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Rubis & Saphir - The Origins de Feather17



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Informations

» Auteur : Feather17 - Voir le profil
» Créé le 19/04/2020 à 14:01
» Dernière mise à jour le 06/09/2020 à 00:01

» Mots-clés :   Action   Aventure   Drame   Hoenn   Présence de personnages du jeu vidéo

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058. 4x12 - Au revoir, Timmy
Précédemment : Sofian veut devenir un champion d’arène et part en voyage dans Hoenn en compagnie de Flora, dont le rêve est de devenir une célèbre coordinatrice pokémon. À Clémenti-Ville, il rencontre Timmy, un jeune garçon au teint pâle et frêle, absorbé dans la lecture d’une lettre qui l’attriste. Sofian aide Timmy à capturer un Tarsal afin de l’accompagner sur les routes de Hoenn en direction de Vergazon. La maladie de Timmy déclenche en lui des crises d’asthme et de tétanie. Il fait ce rêve dans lequel il participe à son propre enterrement. Durant leur voyage, ils rencontrent Annick et Brice, deux coordinateurs pokémons. Flora désire gagner un concours de coordination, mais échoue lors du premier concours à Poivressel, tandis que le deuxième concours à Autéquia est interrompu par une attaque de la Team Magma, orchestrée par Jessie, James et Miaouss. Flora décide de participer au concours de Vergazon et de le gagner, ou elle abandonne sa carrière. Lors de leur premier affrontement avec la Team Aqua, un effondrement bloque le passage du Tunnel Mérazon. Trois mois plus tard, les trois amis arrivent à débloquer l’accès du tunnel, ouvrant le passage sur Vergazon. Timmy disparaît sans prévenir ses amis, et Sofian comprend qu’il s’agit de la fin de leur voyage à trois.

Vergazon


Pokémon #201s
Musique : Jacob’s Stabber, Michael Giacchino

Il ouvrit les yeux lentement. Au-dessus de sa tête, des milliers d’orbes flottaient autour de lui et irradiaient l’endroit d’une magnifique lumière blanche divine. Il était complètement nu. Comment s’était-il retrouvé allongé sur ce gazon, sous des milliers de soleil radieux, seul et dévêtu ? Pourquoi avait-il cette impression de déjà vu ?
À sa droite, un vieux bouquin relié trainait sur une table de chevet, devant un mur de bois humide et vieilli. Il savait exactement où il se trouvait.
Timmy se releva lentement et reconnut sa chambre d’enfant, à Vergazon, dont les murs étaient recouverts de posters de pokémons. Il tendit la main vers son livre de contes dont il avait apprécié les nombreuses histoires lorsqu’il était petit, mais le livre avait disparu. Il s’agissait à présent d’un œuf. Un gros œuf noir qui ne reflétait pas la lumière des milliers d’orbes autour de lui. Il le prit dans ses bras. L’œuf ne pesait pas, comme s’il n’avait pas de masse.
Maintenant, il n’en doutait plus, il savait exactement ce qui allait se produire. Comme il s’y attendait, en ouvrant la porte de sa chambre, il se retrouva dans un très long couloir. Timmy avança lentement, l’œuf toujours dans ses bras, jusqu’à ce qu’une douleur dans la plante des pieds le fasse sursauter. Il venait de marcher sur une rose blanche, ses épines lui étaient rentrées dans la peau. Pourquoi ne l’avait-il pas évitée ? Il savait qu’elle aurait été là ! Il ne s’étonna même pas de ne pas voir de goutte de sang perler à l’ouverture de sa blessure.
Au bout du couloir, une nouvelle porte, aussi noire que l’œuf qu’il tenait dans les bras. Il l’ouvrit sans ménagement.
— Nous t’attendions, Timmy.
C’était sa mère qui lui avait parlé. Il le savait avant même son apparition. Il n’avait pas besoin de la regarder, il savait qu’elle se trouvait debout devant lui, un bouquet de roses blanches dans les mains. Il n’allait pas perdre de temps à regarder ce qui se passait devant lui, car il était déjà au fait du spectacle qui s’offrait à lui. Son père devrait être à côté de lui, une tombe aurait été creusée dans la pelouse d’un jardin parfait et un Goélise l’attendrait dans sa tombe.
— Il faut que tu retournes d’où tu viens, Timmy.
Son père à ses côtés lui tendit la main pour qu’il l’accompagne. Bingo ! Non, ce qui l’intéressait, c’était de voir plus loin que ce qu’il connaissait déjà. Il laissa son père l’accompagner, sans se préoccuper de ses gestes, acceptant le bon déroulé du scénario qui l’employait à son service, et analysa le décor qui l’environnait.
Le jardin était en fait très petit, voire minuscule. Au-delà de sa tombe creusée dans la pelouse verdoyante, un sol poussiéreux s’étendait à l’infini. De tous côtés. A bien y regarder, il se trouvait en pleine montagne. Le ciel était doré et à perte de vue. Au loin, l’infiniment gris de la montagne.
— Tout ce que tu as à faire, c’est te coucher paisiblement dans la tombe,lui indiqua sa mère.
Timmy fut rattrapé par la réalité. Où était-ce un songe ? Il n’eut pas le temps d’y réfléchir qu’on le poussait déjà dans le trou formé dans la terre. Mais il ne ressentit pas de douleur en s’effondrant au fond du trou. Un Goélise battit de l’aile en le reconnaissant. Timmy trembla de tous ses membres. Tout se répétait ! L’œuf vibra dans ses bras, puis…
Une colonne de lumière se dressa depuis le sol jusqu’au ciel. Une petite silhouette tournoya autour de la colonne en volant vers lui. Le sol se dérobait sous ses pieds. Il n’était plus dans la tombe, il était au centre de la colonne de lumière, traversée par elle-même, en suspension dans les airs. Au-dessus de lui, le ciel. En-dessous de lui, la terre. Ni ici, ni là. Ni vivant, ni mort.
Puis, il était de retour au sol, mais sans son corps, car lui était resté au centre de la colonne de lumière. Et il se vit chuter, chuter, toujours chuter, suivant le tracer de la colonne de lumière… Chuter, chuter, toujours chuter, la silhouette tournoyant toujours autour de lui et de la colonne.
Timmy s’écrasa au sol…


…et ouvrit les yeux.
La lumière l’aveugla, et il fut pris de panique. Il n’osa pas bouger, pétrifié de terreur. Sous sa peau, le long de sa nuque, il sentait la pelouse lui chatouiller la racine du cheveu. Sa respiration était longue et saccadée. Il attendit un instant afin de reprendre ses esprits et dans l’attente que son corps se calme. Autour de lui, les mêmes murs en bois présents dans son rêve.
Il se palpa le corps et reconnut sa chemise blanche et son pantalon brun. Il était habillé. Il n’était pas dans son rêve. Ou plutôt,… il était de retour dans la réalité ? Ou… ?
Timmy se releva lentement, et observa les lieux. Il était de retour dans la cabane en bois de son enfance, complètement vide à l’exception près de quelques vieux jouets décolorés. Timmy ouvrit la porte qui grinça de ses gonds. Dehors, il reconnut la colline sur laquelle il avait l’habitude de jouer lorsqu’il était enfant, la colline sur laquelle il aimait se réfugier lorsqu’il se sentait triste. La colline sur laquelle il s’était réfugié la veille et où il avait décidé de passer la nuit.
Timmy s’était calmé face à la beauté du paysage devant lui. L’orage de la veille avait fait place à un magnifique lever du soleil aux couleurs chaleureuses. Un vent glacial s’était levé et Timmy frissonna à l’idée que l’hiver arrivait. Loin devant, Vergazon lui souriait au pied d’une chaîne de montagne. La calme petite bourgade n’était pas encore réveillée, et Timmy en profita pour laisser son regard se perdre sur son paysage préféré : le village paisible de son enfance. Quelques Nirondelle roucoulaient dans les arbres alentours. Tout était parfait. Enfin, presque…
Timmy ne reconnut pas un des plus grands bâtiments au centre du village. Il avait dû avoir été construit récemment, ou du moins pendant ses années d’absence. Un grand dôme rouge de ce genre, il s’en serait souvenu. À moins qu’il s’agît d’un bâtiment éphémère qui accueillerait le prochain concours de coordination ?
Deux flashes de lumière rouge lui indiquèrent que ses pokémons avaient tenu à sortir de leurs pokéballs sans en attendre l’ordre. Qu’ils étaient intelligents. Sans un mot, Timmy leur montra le village qui s’étendait devant eux, et Tarsal et Arcko ne le questionnèrent pas. Plutôt, ils se blottirent contre lui. Cela le réconforta et l’apaisa.
Timmy enfuit une main dans sa poche et ses doigts effleurèrent un morceau de papier qu’il reconnut de suite. Il ôta l’enveloppe de la poche de son pantalon et en sortit la lettre qui avait changé le cours de sa vie trois mois plus tôt. Ses yeux parcoururent le papier froissé par le temps et s’arrêtèrent ci-et-là sur des phrases qui attiraient son attention.
« Nous avons compris que tu refusais nos appels téléphoniques, alors nous avons décidé de t’écrire cette lettre dans l’espoir que »… « C’était une décision difficile que nous avons dû prendre dans un moment de trouble »… « Un jour, tu comprendras »… « Ta place est parmi nous, à Vergazon »… « Nous avons pensé que tu pourrais ramener un souvenir de Cémenti-Ville »…
Timmy chiffonna le papier en boule et le fourra brusquement dans sa poche, la colère avait repris sa place en lui.

Pokémon #201e
Vergazon était un petit village de campagne où l’histoire semblait s’être arrêtée. Il songea même que jamais l’histoire ne s’était intéressée à cet endroit. À travers la fenêtre de sa chambre, Sofian observa le soleil se lever au-dessus des chaumières tranquilles dont les cheminées commençaient à s’éveiller. Pas un bruit, pas même le klaxon d’une voiture. D’ailleurs, les passants devaient préférer la marche dans ce village si petit. Une dame traversa la rue fleurie à cheval sur le dos de son Ponyta, et Sofian ne peut empêcher un ricanement moqueur. Si ça n’avait été pour le concours de coordination de Flora, jamais ils n’auraient loué une chambre dans ce village. Pas étonnant que Timmy ne voulût y revenir… Timmy…
L’estomac de Sofian se noua lorsqu’il repensa à son ami qui avait pris la poudre d’escampette à la sortie du Tunnel Mérazon, et il préféra se changer les idées en allant récupérer ses pokémons.
L’accueil du centre pokémon de Vergazon était aussi calme que le village dans lequel ils se trouvaient. Heureusement, son amie était déjà réveillée et l’attendait de pied ferme devant le comptoir de l’infirmerie.
— Comment tu vas ?
Flora ne lui répondit que par un regard renfrogné.
— Tu as réussi à fermer l’œil de la nuit ?
Sofian préféra ne pas répondre honnêtement et nia de la tête.
— Pourquoi Timmy est-il parti comme cela ? Tu crois que tout va bien pour lui ?
— Je suis sûr qu’il va très bien, rassura Sofian. À l’heure qu’il est, il doit être en train de prendre un bon petit déjeuner chez lui en profitant des derniers degrés positifs.
— Pourquoi il est parti sans nous prévenir ? Sans un au revoir ?
Sofian hocha des épaules.
— J’ai ce sentiment indescriptible au creux de moi qui me dit qu’il y a un problème, et je n’arrive pas à l’expliquer.
L’infirmière Joëlle apparut derrière le comptoir, et Sofian la remercia intérieurement pour l’avoir permis d’éviter de répondre. Au fond, il avait toujours redouté le moment où ils allaient devoir se séparer et faire leurs adieux. Ne pas y avoir été confronté était finalement un soulagement. L’adolescent effaça ses pensées en récupérant ses quatre pokémons en pleine forme.
Galifeu, Nirondelle, Écrapince et Balignon apparurent devant le comptoir et le saluèrent chaleureusement.
— J’espère que vous n’avez pas oublié que votre entraînement se passe à l’extérieur de votre pokéball jusqu’à la prochaine arène !
— Et voici tes pokémons, indiqua l’infirmière Joëlle en rendant ses trois pokéballs à Flora.
Flora les rangea tristement dans sa poche.
— Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? demanda Flora, perdue.
Sofian soupira.
— J’imagine que tu n’arriveras pas à être sereine sans essayer de retrouver Timmy ?
Flora lui sourit, pleine d’espérance. Soudain, Sofian eut une idée.
— Excusez-moi, infirmière Joëlle. Vous ne sauriez pas où habite Timmy, par hasard ?
— Timmy ?
— Mais, enfin Sofian, pourquoi l’infirmière Joëlle connaitrait-elle Timmy ?
— Vous voulez parlez du petit Timmy Bronam ?
Flora observa l’infirmière, surprise.
— Ses parents habitent au pied de la colline, à la sortie de la ville.
Elle leur inscrivit sur un bout de papier cartonné l’adresse de Timmy et la tendit à Sofian qui affichait un sourire satisfait.
— Mais je doute que vous le trouviez chez lui, avertit l’infirmière.
— Oh, je suis prêt à parier qu’il y sera.
— Timmy est de retour ? s’exclama l’infirmière Joëlle, resplendissante de joie et de soulagement.
Sofian remercia la dame et indiqua à ses pokémons de le suivre vers la sortie. Flora accourut après lui, perplexe.
— Comment savais-tu qu’elle connaissait Timmy ?
— Je me suis dit que tout le monde devait se connaitre dans ce trou perdu ! supposa Sofian, amusé.

La maison indiquée par l’adresse sur le bout de papier était une petite chaumière à deux étages. Un jardin parsemé de fleurs de toutes les couleurs entourait la bâtisse derrière une clôture en bois. Les vitres embuées du matin ne laissaient rien apparaître de l’intérieur du bâtiment.
Sofian toqua trois fois à la porte. À peine eut-il ramené la main le long de son corps que la porte s’ouvrit à la volée et une touffe de cheveux dorés l’enveloppa. Il se sentit aussitôt serré fort contre la poitrine d’une femme replète. Lorsque l’étreinte s’interrompit et que deux mains lui caressèrent le visage, Sofian se retrouva face au visage si familier de Timmy, mais en féminin et plus âgé. L’expression sur ce visage si reconnaissable passa de la joie à la tristesse.
— Oh, excuse-moi… J’ai cru que tu étais… Je suis confuse…
— Chérie, qui est-ce ?
— Je pensais que c’était…
Un homme frêle et chauve apparut dans l’entrebâillement de la porte. Il portait une chemise blanche et un pantalon noir si bien repassé que Sofian ne put s’empêcher de sourire en reconnaissant la classe incarnée dans la famille Bronam. Si la maman de Timmy lui avait offert tous ses traits, c’était de son père que Timmy avait tiré ses yeux gris.
— On se connait, non ? dit-il, intrigué.
— On ne s’est jamais rencontré avant, mais je pense que vous connaissez mon père. Je m’appelle Sofian Match.
— Tu es le fils de Norman Match ! comprit le père de Timmy. Et toi, la fille de Charles Seko !
— Mais alors, tu es… vous êtes…
— Nous avons voyagé avec Timmy jusqu’ici, annonça Sofian.
— Timmy est avec vous ?! s’alarma sa maman en jetant des coups d’œil derrière eux.
— Il n’est pas rentré chez vous ? s’inquiéta Flora.
Tous quatre échangèrent un silence confus, puis ils comprirent.

— Nous savions que nous allions devoir être patients avant de revoir notre fils, avoua la petite dame replète.
— Vous avez petit-déjeuner ?
M. Bronam leur servit un chocolat chaud et un plat de gaufres. Les deux adolescents le remercièrent poliment.
— Mais je ne me doutais pas un instant qu’il serait aussi réticent à l’idée de revenir à la maison, poursuivit la maman de Timmy.
— Trempez la gaufre dans le chocolat, vous m’en direz des nouvelles.
— Quand on a appris qu’il avait quitté Clémenti-Ville, on s’attendait à le revoir dans les deux semaines.
— Vous pouvez aussi rajouter du sucre.
— Et on ne l’a jamais vu rentrer. Les seules nouvelles qu’on avait de lui, c’était à travers les médias. « On a retrouvé trois jeunes échoués au large de l’Île Myokara », « Quatre adolescents kidnappés au concours d’Autéquia »… Mais à part cela…
— Ou nature, c’est très bon aussi.
— Marvin, laisse-les donc s’ils n’ont pas envie…
— Je ne fais que leur suggérer, Claire…
— Excusez-moi, interrompit Flora.
Les parents de Timmy abrégèrent leur conversation, embarrassés.
— Pourquoi Timmy aurait si peu envie de rentrer à la maison ?
M. et Mme Bronam échangèrent un regard coupable.
— Vous n’êtes pas au courant des raisons du voyage de Timmy ? demanda M. Bronam.
— À vrai dire… on n’en n’a jamais vraiment discuté, reconnut Sofian. Il m’a vaguement expliqué être malade…
— Et on l’a bien expérimenté !
— …mais à part cela, non, il ne s’est jamais vraiment ouvert à nous.
Sofian se rendit alors compte d’à quel point son meilleur ami était resté mystérieux à propos des raisons de son voyage. Pourquoi lui avait-il caché autant de choses ? N’avait-il eu aucune confiance en lui ?
— En réalité, je me suis arrêté au fait qu’il devait rentrer chez lui parce qu’il était malade. Il y a plus à ajouter à cette histoire ?
— Savez-vous de quoi il souffre ? demanda Mme Bronam.
Ce fut au tour de Sofian et Flora d’échanger un regard embarrassé.
— Non, admit Sofian à demi voix.
— Lorsque Timmy était petit enfant, il s’est passé un incident, raconta M. Bronam. Il a subi les attaques d’un pokémon et les médecins ont eu beaucoup de mal à le ranimer.
Flora se raidit sur sa chaise. Sofian reposa la gaufre qu’il venait de prendre, la faim lui étant passée.
— Il a mis quelques mois à se remettre de ses blessures, mais il n’a jamais réussi à récupérer une santé vigoureuse, reprit M. Bronam. À l’époque, les médecins étaient confiants et espéraient qu’en grandissant, tout finisse par se rétablir dans sa santé. Mais… il est toujours resté un enfant frêle et fragile.
— Jusqu’au jour de sa première crise, ajouta Mme Bronam, les yeux perdus dans la profondeur de ses souvenirs douloureux. C’était la première fois que cela lui arrivait, nous n’avions aucune idée de comment gérer la situation.
— Vous voulez parler d’une crise d’asthme, ou une crise de tétanie ? supposa Flora d’après sa propre expérience.
Mme Bronam hésita à répondre.
— Non, plutôt une crise… de colère. Comme s’il était mu par une force intérieure qui contrôlait son corps.
— Quoi qu’il en soit, reprit M. Bronam en coupant la parole, cela a en effet débouché sur une crise respiratoire. Et son état s’est tout de suite détérioré. On l’a amené à l’hôpital mais aucun médecin n’était capable d’apporter de diagnostic. Ce n’était pas de la tétanie, ce n’était pas de l’asthme, pas de l’angoisse… C’était tout à la fois, et en même temps rien de connu. Aucun médicament n’arrivait à le calmer, aucune thérapie, ni chimique, ni psychologique. Rien n’y a fait. Timmy a continué à avoir ce genre de crise pendant des semaines. Puis, un jour, on est parti en vacances à Clémenti-Ville, chez ma sœur.
— C’était trop pour nous, vous comprenez.
La maman de Timmy avait parlé comme pour s’expliquer, comme pour se défendre.
— Chérie… l’apaisa son époux en posant une main sur son épaule.
— La tante et l’oncle de Timmy ont proposé de s’occuper de lui, expliqua M. Bronam en évitant leur regard. Nous étions épuisés, perdus. Nous nous épuisions à trouver des solutions médicales, nous cherchions dans toute la région les meilleurs experts pour soigner notre fils. Et tous ces experts coutaient chers, et… Nous avons fini par accepter leur proposition de s’occuper de Timmy. L’air marin de Clémenti-Ville semblait l’apaiser davantage qu’ici, à Vergazon. Alors,… Alors,…
— On leur a confié Timmy, termina Mme Bronam. Timmy a grandi à Clémenti-Ville, loin de nous, tandis que nous travaillions à perdre haleine afin de gagner assez d’argent pour payer les spécialistes qui pourraient soigner notre fils.
— Avec le temps, nous avions de moins en moins d’opportunités d’aller voir Timmy à Clémenti-Ville. Il faut comprendre qu’à cette époque, les moyens de communication étaient moins développés et la technologie n’était pas aussi avancée qu’aujourd’hui. Bref, les années passant, nous n’étions en contact téléphonique avec Timmy que quelques fois par mois.
— Nous avons toujours voulu le meilleur pour Timmy. Et il s’est avéré qu’il avait de moins en moins de… « crises » à Clémenti-Ville. Alors, nous avons décidé de l’y laisser. Loin de nous, il avait l’air de mieux s’épanouir.
Les deux parents terminèrent leur récit et laissèrent un silence écrasant envahir la salle à manger. Flora but une gorgée de chocolat chaud pour se donner une consistance, mais s’étouffa à moitié à cause de la chaleur de la boisson. Sofian ne savait comment réagir.
— Il faudra bien qu’il rentre à un moment donné, l’adolescent finit-il par dire. Timmy est très mature. Il a probablement besoin d’un peu de temps seul pour… pour se donner la force de rentrer à la maison.
La maman de Timmy acquiesça en fondant en larmes et son époux les remercia silencieusement.

Sofian s’était convaincu de ses propres espoirs, mais il dut se résoudre à ne plus croire au retour de Timmy. La journée s’était passée sans aucun signe de leur ami. Sofian et Flora avaient profité d’une journée de repos pour visiter le village en espérant croiser le jeune garçon, mais ils rentrèrent bredouille le soir venu. M. et Mme Bronam leur avaient offert le gîte, convaincus que si les deux adolescents dormaient sous leur toit, Timmy serait automatiquement attiré comme un aimant par leur présence.
La nuit tombée, Sofian se laissa glisser dans un lit d’appoint au centre de la chambre de Timmy. Les émotions extrêmes et variées de la journée l’avaient épuisé. Triste du départ de Timmy sans un au revoir, inquiet par sa disparition, énervé par ce qu’avait dû traverser Timmy dans son enfance, les pensées de Sofian se bousculaient dans sa tête, les questions lui brulaient le crâne. Pourquoi Timmy ne lui avait jamais rien raconté sur son passé ? Pourquoi Timmy ne lui avait pas fait confiance pour se livrer à lui ? Après tout ce qu’ils avaient vécu. Pourquoi Timmy s’était-il enfui sans laisser de trace ? Pourquoi Timmy l’avait-il utilisé pour disparaître dans Hoenn ?
Timmy avait-il seulement été son ami un jour ? Ou avait-il depuis le début profité de la situation pour ne jamais rentrer chez lui ?
Les formes et les couleurs s’entremêlèrent, et bientôt Sofian sombrait dans un sommeil agité. Timmy courait dans la forêt, tombait dans un lac et n’arrivait plus à respirer. Mais Sofian ne pouvait pas l’aider, car il ne savait pas dans quel lac il avait coulé. Puis, ce lac se transforma en un gigantesque aquarium qui l’avait emprisonné en son sein. Flora criait de panique derrière lui et le sommait de s’envoler au sommet de l’aquarium afin de l’en sortir et…
BOUM !
Sofian se réveilla en sursaut et se cogna la tête contre quelque chose de dur. Il recula d’un bond en se frottant le crâne avant de reconnaître la paire de chaussures sur laquelle il s’était cogné.
— Qu’est-ce que tu fais là ?
Face à la fenêtre ouverte de la chambre, depuis une grosse branche d’arbre qui passait devant la rambarde, une silhouette connue venait de se glisser dans la chambre.
— Timmy !

Pokémon #201s
Musique : A Path We All Must Walk, Junichi Masuda

Une averse déchaînée s’était abattue sur Clémenti-Ville. Le parc où il s’était réfugié se retrouva très vite inondé par le torrent de pluie qui tombait du ciel noir. Debout contre un arbre, Timmy se fichait de voir sa chemise blanche perdre de son éclat en se gorgeant d’eau, il n’en avait que faire de son pantalon brun qui s’alourdissait à mesure qu’il se détrempait. Plus un pokémon n’était présent dans le parc, pas même un Rattata. Il était seul, lui et cet arbre. Lui, et cette lettre. Il déplia les deux feuilles de papier.

Notre petit Timmy,

Nous avons compris que tu refusais nos appels téléphoniques, alors nous avons décidé de t’écrire cette lettre dans l’espoir que tu acceptes d’écouter ce que nous avons à te dire. Ton père et moi sommes désolés. Désolés pour tout ce temps que nous avons passé, séparés l’un de l’autre. Désolés de t’avoir éloigné de nous, de ta famille, de l’amour que nous portons chaque jour pour toi. C’était une décision difficile que nous avons dû prendre dans un moment de trouble et de désarroi. Mais nous l’avons prise pour ton bien. Un jour, tu comprendras.
Nous avons une chance de réparer toutes ces erreurs commises durant ces longues années. Nous avons une chance de nous retrouver, de vivre la vie de famille que nous n’avons jamais pu avoir. Les recherches concernant ta maladie avancent à grand pas. Un professeur de l’Académie de Nénucrique a mis au point une molécule innovante. Il a besoin de personnes pour tester son médicament. Nous t’avons inscrit sur la liste des testeurs. Il s’agit d’un traitement à prendre quotidiennement en intraveineuse. C’est la raison pour laquelle nous t’avons annoncé l’autre jour qu’il fallait que tu reviennes à Vergazon. Ainsi, les médecins pourront surveiller ton état et définir l’efficacité de ce traitement. S’il fonctionne, il pourrait te guérir définitivement et te permettre de vivre la vie dont tu as toujours rêvé. Un jour, nous avons l’espoir que tu pourras partir sur les routes sinueuses de Hoenn et devenir un grand dresseur de pokémons. Mais pour cela, il faut que tu prennes ce traitement. Par conséquent, ta place est parmi nous, à Vergazon.
Nous avons pris contact avec Norman Match qui va t’aider à capturer un pokémon pour te protéger le long du voyage. Tu comprends : ton oncle et ta tante ne peuvent t’accompagner jusqu’à Vergazon et il te faudra prendre les transports seuls. Tu trouveras avec cette lettre une dérogation que tu dois garder toujours avec toi : elle t’autorise à voyager avec un pokémon malgré ton âge qui n’atteint pas la limite autorisée. Et puis, nous avons pensé que tu pourrais ramener un souvenir de Clémenti-Ville pour que tu ne sois pas trop nostalgique de ton ancienne vie là-bas.
Tu nous manques chaque seconde de notre vie. Nous t’aimons de tout notre cœur,

Tes parents qui t’aiment fort.
Ce n’était pas possible. Les mots qui s’écrivaient sur sa rétine ne pouvaient être réels. Retourner à Vergazon ? Non, impossible. Vivre avec ses parents ? Ces deux personnes qui l’avaient abandonné huit ans plus tôt ? Ces deux personnes qui juraient vouloir le meilleur pour lui tout en l’abandonnant au pas d’une porte ? La colère l’envahit tout entier, comme jamais il n’avait ressenti de colère dans la vie. Une rage indescriptible, une émotion qu’il ne connaissait pas. C’était comme si quelque chose en lui avait pris contrôle de son corps. C’était comme s’il ne répondait plus à son cerveau, mais à celui d’un parasite qui avait pris les commandes. Un Timmy piloté de l’intérieur par la rage. Son corps frêle et fragile trembla de haine.
— Tout va bien ?
Timmy sursauta et se retourna brusquement. Un adolescent au teint plus clair que la normale se tenait debout devant lui. Son t-shirt rouge écarlate, son gilet moderne aux motifs circulaires, ses chaussures de sport et son bonnet rouge et blanc lui donnait une stature d’aventurier sûr de lui. Une mèche de cheveux bruns était collée sur son front par la pluie, et son regard brun lui indiqua qu’il semblait s’inquiéter pour lui.
Timmy glissa discrètement la lettre dans sa poche alors que l’adolescent s’approchait de lui.
— Il y a un problème ? réitéra-t-il.
Timmy hocha de la tête sans un mot et s’essuya le visage afin de ne pas donner l’impression qu’il pleurait. Geste inutile, la pluie ruisselait toujours sur ses joues.
— Tu ne devrais pas rester dehors sous ce temps, tu vas tomber malade, conseilla l’adolescent.
S’il savait… Timmy préféra lui offrir un sourire poli, mais le contrôla très mal et l’ironie prit le dessus dans sa grimace. Il soupira.
— Ce n’est pas grave, je suis habitué. Tu devrais aller t’abriter toi aussi.
Et Timmy quitta les lieux en lui tournant le dos.
À présent, il savait où il devait se rendre. Tout s’imbriquait dans son esprit, comme un puzzle évident. Il allait fuir. Disparaître. À jamais. Pour cela, il avait besoin d’un pokémon. Ça tombait bien, apparemment, ses parents avaient pris les devants en proposant au champion local de lui en offrir un. Une fois qu’il aurait son pokémon pour protection, il s’évaporerait de la région.


***
Timmy leva les yeux au ciel, embêté de tomber sur Sofian.
— Où étais-tu passé ? s’inquiéta Sofian en s’approchant de lui.
Timmy évita son regard et se dirigea vers une commode de laquelle il sortit une pile de vêtements qu’il enfourna dans son sac à dos.
— Timmy, nous étions tous inquiets pour toi !
— C’est pour ça que tu as décidé d’envahir ma chambre ?
— Il me semble que tu n’avais pas l’air d’être très attaché à ta chambre, répliqua Sofian.
Timmy eut un rictus mesquin et continua à remplir son sac d’affaires de voyage.
— Timmy, enfin, qu’est-ce qu’il te prend ?
— Si tu es là, c’est que tu as parlé avec mes parents, donc c’est une question rhétorique.
— Pourquoi tu réagis avec autant de colère ? Timmy, réponds-moi.
Sofian l’empêcha de poursuivre son action et le força à se tourner vers lui.
— Je ne te reconnais pas !
— Peut-être que tu ne me connais pas, tout court, rétorqua Timmy amèrement.
Une lueur inconnue traversa le regard du jeune garçon et Sofian recula d’un pas, effrayé. Le garçon qui se trouvait devant lui n’était pas le Timmy qui avait voyagé avec lui pendant trois mois.
— Tes parents nous ont raconté comment ils t’ont abandonné chez ta tante à Clémenti-Ville, dit Sofian. C’est pour les punir que tu leur fais vivre cet enfer ?
— Ils ne t’ont pas raconté l’enfer qu’eux m’ont fait vivre en m’obligeant à vivre à Clémenti-Ville ?
Sofian fronça les sourcils.
— Quand on n’a qu’une seule version, c’est facile de juger les autres.
— Timmy…
Timmy referma son sac à dos, vérifia que ses pokéballs étaient dans sa poche, et se dirigea vers la fenêtre ouverte.
— Vu que c’est probablement la dernière fois qu’on se voit, tu répondras bien à ma prochaine question, lui lança Sofian.
Timmy s’immobilisa sur le rebord de la fenêtre.
— Pourquoi est-ce que tu as décidé de voyager avec moi si tu voulais t’enfuir depuis le début ?
Timmy ne bougea pas. Après un temps si long que Sofian se demanda s’ils n’avaient pas changé de journée, Timmy se tourna enfin vers lui, les yeux emplis de larmes.
— Tu m’as fait changer d’avis.
Et Timmy se laissa glisser contre le mur, s’effondrant en larmes au pied de son lit. Sofian le rejoignit et le prit dans ses bras.
— J’avais décidé de disparaître, j’avais décidé de capturer un Tarsal et d’utiliser ses pouvoirs psychiques pour m’évanouir dans l’espace, avoua Timmy entre deux hoquets. Mais en capturant ton Goélise et en battant la Team Rocket ce jour-là, tu m’as donné envie de vivre ce genre d’aventures. Je t’ai regardé, si confiant, si sûr de toi. Je me suis dit que c’était ça que je voulais être dans ma vie. Et non cet enfant qui fuit parce que ses parents le poussent à fuir. Je ne voulais plus que mes parents dictent ma conduite. Alors, je me suis dit que j’allais te suivre partout dans Hoenn pour apprendre à être aussi courageux et aussi fort que toi. J’ai tout essayé pour t’empêcher de venir à Vergazon, j’ai retardé ce moment pendant si longtemps. D’ailleurs, je te demande pardon pour t’avoir manipulé.
— De quoi tu parles ?
— Tu te souviens quand Monsieur Marco s’est fait voler Picko par la Team Aqua ? Flora et toi étiez d’accord pour laisser faire la police. Mais je savais que si nous restions à Mérouville, nous finirions par passer par Vergazon pour nous rendre à Lavandia pour ton badge. Alors, je vous ai poussé à sauver Picko et à partir en mer avec Monsieur Marco pour contourner par l’océan et ne pas passer à Vergazon. C’est aussi ma faute si on a mis une semaine pour venir depuis Mérouville. Je vous ai menti et j’ai fait exprès de nous perdre. Je te demande pardon.
Sofian hésita un instant, mais finit par le serrer plus fort dans ses bras.
— Tu dois laisser tes parents te soigner, Timmy, finit-il par dire.
Timmy eut un mouvement de recul.
— Est-ce que tu te rends compte du nombre de fois où on a failli te perdre ? Est-ce que tu te rends compte du niveau d’inquiétude que tu nous as fait vivre pendant tout ce voyage ? La pire des fois… chez le joueur de flûte, près d’Autéquia. J’ai vraiment cru que tu allais y passer, Timmy. Tu ne peux pas t’enfuir dans cet état. Tu ne peux pas voyager dans cet état.
— Je le sais, admit Timmy. Je dois encore t’avouer quelque chose.
— Pas besoin.
— Si. Il y a deux semaines, quand on est sorti du Site Météore avec Annick, j’ai à nouveau eu une crise. J’y serais passé sans l’aide d’Annick et d’Arcko. J’ai demandé à Annick de ne pas vous en parler.
Sofian laissa l’information se perdre dans son cerveau.
— Tu dois te soigner, Timmy, répéta-t-il. Et après, tu pourras venir en voyage avec nous.
Timmy acquiesça, les yeux fixés au sol.

Musique : Life and Death, Michael Giacchino

C’était comme une scène au ralenti, dans les vieux films dramatiques. Dans son pyjama, Sofian resta en retrait avec Flora. La lumière de la lune éclairait la cuisine et les trois silhouettes qui se retrouvaient après huit ans de séparation. Timmy restait planté au milieu de la pièce, attendant que quelque chose se passe. Sa mère et son père se jetèrent dans ses bras et l’étreignirent aussi fort que possible, comme pour l’interdire de disparaître à nouveau. Timmy reprit sa respiration, cette fois-ci parce qu’il était entouré d’amour. Il leur demanda pardon. Ils le lui accordèrent. Timmy se tourna vers ses amis et les remercia du regard.
— Vous allez rester encore un peu, hein ? supplia Timmy.
— Autant que possible, mais il faudra que je continue mon voyage, annonça tristement Sofian.
— Je ne voudrais pas vous déranger dans vos adieux tout tristounets mais, intervint Flora, passablement irritée, vous n’oublieriez pas un truc ?
Sofian et Timmy froncèrent les sourcils.
— MON CONCOURS ! Timmy, tu n’en as pas fini avec nous, parce qu’il y a un concours en fin de semaine qui m’attend ! Et je compte bien passer tout mon temps à Vergazon à m’entraîner pour ce concours !
— Je crois que je pourrai le supporter, s’amusa Timmy.

Pokémon #201e
Quatre jours passèrent…

Elle ne se considérait pas comme une grande travailleuse, ou une femme très volontaire quand il s’agissait d’employer son énergie au service des autres. Mais elle avait grandi dans une famille où on lui avait inculqué la valeur du travail. Alors, elle avait accepté depuis ses jeunes années de décrocher des jobs d’étudiants à droite, à gauche. Plus pour faire plaisir à ses parents plutôt que pour son propre développement personnel.
Ce jour-là, elle regretta amèrement ses choix de carrière. C’était bien parce que son contrat avait été signé longtemps à l’avance qu’elle avait permis qu’on l’installe à un comptoir, à l’entrée du dôme dans lequel allait se dérouler le troisième concours de coordination pokémon de la saison. Elle gardait les évènements d’Autéquia en tête, elle se souvenait très bien de l’attentat qu’elle avait suivi en direct à la télévision, de la séquestration du public, et de l’enlèvement de plusieurs personnes. Contre toute attente, les autorités de Hoenn avaient autorisé la poursuite de l’évènement en ne déprogrammant pas le concours de Vergazon. Cependant, un floppée de militaires armés de leurs pokémons férocement entraînés gardait chaque entrée, chaque sortie et chaque couloir du bâtiment, et elle se sentait en sécurité.
Son regard s’attarda un instant sur l’affiche de la police qui promettait une récompense à quiconque donnerait des indications pertinentes pour retrouver Isobella et son Papinox, et Roberto et son Miaouss, les criminels qui avaient orchestré l’attaque à Autéquia.
— Bientôt, cette histoire fera partie du passé.
Elle sursauta. Un homme s’était approché furtivement du comptoir. Elle l’observa un instant. S’il n’avait pas caché son visage sous un chapeau marron rapiécé et son corps sous un impair gris délavé, elle aurait pu le trouver très mignon avec son visage fin, sa mèche brune derrière ses oreilles, et ses yeux bleu électrique.
— Je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait déjà des inscriptions si tôt dans la journée, s’excusa l’hôtesse.
— Je ne suis pas là pour m’inscrire.
L’homme sortit de la poche intérieure de son impair un badge qui semblait officiel.
— Police Spéciale de Hoenn, s’identifia-t-il.
Grâce à ses quelques cours de citoyenneté à l’école, l’hôtesse se souvint que la Police Spéciale de Hoenn enquêtait sur tous les crimes à grande échelle et à envergure internationale.
— Vous enquêtez sur l’attentat d’Autéquia ? s’intéressa l’hôtesse, excitée à l’idée qu’il y eût un peu d’action dans son village si paisible.
— Pas vraiment, cette affaire est en partie classée, répondit le détective de sa voix grave. J’ai besoin que vous me sortiez l’historique des inscriptions aux concours de coordination.
— C’est que… Il n’y a pas eu encore d’inscrits aujourd’hui.
— Nous ne nous sommes mal compris. Je parle de l’entièreté des inscriptions, depuis la création du concours de coordination.
L’hôtesse hésita. Était-il sérieux ?
— Vous êtes au courant que ça fait dix ans qu’on organise ces concours ?
— Ai-je l’air de ne pas prendre la chose au sérieux ?
Intimidée par le regard perçant qui la scannait depuis les yeux bleu électrique du détective, l’hôtesse s’exécuta.
— Ça risque de prendre un moment, indiqua-t-elle de mauvaise humeur.
— J’ai tout mon temps. Vous pouvez me donner les documents au fur et à mesure.
L’hôtesse lui fourra dans les mains la première pile de papier qui sortit de son imprimante et le détective s’écarta du comptoir afin de se plonger dans une lecture en diagonale sans être importuné. Le programme imprimait de manière rétroactive, de sorte qu’il se retrouvât avec les inscriptions des derniers concours pokémon. Il reconnut rapidement quelques noms qui avaient joué un rôle dans l’enquête de l’attentat d’Autéquia, tel que Isobella Mentirosa, Annick Furler, ou Flora Seko. Mais ce n’était pas cette information qu’il recherchait. Enfin, son index s’arrêta à côté du nom qu’il avait tant attendu de retrouver : « Brice Belangelo. Nombre d’inscriptions : 54. Première inscription : 26 septembre 2004, Nénucrique. Dernière participation : 25 septembre 2011, Poivressel. Ville de résidence : Lavandia. » Le détective parcourut l’entièreté du document mais ne trouva pas plus d’informations.
— Je suis désolée, mais il faudra que vous vous dirigiez vers un autre comptoir, je suis fort occupée ! s’énerva l’hôtesse.
Le détective releva la tête des documents et reconnut au loin le groupe de trois adolescents accoudés au comptoir. Ils ne pouvaient pas tomber plus à pic.

— Pas besoin d’être aussi désagréable ! rétorqua Flora.
La jeune fille changea de file, suivie d’un Sofian et d’un Timmy amusés.
— Encore une nouvelle ennemie qui entre dans la liste noire de Flora.
— Exactement ! répondit Flora en arrachant le Pokénav des mains de Timmy. Quiconque se mettra en travers de ma route vers ce ruban sera mon ennemi juré !
Flora releva le Pokénav devant son visage pour pouvoir être filmée par la caméra et fut ravie de revoir son amie Annick éclater de rire, de l’autre côté de l’écran.
— Tu es sûre que tu ne pourras pas revenir à temps pour le concours ?
— Flora, je viens à peine de quitter le Bourg-en-vol, rappela Annick. Et regarde qui est avec moi !
La vue changea dans l’écran et un énorme Rosélia, bien plus gros que la moyenne, leur fit un signe de ses roses en bondissant de vigueur.
— Je suis heureuse de voir que tu t’es remise de ta maladie !
— C’est bientôt ton tour, Flora, indiqua Timmy.
— Je suis heureuse de voir que tout le monde s’est remis de sa maladie, précisa Annick en faisant un clin d’œil à Timmy.
— De quoi tu parles ?
— Oh, de rien. Alors, dis-moi, excitée à l’idée de refouler du pied la grande scène du concours de coordination ?
— T’as pas idée ! s’exclama Flora en brandissant un poing en l’air. Mais ma victoire risque d’être très fade aujourd’hui, sans toi, ni sans le beau Brice.
— Le Brice des Neiges ne sera pas là non plus ?
— Regarde le bon côté des choses, intervint Sofian, tu as toutes tes chances de gagner aujourd’hui.
Flora s’interrompit.
— Oho…
Elle tourna son visage vers l’adolescent qui n’avait pas l’air d’avoir compris quelle avait été son erreur.
— Timmy, tu veux bien me tenir ça une minute ? demanda-t-elle gentiment au jeune garçon qui récupéra son Pokénav. Annick, je reviens.
— Je vais vous laisser…
Timmy s’écarta de ses deux amis afin de poursuivre sa conversation avec Annick, loin des cris.
— Ça veut dire que je n’ai aucune chance de gagner quand Annick et Brice participent ? rétorqua Flora.
— C’est pas du tout ce que j’ai voulu dire, s’empressa de répondre Sofian.
— Puis-je avoir votre carte de dresseuse ?
Flora plaqua sa carte d’identité sur le comptoir sans un regard en direction de l’hôte.
— Et qu’est-ce que tu as voulu dire, alors ?
— Je disais simplement que… avec le fait que tout le monde a peur d’une nouvelle attaque… et puis que tes principaux adversaires ne seront pas là… qu’une vingtaine de participants… je veux dire… Je vois pas pourquoi tu ne gagnerais pas.
— La pokéball du Pokémon qui vous accompagnera ?
Flora lança la sphère au visage de l’hôte, toujours fulminante de colère à l’adresse de Sofian.
— Eh bien sache que ce ne n’est pas parce qu’il y a moins de candidats que le niveau n’est pas élevé ! Un concours de coordination, c’est pas comme un match d’arène ! Tout peut arriver, et n’importe qui peut être plus gracieux, ou plus puissant, à n’importe quel moment ! La coordination, c’est un art. Et il y a des centaines d’artistes comme moi à Hoenn !
— Ok ! Ok ! Je voulais juste te faire un compliment…
— Voici votre numéro de participation, vous serez la troisième à passer sur scène.
— Et ce jeune homme sera le quatrième !
— Quoi ?!
Flora usa d’agilité pour fourrer sa main dans la poche du pantalon de Sofian et en extraire sa carte de dresseur qu’elle plaqua à nouveau sur le comptoir.
— Mais… qu’est-ce que tu fais ? J’ai pas du tout envie de participer à ce concours ! Je suis un dresseur, moi, pas un simple…
— Un simple quoi ? Tu sais quoi, tout ça, ça se termine aujourd’hui ! Tu vas voir à quel point c’est compliqué la coordination en essayant toi aussi de gagner ce concours !
— Je vous inscris ou pas, finalement ?
— Inscrivez-le !
L’hôte s’exécuta.
— C’est pas juste, j’ai aucun pokémon entraîné pour la coordination ! Regarde-les, tu penses vraiment qu’ils sont faits pour la coordination ?
Flora jeta un coup d’œil aux quatre pokémons de Sofian qui jouaient derrière Timmy pour amuser Annick dans le Pokénav. Elle dû se résoudre à être d’accord avec son ami.
— Tu participeras avec mon Skitty !
Flora lança une deuxième pokéball à l’hôte qui se mordit la langue pour garder son calme.
— Elle sait ce qu’elle a à faire, elle est bien entraînée. Vu que tu es si parfait et imbattable, on se retrouve sur scène ! À tout à l’heure, Monsieur J’ai-La-Grosse-Tête !
Et Flora récupéra ses affaires avant de disparaître dans les coulisses sans un mot de plus. Sofian fit apparaître la Skitty de Flora qui n’eut qu’une seule envie, se chasser la queue en tournoyant sur elle-même.
— Qu’est-ce que je vais bien pouvoir te faire faire ? se lamenta Sofian.
Skitty tomba à la renverse, désorientée, et Sofian soupira.

Pokémon #201p
Accompagné de ses parents, Timmy s’installa sur un des sièges confortables de la rangée la plus haute des gradins et s’étonna du nombre si infime de spectateurs. Pourtant, le concours allait démarrer dans les minutes qui suivaient.
— En tout cas, c’était la meilleure décision à prendre, appuya Annick, toujours en communication dans la Pokénav.
— Je sais, répondit vaguement Timmy en évitant de croiser son regard. Bon, je vais devoir te laisser, le concours va bientôt commencer.
— Comment ça se fait que c’est si tôt dans la journée ?
— Ils l’enregistrent en différé et le passeront ce soir, expliqua Timmy. Il n’y aura pas de direct aujourd’hui, étant donné les évènements d’Autéquia. Mais apparemment, ce n’est que pour ce concours-ci, histoire qu’ils retombent sur leurs pattes. Tu devrais voir le nombre de policiers qui ont été affectés à notre sécurité.
— Ça veut dire que vous saurez avant moi si Flora a gagné !
— Ou si c’est Sofian !
Les deux amis éclatèrent de rire.
— J’espère que l’enregistrement se passera bien et qu’il n’y aura pas… d’incident.
— J’espère surtout qu’il y aura d’autres participants, parce que c’est pas la joie dans le public. On doit être trente à tout casser.
— Quelle ambiance.
Devant lui, les lumières s’éteignirent sur le plateau ovale et une vidéo d’introduction s’afficha sur les épais rideaux rouges qui séparaient les coulisses de la salle.
— Je dois te laisser, bisous, chuchota Timmy.
Il éteignit son Pokénav et rectifia sa position sur son siège, prêt à participer au spectacle. Il se demanda tout de même comment les producteurs du concours allaient rebondir suite au fiasco d’Autéquia. Allaient-ils mentionner les évènements ? Il n’allait plus tarder à le découvrir.
Sa mère posa une main sur sa jambe et Timmy tressaillit. Peu habitué à ce genre de gestes d’affection, il afficha un sourire forcé et se concentra sur la scène de spectacle.
Musique : Contest!, Junichi Masuda

Une voix off masculine s’éleva depuis les hauts parleurs :
Cela fait trois mois que les candidats s’affrontent sans relâche sur la scène ovale du dôme ! Soir après soir, concours après concours, des centaines de coordinateurs rêvent de la même chose : décrocher un prestigieux ruban et assoir sa gloire ! Qui sera le nouveau Coordinateur de l’année ? Qui aura le privilège de participer au Grand Festival des Coordinateurs ? Vous le découvrirez tout au long de l’année dans cette nouvelle saison des concours de coordination pokémon de Hoenn ! Ce soir, il est temps d’accueillir la grande, la belle, l’unique… Cassandre !
Les quelques spectateurs, réunis au centre des gradins par les producteurs de l’émission, applaudirent aussi fort que possible, comme l’indiquait la consigne affichée sur un écran bien au-dessus du plateau. Timmy ne put s’empêcher de se sentir embarrassé pour les réalisateurs de l’émission qui allaient devoir redoubler d’effort pour pallier l’ambiance ridicule de la soirée. Il avait d’ailleurs constaté que plusieurs images du concours d’Autéquia avaient été diffusées dans la vidéo de présentation sans une seule remarque quant aux évènements de ce jour-là. Peut-être allaient-ils concentrer leurs efforts sur le montage de l’émission, pour donner envie aux spectateurs de revenir ?
— Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs, je suis ravie de vous retrouver ici, à Vergazon, pour ce troisième concours pokémon de l’année ! scanda la présentatrice dans son micro alors que le public peinait à se faire entendre dans la salle vide. Ils sont là ! Ils sont prêts ! Nos merveilleux coordinateurs surentraînés n’attendent qu’une chose derrière ce rideau : en découdre ! Ce soir, comme tous les soirs cette année, ils devront appliquer de nouvelles règles : pour avoir une chance de se qualifier en finale, les concurrents devront présenter une prestation artistique sur un fond musical de leur choix avec leur fabuleux pokémon ! Au terme de la minute trente qui leur est accordée, des notes leur seront attribuées selon leur grâce et la beauté du spectacle ! Comme toujours, c’est à notre fantastique jury que revient cette tâche ! Il est temps de les accueillir comme il se doit !
Un spot éclaira le coin arrière droit de la scène et Timmy imita ses camarades spectateurs dans des applaudissements à se rompre les phalanges. La présentatrice, dans sa magnifique robe argentée, attendit quelques instants, malgré l’évanouissement rapide des applaudissements. Cette fois, Timmy en était sûr, ils allaient rajouter l’ambiance en post-production.
— À occasion unique, jury d’exception ! poursuivit Cassandre. Il est le pilier de ces concours, au four et au moulin pour vous présenter des spectacles extraordinaires : M. Lang, créateur du concours national !
La présentation des membres du jury se poursuivit avec trois autres personnalités que Cassandre décrivit en multipliant les superlatifs et les adjectifs les plus sensationnels, tels que « incommensurable », « prodigieux », « phénoménal » ; elle osa même un « universellement reconnu par les experts les plus gratifiés », mais rien n’y fit. Timmy n’avait aucune idée de qui étaient les personnes qui composaient le jury. Peut-être avaient-ils joué un rôle dans la célébrité du concours et la production espérait attirer un maximum de téléspectateurs grâce à eux.
— Eh oui, ce soir, pour cette édition spéciale du concours pokémon, édition unique de l’année, ils seront quatre à donner des notes aux candidats ! C’est un véritable spectacle inédit que nous vous proposons !
Cette nouvelle fit comprendre à Timmy l’absence des habituels boitiers dans le public, qui servaient généralement aux votes des spectateurs.
— Enfin, les deux candidats qui obtiendront le score le plus élevé de la soirée accèderont à la phase finale et se départageront dans un combat de pokémon. Le gagnant décrochera alors ce magnifique ruban !
S’afficha dans les écrans un élégant ruban de soie de couleur marron noué avec délicatesse, sur son coussin de présentation.
— Il est temps à présent de passer à la première manche du concours : les Prestations !
— Et… Coupez !
La musique s’arrêta instantanément et les lumières furent rallumées. Timmy se déconfit dans son siège : pour la magie, c’était raté !

*
— Candidat numéro un, veuillez me suivre, nous allons bientôt commencer.
Une jeune fille munie d’un micro-bouche tira un vieil homme hors des coulisses. Sofian s’enterra plus profondément dans son pouf rose. Jamais il ne s’était senti aussi angoissé. Autour de lui, six coordinateurs inconnus faisaient les cents pas dans les coulisses, sous plusieurs écrans qui rediffusaient en direct les images de la scène depuis les gradins, comme à la télévision.
— Huit ! s’exclama Flora en se jetant sur un pouf devant lui. Huit coordinateurs ! Huit seulement ! Du jamais vu…
Sofian releva le regard vers son amie et fut ébloui par la splendeur de son habillement. Elle avait à nouveau enfilé son élégante robe jaune pâle dont les paillettes allaient briller de mille feux sous les spots de la scène.
— J’en connais un qui est stressé à l’idée de monter sur le plateau, se moqua Flora en rajustant son décolleté.
— J’ai confiance en ta Skitty, répliqua-t-il.
— Ah oui ? J’espère qu’elle t’obéira, parce qu’elle n’a pas l’habitude qu’on l’appelle par son nom d’espèce lorsqu’elle est sur scène.
Le cœur de Sofian bondit dans sa poitrine. Il venait de se souvenir que Flora avait attribué un nom de scène à chacun de ses pokémons. Arrogant comme il était, il n’avait pas pris soin de retenir ces informations lors des deux concours précédents.
— Au moins, je suis sûr de gagner la phase des combats, nargua Sofian.
— Et pourquoi ça ?
— Parce que je suis un dresseur expérimenté qui possède trois badges et pas toi.
Flora ouvrit la bouche, choquée, mais préféra réfléchir à sa prochaine réplique.
— Encore faut-il que tu accèdes à la phase de combat.
— Pfff, un jeu d’enfants.
Flora éclata d’un rire faux.
— Oh, Sofian, tu es tellement… un dresseur, termina Flora sur un ton qui ne laissait pas de place aux compliments.
— Et qu’est-ce que ça veut dire, ça ?
— Ça veut dire que la coordination, c’est un art subtil qui ne met pas en avant la violence entre pokémons. C’est pour cela qu’on commence par une phase de prestations. C’est la plus importante. Sans elle, pas d’accès à la phase finale.
— À quoi bon faire une belle prestation si c’est pour échouer en combats ?
Flora leva les yeux au ciel et profita qu’on l’appelait pour se rendre sur scène pour ignorer son ami.
— Bonne chance !
— Je n’ai pas besoin de chance, lui répondit Flora en gardant le dos tourné, j’ai du talent.

Flora entra sur scène et se positionna au centre du plateau. Les lumières s’affaiblirent et la musique se lança. Il s’agissait d’une jolie mélodie rapide et furtive qui, dans les oreilles de Timmy, lui fit penser à une balade en nature. Et Flora joua sur ce tableau. Dans sa robe jaune pâle, elle se promena sur scène en sautillant allègrement quelques secondes avant que son Charmillon n’apparaisse de nulle part. À cet instant, une note grave sortie tout droit d’une contrebasse indiqua la menace, et Flora se recroquevilla sur elle-même. Son Charmillon lui envoya des coups de sécrétions et Flora fit mine de les éviter. Mais ses deux bras furent collés au sol par la sécrétion. La musique angoissante s’accéléra tandis que Charmillon envoyait son attaque « tornade » afin de briser la sécrétion et faire s’envoler gracieusement Flora devant le jury. Flora glissa élégamment au sol, dans une chorégraphie répétée de longue date. Alors, les tambours laissèrent place aux cordes d’un magnifique violon qui joua une sérénade attendrissante, et Charmillon envoya une pluie scintillante sur Flora qui se releva à moitié, les fesses au sol, le dos courbé, la tête en arrière, prête à accueillir les étoiles de Charmillon dans un pardon délicat.
La dernière note aigue du violon disparut dans le temps et le public timide applaudit triomphalement.
— Quelle merveilleuse prestation de la part de la candidate Flora Seko ! commenta Cassandre en la rejoignant sur scène. Ouf, je défie quiconque de ne pas verser une larme à la suite de cette adorable balade. Mais pour l’heure, voyons les points que lui ont attribué le jury !
Les notes maximales apparurent dans les écrans des pupitres de la plupart des membres du juré et Timmy cria joyeusement le nom de Flora en se levant de son siège lorsque le nombre « 19/20 » apparut en grand au-dessus d’elle.
Flora disparut derrière les rideaux rouges en saluant le public avec son Charmillon.
— Ça va être difficile pour les autres de faire mieux ! commenta Timmy.
Son Tarsal et son Arcko, assis sur les genoux de ses parents de part et d’autre de leur maître, approuvèrent en applaudissant.
— Accueillons à présent notre cinquième coordinateur de la soirée, reprit la présentatrice. Il s’agit pour lui de sa première participation à un concours de coordination. Il a seize ans, il nous vient du Bourg-en-vol, lui aussi, fraîchement débarqué de la région de Kanto. Fils du champion de Clémenti-Ville, qui aurait cru qu’il s’intéressait à la coordination plutôt qu’à la Ligue Pokémon. Espérons pour lui que la chance du débutant soit de son côté. Accueillons ensemble… Sofian Match !
— Oh non, je ne veux pas voir ça, marmonna Timmy en se mordant les lèvres.

Quelqu’un le poussa dans le dos et Sofian se retrouva au milieu de la scène ovale instantanément. Devant lui, dans les gradins à moitié vides, des centaines d’yeux ne regardaient qu’une chose : lui. S’il tenait le menteur qui avait affirmé qu’on ne voyait pas le public depuis une scène… !
Les spots estompèrent la lumière au-dessus de lui et une musique inconnue débuta, une musique qu’il avait choisi au hasard lorsqu’on le lui avait demandé. Quelque chose lui tétanisa les membres. Il était incapable de bouger. Son cœur s’était emballé dans sa poitrine, comme s’il voulait s’échapper hors de ses côtes. Que lui arrivait-il ? Était-ce donc cela… le stress avant une performance artistique
Cela faisait déjà dix secondes que la musique s’était lancée et Sofian n’avait pas bougé d’un cil. Il vit au sommet des gradins son ami Timmy lui lancer des regards affolés. Le temps passait, la musique s’accélérait, et il n’avait pas encore commencé sa prestation. Mais que pouvait-il bien faire ?! Derrière les rideaux rouges, dans les coulisses, Flora devient bien s’amuser. La voie lui était libre pour la finale et pour le ruban brun de Vergazon.
Mais il n’allait pas la laisser s’en tirer si facilement. Oh, elle avait voulu l’humilier publiquement ! Peut-être l’avait-il mérité. Peut-être devait-il passer par là pour comprendre à quel point la coordination était un exercice sérieux à part entière, aussi sérieux que les combats pokémons. Mais s’il devait passer par cette humiliation publique en phase de prestations pour le comprendre, il allait lui retourner la pareil en phase de combats, foi de Sofian !
— Kiki, en avant ! cria-t-il en lançant sa pokéball dans les airs.
Il vit Timmy se plaquer une main au front et comprit qu’il fallait qu’il lâche ses habitudes de dresseur pour entrer dans la peau d’un coordinateur.
Skitty fit son apparition devant Sofian et lui lança un regard curieux. Apparemment, elle n’était pas au courant qu’elle allait devoir faire une prestation. La musique se transforma en une longue lamentation tandis que Skitty prenait conscience de sa présence sur scène. La petite chatte rose fit alors ce qu’elle avait toujours l’habitude de faire quand les regards étaient concentrés sur lui : elle se mit à courir après sa queue.
Le public éclata de rire et Sofian perdit tout espoir d’atteindre les phases finales. Il ne lui restait que trente secondes de musique. C’est alors que Skitty fut vexée par la réaction du public et changea de comportement. Elle se plaça face aux yeux qui l’observaient et se mit à balancer sa queue touffue de gauche à droite, comme un métronome. En sortant ses gros yeux humides, Sofian ne put résister à s’attendrir face à ce si joli pokémon. Un coup d’œil au public et il constata que tous les hommes étaient attendris par la petite chatte, tandis que les femmes ne semblaient pas être touchée par la tentative de séduction de Skitty.
« L’attaque "attraction", évidemment ! » comprit Sofian. Skitty, femelle, était en train de séduire tous les êtres mâles de la salle. Le problème était que deux des membres du jury étaient des femmes. Sofian soupira. S’il fallait en arriver là pour accéder à la finale, il n’allait pas s’en priver.
Il déboutonna les deux premiers boutons de sa chemise et laissa apparaître les quelques premiers poils sur sa poitrine d’adolescent. Constatant que sa démarche avait été notée par les jeunes filles dans le public, il décida de passer au niveau supérieur alors que les dernières notes se jouaient. Il arracha sa chemise qu’il jeta au sol et tournoya sur place en improvisant des pas de danse que jamais il ne s’était cru capable de réaliser.
La musique se termina sur une note grave et il se laissa tomber au sol dans une position qu’il espérait très séductrice, et qui lui permettait d’afficher la forme de ses fesses et son corps mince derrière une Skitty attendrissante.
Le public mit un certain temps à sortir de sa torpeur et à lui accorder quelques faibles applaudissements. Sofian croisa le regard honteux de Timmy et il ramassa rapidement sa chemise derrière laquelle il se cacha précipitamment.
— Une prestation… originale, commenta la présentatrice sans cacher le malaise dans sa voix. Voyons ce que le jury aura pensé de cette… danse de la séduction.
À son grand étonnement, il reçut la note moyenne de « 11/20 », en partie grâce aux hommes qui avaient été manipulés par Skitty. Ce n’était pas un grand score, mais il avait toutes ses chances pour passer. Sofian se précipita dans les coulisses pour cacher sa honte. Flora l’accueillit, l’expression hésitante entre la satisfaction de cette humiliation et la colère de constater que cela avait fonctionné.
— Je ne savais pas que tu étais prêt à vendre ton corps, lui dit-elle en lui accordant un seul clap de ses mains.
— Rien ne m’empêchera de te donner une bonne leçon lors de la finale !
— Qui te dit que tu vas y accéder ?
— Mes pectoraux me le disent !
— Laisse-moi rire, tes deux poils sur ton torse tout plat ?
— Comme ça on a un point commun toi et moi !
Flora s’insurgea et préféra s’éloigner de lui.

*
Timmy ne s’étonna guère des résultats de cette première phase du concours. Avec seulement huit coordinateurs, la majorité inexpérimentée, c’était évidemment son amie Flora qui s’était qualifiée en première pour le combat final. Quant à Sofian, il était content d’apprendre qu’il avait réussi aussi à se qualifier, mais il aurait préféré ne jamais avoir assisté à une telle prestation gênante. Une chance qu’aucun de leurs amis n’avaient été présents.
Les deux meilleurs amis — ou étaient-ils devenus ennemis ce jour-là — se firent face sur la scène ovale tandis que la présentatrice Cassandre rappelait les règles des combats de coordination :
— Démarrons sans plus attendre cette magnifique finale qui oppose Flora Seko, du Bourg-en-vol, à Sofian Match, lui aussi du Bourg-en-vol ! C’est dans un spectaculaire match pokémon qu’ils se départageront. Néanmoins, l’art complexe qu’est la coordination pokémon ne leur laissera pour vaincre leur adversaire que cinq minutes et cinq minutes…
Le public mit un certain temps avant de scander en chœur :
— … uniquement !
Cette émission allait définitivement passer par une très grosse phase de post-production pour la rendre attrayante.
— Je rappelle que chaque coup porté contre son pokémon coûtera au coordinateur un certain nombre de points décidés en direct par les juges qui voteront tout au long du combat. Chaque coordinateur détient cinquante points de vie, matérialisés par notre célèbre barre de vie numérique ! Aux pokémons et à leurs coordinateurs de faire preuve de sang-froid, de robustesse et d’intelligence avant de gagner ce match avant le temps imparti ! Car si les coordinateurs n’arrivent pas à se départager à la fin des cinq minutes, la victoire sera attribuée à celui ou à celle qui aura le plus de points de vie !
— Peu importe, j’ai pas besoin de vos règles compliquées pour gagner un match pokémon, commenta Sofian en faisant en sorte que Flora l’entende de l’autre côté de la scène. Je vais vous montrer ce qu’est un vrai combat !
— Tu feras moins le malin quand tu auras perdu tous tes points avant la fin impartie, répliqua Flora, sur les nerfs.
— Coordinateurs, que le combat commence ! lança la présentatrice.
Un gong retentit dans la salle et le décompte des cinq minutes se mit en route.
Sofian prit quelques instants afin d’observer son environnement. Il n’allait pas se laisser déconcentrer par des règles tordues qui ne faisaient que justifier l’amateurisme des concours de coordination. Tout ce qui comptait dans un match pokémon, c’était la puissance adoptée face à l’adversaire, et la sagacité avec laquelle un pokémon et son dresseur prenaient parti du terrain de combat imposé. La scène était donc ovale, longue de sept mètres et large de cinq mètres. Elle était délimitée par une haute rangée de rideaux à sa droite et une fosse d’un mètre de profondeur à sa gauche, endroit où se trouvaient les premiers gradins des spectateurs. Derrière lui, les quatre membres du jury. Derrière Flora, la présentatrice face à une caméra pointée constamment sur elle. Au-dessus d’eux, trois rangées de spots lumineux aveuglants.
— Tu n’attaques pas ? s’étonna Flora. Le temps passe, sais-tu ? On n’est pas dans une arène.
— Toi non plus, tu n’attaques pas. Tu as peur de perdre tes premiers points ?
— C’est parce que tu ne connais pas les attaques de mon Skitty ?
Elle marquait un point. Sofian n’avait aucune idée des capacités que connaissaient le petit chat rose devant lui, hormis l’attaque « attraction ».
— Si seulement tu t’étais intéressé une seule fois à autre chose que ta propre équipe de pokémons, lança Flora avec ce qui semblait être de la peine dans l’intonation de sa voix.
Flora marquait un deuxième point. Il allait très vite reprendre le dessus en lançant les hostilités.
— Très bien, Kiki, utilise « attraction » !
Skitty balança sa queue en direction de Charmillon à qui elle adressa un regard attendrissant. Flora éclata de rire.
— Quelle erreur ! Charmy, envoie-lui une bonne dose de « para-spore » !
L’énorme papillon tournoya sur lui-même avec grâce et une poudre jaune se posa sur Skitty. Le petit chat trembla de tous ses membres.
— Alors que les coordinateurs ont laissé passer déjà une minute de leur temps, le combat commence sur les chapeaux de roue avec un Charmillon insensible à l’« attraction » de son adversaire qui se retrouve d’emblée paralysée ! commenta la présentatrice.
Au-dessus de Sofian, sa barre de vie diminua d’un quart.
— Mais… comment ? Charmillon est bien un mâle !
— Certes, mais Charmy connait trop bien Kitty que pour se laisser amadouer ! annonça Flora, fière d’elle.
Flora avait un coup d’avance, ce qui irrita Sofian. Il fallait qu’il garde en tête que les deux pokémons qui s’affrontaient étaient amis et alliés dans la vie.
— Okay, tu veux la jouer à la dure ? Je vais te montrer comment un vrai dresseur arrive à combattre avec autant de pénalités devant lui ! Kiki, — ou Kitty, peu importe — pas besoin de bouger pour attaquer ! Envoie ton « rugissement » !
Skitty rugit vigoureusement. Même si cela n’avait aucun effet visible, Sofian savait que la force d’attaque de Charmillon venait de baisser, ce qui lui laissait plus d’opportunité pour gagner.
— Facile à éviter comme piège, rétorqua Flora, sûre d’elle. Charmy, envoie ta capacité spéciale « tornade » !
Charmillon battit des ailes avec allégresse, comme dans une danse de la séduction, et un vent violent emporta Skitty dans les airs, faisant perdre de nouveaux points à Sofian.
— Parfait ! Skitty, profite de la force de la bourrasque pour attaquer « charge » avec ta queue !
La tornade avait emporté Skitty à la même altitude que Charmillon et le chat se laissa porter par le mouvement de son corps afin de frapper de plein fouet le papillon à l’aide de sa queue. Charmillon s’écrasa au sol, tandis que Skitty retomba sur ses pattes, libérée de sa paralysie.
Toutefois, Sofian constata que non seulement Flora n’avait pas perdu beaucoup de points, mais que lui-même en avait perdu.
— Quelle stratégie efficace ! commenta la présentatrice. Être capable de tirer à son avantage une attaque de son adversaire pour la retourner contre lui est digne de ce que l’on apprend en combat d’arène ! Mais le manque de grâce et de robustesse de Skitty a coûté cher à son dresseur.
— Qu’est-ce que c’est que ces règles pourries ? s’indigna Sofian. Skitty a réussi un exploit que seul moi suis capable de lui faire faire et elle perd encore des points ?!
— Tu n’as vraiment rien compris à l’art de la coordination, s’impatienta Flora. Laisse-moi te montrer en quoi cela consiste !
— J’ai bien peur que ton Charmillon soit trop blessé que pour faire preuve de « grâce » !
— Ah bon ? Tu crois ? Pour une fois, je vais prendre ton conseil de dresseur. Charmy, et si nous reprenions des forces ?
Charmillon s’envola dans les airs en réalisant des arcs de cercle majestueux et le papillon brilla de mille feux. Quelques secondes plus tard, il réapparut aussi robuste que jamais.
— Quelle attaque « aurore » maîtrisée ! s’émerveilla la présentatrice en rajoutant des effets de manches. Voilà le Charmillon soigné de ses blessures !
— C’est pas vrai ! Skitty, attaque « charge » sur le sol pour te propulser à sa hauteur et le frapper à nouveau !
Sofian détestait être aussi précis dans ses consignes, mais Skitty n’étant pas son pokémon, il était obligé de délivrer sa stratégie. Skitty s’exécuta, s’envola à hauteur du papillon, et lança sa queue vers lui. Mais Charmillon évita l’attaque d’un battement d’aile élégant et Sofian perdit à nouveau des points. Skitty s’écrasa au sol devant Flora, perdant à nouveau des points.
— Je suis désolée, Kitty, mais il faut que je gagne ce match, s’excusa Flora à l’adresse de son pokémon. Charmy, attaque « dards venin » !
Mais Skitty réagit en premier. Sans attendre aucun ordre de Sofian, il cria à tue-tête. Mais à bien y réfléchir, ce n’étaient pas des cris qui sortaient de sa bouche, mais plutôt… une mélodie. Une douce mélodie… Une mélodie, agréable, relaxante. Sofian se sentit sombrer petit à petit dans un état de profond apaisement.
Charmillon tomba avec fracas devant Sofian, et l’adolescent se réveilla en sursaut.
— Quel retournement de situation ! s’exclama la présentatrice. L’attaque « berceuse », et sans attendre la consigne de son maître. En voilà un pokémon fort mal élevé !
Tout à coup, un gong explosa dans la salle. La fin du compte à rebours, des cinq minutes réglementaires.
— Non, impossible ! Depuis quand il connait l’attaque « berceuse » ? Non, mon ruban !
Flora courut au centre de la scène et se tordit le cou pour regarder les résultats du match sur l’écran géant au-dessus d’elle. Une barre de vie se démarquait clairement de l’autre.

Pokémon #201
Le hall d’entrée du dôme du concours de coordination était plongé dans un brouhaha excité des spectateurs qui quittaient la salle de spectacle en se retraçant les meilleurs moments du concours. Sofian analysa chaque centimètre du ruban brun qu’il tenait dans la paume de ses mains, et il dut admettre que c’était une récompense satisfaisante pour ce genre d’expérience.
— Félicitations pour ton premier ruban, osa-t-il le plus respectueusement possible.
Il tendit son ruban à Flora. La jeune fille récupéra sa récompense et lui adressa un sourire poli.
— Je dois t’avouer que ta prestation était ma préférée, commenta Mme Bronam.
— Peut-être même la meilleure de la saison, renchérit M. Bronam.
— Oh, vous savez, on fait ce qu’on peut, répondit modestement Flora.
Mais son large sourire trahit la fierté que la jeune fille ressentait à cet instant. Elle venait de gagner son premier ruban. Le ruban qui lui ouvrait la voie à une longue carrière de coordinatrice. En y repensant, le fait d’avoir si peu d’adversaires allait la mettre en avant dans les personnages les plus emblématiques de la saison. Et puis, elle avait écrasé Sofian à plates coutures ! Rien qu’à imaginer la tête de son amie Annick quand elle verrait l’émission le soir-même la remplissait de joie. Et ses parents, à qui elle venait de prouver qu’elle était digne du voyage qu’ils lui avaient accordé.
Flora épingla le magnifique ruban brun dans sa pochette à rubans et brandit le tout face à ses trois pokémons qui lui firent la fête.
— Sincèrement, bravo pour… ce ruban, répéta Sofian en essayant de lui montrer à quel point il était sincère.
Flora lui adressa un véritable sourire, cette fois-ci.
— Alors ? Qu’est-ce que ça fait d’être battu par une coordinatrice dans un match pokémon ?
Sofian hésita : il savait que n’importe quelle réponse serait la mauvaise. Il mit de côté tous les arguments qu’il avait contre les règles tordues du match qu’ils avaient livré, le fait qu’il ne connaissait pas les capacités de Skitty, et tout ce qui l’avait conduit à la défaite ; et il répondit simplement :
— La coordination n’a rien à voir avec la Ligue Pokémon. Tu es douée, dans ton domaine. Je suis doué, dans le mien. Je suis certain qu’on peut s’enseigner des choses mutuellement.
Flora l’évalua du regard un instant, les sourcils froncés.
— Mouais… Tu me fais peur, Sofian. Je te préférais quand tu étais odieux, au moins tu étais normal. Là, tu es tout… gentil. C’est… terrifiant.
Sofian lui tendit la main en rigolant.
— Désormais, je serai ton plus grand fan.
Flora lui sauta dans les bras et le serra très fort contre elle.
— Par contre, désolé, mais cette place est déjà prise par Annick. Tu devras te contenter du numéro deux.
— Deux, ça me va.
L’étreinte se relâcha et les deux amis se regardèrent avec affection.
— Excusez-moi, mais vous savez où se trouve Timmy ?
C’était M. Bronam qui avait parlé. En effet, les derniers spectateurs avaient quitté la salle et Timmy n’était toujours pas revenu dans le groupe. L’inquiétude reprit sa place au sein de Sofian.
— Marvin… appela la maman de Timmy, les larmes aux yeux. Marvin, dis-moi que tu sais où il est.
— Je pensais qu’il nous avait suivi !
— Il ne s’est tout de même pas… enfui ?
Sofian et Flora échangèrent un regard paniqué. Le concours de coordination étant passé, rien ne les poussait à rester à Vergazon. Et si Timmy avait décidé de mettre à exécution son plan de fuite ?
— S’il a décidé de fuguer, alors je sais par où il va passer avant de quitter Vergazon ! indiqua son père.
Les deux parents semblèrent se comprendre.

Pokémon #201r
Musique : The Tangled Web, Michael Giacchino

Timmy contempla une dernière fois son village natal au pied de la colline. Il discerna au loin la maison où il avait grandi les sept premières années de sa vie, et dans laquelle il s’était juré de ne plus jamais remettre pied.
Il détourna son regard de Vergazon et s’assura que tout était prêt : son sac de voyage était rempli, il avait chaussé ses chaussures de marche, ton Pokénav était bien dans sa poche et ses amis Arcko et Tarsal hors de leurs pokéballs. Tout était en ordre pour s’enfuir à jamais. Il lui restait toutefois une chose à faire.
Il sortit la lettre froissée de la poche de son pantalon et la parcourut une dernière fois des yeux. « Ta place est parmi nous, à Vergazon »… « Tes parents qui t’aiment fort »…
Alors, il lâcha la feuille des mains et la lettre s’envola au gré du vent hivernal, disparaissant à l’horizon. Il était prêt à démarrer sa nouvelle vie.
— Je ne ferais pas ça, si j’étais toi.
Timmy fit volte-face, et ses pokémons le protégèrent de leur corps. Il reconnut de suite le détective qu’ils avaient souvent croisé ces quatre dernières semaines. Timmy fit signe à ses pokémons de se détendre.
— Avant toute chose, vous allez répondre à mes questions, ordonna Timmy calmement.
Le détective fit une moue d’acceptation.
— Où étiez-vous quand on avait besoin de vous au Site Météore ?
L’homme réfléchit un instant, comme s’il cherchait la meilleure formulation.
— J’étais là où ma mission m’imposait d’être.
— La Team Magma a réussi à mettre la main sur la météorite qu’ils recherchaient, indiqua Timmy sur le ton du reproche.
— Je le sais. La situation est sous contrôle.
— « La situation est sous contrôle » ? répéta Timmy, ahuri. Vous considérez que c’est sous contrôle quand des terroristes obtiennent ce qu’ils veulent.
— La situation est sous contrôle, répéta le détective avec assurance, comme pour clore le débat. Concentrons-nous sur notre rendez-vous.
— Je ne sais même pas pourquoi j’ai accepté de venir, marmonna Timmy, méfiant.
— Parce que tu es malade, Timmy. Tu ne veux pas prendre tes médicaments et tu veux disparaître à jamais, être libre.
— Comment… ?
— Dois-je te rappeler quel est mon métier ?
Timmy le laissa poursuivre, bien au fait de sa position de faiblesse.
— Tu es né le samedi premier avril mil neuf cent nonante-six. L’année de tes six ans, tu as subi un incident qui t’a plongé dans une état médical qu’aucun médecin n’arrive à comprendre. Quelques mois plus tard, tes parents t’enferment à Clémenti-Ville chez ton oncle et ta tante. Depuis, tu as grandi là-bas. Jusqu’à ce que tu reçoives l’ordre de rentrer à Vergazon pour être le cobaye de médecins qui prétendent avoir le médicament qui te guérira. Mais ils se trompent.
— Pourquoi ma vie vous intéresse tant ?
— Ce n’est pas ta vie qui m’intéresse, Timmy, c’est ce qu’il y a dans ta poche, révéla le détective.
Timmy palpa son Pokénav.
— J’ai besoin d’une information qui se trouve dans ton Pokénav. C’est une information vitale.
— Pourquoi j’aurais envie de vous sauver la vie ?
— Parce que je peux sauver la tienne.
Le détective sortit alors de sa propre poche un petit flacon de pilules blanches.
— La Police Spéciale de Hoenn dispose de moyens que tu ne peux pas imaginer. Dans ce flacon se trouve la solution à tous tes problèmes de santé.
Timmy évalua le flacon du regard avec excitation.
— C’est du donnant-donnant, Timmy.

Le sommet de la colline n’était plus très loin. Bientôt, ils arrivèrent à un escalier en bois qui menait à une petite cabane d’enfant, tout au-dessus de la colline. Le vent froid soufflait à ses oreilles, et un point de côté le menaçait, mais Sofian n’en avait que faire. Il fallait qu’il empêche Timmy de commettre une véritable erreur.
Ils arrivèrent au sommet de la colline qui leur offrit une vue époustouflante sur Vergazon.
— C’est ici que Timmy aimait se recueillir lorsqu’il était tout petit, expliqua M. Bronam. Et j’ai construit cette cabane pour lui… Pour nous… Pour dormir à la belle étoile, entre père et fils.
L’homme examina l’endroit, les yeux humides.
— Timmy !! appela sa mère.
— Il ne peut pas avoir quitté Vergazon comme ça, s’inquiéta Flora.
— TIMMY !! cria sa mère avec force.
Une porte claqua derrière eux. Timmy sortit de sa cabane.

Pokémon #201e
Musique : A Path We All Must Walk, VGPianoMan

Timmy resta devant sa cabane, la tête baissée, une larme le long de sa joue. Ses parents s’élancèrent vers lui et le serrèrent contre eux.
— On a cru que tu t’étais enfui !
— Je ne sais pas ce que je deviendrais sans toi !
Sa maman desserra l’étreinte et lui prit le visage dans ses mains.
— Ça va aller, on va trouver une solution.
— Il faut juste être patient. Le médicament va faire effet, je te le promets.
Timmy n’avait pas bougé. Ses parents s’écartèrent un peu de lui et comprirent qu’il avait besoin d’un moment avec ses amis, Sofian et Flora, seul. Les deux adultes prirent leur distance.
Les trois amis restèrent silencieux un bon moment sous le vent frigorifiant de Vergazon.
— On va rester avec toi le temps que les médicaments fassent effet.
— Non.
Timmy avait été sec, mais calme. Comme s’il avait fait la paix avec l’avenir qui l’attendait. Flora tendit la main pour la poser sur son épaule, mais se ravisa face au visage fermé de Timmy.
— Soyons réalistes, vous n’allez pas rester ici pendant un an à me regarder sur un lit d’hôpital. Sofian, tu as tes badges à collecter. Tu es un dresseur d’exception et rien ne peut t’arrêter dans ta quête.
Il avait dit cela en plongeant ses yeux gris dans ceux de Sofian. L’adolescent tressaillit. Timmy se tourna ensuite vers la jeune fille.
— Flora, tu es une coordinatrice talentueuse. Une grande carrière s’ouvre à toi. Tu vas décrocher tous les rubans du concours en un rien de temps.
Timmy tourna alors la tête et fixa Vergazon, les yeux perdus dans le ciel orangé.
— Moi, je suis malade, et je dois rester ici.
— On repassera à chaque fois qu’on en aura l’occasion, promit Flora.
— Ce n’est qu’un au revoir, au sens littéral du terme, assura Sofian.
— Oui, disons-nous ça, accepta Timmy. Disons-nous au revoir, au sens littéral du terme.
Flora lui prit la main et Sofian posa la sienne sur son épaule. Tous trois laissèrent leur regard se perdre sur Vergazon. Un Goélise s’envola quelque part dans le ciel.
— Au revoir, les amis.
— Au revoir, Timmy.

Pokémon #201r
À suivre dans : « Le nouvel ami »