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Livre d'images [Recueil de one-shots] de Misa Patata



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Informations

» Auteur : Misa Patata - Voir le profil
» Créé le 18/08/2019 à 15:03
» Dernière mise à jour le 09/09/2019 à 13:44

» Mots-clés :   One-shot

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La Nuit
— Tu es certain que ça va ?

Il acquiesça. C’était mou, sans énergie, mais peut-être que cela faisait illusion. Il le fallait. Il fallait toujours faire illusion, partout, tout le temps. Cela ne parut pas convaincre cette belle voix.

— On dirait que tu as besoin d’aide. Tu devrais prendre une aspirine et te coucher tôt.

Oui, ça paraissait une bonne idée. Attraper un petit cachet blanc, le regarder se dissoudre dans de l’eau –rien que de l’eau– et sombrer dans un sommeil sans rêves. Il acquiesça et ajouta un sourire encore trop forcé.

La belle voix soupira de soulagement.

— Bon. Bonne nuit. Je t’aime.

« Moi aussi. Moi aussi, je t’aime. » Il aurait voulu le lui dire, mais les mots moururent aussitôt après avoir été pensés.

Elle lui planta un baiser sur la joue, ignorant tout ce qui n’allait pas. Tellement de choses n’allaient pas, et elle les effaçait d’une bise. Quand elle fermerait la porte, tout reviendrait. Elle s’éloignait déjà. Il ne leva pas les yeux, rivés au sol, pour la regarder partir. Encore une fois.

Il n’osa pas vérifier s’il faisait déjà nuit. À quoi bon ? Dans sa tête, c’était le cas, et cela devait suffire.


• • •

Les phares de la voiture trouaient violemment la nuit. C’étaient comme des couteaux de lumière pour lacérer l’obscurité.

Au volant, le conducteur épuisé gardait les yeux plissés. La route était mouillée : des milliers de millions de gouttelettes de pluie écrasées miroitaient à mesure que le véhicule progressait doucement dans les rues désertes.

Ce calme avait quelque chose de troublant. Ce n’était pas naturel, sans doute. On s’attendrait à voir des couples se promener, des jeunes flâner, des Cornèbres brailler des chants sinistres. Personne. C’était troublant, et effrayant.

Le conducteur ne pouvait pas nier une certaine nervosité. Pas après une journée aussi longue. Il lui arrivait souvent d’oublier pourquoi il prenait la peine de travailler ; jusqu’à ce que la faim se manifeste, et puis la soif. Rien que cela. C’était bien assez. Bien trop pour qui aspirait à vivre de son art.

Lancinante, cette seule pensée suffit à le mettre en colère. Quelques longues secondes, il fut prêt à abandonner son poste, à rester chez lui et à ne plus se laisser dominer par la page blanche. Quelques secondes seulement.

Il accéléra pour se débarrasser de ces quartiers résidentiels moroses ; ces trottoirs déserts, ces jolies maisons, ces lampadaires faiblards. Quelques secondes, pas plus, et une forme passa devant la voiture. Une violente pression sur la pédale de frein ne l’empêcha pas de ressentir la collision. De fait, il eut l’impression d’entendre le choc résonner dans chacun de ses os.

La voiture se stoppa net, dans un crissement de pneus à réveiller les morts. Le conducteur tressaillit. Ses mains restaient crispées sur le volant, et ses yeux, hagards, peinaient à se détacher de la chaussée mouillée. Les gouttes miroitaient toujours sous l’éclat violent des phares.

« Tout va bien », se dit-il en écartant doucement les doigts du volant.

Ces mots sonnaient faux, mais il fallait bien cela pour garder la tête froide. Alors qu’il faisait tellement chaud dans le véhicule ; ou bien cette sueur sur son front, n’était-ce qu’une manifestation physique de peur ? De culpabilité ?

Il prit un instant pour réfléchir. « C’est un accident », songea-t-il spontanément. Bien sûr. Cela arrivait tous les jours, et à tout le monde, même à des gens plus respectables. Il faudrait vérifier. Tétanisé par la crainte, il lui fallut un moment pour trouver le courage d’ouvrir la portière. Un filet d’air frais s’engouffra dans l’habitacle, en même temps que l’odeur forte laissée par la pluie.

Cela parut le remettre d’aplomb, au moins un peu ; suffisamment pour qu’il mette pied à terre et se précipite dans le halo lumineux. Quelque chose gisait là. Une petite bête ordinaire. On en voyait partout. Un Chinchidou comme un autre.

Une violente envie de vomir le saisit un moment. Il détourna les yeux. Il n’y avait pas de sang, heureusement, mais on ne pouvait pas avoir de doute. L’animal était fragile.

Le conducteur demeura un moment immobile, comme à demi conscient de ce qui l’entourait. La quiétude urbaine n’existait plus. Il ne restait que la voiture, la route aux mille gouttes écrasées, et la lumière des phares. Un petit univers clos dans lequel un Chinchidou mort et lui seraient longtemps coincés.

Lorsqu’il reprit le volant, –contournant avec précaution la pauvre chose– il se demanda combien de temps au juste il avait passé comme ça. La question s’éluda d’elle-même. Il eut soif ; cette sensation-là s’installa plus durablement.

Et puis dans un coin, toujours, il y avait cette culpabilité vague qui se disputait avec la notion d’accident. Il n’y était pas exactement pour rien, mais l’imprudence n’était pas un crime… Non, en fait, ce qui le gênait, c’était d’avoir abandonné la bête sur les lieux. On ne remonterait pas sa piste, bien sûr : pas de témoins.

Mais l’impression d’avoir fait quelque chose de mal s’insinua dans son esprit. « Il faut le dire à quelqu’un », pensa-t-il. Alléger sa peine, au moins, lui donnerait la satisfaction d’un peu d’honnêteté. La décision fut prise. Il aviserait à la prochaine cabine téléphonique.

Ce fut après une errance irréelle dans les rues éclairées mais vides qu’il en dénicha une. Le combiné pendait au bout de son fil, peut-être abandonné dans l’urgence par quelqu’un. Ses mains plongèrent au fond de ses poches en quête d’un peu d’argent. Compter à la lumière des lampadaires s’avéra pénible, mais payant ; il y avait assez de petite monnaie pour une communication. Le bruit des pièces tombant une à une dans la fente résonna atrocement dans sa conscience embrumée. Il n’était plus très sûr de vouloir raconter sa mésaventure.

Un « bip » sonore déchira le silence du quartier pavillonnaire. Avec un peu de chance, un répondeur lui demanderait de laisser un message. Il devait être assez tard.

— Allô ? marmonna une belle voix assoupie.

Sa main se crispa sur l’appareil comme un bloc de glace. Il fit tout à coup très froid. À présent, c’était certain : il ne dirait rien.

Un second « allô », plus affirmé, succéda au premier. Il n’y en eut pas de troisième. Le conducteur épuisé fondit en larmes après avoir raccroché, ou peut-être l’inverse.


• • •

L’enseigne turquoise brillait, telle un phare dans la tempête. Encore tremblant, le conducteur gara sa voiture aussi bien qu’il put et s’empressa d’en sortir.

L’air du dehors n’était pas si revigorant. Cela sentait toujours la pluie, et plus vaguement, la mort. Il regarda ses mains, craignant de les trouver couvertes de sang. Rien. Elles n’étaient que moites.

À l’intérieur, les lumières donnaient une atmosphère chaleureuse au petit bar qu’il fréquentait souvent. Quelques clients s’attardaient encore autour d’une pinte, leurs éclats de voix remplissant la salle comme un morceau de mauvaise musique. Le patron arrangeait ses étagères, derrière le comptoir.

Le premier verre s’imposa de lui-même. Cela ne suffit pas à étancher la soif, mais une sensation de chaleur envahit l’individu épuisé. Il y en eut bien vite un deuxième. L’image tranchante de l’accident commençait déjà à s’estomper, comme prête à couler sous la surface d’un lac à l’eau sombre. Après tout, il fallait bien cela. Un accident, oui !

— Alors, s’enquit le barman, ça fait un moment que tu n’en parles plus, de ton roman. Est-ce que ça avance ?
— Tu parles que ça avance ! répliqua le conducteur. J’ai presque fini, je crois. Plus que, eh bien, une centaine de pages.

Il prit une seconde pour peser cette affirmation.

— Ou deux centaines. C’est en assez bonne voie, vraiment.
— Si tu le dis. Et de quoi ça parle, en définitive ?

L’écrivain, sourcils froncés, ouvrit la bouche dans l’intention de répliquer vivement qu’il n’allait rien révéler. Ce geste seul trahit une vérité qu’il ne voulait plus trop regarder en face. Le patron comprit, et se contenta d’un regard compatissant. Il n’y avait guère que cela à faire, maintenant. Un artiste ne pouvait pas se partager entre la boisson et le travail. Il fallait choisir, et ce jeune monsieur avait choisi.

Il n’y avait aucune excuse à se donner. Il ne cherchait pas ses vers au fond des verres ; il noyait des phrases à rallonge dans un tourbillon d’ambre.

— Laissons tomber mon roman, marmonna-t-il, maussade à nouveau.

Il raconta plutôt sa mésaventure. Il lui en coûtait, de faire toutes ces révélations sur son état d’esprit au moment de l’incident, mais enfin, cela lui collait au cerveau et il fallait bien s’en débarrasser. Sa tête lui parut peser moins lourd, déjà. Mais l’odeur pluvieuse de la culpabilité lui chatouillait toujours le nez.

Il dit cela, aussi : qu’il se sentait mal, qu’il détestait conduire la nuit, et que, bon sang, on n’avait pas idée de laisser un Pokémon crevé au milieu de la route. Des larmes lui montèrent aux yeux. C’était peut-être à cause de la lumière du plafond qui se reflétait dans son verre.

— C’était un accident, tu viens de le dire, rétorqua le barman.

L’écrivain hocha la tête. Après tout, oui : il l’avait dit lui-même, et il le croyait encore. Cependant, cela ne semblait plus suffire. La rationalité s’effaçait doucement sous l’accablement et le début d’une ivresse salvatrice.

— Je sais.
— Tu sais que dalle, mon vieux. Dans ton état, j’oserais même pas te faire réciter l’alphabet.
— Traite-moi d’imbécile, te gêne pas.
— Si je t’offensais, tu reviendrais pas.

L’impassible barman parut réfléchir un instant.

— En fait, ce serait peut-être pour le mieux.
— Ça j’en doute pas. Je te cause des ennuis, j’imagine. Un pauvre ivrogne dans mon genre, on aime autant le voir le moins possible. Mais tu comprends pas. C’est tout ce que j’ai pour ne plus me soucier du fait que je déteste mon travail, et que ma vie est une... une succession d’échecs. Je n’arrive même plus à vraiment rêver. Il faut toujours que la réalité me rattrape. C’est pour ça que je n’écris rien depuis des mois. C’est un tourbillon, tu sais.
— Je sais, acquiesça docilement le gérant.
— C’est comme les Tourb’îles de Johto. Je les ai vues à la télé, c’est tout pareil. On s’approche et on ne retrouve plus jamais la surface. Je suis coincé, c’est tout, et même si je savais nager… C’est terrible de s’en rendre compte… Je me sentais mieux quand j’en avais pas conscience. Maintenant ça ne m’aide plus tellement parce que j’ai tué un Chinchidou, et qu’une partie de moi vivra toujours avec l’image d’un animal détruit par une voiture.

L’homme épuisé regarda au fond de son verre. Il restait un peu à boire. La lumière du plafond donnait un éclat presque surnaturel au liquide coloré, si paisible et accueillant. Il pensa à autre chose avec un sourire triste.

— Le pire, c’est que même en essayant d’oublier… Elle a un Pashmilla, tu sais. Ma fiancée.
— Ah oui, souffla distraitement l’autre en attrapant un torchon propre.
— Oui, alors chaque fois que je la verrai, je penserai un peu à son Pashmilla, et puis de fil en aiguille, ça me ramènera à cette pauvre bête trop fragile… C’est dommage, en fait. C’est la seule personne qui ne me reproche rien. Elle devrait.

Le barman, d’humeur neutre, haussa les épaules. Le pauvre hère se demanda un instant s’il l’écoutait, mais de toute façon cela n’avait pas d’importance. Autant finir de s’épancher. Sur le coup, sans réflexion aucune, cela paraissait alléchant, presque autant que l’alcool. Il se laissa un peu plus entraîner par le tourbillon.

Ainsi, en perdant complètement pied, on ne se rendait pas tout à fait compte que l’on glissait sur le terrain de l’incohérence. Le verre de trop était le premier ; ensuite, continuer ou pas, quelle importance ?

— ...et comme je te disais tout à l’heure, tu vois, quand je parlais des Tourb’îles, j’ai pensé que ça pourrait être intéressant comme cadre pour une histoire. Non, tu crois pas ? En fait c’est terrifiant. Tu imagines un peu, des courants marins pareils, capables d’envoyer des petits bateaux par le fond ? Moi j’imagine pas. Ça doit être impressionnant à voir, c’est sûr…

L’écrivain raté s’interrompit, lorgnant son verre vide avec circonspection. Il donnait presque l’impression d’être concentré sur un problème particulièrement ardu. Puis il sourit avec une sorte de bonne humeur de façade et tendit le récipient à l’homme derrière le comptoir.

Celui-ci le regarda, clairement désapprobateur. Il ne pouvait pas refuser d’offrir à boire à quelqu’un qui y mettait le prix ; mais il tenait à essayer de le dissuader. Cela arrivait souvent.

— Je crois que t’as eu ton compte, mon vieux. Lâche l’affaire.
— T-tu peux pas dire non, tant que j’ai de l’argent. Une seconde, attends. (Il fouilla dans ses poches et grimaça, curieusement lucide.) J’ai plus rien… Ah, tant pis. T’as raison de toute façon. J’ai fait assez de mal comme ça pour cette nuit.

À contrecœur, il repoussa son dernier verre vide. Son regard se para d’une lueur étrangement calme, bien loin du feu de l’ivresse qui y brûlait un instant plus tôt.

— Je peux te poser une question ?

L’autre fit signe que oui, malgré son appréhension. Entendre délirer les ivrognes ne l’amusait pas. Cependant, il devait se croire tenu de contenter celui-ci, par égard pour cette relation empoisonnée qui les unissait. D’ailleurs, il n’y avait aucun prétexte pour refuser : la nuit était calme, le bar presque désert. Un pauvre bonhomme dormait à moitié au fond de la salle.

Le client déboussolé passa sa langue sur ses lèvres encore trop sèches. Ses yeux se gorgeaient à nouveau de tout l’alcool avalé.

— Si… si un jour, imaginons, si un jour je venais ici avec toutes mes économies et que je te demandais à boire… Est-ce que tu me servirais jusqu’à ce que je sois ivre mort ?

Véritablement intrigué, le commerçant garda un moment le silence. Cela pouvait aussi bien être une blague, une farce surgie du cerveau imbibé d’un clown triste. Pourtant, il paraissait sérieux. La réponse ne changerait pas, de toute façon.

— Si je voulais qu’on m’accuse de meurtre, je m’y prendrais pas autrement. Non, mon vieux, personne serait assez bête pour te faire picoler jusqu’à la mort.
— La soif ne s’éteint jamais, professa l’ivrogne.
— Non, pas quand on la soigne par le whisky. Tu devrais essayer l’eau.

L’écrivain partit d’un petit rire sinistre. En face, le barman n’osa rien dire pendant un moment, parce qu’il observait cette réaction, ce visage troublé par une émotion brutale. Ce visage qui riait et pleurait en même temps. La sueur sur son front, ce pouvait aussi bien être des larmes.

Il puait l’alcool. Ça le faisait rire, et ça le faisait pleurer. Ça le ferait vomir ensuite.

Puis il se calma. Le regard perdu sur un horizon de bouteilles, de verres vides, de phares de voiture et d’animaux renversés. Le voilà qui replongeait, tête la première, dans son petit univers morbide, dans son océan de culpabilité. Il n’y avait pas de fond.

Quand il afficha un petit sourire triste, il parut presque débarrassé de tout ce qui polluait son sang et sa clairvoyance.

— Si tu veux mon avis, lâcha-t-il d’une voix pâteuse, c’est la nuit qui a une influence terrible sur moi. Je déteste la nuit, tu vois. Avant, je l’aimais bien. Elle me faisait rêver, me donnait des idées. Parfois, je trouvais le courage de me lever, d’allumer la lumière et de… d’écrire toutes les phrases qui me venaient en tête. La plupart du temps, je laissais la fatigue m’avaler, et je rêvais, et là encore j’avais de nouvelles idées.

Il déglutit. Un goût de bile reflua dans sa gorge, annonciateur d’une tempête plus violente. Tant pis.

— Maintenant je ne rêve plus. Ou alors c’est toujours le même rêve.
— Les Tourb’îles, je sais, soupira le barman, de plus en plus éprouvé à la vue de cette épave en train de sombrer.
— Les Tourb’îles, oui, elles m’avalent. Ce n’est que de l’eau ! Et pourtant j’ai soif. Elles m’avalent, je coule, l’eau me remplit tout entier, mais j’ai soif. Je bois. Et là, là… Tu vois, c’est le pire : je n’ai plus d’imagination du tout, mais l’ivresse me donne des idées.
— C’est ce qu’ils disent tous…

L’écrivain secoua vivement la tête. Une sorte de conscience supérieure paraissait l’habiter, à présent. Ses yeux brillaient, lunaires, et son visage malade devenait plus pâle encore. Il avait tué un Pokémon. Et alors !

— Là, maintenant, j’ai mille idées. Je voudrais pouvoir toutes les écrire en même temps. Ce serait amusant, sensationnel. Je crois bien que les gens aimeraient. Tu ne penses pas ?
— Je pense, répliqua prudemment le gérant, que je vais fermer dans cinq minutes. Reprends tes esprits, je te ramène chez toi.

L’autre se laissa faire. Après tout, pourquoi pas ? Lutter devenait difficile, bien trop épuisant. Peut-être bien qu’il ne tiendrait pas debout s’il essayait de se lever. Et s’il tentait de conduire…

Il plaqua une main contre sa bouche, brusquement saisi d’un malaise. L’image du Chinchidou lui vint encore en tête, mais cette fois, elle ne semblait pas décidée à s’évaporer. Il voulut la noyer dans un dernier verre, mais cela ne servirait à rien. Ce serait une spirale, non ?

Une décision s’imposa, le temps d’un surprenant éclair de lucidité. Au matin, il irait voir la police. Il faudrait lui parler, oui, très vite. Au matin. Pas la nuit. La nuit, sinistrement séduisante, avait une influence terrible sur ses facultés de réflexion.

Ou plutôt, non, pas la police. Il dirait tout, oui, mais pas à un gros commissaire sentant le café. Il dirait tout à cette belle voix, il se mettrait à pleurer, et peut-être que tout irait un peu mieux.

Il se dit qu’il faudrait écrire quelque chose. Un petit morceau de texte, pour commencer. Il y aurait des rues calmes, une voiture, mais pas de lampadaires. Il ferait plein jour. Et si un Chinchidou traversait la route, eh bien, il arriverait de l’autre côté sain et sauf, tout simplement.

Sans la lueur providentielle d’un néon bleu ou les phares d’un véhicule, tout serait plus facile ; l’esprit simplement éclairé.


• • •




Edward HOPPER, Nighthawks, 1942, huile sur toile, 84.1 x 152.4 cm, Art Institute of Chicago

Pour l’anecdote,
le sujet et les personnages sont très nettement inspirés par un film que j'aime beaucoup (Le Poison réalisé par Billy Wilder, sorti en 1945), dont l’atmosphère urbaine sombre me rappelle fortement celle de ce tableau.