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Jusqu'à ce que les dunes cessent de chanter de Ramius



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Informations

» Auteur : Ramius - Voir le profil
» Créé le 08/07/2020 à 00:44
» Dernière mise à jour le 09/07/2022 à 17:29

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Aventure   Conte

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Chapitre 4 : Le Chien des Enfers
Le soleil, au zénith, écrasait le désert sous sa lumière et sa chaleur. Sa présence tordait l’air lui-même, qui ondulait dans la fournaise comme un Serpent-Tempête dans son nuage de sable. Des vaguelettes déformaient le monde entier ; les dunes, les tentes, l’arbre. Seul ce dernier semblait supporter la chaleur : là où le désert tremblait, lui s’agitait doucement dans une petite brise, ses feuilles bruissant de plaisir en absorbant goulûment la lumière. Sa présence offrait un peu d’ombre et une relative fraîcheur.

Bientôt, Yspèri se laisserait aller à l’apathie caractéristique des après-midis. En attendant, il y avait quelques passants devant la tente au crâne de Chien des Enfers.

Gorbak y avait invité son frère d’armes en visite, un homme un peu plus vieux que lui appelé Laren. Pas à l’intérieur, bien sûr, ils étaient accroupis devant le rabat, partageant quelques lanières de viande séchée que Laren avait tenu à offrir à Gorbak pour son accueil. Ce dernier aurait compté lui rendre la pareille au soir venu, mais Laren ne comptait pas rester. Il était venu chercher du renfort.

« Tu sais quoi, sur ce laboratoire ? demanda Gorbak après avoir avalé une bouchée rude comme du cuir.

— Pas grand-chose, comme toujours quand on en trouve un. À une quarantaine de kètres à l’est.

— On partira tout à l’heure pour leur tomber dessus pendant qu’il fait encore chaud. »

Cela ressemblait à une question, mais Laren ne répondit pas, en faisant une affirmation. Il n’y avait pas tout un conte à faire de cette simple attaque de laboratoire : ce n’était peut-être pas une routine, ce genre de structure étant très rare et difficile à trouver, mais ça ne promettait aucune difficulté. Rien ne pouvait constituer une défense suffisante contre la charge d’un Démon des Sables, alors deux…

Les laboratoires comptaient plutôt sur leur autonomie et essayaient de s’établir à l’écart de toute communauté, pour rester discrets. Celui-ci aurait été à deux jours de marche à pied. Malgré les atouts des Guerriers des Sables, leur épée et leur monture, le désert était bien assez vaste pour abriter des milliers de ces laboratoires, même s’il n’y en avait peut-être pas autant. Aussi Gorbak était-il plutôt satisfait de pouvoir en nettoyer un.

***
Margar ne possédait pas énormément de choses ; il n’y avait rien d’autre à posséder absolument, dans ce désert, qu’une tente, un couteau et une gourde. À peu près. Elle avait bien sa science, aussi, mais cette dernière ne prenait pas beaucoup de place quand il s’agissait de faire ses bagages (aucun objet de nature scientifique, évidemment). Aussi, elle n’avait pas besoin de longtemps avant de partir. Pas de flûte taillée avec amour et une dose d’équations tordues à emballer soigneusement, pas de tapis aux motifs en pavages géométriques apériodiques à rouler. Rien qu’une tente à transformer en sac.

Elle partait d’Yspèri à l’heure la plus chaude, celle à laquelle on ne la suivrait pas.

Ce n’était pas nécessairement définitif ; elle songeait certes à quitter ce village, qui ne tarderait pas à lui rappeler son frère d’une façon trop désagréable, mais pas forcément immédiatement. Ce serait suspect, déjà, ce n’était pas nécessaire, ensuite. Le Guerrier ne l’avait pas remarquée pendant près d’un an, ce n’était pas parce qu’il avait attaqué un laboratoire qu’il la verrait enfin.

Non. Si elle partait, c’était pour aller observer son éclipse de Bételgeuse. Elle devait avoir lieu le soir même : pas un événement renversant, mais Margar apprécierait certainement de passer une nuit dans le désert à observer les étoiles.

Elle espérait qu’elle ne serait pas seule. Les calculs qu’elle avaient faits lui avaient fourni un lieu, sept dunes plus loin au nord. Assez loin du village pour être invisible sans feu. Si un autre membre du Sèmèrès habitait Yspèri et avait fait les mêmes calculs, Margar le trouverait là-bas. Un système bien pratique pour former des couples de scientifiques.

Cela faisait des années qu’elle était toujours seule. C’étaient des choses qui arrivaient. En attendant, elle essaierait ce soir encore. Elle partirait à l’heure où personne ne la verrait, un moment après les deux Guerriers des Sables, et reviendrait le lendemain à l’aube. Son absence au repas du soir passerait inaperçue : elle avait la sage habitude de ne pas toujours parler aux mêmes personnes. L’habitude, en fait, de toujours pouvoir disparaître s’il le fallait.

***
Deux flèches d’azur fendaient le sable, ravageant le délicat tracé des dunes derrière elles. Les Démons n’étaient pas plus violents que d’habitude ; simplement, ils gardaient auprès d’eux le sable que leur course soulevait en large gerbes. Rien ne venait combler leur piste, et au contraire, un tourbillon menaçant grossissait lentement derrière eux.

Ils ne chargeaient pas, pas encore : pour se lancer, ils attendraient de ne plus être qu’à un ou deux kètres du laboratoire. Une distance qui leur serait tout juste suffisante pour atteindre leur vitesse maximale sans blesser leurs Guerriers.

La chaleur écrasante du désert ne semblait pas incommoder le moins du monde les deux coureurs. Au contraire, on aurait dit que l’air brûlant leur donnait des ailes, et les portait dans leur course. Ce qu’ils acceptaient avec plaisir — tout leur corps restait en lévitation au-dessus du sable, excepté leurs bras qui lacéraient le sable. Une position qui ne serait jamais restée stable si elle n’avait pas bénéficié d’un point d’appui invisible : du peu que Gorbak se rappelait des cours succincts sur l’anatomie des Démons, ils maniaient la force de la foudre pour se maintenir en équilibre.

À vrai dire, il ne s’était pas beaucoup empressé de se rappeler tout ce qui n’avait pas trait à la façon de soigner un Démon. Gorbak se fichait de la façon dont ils couraient ou repéraient leurs proies à distance, tant que ça marchait. Peu importait que les orages, les Regs ou il-ne-savait-quoi puisse les perturber.

Il sentit les foulées de son vieux compagnon prendre de l’ampleur. Il devait avoir repéré le laboratoire avec ces sens étranges : ils étaient presque arrivés.

Bientôt la course se mua en charge effrénée.

Oubliée, la décontraction avec laquelle les Démons balançaient leurs membres quelques instant plus tôt ; maintenant, leurs nageoires décrivaient des arcs de cercle plus étroits, plus saccadés ; le rythme brutal de la course devint nerveux et frénétique, présageant du sang versé et de la curée à venir ; les remous agitant leur traîne de sable devinrent indistincts tant celle-ci tremblait, claquait comme un fouet ; sur leurs dos les Guerriers se crispèrent de toutes leur forces, luttant pour rester accrochés à leurs montures déchaînées.

Cela ne dura que quelques gondes, durant lesquelles le passage des dunes autour des deux Démons s’accéléra follement ; jusqu’à ce qu’en décollant depuis une crête, ils voient leur cible en contrebas.

Ils allaient vite. Bien assez vite pour, le temps de retomber de leur court vol, atteindre déjà l’emplacement des premières tentes du maigre campement.

On les avait vus arriver, bien sûr, et sans doute entendus ; en vain. Les deux monstres se fracassèrent contre le cuir de leurs cibles, laissèrent leurs griffes le déchirer avant de se planter dans le sable, et s’élancèrent un pas plus loin en avant tandis que la tempête de sable qu’ils avaient transportée avec eux s’abattaient, libérée de ses chaînes invisibles.

Ils traversèrent le village presque sans le remarquer ; juste un remous dans leurs appuis, une secousse, presque rien par rapport à ce que tous deux avaient déjà traversé, et puis ils se mirent à ralentir à leur manière brutale, entament un large demi-tour chacun de son côté.

Leur cible, au contraire, avait souffert. Il devait y avoir une vingtaine de tentes éparpillées autour d’un enclos de parois en simple acier ; les deux Démons avaient tracé deux tranchées dans le tout.

C’était transparent, les Guerriers se rendirent compte qu’on avait prévu cette forme d’attaque dès qu’ils aperçurent le village. Mais il était alors bien trop tard pour que les Démons changent leur trajectoire : leur charge dévastatrice les condamnait à ouvrir l’enclos, libérant la meute de Chien des Enfers qu’il enfermait.

Il y eut des morts ; parmi les Chiens, et certainement parmi les scientifiques qui habitaient les tentes. Mais c’était insuffisant : exaspérée par son confinement, la meute mutilée n’avait plus qu’une idée en tête. Se venger, en faisant couler le sang partout à la ronde. Elle s’en prendrait à tout sans distinction, mais comprendrait rapidement que les Démons étaient responsables de la situation. Et pendant qu’elle les attaquerait, les scientistes survivants auraient le temps de s’enfuir, en espérant arriver assez loin pour échapper aux recherches des Guerriers.

Le temps de terminer leur demi-tour et de revenir sur le village, Gorbak se maudit d’avoir été berné ainsi. Il n’avait jamais entendu parler de cette tactique, mais elle l’exaspérait déjà.

D’un commun accord, les Guerriers arrêtèrent leurs montures en bordure de la zone où sévissait la tempête de sable. Leurs longues épées ne tardèrent pas à se darder vers le nuage opaque, les rubans noirs qui les ornaient ondulant sans se soucier des restes du vent soulevé par le passage des Démons et jonglant avec leurs boucliers ronds.

Les épées étaient des monstres, bien sûr. Sans aucun nom, ni poétique ni standardisé, car elles étaient trop étranges pour se laisser réduire à un seul nom. En les tenant en main, les deux Guerriers virent soudain des formes noires comme la mort évoluer dans le sable. Les Chiens des Enfers.

Eux aussi avaient senti leurs adversaires qui s’enfonçaient dans la tourmente, deux hommes armés et deux Démons. La meute hurla, les grognements répondant aux aboiements ; elle ne tarda pas à se focaliser sur ces quatre intrus. Les premiers molosses émergèrent des ombres trompeuses de la tempête de sable mais leurs cibles les avaient vus longtemps à l’avance.

Les épées tracèrent des arcs de cercles bleutés ; les Démons se jetèrent sur les corps noirs, griffe et crocs lacérant furieusement l’air ; et rapidement, les premiers Chiens se replièrent, cédant sagement leurs places en première ligne.

La tempête retombait. Elles ne duraient jamais bien longtemps : la charge des Démons emplissait l’air de sable et de vent, mais le second se dissipait vite, et le premier retournait alors au sol.

Le village-laboratoire était ravagé, enfoui sous un linceul de sable, parsemé d’éclats métalliques. Gorbak n’eut pas le temps d’en voir plus, un Chien des Enfers tentant de lui sauter à la gorge par-dessus un autre. Il dut reculer.

La meute était nombreuse, peut-être une trentaine de têtes. Son assaut, même suicidaire, forçait rapidement les quatre intrus à se regrouper, limitant leur mobilité. Aussi ne virent-ils pas tout de suite le maître des Chiens qui émergeait de l’autre côté du village, derrière les panneaux d’acier ravagés, malgré ses habits teints d’un blanc éclatant et sa peau trop claire, couleur sable. Gorbak ne le remarqua que quand il prit la parole.

« HO ! Vos gueules et reculez ! Arrière ! »

À sa grande surprise, il vit les Chiens des Enfers obéir ; pas tous rapidement, certains reculant à peine, mais après quelques autres cris de l’homme, les derniers abandonnèrent le corps à corps furieux et se rangèrent derrière lui.

« Bien, reprit-il. Excusez-moi pour cet accueil, loin de l’hospitalité à laquelle vous avez droit… je dois dire que votre arrivée nous a surpris. »

Un baratineur, quelqu’un qui dépensait sans compter l’honneur de parler à quelqu’un dans l’air sec du désert. Gorbak l’aurait attaqué sans attendre, Laren préféra entrer dans son jeu.

« Tu me sembles bien seul, côtier.

— Oui, mes amis ont fui dans la terreur. Ils n’ont peut-être pas tort, mes chiens ne m’obéissent pas toujours.

— J’ai pas l’habitude de voir des Démolosse au centre des villages nomades, au lieu de Maracachi. Comment surviviez-vous ?

— En buvant de l’eau. »

L’homme semblait prendre un malin plaisir à essayer de se faire haïr par ses interlocuteurs. De l’eau ? C’était bon pour le bétail. Et puis ce ton mordant, cet accent cynique, ces royaumes côtiers dont toute son apparence hurlait qu’il venait… Gorbak n’y tint plus, et leva son épée.

Trois Chiens des Enfers retroussèrent les babines et grognèrent férocement. L’homme, de son côté, eut un sourire condescendant, et plongea une main dans une poche de son habit trop clair. Une couleur révélant quelqu’un n’aimant vraiment pas le soleil : habituellement, un habit se devait d’être coloré.

Il en tira une petite amulette en bois, sertie d’un éclat de cristal jaune.

« Hmm, se moqua-t-il. Si vous tenez vraiment à parler ce langage-là, je peux. Tuez. »

La meute s’élança de concert — sauf un Chien qui resta en arrière, mais Gorbak n’eut absolument pas le temps de s’en soucier.

La première passe d’arme avait prélevé son lot de victimes chez les Chiens des Enfers ; la seconde fut moins rude. Les molosses étaient plus prudents, ils tentaient d’éviter les coups d’épées et de séparer les Démons du groupe.

Et puis il y eut un éclair ; par réflexe, Gorbak jeta un coup d’œil rapide vers l’homme blanc. Il plaquait son amulette sur le coup du Chien resté en retrait — ça n’avait pas l’air agréable. Puis l’étreinte de la meute se referma sur lui, et il dut à nouveau alterner les coups de lame et de bouclier, de taille et d’estoc. Pendant un instant, il crut pouvoir les tenir à distance. Un instant seulement, au bout duquel un aboiement de Chien des Enfers déchira l’air par-dessus le vacarme haineux de la meute.

Tous les molosses se reculèrent, de concert cette fois-ci. Les deux Guerriers ne profitèrent pour se placer entre leurs Démons. Mais la scène à laquelle ils faisaient face n’était pas plaisante.

Le Chien dominant, resté aux ordres de l’homme en blanc, avait changé. Comme une Évolution qui avait couvert son poitrail d’un lourd collier d’os. Il était plus grand — les cornes de ses séides ne lui arrivaient qu’au garrot — et plus lourd, plus puissant. Ce ne fut pas ce qui ennuya Gorbak au premier coup d’œil. Les Chiens gueulaient fort pour masquer leur faiblesse.

L’homme tenait une épée. D’une seule main, avec la négligence tranquille d’un combattant habitué à son arme. Ces armes-à dévoraient quiconque posait la main dessus, à moins d’avoir été domestiquées par un Guerrier ; or la méthode était un des secrets de l’Ordre. Que l’homme en blanc ait pu en acquérir une indiquait qu’un Guerrier Renégat était impliqué dans ce laboratoire, donc peut-être un Démon des Sables. C’était très clairement une menace.

Le vieux Guerrier se permit un coup d’œil à la ronde, pour vérifier qu’il avait toute la meute sous les yeux. Il restait une bonne vingtaine de têtes, dont le dominant. Le rapport de forces n’était pas clair.

L’homme blanc le dissipa rapidement. Il glissa sur le côté et disparut.

Livrés à eux-mêmes, les Chiens se tournèrent vers leur Dominant. Ce dernier ne se fit pas prier et aboya, ordonnant une curée. Vingt gueules hurlantes sautèrent sur les deux Guerriers et leurs Démons, pour la troisième fois. Mais cette fois, ils ne faisaient que diversion.

Si difficile cela soit-il en face de la meute qui chargeait, Gorbak vida son esprit de toute pensée, de tout sauf une destination, un ordre pour son épée ; à son tour, il glissa sur le côté, s’enfonçant dans le vortex d’ombres si familier.

Laren n’eut pas ce sang-froid. Il corrigea sévèrement les premiers Chiens qui arrivaient sur lui mais ne put rien faire quand l’homme en blanc réapparut derrière lui, et lui fracassa le dos d’un coup d’épée. Le Guerrier tomba dans la meute ; avant que son Démon n’ait pu réagir, un Chien lui arrachait la gorge.

Gorbak ne vit pas l’action ; il réapparut sous le nez du dominant et lui écrasa sa propre lame dans le museau. L’autre encaissa en grondant, et chercha immédiatement à passer par-dessous sa garde — alors qu’il était plus grand que l’humain qui l’affrontait — pour attaquer ses jambes.

Un rugissement tonitruant couvrit les aboiements de la meute ; le Démon de Laren se jeta à corps perdu dans la masse de molosses noirs qui se tenaient entre lui et le meurtrier de son Guerrier. Ce dernier disparut à nouveau avec un sourire narquois, laissant les deux Démons aux prises avec la meute.

Gorbak parvenait à grand peine à contenir son propre adversaire, en cédant systématiquement son terrain et en se servant du vortex d’ombres de l’épée aussi souvent qu’il le pouvait. Mais le dominant ne se laissait démonter par aucune attaque ; il cherchait en permanence à pousser son avantage, ignorant hargneusement les rares coups que son adversaire arrivait à lui porter et relâchant des jets de flammes partout à la ronde.

L’homme blanc réapparut à quelques mètres du combat, avec un air satisfait.

« Méphistofélès ! Arrière ! »

Un dernier claquement de mâchoires, et le dominant retournait auprès de son maître — qui l’envoya aussitôt rejoindre le reste de la meute, et les deux Démons des Sables. Puis il se tourna vers Gorbak, toujours avec cet ignoble sourire satisfait sur son visage d’aigle. Son turban était noué à la hâte, laissant s’échapper une mèche noire.

« Vous n’êtes pas un causant, j’irais vite. Il est d’usage pour deux Guerriers se défiant d’échanger leurs noms ; je n’en suis pas un, mais puisque j’emploie vos techniques, vous me permettrez de me présenter. On me nomme Tograz. »

Gorbak grogna en réponse, irrité par cet usage des coutumes. Mais les traditions étaient importantes. Il lâcha son nom, en grommelant plus qu’en parlant.

Tograz ne rajouta pas un mot superflu. Il leva simplement son épée, toujours d’une seule main.

Le Guerrier attaqua d’estoc, mettant tout son poids dans une charge directe — tout en gardant son bouclier proche du corps. Son adversaire ne commit pas l’erreur de contre-attaquer ; il préféra parer vers le côté, et le mouvement le projeta contre Gorbak — les boucliers se fracassèrent l’un contre l’autre. Derrière eux, l’épaule de Tograz encaissa aisément le choc, là où le coude du Guerrier lui rentra dans les côtes.

Il fit un pas de côté en grognant, ramenant son épée vers lui ; juste à temps pour voir Tograz glisser sur le côté. Sans attendre, Gorbak se concentra sur sa propre destination. Trois mètres derrière lui-même : les ombres se refermèrent sur lui.

Il réapparut juste à temps pour voir Tograz, qui après avoir décrit un arc de cercle bleuté dans le vide, glissait encore sur le côté ; juste à temps pour échapper à la riposte du Guerrier. Lequel retourna dans les ombres en se contentant cette fois-ci de filer une dizaine de mètres vers l’avant.

Aucune lame ne l’attendait quand il émergea ; Tograz se tenait à une huitaine de mètres de là, entre lui et la meute, avec un sourire approbateur. Derrière lui, le Chien dominant s’occupait seul de gérer les assauts d’un Démon, tandis que sa meute attaquait l’autre de toutes parts. Gorbak eut un instant d’égarement ; puis il reconnut les Démons. C’était le sien qui affrontait le dominant, il portait un nœud d’écailles sur l’épaule — il avait pris une balle dans la guerre, quelques années plus tôt, et l’infection lui avait laissé cette marque. Et il lui semblait que le Démon de Laren avait les griffes plus longues.

Ce dernier semblait bien parti pour suivre le même chemin que son maître : il perdait du sang par une trentaine de blessures, et même si ses coups ne faiblissaient pas et qu’il n’était plus entouré que d’une dizaine de Chiens en état de se battre, les survivants étaient des vétérans qui sauraient l’abattre. Mais celui de Gorbak, pour l’instant, tenait bon.

La scène avait trop attiré l’attention du Guerrier. Quand il s’aperçut de la disparition de Tograz, il était trop tard — un arc de cercle bleu surgit de nulle part dans la partie droite de son champ de vision.

Il tomba comme une masse.