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» Auteur : Serekai - Voir le profil
» Créé le 05/08/2020 à 00:11
» Dernière mise à jour le 09/09/2020 à 17:38

» Mots-clés :   Aventure   Présence de personnages du jeu vidéo   Sinnoh

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Chapitre 6 : Une provinciale à Féli-Cité
Lorsque les semelles de caoutchouc protégeant mes pieds douloureux touchèrent du bitume cerné par une margelle de béton, en lieu et place de la sempiternelle terre couverte de feuilles, mon cœur bondit.

Je l'avais fait !

La satisfaction m'envahit presque aussi intensément que l'odeur de pollution teintée de rouille et d'huile flottant sous le pont de la rocade faisant le tour du sud de la ville.

J'avais atteint la plus grande ville par mes propres moyens. J'étais enfin arrivée dans la capitale !

Il ne s'était rien passé de bien notable sur le reste du chemin. Les trois derniers jours avaient été presque monotones, faits d'une simple marche, associée avec des entraînement de mon équipe. Quelques pokémon sauvages avaient fait les frais de mon voyage, mais j'avais fais en sorte de ne pas les estropier, ni de les mutiler lorsque je le pouvais. Les seuls que j'avais tués avaient fini en nourriture pour mes deux goinfres en pleine croissance.

Maintenant que je repensais à ce voyage, mes doigts bougèrent imperceptiblement en direction de mon sac, caressant une bretelle. J'avais tout de même trouvé une bouteille de potion de soin au sol, près d'un lieu idéal pour planter ma tente, sans doute perdue par un dresseur négligent. Le fait qu'elle soit encore dans son emballage stérile m'avait convaincu de la ramasser. Au moins, ça faisait une petite économie.

Ma première destination était soigneusement balisée par les panneaux rouges fléchés à chaque carrefour, avec de petites gravures sur les socles de métal de chaque réverbère.

Je me dirigeai vers le centre pokémon avec un pas résolu. Malgré la fatigue, ma priorité était de m'assurer du bien-être de mes compagnons. Bien sûr, j'étais également alléchée par la perspective de me laver. Les lingettes à l'alcool étaient bien utiles pour conserver un minimum d'hygiène personnelle, mais n'avaient pas le charme d'une bonne douche chaude.

Après quarante minutes de marche, je pus enfin franchir les portes automatisées du vaste complexe bâti sur trois étages et qui pourrait sans problème engloutir plusieurs fois le laboratoire du professeur Sorbier. Malgré son imposante taille, le centre était bondé, pas comme celui de Littorella. Des dresseurs patientaient debout, d'autres étaient assis le long des murs. L'infirmière de l'accueil les guidait du mieux que possible, mais cela n'empêcha pas que je dus attendre plus de dix minutes, juste pour pouvoir lui confier mon équipe.

Juste après avoir laissé mes compagnons, je me dirigeai vers les sanitaires. Les douches étaient libres et je pus m'offrir le plaisir d'une douche revigorante. Je laissai l'eau chaude glisser sur mes épaules et mes jambes endolories, que je massai avec un savon à l'odeur de lavande. Ce petit moment de détente fut une vraie rupture, alors que je me sentais fraîche et revigorée, tandis que j'enfilai un chemisier bleu et une jupe longue assortie. Une fois rhabillée, je jetai pêle-mêle mes tenues sales dans une des grosses machines de la laverie automatique, avant de rejoindre l'infirmière.

Une fois au comptoir, présentant ma carte de dresseuse pour vérifier mon identité, la femme en robe blanche me sourit, m'emmenant près de mes compagnons. L'infirmière aux cernes visibles ne se départit pas de son amabilité, alors qu'elle me montra un petit enclos ou mes compagnons attendaient.

- Ils sortent tout juste de leur séance de régénération thérapeutique. Malgré leur jeune âge, ils sont forts et vigoureux, c'est une équipe en pleine forme physique ... bien qu'avec encore des réflexes dus à leur récente capture. Je peux voir qu'ils sont bien traités et au grand air, me complimenta la doctoresse.

- Merci beaucoup. Ils sont précieux à mes yeux, ce sont mes compagnons de voyage et j'ai envie de vivre cette aventure en leur compagnie. Je tiens à eux.

Juste après, je pris la route de la cafétéria. Je pris quelques bols de la réserve, laissés en libre service, avant de verser des croquettes concentrées à mes camarades. J'allais leur offrir un dîner copieux, qu'ils n'auraient pas besoin d'aller chercher par eux mêmes. L'addition me fit grincer des dents, cette nourriture riche avait son prix.

Tandis que mes pokémon étaient en train de manger dans les écuelles de plastique rouge, je restai à leurs côtés, assise, les caressant doucement et leur parlant avec affection. A force de les voir se remplir la panse, mon estomac gargouilla.

- Je reviens dans deux minutes, leur dis-je avant de rejoindre la pièce voisine et de commander un bref dîner auprès du personnel du centre, imitée par d'autres dresseurs d'âge variable.

C'était agréable de manger avec mes pokémon. J'avais même dédaigné les tables, m'installant sur une vieille nappe à carreaux, pour être la plus proche possible de mes compagnons.

Le plat d'épinards cuits dans la barquette de plastique avait un aspect étrange, mais pas désagréable à manger. Je n'étais pas la seule à avoir commandé un plat simple de nourriture industrielle. Autour de moi, quelques jeunes dresseurs déjeunaient sur une table. Ils étaient en train de se bâfrer de burgers au fromage coulant et deux Machoc faisaient un concours de vitesse pour dépasser un Goinfrex qui dévorait des sushis. Plus loin, j'aperçus un homme vêtu d'un imperméable beige, appuyé contre le mur du fond, terminant un sandwich contenant des tomates et de la laitue. Son Cradopaud était à ses cotés, attrapant des morceaux noirs dans son bol, sa longue langue happant les abats odorants avec précision.

La complicité entre le maître et le dresseur fit plaisir à voir. Leurs petits échanges non verbaux, les gestes d'affection … c'était beau. Amazonas m'adressa un regard et je caressai doucement son bourgeon. Rêveuse, je consommai l'intégralité du plat, avant de jeter la barquette d'aluminium vide dans un bac à déchets recyclable et d'aller me coucher.

Le lendemain, dès l'aube, mes pokémon étaient déjà réveillés. Tortipouss était en train de prendre le soleil printanier, profitant de la lumière franchissant le rideau mal baissé. tandis que les deux autres étaient perchés en hauteur. L'un était perché en équilibre sur les cintres, l'autre sur un meuble.

Le sifflement régulier et agaçant de mon Etourmi me réveilla. Il jouait avec régularité, mais sa note était souvent diésée, l'altération de la mélodie étant irrégulière et cette discordance harmonique était agaçante.

- Bon, j'ai compris, alors que Châtaigne siffla une énième trille. J'y vais, je me lève.

Il me regarda avec un petit éclat malicieux dans ses yeux. Sale petit manipulateur ...

Il se posa sur mes cheveux encore emmêlés, s'installant dans ma tignasse, alors que je prenais mon temps pour me préparer.

En ce beau jour d'avril, je voulais faire un tour en ville, pour la découvrir plus en détail. Le centre ancien semblait particulièrement intéressant à mes yeux. Le style des quartiers était radicalement différent des tours et des constructions de béton et de verre qui longeaient l'avenue de la Cinquième Internationale et j'aimais voir ces vieilles pierres, chargées de la majesté donnée par le temps. Mon désir se vit rapidement concrétisé, alors que je bifurquais sur la Chaussée du Général Yoseon. A mes yeux, les pierres de taille et la brique avaient plus de noblesse que le béton et l'acier. Des pavés s'étendaient au sol, renforçant l'aspect minéral de ce centre, bien que le mortier servant de liant soit parfois effrité et que nombre de pavés présentaient un aspect lisse et patiné.

Après une demi-heure de marche, à observer les bâtiments anciens aux pilastres et aux balcons bien ornés de bas-reliefs représentant des Roucoups en chasse et des bannières ornées de noms anciens et avec leur noble histoire, un portail de fer forgé m'attira.

La plaque de cuivre apposée contre le mur informait tous les passants qu'il s'agissait d'une prestigieuse école de dresseurs privée, mais fort heureusement, la bibliothèque était accessible à certaines heures. Le bâtiment était en retrait, dominant la rue avec son grand portique arrogant, comme un vénérable temple du savoir. A côté de ce grand lieu d'érudition, l'école à Bonaugure était un modeste préfabriqué au toit couvert de tôles, transformant les deux salles de classe en fournaise durant les jours de forte chaleur.

J'étais allée à l'école, comme la plupart des enfants, je n'étais pas une ignare analphabète. Cependant, le système scolaire ne nous apprenait que les bases, comme lire et compter. Pour la gestion d'un pokémon et toutes les tâches de dressage et de soins, il fallait se débrouiller avec des reportages et des livres, ainsi qu'avec les astuces transmises par nos parents. Les établissements payants comme celui-ci allaient plus loin, offrant une formation plus approfondie pour les aspirants dresseurs, du moins pour ceux ayant les moyens de payer les exorbitants droits d'inscription s'élevant à des sommes à six chiffres par an. Pour les chanceux ayant accès une telle éducation, ces lieux avaient l'opportunité de disposer de bibliothèques assez étoffées, donnant des avantages que n'avaient pas les provinciaux dans leurs villages perdus. Pour moi, ce serait l'occasion de récupérer quelques informations sur les environs et surtout, d'obtenir une carte détaillée de la région.

Le portail gris orné de pointes surmontant des pokéballs était ouvert, donnant sur une cour ou stationnaient de nombreuses voitures, tandis qu'une passerelle surplombait l'ensemble, s'élevant vers le grand hall.

Le fronton triangulaire était orné d'une statue représentant le fondateur de l'institution, ainsi que l'un de ses enseignements, gravé dans le calcaire : « Vénérable Arceus, que vous êtes bon de m'avoir montré votre beauté dans les pokémon. »

A l'intérieur du hall aux murs marbrés, le carrelage du hall était irrégulièrement usé. Les escaliers étaient encore plus révélateurs de la flemme des étudiants, puisque les marches étaient lisses et creusées, en particulier vers l'intérieur des colimaçons.

Comme les autres, je coupai à la corde, gardant une main sur le garde fou, avant de me rendre vers la bibliothèque, soigneusement fléchée. L'aile ouest était bloquée, interdite à ceux n'ayant pas leur carte d'étudiant et les vigiles étaient déterminés à ne pas laisser quiconque troubler le travail des élèves ... dont les parents payaient cher pour obtenir des résultats.

La section de travail était plus récente, des traces de réaménagement étaient visibles dans les murs récemment repeints. De plus, plusieurs vieilles cloisons entre les arcades avaient été abattues et remplacées par du verre, rendant l'intérieur plus lumineux. Ces portes translucides donnaient sur de nombreux rayonnages, qui faisaient saliver d'envie toute personne un tantinet attirée par la lecture.

Au milieu des élèves qui travaillaient avec plus ou moins de sérieux, il y avait quelques personnes plus âgées qui semblaient faire des recherches. Après quelques instants à déambuler près des tables, je reconnus la tignasse châtain de Lucas, qui feuilletait des livres, tout en prenant des notes sur trois carnets.

Sans faire trop de bruit, je le saluai en lui serrant la main et m'assis à la table, curieuse. Son expression surprise et polie me rassura, m'incitant à engager une brève conversation. Je n'aimais pas trop déranger les gens, ni même m'imposer.

- Tu travailles sur quoi ? l'interrogeais-je, vraiment intéressée par les travaux qu'il reprenait.

- Je veux vérifier des données sur Sancoki, répondit-il en tournant les pages, un crayon à la main, reprenant d'anciennes données pour les comparer à ses chiffres. Et toi ? Qu'est-ce qui t'amène ici ?

- Je viens chercher des cartes, expliquais-je. Je ne veux pas un atlas complet, juste une carte détaillée de la région ... ainsi que regarder quelques éléments sur Torterra.

Il hocha de la tête, admettant que c'était moins cher et plus pratique que de transporter un épais livre. D'un geste de son stylo plume, il m'indiqua la cartothèque, ou une jeune femme vendait les précieux documents pour une somme modique.

Je fis mes achats, prenant deux bonnes heures pour faire un peu de lectures complémentaires.

La grande encyclopédie de l'excellent Nikolaï Albov était riche en données, avec des analyses de différents spécimens de Torterra. Apparemment, la nature des végétaux sur leur carapace dépendait de leur origine, en raison de la fécondation, mais pouvait évoluer en fonction des pollens captés par le bourgeon de Tortipouss.

Mes lectures étaient passionnantes, jusqu'à ce qu'un bâillement ne me décide à refermer l'encyclopédie et à retourner prendre l'air.

En ressortant de la bibliothèque, une femme aux cheveux d'un bleu profond me coupa la route. Son pas décidé et la nature du lieu parvinrent à empêcher ma grande bouche de lui adresser un commentaire des plus désagréables. Je me contentai d'un regard désapprobateur qu'elle ne vit jamais, avant de quitter les lieux.

En repassant dans le hall, je pus voir que la cour était plus animée que tout à l'heure. Des élèves jouaient sous le préau, courant et piaffant avec leurs rires ressemblant parfois à ceux d'un Férosinge. D'autres discutaient sur l'herbe, tandis que les plus âgés faisaient des combats, pour le bonheur de leurs cadets. Une toison blonde familière se distinguait parmi les novices, me faisant rouler des yeux.

Robin était déjà présent dans la cour, en pleine discussion avec des jeunes de l'académie. Il avait vraiment le don de se lier facilement d'amitié avec les gens et d'engager la conversation avec n'importe qui. C'était naturel chez lui, il avait un bagout incroyable avec les autres.

- Alors, tu ne peux vraiment pas t'en empêcher ! le hélais-je en avançant dans la cour, sous le regard d'un des enseignants.

- Quoi ? feint-il avec un inhabituel calme. Je voulais un peu m'entraîner, c'est tout. Mais il faut encore que j'aille chercher d'autres pokémon aux alentours. Ensuite, je pense que je vais aller à Charbourg. C'est la ville avec une arène la plus proche et je vais pouvoir endurcir les pokémon que j'ai attrapés. Retenez mes mots, les enfants. Je suis en passe de devenir le plus grand dresseur de tous les temps § D'ailleurs, ça vaut aussi pour toi, Liz !

Il me salua tout en s'éloignant, souriant. Je me doutais qu'il avait du se faire battre par quelques aînés, puisqu'il n'aurait pas été aussi peu bruyant et incertain en temps normal.

Un des enfants présents me regarda, trépignant d'impatience. Il semblait vouloir se battre. Il était jeune, mais il avait un pokémon avec lui. Les étudiants de ces écoles recevaient leur premier pokémon de façon prématurée, mais en contrepartie, ils étaient soumis à une réglementation plus stricte. Une expulsion suite à un conseil de discipline signifiait la saisie de leur pokémon. C'était une sanction cruelle, mais qui les forçait à être responsabilisés dès leur prime jeunesse.

Comme je pouvais m'y attendre, le pokémon qu'il envoya contre moi était un Keunotor. Les premiers compagnons distribués à ces jeunes étaient des pokémons courants. Ils avaient l'avantage d'être assez dociles, en faisant des êtres aisés à capturer et à dresser.

J'envoyai Amazonas, qui observa son adversaire. Il m'adressa un coup d'oeil, comme pour me demander si il devait y aller à fond.

- Charge le et mets le K.O. N'y vas pas trop fort, précisais-je bien, me rappelant encore de mon erreur tragique lors de mon premier combat au lac Vérité.

Amazonas et le Keunotor échangèrent quelques charges limitées en terme de puissance. Cependant, après un troisième choc frontal, ma tortue fit une chose que je n'avais pas prévue.

Alors que Keunotor chargeait et reculait, Amazonas ouvrit son bec et saisit la boule de fourrure à la patte antérieure gauche. Sa fleur se dressa et sembla luire, alors que le castor se débattit vainement, gémissant pour échapper à la prise.

Keunotor tomba au sol, bougeant de plus en plus lentement à mesure que ses forces l'abandonnaient. Mon pokémon cessa sa morsure et libéra son ennemi.

Le rongeur regarda son dresseur, poussant un cri plaintif. Ses amis l'incitèrent à poursuivre la lutte, criant au Keunotor de se relever. Le jeune hésita, mais face à l'état de santé de son pokémon, il réalisa qu'il n'avait plus d'autre choix que de rappeler son compagnon.

Un des marmots me déclara vainqueur et mon adversaire me donna une pièce d'une valeur infime, mais la symbolique l'emportait.

Je caressai la tête de mon reptile, qui trotta vers moi pour se blottir dans mes bras. Sa pousse semblait revigorée par l'attaque et dégageait une odeur que j'eus du mal à identifier. Ca ressemblait à du thym.

- Bon combat, bien que très classique sur la forme et simple dans sa réalisation, déclara un enseignant qui observait la scène. Cependant, vous ne vous attendiez pas à ce qu'il utilise l'attaque Vol-Vie.

- Non, en effet, répondis-je en ne voyant pas l'intérêt de mentir.

L'homme aux traits ronds et au léger double menton avait sûrement du examiner mes expressions et déduire certaines choses.

- J'ai pris la liberté de filmer l'échange et je compte m'en servir pour un exercice d'analyse simple. Il s'agira de traiter des résistances biologiques du squelette, mais également de la question de l'attitude du dresseur. Je pense que le sujet de la passivité comme source d'échec ou d'autonomie pourra faire un intéressant sujet de devoir d'ici peu, laissa t-il entrevoir. Mais excusez-moi, Mademoiselle. Cela vous gêne t-il si je diffuse votre visage ou que je donne votre nom ?

- Pas du tout, monsieur. Je m'appelle Elizabeth Noyer, si vous voulez utiliser mon nom complet.

Je pris congé de l'enseignant qui lissa sa chemise carrelée, avant de repenser à l'expression attristée du jeune garçon au yeux tristounets que j'avais si facilement battu.

C'est assez étrange, comme sentiment, je devais bien l'admettre. Il y a encore une semaine, j'étais aussi gauche et timide qu'eux et voila que je semblais gagner en confiance et en maturité. Je n'étais pas non plus une experte, loin de là, mais je me sentais un peu moins … novice.

Je savais cependant que le champion de Charbourg serait un tout autre adversaire. Il serait plus coriace, ayant des standards à respecter.

En quittant l'école, je percutai un homme qui marchait en sens inverse. Les angles des rues étaient traîtres, surtout quand on allait vite et qu'on ne regardait pas forcément devant soi. J'étais assez gauche et me confondis en excuses. L'homme aux cheveux grisonnants en fit de même et repartit très vite. J'eus juste le temps de remarquer l'étrange carte plastifiée en partie enfouie dans une poche stratégiquement cousue au revers de son imperméable.

Le centre ville était bien aménagé, avec ses jardins séparés par des quartiers traversés par des boulevards. Dans un des parcs, un homme jouait du djembé, tandis qu'un autre tendait des prospectus aux badauds de passage.

Il m'appela de loin et ma politesse fit que je n'allais pas l'envoyer promener, du moins pas immédiatement. Châtaigne lui adressa un regard hautain, piaffant.

- Bonjour demoiselle ! me salua le clown d'un ton jovial en avançant dans son costume un peu serré. Vous êtes dresseuse, cela ne trompe pas ! Eh bien, sachez que j'ai l'accessoire parfait pour vous : une pokémontre ! Ergonomique, pratique, discrète et élégante, elle est parfaite pour tout dresseur ! Vous en serez satisfaite !

Il me fit son baratin pendant deux autres minutes, avant que je ne le coupe.

- Combien ça coûte ? osais-je enfin demander.

- La bagatelle de 25 000 pokédollars, m'annonça t-il avec l'expression de quelqu'un pour qui ce n'était rien.

Je décidai de mettre un terme à la discussion, n'ayant aucunement les moyens de m'offrir un tel concentré de technologie. Alors que je me détournai, il me retint, ses doigts épais se posant autour de mon épaule.

- Nous faisons actuellement actuellement une campagne de promotion ! tenta t-il en me tendant un billet de loterie doré, orné du logo de la compagnie Pokemontre S.A. Allez-y, laissez vous tenter ! Il ne coûte que cinq pokédollars.

C'était un banal jeu à gratter, je n'avais qu'une chance infime de gagner. Mais … je me laissai tenter par son offre.

Avec mon ongle, j'éraflai la surface argentée du ticket, découvrant les différents symboles. Trois montres alignées.

L'homme fut surpris par ce résultat, mais cette expression céda la place à un grand sourire.

- Eh bien, c'est un ticket gagnant, petite mademoiselle ! annonça t-il d'un ton enjoué.

Sur ces mots, il fouilla dans son gros sac orné de sponsors, me donnant une montre enveloppée dans un sachet plastique, ainsi qu'une notice.

Sur ses insistants conseils, je la mis à mon poignet droit. J'étais droitière, alors je trouvais pratique d'avoir cet objet sous mes yeux lorsque je faisais une action. Je testai la première fonction suivant l'affichage de l'heure, pour me rendre compte que l'outil pouvait se connecter à ma ceinture. Ma montre permettait de consulter l'état de mes pokémon en se connectant à l'outil d'analyse intégré à ma ceinture de pokéballs.

- Merci, répondis-je en m'éloignant du parc, laissant l'homme à son boniment, cherchant à happer d'autres badauds.

J'étudiai ma nouvelle acquisition, désireuse de la découvrir davantage. A bien y regarder, cet outil avait une ergonomie limitée, en raison de sa taille. La carte était réduite et bien moins lisible que la version papier que j'avais achetée deux heures auparavant. Les autres fonctions me semblaient tenir du gadget pour attirer le chaland, mais elle restait tout de même pratique pour avoir l'heure.

Mes pokémon et moi, nous restâmes sur un banc, à profiter un peu de la fin de la journée. J'ôtai mes chaussures, laissant mes pieds respirer, m'étirant pour prendre tout l'espace disponible.

Fernando tourna la tête vers mes orteils et me regarda avec une sorte de dégoût, bondissant pour se percher sur le banc. Il m'observa d'un œil hautain, se couchant pour profiter du soleil et de l'air frais.

Amazonas était couché dans l'herbe, grignotant quelques bruns d'herbe et Châtaigne m'adressa un regard insistant.

Je compris ce qu'il voulait après quelques secondes et je tendis le bras. Il se posta sur mon avant-bras, fier et audacieux. Il écarta ses ailes, les battant nerveusement, avant de sauter.

Il plana à peine, pépiant de crainte avant de mal maîtriser son premier vol. L'oiseau piqua à la verticale en direction du sol et je plaçai mes mains, rattrapant mon gros poussin avant qu'il ne heurte le sol.

Il me remercia d'un petit gazouillis, avant de me fixer avec son regard de prédateur. Il voulut réessayer et … je ne pus dire non à cette expression de détermination.

Sa seconde tentative fut toute aussi infructueuse, bien qu'il eut le réflexe d'écarter ses rémiges et de battre frénétiquement des membres, bien que très irrégulièrement.

Pendant qu'il s'exerçait, je pris une des baies prine que j'avais ramassées la veille dans un arbuste, la tendant à mon oiseau. Il la sentit, reculant légèrement la tête, comme s'il se méfiait. Puis, d'un coup de bec, il la rejeta vers le sol. Son mouvement fut précis, je ne l'avais même pas vu venir !

La baie tomba dans les herbes, roulant sur un bon mètre. A ce moment, je le vis se tendre, aux aguets. Son attitude était intrigante, tandis qu'Amazonas s'approcha de la baie. L'herbivore regarda Châtaigne et émit un léger son, agitant sa pousse en un mouvement régulier.

C'était curieux comme comportement. Ces deux-là semblaient coopérer instinctivement, échangeant de petits cris. Je pris mon pokédex, pour enregistrer cette scène et rédiger une brève note au professeur Sorbier. J'étais certaine que ça pourrait l'intéresser et s'il connaissait ce phénomène, il pourrait m'éclairer davantage.

Quelques minutes après, un Aspicot sortit des buissons du parc, sans nul doute attiré par l'odeur de thym émanant de mon pokémon. Il avança vers la baie rouge, peu vigilant, tandis que Châtaigne sautilla. Il agita les ailes, tentant de voler, réussissant à voleter lourdement et maladroitement, avant de tomber dans l'herbe, le ventre le premier. Le son de ses plumes fit tourner la tête de l'insecte, qui regarda autour de lui. Il s'aperçut qu'un prédateur lui tombait dessus, son bec se plantant dans la peau tendre à la base de la tête.

Châtaigne décapita le ver, se repaissant du corps, arrachant des lambeaux blanchâtres. Il pépia un remerciement à l'adresse d'Amazonas, qui fit un léger signe de la tête, l'œil torve.

Quelques instants plus tard, un autre Etourmi se dirigea vers le corps en piquant depuis le ciel. Il était bien plus gros que Châtaigne et semblait bien déterminé à voler une part du butin, sans avoir à chasser lui-même sa proie. Ces rapaces n'étaient pas que des prédateurs, c'étaient aussi des charognards et des profiteurs malins et culottés.

Châtaigne écarta les ailes, voulant se rendre plus intimidant, mais cela ne sembla pas vraiment impressionner l'autre volatile. Il avait l'air plus gros et plus expérimenté, sans doute confiant dans ses capacités à battre ce jeunot. Amazonas poussa un coassement, indiquant qu'il était totalement étranger à cette querelle, retournant manger la baie.

A ce moment, les deux pokémon volants se faisaient face, déterminés à combattre pour le repas. Immobile, je vis Fernando lever la queue, observant la scène du coin de l'oeil. A cet instant, il n'était plus du tout endormi, son œil vif notait chaque détail.

Ses poils se hérissèrent, tandis que l'électricité qu'il produisit tendit brusquement ses muscles. Il fut comme propulsé du banc, bondissant, les grilles en avant.

Ses pattes antérieures agrippèrent le gros oiseau, tandis qu'il mordit sa cible dans le ventre mou, arrachant les tissus fortement vascularisés des viscères. L'Etourmi sauvage se débattit, mais au vu de la taille de la plaie, il ne s'en sortirait pas.

Le volatile avait des mouvements de plus en plus mous. Fernando ne le lâchait pas, ses pattes entourant le cou de l'oiseau, alors qu'il avait réussi à se contorsionner pour que ses jambes agrippent le bas du corps de son repas.

Implacable, le chat attaqua, dévorant l'oiseau, attaquant les parties blanches les plus tendres.

C'était cruel, mais dans l'ordre des choses. J'étais dégoûtée de voir ce carnage, l'odeur de sang et de charogne souillant le poil de Lixy, mais une part de moi était fascinée par cette violence crue. C'était la vie dans son expression la plus simple et la plus pure, la loi de la survie … tuer ou être tué.

Mes deux pokémon se focalisèrent sur leurs repas, ne s'embarrassant aucunement des considérations morales qui me traversaient l'esprit. Il n'y avait aucune hésitation dans leurs gestes, dans la façon d'arracher la viande de la façon la plus efficace possible. C'était l'instinct du tueur qui les animait à cet instant.

Pourtant, une fois qu'ils en avaient terminé, ils redevinrent les compagnons placides qu'ils avaient tendance à être. L'oiseau quémanda pour revenir sur mon épaule, tandis que les deux quadrupèdes se collèrent à moi sans rien demander. Fernando s'installa même sur mes genoux sans rien dire, m'adressant juste un regard noble et hautain, comme s'il était normal que je sois l'oreiller de Monsieur et que je devais même être honorée d'être digne de sa fourrure maculée d'abats.

Eh bien mon petit, tu vas voir …

Je pris ma pokéball, le faisant revenir à l'intérieur de la boule. Lorsqu'il fut happé par le faisceau, il me regarda, l'air contrit.

Je rappelai Amazonas, ainsi que Châtaigne, quittant le square pour me diriger vers la boutique la plus proche. Je ne me souciai pas des restes dans le buisson. un Ratentif, un Rattatac ou un Miamiasme s'en chargeraient avant l'aube.

L'intérieur des boutiques était empli de produits en tout genre. Nourriture, brosses, accessoires … c'était le paradis pour un dresseur. Bien évidemment, une part des articles était sous clef et d'autres rayons étaient étiquetés avec des codes de couleurs.

Des hyperballs, des guérisons me faisaient de l'œil, mais mes maigres fonds m'empêchaient d'y accéder.

Je me résignai à sélectionner quelques potions et antidotes, produits de catégorie 1. Les seuls auquel j'avais droit en fait, au vu de mon statut de débutante. Je dus dépenser presque la moitié de mes fonds pour me faire un stock conséquent, mais je savais que les choses allaient se corser d'ici peu. Je ne tenais pas à prendre le risque de me retrouver en manque de matériel de soin sur la route, surtout si je devais faire face à des dresseurs plus retors que les gosses du coin.

Après avoir bien marché, je décidai de revenir au centre pokémon et de louer une chambre pour la nuit. L'infirmière de garde me demanda à peine 50 pokédollars pour la pièce, un prix très abordable. Ma mère avait toujours insisté sur l'importance d'une bonne nuit de sommeil et je ne l'avais jamais contredite là-dessus.

De toute façon, j'aimais beaucoup dormir.