coin de ses yeux gris. Blessée comme jamais auparavant, Anja se mit à courir à perdre haleine à travers la ville, sous le regard inquisiteur des passants. Ses pas la guidèrent inconsciemment vers son refuge, l’endroit où elle passait le plus clair de son temps, pour éviter d’avoir à subir la compagnie de ses parents : la Route 14, une « route inquiétante même en plein jour, du fait de sa végétation étouffante et de ses nombreux marécages », comme la décrivait les nombreux guides et cartes de Kalos.

Pour Anja, il s’agissait d’un havre de paix. La végétation étouffante devenait au contraire rassurante, et elle enveloppait la jeune fille d’un abri protecteur. Les marécages troubles déformaient l’image de quiconque y portait son regard. Ainsi, tout le monde était laid. Pas seulement Anja. Cet endroit était devenu, au fil des années, son véritable foyer. C’était ici qu’elle s’entraînait avec son Funécire et son Spectrum, affrontant les dresseurs qui passaient.

Elle s’était même fait un ami sur cette mystérieuse route : le vieux Yeiru, plus connu sous le surnom de « l’homme à la maison hantée ». Anja avait fait sa connaissance sous la pression de sa mère, qui tenait absolument à ce que sa fille connaisse tout ce qui touchait de près ou de loin à l’occulte. Cependant, ce qui les avait rapprochés, c’était justement la peur du paranormal. D’un côté, Anja, fatiguée par les obsessions de sa mère et la peur constante de perdre le contrôle de ses pouvoirs. Et de l’autre, Yeiru, toujours traumatisé par l’expérience effrayante qu’il avait vécue.

Anja songea un instant à aller le voir, puis elle se ravisa. Elle n’avait envie de voir personne. Et elle était quasiment certaine que personne n’avait envie de la voir non plus. Elle se laissa choir au pied d’un arbre et se mit à pleurer, recroquevillée sur elle-même. De longues secondes s’écoulèrent, comme autant de larmes dans les yeux froids de la jeune fille. Puis, au bout d’une éternité, elle finit par s’endormir, épuisée par ce torrent d’émotions déferlantes.

Lorsqu’elle se réveilla, le ciel s’embrasait d’orange, et le crépuscule naissant se reflétait sur les eaux obscures des marécages. Les nuages se teintaient de rose et une lueur mauve colorait l’horizon. Anja songea qu’elle avait dû dormir deux ou trois heures. Il commençait à faire froid. Elle rapprocha ses jambes de sa poitrine en frissonnant. Elle se demanda ce qu’elle allait faire maintenant. Elle n’avait aucune envie de rentrer chez elle pour donner raison à ses parents.

En effet, elle était partie de la maison en leur hurlant qu’ils avaient tort et qu’elle allait le leur prouver, avant de claquer la porte d’entrée. Mais ils avaient raison sur toute la ligne. Elle ne serait jamais une princesse. Elle n’était qu’une vilaine sorcière. Anja sentit les larmes revenir. Elle avait besoin d’un peu de chaleur. La jeune fille passa la main dans les poches de sa robe et en sortit ses deux Poké Balls. Elle libéra ensuite ses deux Pokémon, qui se blottirent contre elle en apercevant son air triste. Funécire la réchauffa de sa flammèche bleutée, et Spectrum fit des grimaces pour la faire sourire.

Jouer avec ses deux compagnons redonna en effet le sourire à Anja. Un sourire léger, mais plein d’espoir. Elle refusait d’abandonner son rêve. Elle mit les mains sur ses joues : elle n’était pas si laide, si ? Elle était certaine que si elle s’habillait différemment et qu’elle se maquillait, elle aurait l’air différent. Elle pouvait être jolie, elle en était persuadée. Une jolie princesse. Une princesse forte. Indépendante. Cette pensée revigora un peu plus la jeune idéaliste qu’était Anja : elle croyait toujours en son rêve. Il fallait simplement qu’elle se donne les moyens de le réaliser.

Anja se mit à réfléchir au meilleur moyen de devenir la femme qu’elle rêvait d’être. Un endroit qui lui permettrait de devenir cool, stylée et branchée… La réponse s’imposa d’elle-même. La capitale. La ville-lumière, lieu de toutes les tendances : Illumis. Anja secoua la tête, dépitée : jamais elle n’aurait les moyens de s’installer dans une ville aussi coûteuse. Mais elle pouvait toujours s’y rendre pour quelques heures, histoire de rêver un peu. Elle était certaine que cela lui remonterait le moral.

Elle ne s’était jamais rendue dans la grande ville. Elle n’avait jamais osé. Illumis avait la réputation d’être immense : Anja était bien trop jeune et trop timide pour s’aventurer là-bas toute seule. Mais les choses avaient changé désormais. Son aversion pour ses parents l’emportait sur sa timidité. Et surtout, la perspective de voir un jour son rêve se réaliser était trop tentante. Plus déterminée que jamais, Anja se leva d’un coup, faisant au passage sursauter ses Pokémon, qu’elle rentra dans leur Poké Ball, et prit la direction d’Illumis d’un pas décidé.

Elle connaissait la Route 14 par cœur, elle savait donc exactement quels raccourcis emprunter pour éviter de se mouiller les chevilles dans les marécages boueux. Elle se fraya donc rapidement un chemin à travers champs et parvint jusqu’au bout de la route, le cœur battant : la Laie Romant-sous-Bois, qui abritait un terrain de jeux abandonné. Anja se surprit à imaginer l’endroit rempli de petites filles et de petits garçons. En leur absence, le parc, vide, avait l’air bien triste. Le toboggan avait rouillé et les balançoires remuaient dans le vide, animées par la seule force du vent.

Anja avisa avec anxiété la volumineuse porte qui menait à la capitale de Kalos. Elle ne pouvait plus reculer maintenant. Elle inspira un grand coup et s’engouffra à l’intérieur du sas. C’était une simple pièce en pierre. Un canapé, deux chaises autour d’une table en bois et une plante en pot faisaient face au comptoir où la réceptionniste souriante informait les voyageurs que la porte menait à la Route 14.

Anja ferma les yeux et traversa la porte sans s’arrêter. Elle se retrouva alors enfin sur le bitume gris de la plus grande ville de tout Kalos. Elle leva la tête, impressionnée par la hauteur des bâtiments. Les taxis bleus roulaient à pleine vitesse, et le soleil, qui était sur le point de s’évanouir à l’horizon, couvrait l’immense et splendide Tour Prismatique de ses reflets ambrés. Sans s’en rendre compte, Anja se mit à avancer le nez en l’air, fascinée par ce spectacle urbain. Elle passa à côté d’un touriste qui semblait perdu dans ses pensées.

Il marmonnait dans sa barbe : « Par là, ce doit être la Route 14… Parce qu’il y a un « 14 » sur la Porte… ». Elle ne lui prêta pas attention, trop absorbée dans sa contemplation, mais lui sembla ravi de la voir arriver. Son visage s’éclaira soudain, et il l’apostropha :

– Bonsoir à vous, charmante demoiselle. Vous venez de la Route 14 ? Accepteriez-vous de m’aider à me repérer ? lui demanda-t-il le sourire aux lèvres.

Anja se figea sur place. « Charmante demoiselle » ? Parlait-il vraiment d’elle ? Ou bien se moquait-il d’elle, lui aussi ? Anja jeta un regard alentour, pour être certaine que c’était à elle que l’on venait de s’adresser. Peut-être qu’un canon était passé dans son dos au moment précis où le touriste avait formulé sa question. Pourtant, les passants semblaient tous pressés, et se déplaçaient par vagues ; le jeune homme et elle étaient les deux seules personnes immobiles dans cet océan de riverains.

– Mais oui, c’est bien à vous que je m’adresse, lui confirma-t-il en souriant de plus belle. Vous venez de la Route 14 ? lui demanda-t-il de nouveau.

Anja sentit le rouge lui monter aux joues. Il la trouvait charmante ? Elle ? Vraiment ? Elle n’en croyait pas ses oreilles. Elle lança un timide :

– O-oui…

– Formidable ! Je me demandais si vous pouviez me renseigner un peu : cette Porte mène-t-elle bien à la Route 14 ?

– O-oui… répéta Anja, tétanisée.

– Adorable et serviable, nota-t-il en observant la jeune fille. Quelle chance j’ai ! commenta-t-il le plus naturellement du monde.

Le visage d’Anja devint cramoisi. Ce jeune homme venait de lui faire plus de compliments qu’on ne lui en avait jamais faits durant toute sa vie. Elle crut défaillir. Elle se mit à l’observer sous toutes les coutures : c’était un jeune homme longiligne, âgé d’une vingtaine d’années. Ses cheveux noirs et soyeux encadraient son visage aux traits fins, et ses yeux noirs étaient cachés derrière des lunettes à monture sombre. Il avait l’air banal au premier abord, mais c’est en l’examinant de plus près qu’Anja remarqua à quel point il était beau. Son cœur tambourinait dans sa poitrine.

Il lui sourit de nouveau et la dévisagea quelques instants qui parurent durer une éternité pour la jeune fille. Il semblait hésiter. Puis il se décida :

– Accepteriez-vous de…

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase. On entendit au loin une vieille dame hurler le plus fort possible « Attention ! », et, une demi-seconde plus tard, un Cabriolaine enragé apparut dans la Rue Septentrionale. Il fonçait droit sur le jeune touriste. Épouvantée, Anja essaya elle aussi de le prévenir, mais il était trop tard : l’impact était imminent. En proie à la panique, Anja tendit instinctivement son bras gauche vers le Cabriolaine et cria « Ne t’approche pas ! ».

Un miracle se produisit alors.

Les pouvoirs d’Anja se réveillèrent, et le Cabriolaine fut enveloppé de la même lueur rosâtre que le poivrier qu’elle avait rattrapé dix ans auparavant. Le petit Pokémon stoppa net sa course, immobilisé par les capacités psychiques d’Anja. Furieux, il tenta tout d’abord de se débattre, puis, voyant qu’il n’arrivait à rien, il finit par se calmer. Anja relâcha alors son emprise sur lui et abaissa le bras, épuisée. Le petit Cabriolaine se redressa et partit sans demander son reste, penaud, comme s’il se sentait coupable.

La scène s’était déroulée en une poignée de secondes, mais Anja mit du temps à réaliser ce qu’il venait de se passer. Elle fixa ses mains avec stupéfaction : elle avait réussi à se servir de ses pouvoirs, pour la première fois depuis très longtemps. Lorsqu’elle releva la tête, elle fut accueillie par un silence pesant. Le miracle qui venait d’avoir lieu avait réussi l’exploit de figer un instant la population de la Rue Septentrionale. Et la responsable venait seulement de remarquer les dizaines de paires d’yeux qui convergeaient toutes vers elle.

Intimidée, Anja baissa la tête, rouge comme une baie Tamato. Elle aurait voulu disparaître sous terre.

Alors même que tout le monde, y compris Anja, semblait encore figé dans le temps, le jeune touriste qu’elle avait sauvé réagit au quart de tour ; il empoigna le bras d’Anja et lui dit :

– Venez avec moi !

À la fois déboussolée par la situation et électrisée par ce contact impromptu, Anja hocha timidement la tête et se laissa entraîner par le jeune homme, qui se mit à courir le long de la Rue Septentrionale. Il prit à droite et fonça sans s’arrêter. Passé l’embranchement qui menait à l’Avenue Vendémiaire, il ralentit et lâcha le bras d’Anja – à la grande déception de celle-ci. Il s’excusa de l’avoir agrippée de la sorte puis il la mena jusqu’à un petit café à la devanture pourpre qui s’appelait « Au Coucou ». En parfait gentleman, il laissa Anja entrer en premier.

L’endroit était complètement désert. Seule une serveuse et le responsable, un vieil homme qui se tenait debout derrière le comptoir, se trouvaient là. Les deux petits Passerouge qui allaient et venaient sur les tables étaient les seuls véritables clients du café. Mais ils étaient à présent rejoints par deux nouveaux clients, dont la venue fit sourire de soulagement le propriétaire et son employée. Même si Anja insistait sur le fait qu’elle ne voulait rien boire, le jeune homme tint à lui offrir un chocolat chaud, car c’était selon lui la « moindre des choses pour lui avoir sauvé la vie. » Il commanda un café pour lui-même, et les deux compagnons d’infortune s’installèrent à l’une des nombreuses tables vides.

Le jeune homme laissa le sofa pourpre à Anja, et prit place en face d’elle, sur une chaise en bois. Le jeune touriste fit alors un commentaire sur le fait qu’il avait bien fait de s’informer sur les cafés d’Illumis : il avait appris dans un guide que celui-ci était constamment désert, c’était la raison pour laquelle il l’avait choisi. Ainsi, ils ne risquaient pas d’être dérangés. Puis le silence s’installa. Lorsque son chocolat arriva, Anja, affreusement gênée, se mit à le fixer intensément, tête baissée, pour ne pas croiser le regard de celui qu’elle avait pourtant terriblement envie d’admirer.

Le désir l’emporta sur la gêne, et elle releva subitement la tête. Elle plongea ses yeux perçants dans les yeux d’encre du jeune homme. Il lui sourit tendrement. Les joues d’Anja étaient en feu, et son cœur gonflé de bonheur. Elle ne s’était jamais sentie aussi bien de toute sa vie. Ce jeune homme l’avait déjà rendue plus heureuse que n’importe qui d’autre au monde, alors même qu’elle ne le connaissait que depuis quelques minutes. Elle ne connaissait même pas son nom. Comme s’il lisait dans ses pensées, il s’esclaffa et déclara soudainement :

– Mais où sont passées mes manières ? Je viens de me rendre compte que je ne me suis même pas présenté ! Pardonnez mon impolitesse, vraiment. Je m’appelle Izaya, et je viens d’Hoenn.

Izaya… Son nom résonna comme une douce mélodie aux oreilles d’Anja. Maintenant qu’il le mentionnait, Anja remarqua effectivement qu’il avait un léger accent tout à fait charmant. Izaya sourit de plus belle et reprit :

– Me ferez-vous l’insigne honneur de m’apprendre le nom de la belle jeune fille qui m’a sauvé la vie ? lui demanda-t-il d’un ton charmeur.

Anja tressaillit. « Belle jeune fille » ? Elle peinait à croire que ces mots désignaient sa personne. Mais elle avait envie d’y croire. Izaya était sincère, elle en était persuadée : c’était l’homme le plus attentionné et le plus gentil qu’elle n’avait jamais rencontré. La jeune fille se tortilla sur sa chaise avant d’enfin consentir à répondre :

– An… Anja, balbutia-t-elle.

Izaya ne tint pas compte de sa gêne et continua à sourire :

– Eh bien Anja, je te remercie infiniment de m’avoir sauvé la vie. Tu as été incroyable, la complimenta-t-il.

Il était passé si naturellement du vouvoiement au tutoiement qu’Anja ne le nota même pas. Elle était extrêmement flattée par cette avalanche de compliments, quelque chose qu’elle n’avait presque jamais connu. Izaya la mettait à l’aise, d’une façon qu’elle n’aurait su expliquer. Elle se sentait bien avec lui, elle avait envie de rester avec lui avec toujours, de l’avoir pour elle toute seule. Si Anja en avait reçu ne serait-ce qu’un tout petit peu, au cours de sa courte vie, elle aurait pu facilement identifier ce sentiment…

L’amour.

C’était la première fois qu’Anja le ressentait vraiment. Elle avait aimé ses parents, il fut un temps. Mais leur cruauté avait vite effacé cet amour. Anja aimait véritablement pour la première fois, et elle était aimée en retour. Du moins le croyait-elle.

Ce sentiment nouveau lui donna des ailes. Sa timidité s’envola, et elle se surprit à se confier ouvertement à Izaya. Elle lui parla de ses parents sans cœur, de la façon dont elle avait été violemment rejetée par Valériane, de ses Pokémon, et bien sûr, de ses rêves. Izaya l’écouta religieusement, suspendu à ses lèvres, et toujours aussi souriant. Puis, à la fin de son récit, épris de curiosité, il lui posa quelques questions sur ses pouvoirs psychiques, auxquelles elle répondit de façon allusive : à la vérité, elle en savait assez peu sur ses propres pouvoirs.

Un court silence suivit la longue et douloureuse histoire d’Anja. Ce fut Izaya qui le brisa :

– Ma pauvre Anja… Je n’imagine même pas à quel point c’est difficile pour toi… déclara-t-il d’un ton compatissant.

Il posa doucement sa main sur celle d’Anja, dont le visage s’embrasa immédiatement. Elle soutint son regard : il semblait réellement désolé pour elle. Sans attendre sa réponse, il enchaîna d’un ton soucieux :

– Mais alors… Que vas-tu faire maintenant ? Tu vas rentrer chez tes parents ?

– Je suppose… Je n’ai pas vraiment d’autre choix… Je n’ai nulle part où aller… répondit tristement Anja, la tête basse. Même si je n’en ai pas du tout envie, rentrer me semble être la seule solution…

Izaya la contempla quelques instants. Son esprit semblait envahi par le doute. Après quelques secondes d’hésitation, il reprit la parole :

– Ça te ferait plaisir de rester vivre quelques jours à Illumis ? lui demanda-t-il de but en blanc, alors qu’il connaissait parfaitement la réponse.

– Bien sûr que ça me ferait plaisir ! s’anima-t-elle soudain.

Il était rare de la voir si pleine d’entrain.

– C’est quelque chose dont je rêve… reprit-elle plus posément, d’un ton rêveur.

– Je m’en doutais, dit Izaya en souriant. Dans ce cas, j’ai une proposition à te faire. Ce sera ma véritable façon de te remercier pour m’avoir sauvé.

Anja tendit l’oreille, à la fois curieuse et excitée : l’idée de passer quelques nuits à Illumis l’enchantait au plus haut point.

– Tu vois, je suis arrivé à Illumis il y a quelques semaines, dans le but de m’y installer. Je me suis alors mis en quête d’un appartement, et pendant ma recherche, je séjournais au Grand Hôtel Le Crésus. Oui, je sais, je vois les choses en grand, mais j’avais vraiment envie de voir ce que ça faisait de vivre dans le luxe pour quelques jours. J’ai donc dépensé une partie de mes économies pour m’offrir une chambre là-bas pendant quelque temps. Sauf qu’il se trouve que j’ai enfin trouvé un appartement… Mais comme j’ai payé la chambre d’avance, elle est encore à moi pour trois jours. Donc…

Anja avait du mal à comprendre ce qu’Izaya essayait de lui dire. Il… il lui offrait une chambre dans l’hôtel le plus luxueux du monde ? Pendant trois jours ? La gentillesse de cet homme n’avait-elle donc aucune limite ? Elle ne s’en rendait pas compte mais, plus les minutes s’écoulaient, plus Anja tombait sous le charme d’Izaya. Avant même qu’il ait fini de lui exposer son idée, Anja éclata en sanglots.

Mais pour la première fois de sa vie, il s’agissait de larmes de joie. Izaya l’observa d’un air attendri. Peu de temps après, ils quittaient le café, et Izaya accompagnait Anja jusqu’à sa nouvelle chambre d’hôtel. La jeune fille avait l’impression d’être dans un rêve. Mais pourtant, tout était bien réel. Le visage souriant d’Izaya. La façade noire et chic du Grand Hôtel Le Crésus. Son hall blanc qui devait mesurer au moins trois fois la taille de sa maison, avec ses colonnes de pierre et ses somptueux canapés.

Elle ne rêvait pas non plus lorsqu’elle vit l’une des réceptionnistes saluer Izaya avec un sourire séducteur, ce qui éveilla en elle une profonde jalousie. Mais lorsqu’elle emprunta l’ascenseur avec Izaya pour se rendre au premier étage, Anja se sentit privilégiée, dans tous les sens du terme : non seulement parce qu’elle allait séjourner dans un hôtel de luxe, mais aussi parce qu’en ce moment même, elle retenait toute l’attention d’Izaya.

Ils prirent à gauche en sortant de l’ascenseur et se retrouvèrent bien vite devant une luxueuse chambre que l’on pouvait déjà apercevoir depuis le couloir : en effet, étrangement, les chambres de l’hôtel ne disposaient pas de portes : on rentrait dans les chambres par une ouverture conçue directement dans le mur. « Pas le summum de l’intimité, ni de la sécurité, je sais… » commenta Izaya en riant alors qu’ils entraient dans la chambre.

Anja fut émerveillée par la beauté de la spacieuse chambre qui s’offrait à elle : un immense lit à la couverture brune, avec un dessus de lit orange, deux canapés blanc et or autour d’une table violette à bordure dorée, une télévision à écran plat, un immense dressing composé de trois armoires blanc et or… C’était la chambre la plus incroyable qu’Anja n’avait jamais vue. Elle songea un instant qu’elle ne la méritait pas. Puis elle jeta un regard à Izaya. Il semblait ravi de lui faire ce cadeau. Dans ce cas, elle l’était aussi. Elle comptait bien profiter de chaque seconde qu’elle était autorisée à passer dans le plus bel hôtel de tout Kalos.

Tout cela lui semblait surréel.

– J’espère que tu seras bien ici, déclara Izaya, adossé au mur du seuil de la chambre.

La voix du jeune homme la ramena brusquement sur terre.

– Je n’en doute pas… répondit doucement Anja. Merci infiniment, Izaya…

– Je t’en prie, c’est la moindre des choses, enfin. Tu m’as quand même sauvé la vie. Qui sait ce qui aurait pu se passer si ce Cabriolaine m’avait percuté…

– Je ne préfère pas y penser, frissonna Anja en secouant la tête.

– Enfin, n’en parlons plus. Tout est bien qui finit bien ! Je vais te laisser t’installer maintenant. Tous les repas sont inclus, tu peux donc manger sans problème au restaurant de l’hôtel, j’ai tout réglé avec la réception. Ils ont même consenti à te fournir du linge propre et un nécessaire de toilette. Tu as tout ce qu’il te faut. Alors passe une bonne nuit, douce Anja, lui souhaita-t-il en lui pinçant délicatement la joue.

La jeune fille tressaillit à ce contact et rougit instantanément. Pourquoi faisait-il tant pour elle ? Comptait-elle à ce point pour lui ? Alors qu’ils se connaissaient à peine ? Elle l’espérait de tout cœur.

– Merci, vraiment… Mais… tu t’en vas déjà ? On… On se reverra, hein ? demanda Anja d’une toute petite voix.

– Haha, mais bien sûr qu’on se reverra ! Tiens, d’ailleurs, tu me fais penser… Laisse-moi t’offrir ceci… dit-il alors qu’il farfouillait dans sa besace marron.

– Encore un cadeau ? Mais… voulut protester Anja.

– Ah mais celui-là est particulier ! Il nous permettra de rester en contact ! affirma-t-il avec enthousiasme tandis qu’il lui collait un appareil électronique rouge dans les mains.

– Un Holokit ? fit Anja sans comprendre.

Elle n’avait jamais eu ce genre d’appareils branchés, mais elle savait au moins les reconnaître. On ne s’en servait que dans les grandes villes, car non seulement ils étaient bien trop chers pour les habitants d’une petite bourgade comme Romant-sous-Bois, mais ils étaient aussi d’une utilité limitée : le village n’était pas si grand que ça, alors à quoi bon communiquer à distance ?

– Oui ! Comme ça, on pourra s’envoyer des messages, expliqua-t-il en brandissant son propre Holokit vert attaché à son cou. Je t’en enverrai très vite pour qu’on se revoie. D’accord ?

– Oui… D’accord ! acquiesça Anja, aux anges.

Elle serrait le Holokit contre son cœur, bien décidée à ne jamais le lâcher. Elle était si heureuse qu’elle en oublia de se demander pourquoi Izaya possédait deux Holokit. La logique ne suivait plus son cours dans l’esprit d’Anja. Toute idée de cohérence était recouverte par un voile doucereux nommé Izaya.

– Sur ce, je te laisse ! Bonne nuit, ma chère sauveuse ! la salua le concerné.

– Bonne nuit… Izaya… répondit Anja d’un ton rêveur.

Puis il disparut tel un mirage. Cette nuit-là, Anja dormit d’un sommeil léger, plongée dans de doux rêves et des draps soyeux. Cependant elle fut brusquement réveillée par la sonnerie intempestive de son tout nouveau Holokit. Son cœur se mit à battre à tout rompre : c’était Izaya ! Il voulait la voir ! Elle se leva en trombe et s’empara de l’appareil qu’elle avait soigneusement posé sur la table violette qui se trouvait à la droite de son lit.

Elle joua aussitôt le message, qui était accompagné d’une carte holographique d’Illumis avec un itinéraire tracé dessus. Le visage souriant d’Izaya proclama alors le message suivant :

« Bonjour, très chère Anja. J’espère que tu as bien dormi. J’aimerais que tu me rejoignes à cette adresse à dix heures, s’il te plaît. J’ai hâte de te revoir ! Ah et aussi… »

« J’ai une surprise pour toi ! »