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» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 17/06/2019 à 14:31
» Dernière mise à jour le 17/06/2019 à 14:31

» Mots-clés :   Action   Guerre   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Suspense

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Chapitre 13 : Trahir ou périr
« Mieux vaut périr de la main de son ennemi que d'être trahi par son ami. » Edme de La Taille de Gaubertin.


***


Il fallait tout annuler au plus vite.

Lyco était maintenant persuadé que cet homme étrangement respecté, sans grande allure, était ce fameux Mutant. Et il était à quelques dizaines de mètres seulement, s’éloignant dans la pénombre de la plantation vers un sentier menant droit vers l’emplacement de l’escouade menée par Bakrom.

Le jeune homme retourna derrière l’entrepôt sans plus vraiment se soucier d’être discret. Il atteignit rapidement le bout du bâtiment dont les portes arrière étaient maintenant ouvertes et investies par les pillards. Darren, près de l’entrée, paraissait pourtant amer et fébrile.

En voyant Lyco arriver, il s’approcha de lui et signala durement :

— L’entrepôt est vide. Aucune trace d’or, Lyco.
— Quoi ?

Y croyant à peine, le garçon se pencha par l’ouverture des portes pour constater que des pillards se tenaient à l’intérieur, bras ballants, face à des coffre ouverts et des armoires métalliques, toutes déjà vidées de leur contenu. Des regards se tournèrent vers lui, surpris, mécontents pour certains, et attendant la suite des opérations pour les autres.

Le garçon sentait bien que tous avaient commencé à lui faire confiance. Malgré la situation alarmante, la plupart d’entre eux étaient encore de son côté. Mais il fallait bien l’avouer : Lyco était aussi déboussolé qu’eux.

Ce Molch aurait-il prévu le coup en changeant l’emplacement des réserves d’or ? Ou alors la trésorerie de la plantation avait été, comme par hasard, envoyée à Méranéa pendant le laps de temps que le voyage jusqu’ici leur avait pris ?

Était-ce une simple coïncidence, ou une stratégie bien pensée ?

— Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? demanda un des pillards.
— Pas le choix, on annule, lança Lyco avant de laisser Darren parler. C’est trop risqué.

Darren soupira.

— Il faut bien admettre qu’on n’a plus le choix. Cette mission est un échec. On devrait s’exfiltrer…

Un bruissement dans les hautes herbes derrière l’entrepôt les firent se tendre, mais ce n’était que Poeba, revenu d’un cabanon voisin où il avait été chargé d’éliminer deux autres sentinelles. Il paraissait avoir saisi la situation mais un sourire étirait pourtant son visage.

— J’ai vu quelque chose d’intéressant !
— Parle moins fort, répliqua Darren. Quoi donc ?

Poeba, arc en main, désigna du menton une maison plus loin, éclairée par les lueurs des torches. D’après leurs informations, il ne s’agissait que d’une des innombrables maisons de gardes réparties entre les parcelles de la plantation.

— Il y a beaucoup trop de soldats là-bas pour que ce soit normal. L’or s’y trouve sûrement ! Ils surveillent une des portes en particulier, ça ne peut être que ça !

Lyco déglutit difficilement. L’enthousiasme naissant autour de lui le convainquit qu’il ne pourrait pas faire annuler la mission avec de simples mots. Ses suppositions quant à l’identité de Molch ne persuaderaient personne : on allait encore dire qu’il croyait à des chimères.

La seule solution était de faire annuler la mission contre le gré de Darren et des autres. Mais avant tout, il fallait aller chercher l’escouade de Bakrom et veiller à ce qu’elle ne risque rien. Sans parler du groupe d’Ève. Boralf et Amelis étaient aussi avec elle. Il fallait rassembler tout le monde et agir en groupe.

Darren paraissait avoir une idée similaire malgré son but différent.

— Très bien, allons prendre d’assaut cet entrepôt, dans la limite du possible aussi discrètement que jusqu’à maintenant. On doit faire vite, certains gardes risquent de bientôt se rendre compte de la disparition de certains d’entre eux. Poeba, va chercher le groupe d’Ève et ramène-là ici avec les autres. Nous, on va éliminer les soldats un par un.
— Je vais chercher le groupe de Bakrom, dit soudain Lyco.

Le chef des pillards pivota vers lui, surpris :

— Pour quoi faire ? Leur rôle est de protéger nos arrières et d’intervenir en cas de pépin.
— On risque d’avoir besoin d’eux.
— … Tu penses ?

Darren semblait commencer à percevoir le comportement inhabituel de Lyco. Il le regarda intensément, comme pour tenter de percer ses intentions, mais abandonna en affaissant les épaules.

— Très bien, vas-y. Mais sois prudent, et faites vite. Je doute que l’improvisation nous permette d’agir dans l’ombre bien longtemps.

Lyco n’attendit pas une seconde de plus et s’éclipsa en laissant le groupe nouvellement motivé derrière lui. Il devait faire vite, très vite. Molch, même en marchant à un rythme lent, était potentiellement déjà près des positions de Bakrom et sa petite troupe.

Juste avant de tourner à l’angle de l’entrepôt, il se retourna pour apercevoir les silhouettes des pillards se répartir dans les hautes herbes et avancer doucement vers la maison de gardes. De là, le garçon pouvait distinguer, grâce à sa vision octroyée par la Némélia 1, plusieurs silhouettes de soldats armés. Lourdement équipés.

Il n’était pas vraiment confiant pour cette attaque improvisée. Il savait que Darren allait probablement attendre l’arrivée d’Ève et le retour de Bakrom avant de lancer l’assaut. Il fallait trouver un moyen de forcer la main de Darren pour se retirer de la plantation. Si un seul des pillards était repéré, Molch ne tarderait pas à apparaître et à s’en prendre à eux.

Au contraire, en faisant simplement croire qu’un feu accidentel se propageait dans la plantation…

Le garçon rejoignit le bord d’un sentier et atteignit la zone centrale éclairée par des dizaines de torches. Il songea qu’il avait presque toujours agi de la même manière pour mettre à mal des propriétés du gouverneur Mervald. Il n’était pas pyromane, mais mettre le feu était toujours un excellent moyen de semer la confusion tout en détruisant facilement des ressources. Et ça avait l’avantage de mobiliser les forces ennemies qui cherchaient à étouffer les flammes.

C’était la seule solution qui lui venait pour l’instant : Mettre le feu, pour réveiller toute la plantation et forcer Darren à se retrancher loin du Mutant. Lyco n’aurait qu’à rejoindre Bakrom juste après le lancement de l’incendie et à contourner la plantation par le nord pour déserter les lieux.

Et tant pis si les pillards le prenaient pour un quelconque traître après ça : s’ils s’échappaient, Lyco aurait tout le loisir de leur expliquer son acte. Ils finiraient bien par comprendre, après tout.

Il attrapa une des torches et commença à la secouer pour la retirer de son socle métallique.



***


Le feu prenait plus vite qu’escompté. Lyco s’éloigna à la va-vite en constatant à quel point les longues tiges brunes qui parsemaient la parcelle avaient déjà été avalées par les flammes. À peine trente secondes après l’allumage, un cri de soldat retentissait déjà.

— Au feu ! Apportez de l’eau ! Debout, esclaves !

Lyco fit hurler ses muscles en partant comme une fusée dans la parcelle voisine. Il devait trouver Bakrom, maintenant, tout de suite. Il entendit le sifflet d’un garde, au loin, qui réveillait toute une bande de serviteurs hagards pour arrêter le feu. Lyco ne voyait aucun ennemi dans les environs, mais il entendait une certaine agitation se propager dans le camp.

Il siffla brusquement en direction de la position de Bakrom, deux fois d’affilée, selon un rythme précis, espérant que l’escouade de son camarade le reconnaîtrait. Il se figea en voyant une tête émerger des herbes. C’était Bakrom.

Lyco lui fit un signe de la main ; et le groupe, comprenant l’urgence de la situation au vu des flammes qui commençaient à s’étirer dans le ciel noir, se dépêcha de le rejoindre, affolé.

— Qu’est-ce qui se passe ? s’étonna Bakrom. On a été repérés ? Il y a le feu…
— Longue histoire. On doit vite partir par le nord et…

Lyco se figea. Et posa la question qui venait de surgir dans sa tête.

— Vous avez vu un homme étrange passer, un peu plus tôt ?

Bakrom reste muet pendant une poignée de secondes, surpris par la brusquerie de sa question, et hocha vivement la tête :

— Oui, et ce n’était pas un soldat…
— Alors on va éviter le nord. Suivez-moi, on rejoint vite les autres et on se replie.
— Quoi, on abandonne ?

Bakrom paraissait perdu. Lyco hocha la tête.

— Mon informateur nous a trahis. Et l’or n’est pas dans l’entrepôt. Allez !

Il s’élança en direction de l’incendie, mais ne tarda pas à obliquer dans une parcelle vierge pour éviter d’être repéré par la lueur des flammes. Déjà, des esclaves s’activaient avec des seaux d’eau, faisant des allers-retours vers un puits sous les claquements de fouet d’un garde au bord de la panique. Des soldats accouraient en masse, commençant lentement mais sûrement à se déployer pour envahir les lieux.

Lyco espéra de tout son cœur que s’ils avaient des pokémons domestiques en leur possession, aucun d’eux n’avait un odorat assez développé pour les sentier malgré la puanteur qui régnait maintenant dans la plantation.

D’un coup d’œil par-dessus son épaule, Lyco vérifia que le groupe de Bakrom le suivait ; le garçon et ses quatre comparses réussissaient à rester sur ses talons malgré l’endurance conférée par sa Némélia 1. L’adrénaline devait y être pour quelque chose.

L’entrepôt était maintenant tout proche. Et juste avant d’y parvenir, Lyco aperçut les autres pillards rassemblés à côté du bâtiment, éberlués et dans l’incompréhension la plus totale. Ève, Boralf et Amelis étaient déjà revenus. Darren, visiblement proche de la colère, gardait les poings serrés. Il s’avança vers Lyco alors que le garçon débarquait au pas de course.

Le rugissement des flammes était maintenant si fort dans leur dos que les pillards devaient élever la voix pour se faire entendre.

— C’est toi qui as fait ça ? gronda Darren, ayant visiblement compris ses agissements étranges.
— Oui, répondit-il simplement, sans détours.

Il s’apprêta à rétorquer que le Mutant était proche. Mais au même instant, un cri d’alarme retentit. Ils pivotèrent vers la source du bruit. Un soldat levait le canon de son fusil vers eux.

— Des intrus ! Des intrus près de l’entrepôt !
— Courez ! ordonna Darren. Droit vers les collines !

Le groupe se mit en mouvement comme un seul homme, déguerpissant à toute allure. Tout en courant avec le reste du groupe, Ève cria férocement :

— Lyco, qu’est-ce que tu as fait ?

Il aurait sans doute été pris de court par la colère qui brillait dans ses pupilles, elle qui était toujours de bonne humeur. Il ne répondit pas, et un autre pillard l’invectiva.

— Enfoiré ! Sale traître ! L’or était à portée de main !
— Je sais, rétorqua le garçon entre ses dents serrées.

Des voix, des cris, des pleurs ; le bruit du feu qui grondait avec avidité. Le souffle chaud des flammes se faisait ressentir même à plusieurs dizaines de mètres. Certaines paraissaient presque capable de lécher le ciel. Le garçon n’était plus que concentré sur leur course folle dans parcelles de la plantation. D’autres soldats les repérèrent.

Des ordres secs furent lancés. Le bruit lointain d’un fouet claqua. La détonation sourde d’un fusil retentit. Un homme fut stoppé en pleine course par une balle de gros calibre, arrachant des cris de peur et de désespoir à certains pillards.

— Courrez ! Écartez-vous ! rugit Darren. Ne vous arrêtez pas !

D’autres balles fusèrent, d’autres camarades tombèrent. Lyco sentait des larmes de rage et d’impuissance couler sur ses joues. Les pillards se dispersèrent maladroitement en voyant qu’un groupe armé de soldats surgissait dans leur trajectoire, armes en main. Lyco dégaina ses poignards, et se retrouva à être le seul à foncer vers eux.

Il avait le temps.

Il avait le temps de les tuer avec ses capacités surhumaines, avant qu’un seul d’entre eux n’ait le loisir de viser puis de faire feu sur les siens.

Tout parut défiler au ralenti, tant il était concentré.

Ses sens étaient à l’affût du moindre détail. De la moindre chose qui pourrait tout faire rater. Il les laissa analyser les choses, pendant cette seconde qui lui parut être une éternité.

Une odeur métallique, celle du sang, presque enivrante. Une épaisse fumée malodorante, qui retombait en nuage sur eux. Les lueurs rougeoyantes des flammes, qui s’élevaient vers les nuages, et qui dévoraient peu à peu la plantation, la transformant en une plaine stérile. Le vent froid, glacial. Des appels lointains, des cris étouffés.

Un sentiment amer bloquait sa gorge : celui d’avoir peut-être mené le groupe à sa perte, tout ça dans le but de gagner leur confiance et de mériter d’être un des leurs.

Alors qu’il s’était promis de ne plus s’attacher à personne.

Juste avant de bondir vers les soldats, il songea qu’il avait bien fait d’écrire cette lettre, et de la cacher à Bhataïs. Le Mutant était bien réel. Les méthodes d’effacement de Mervald l’étaient sans doute aussi. S’il ne finissait pas tué, il paraissait évident qu’il terminerait dans les griffes du gouverneur, dépossédé de ses souvenirs. Mais avant d’admettre sa défaite…

Il trancha la gorge de celui qui était visiblement le capitaine du groupe. Les autres braquèrent leurs armes vers lui ; autour, c’était la débandade. Les pillards s’étaient dispersés, et s’éloignaient dans des directions différentes. Du coin de l’œil, en tuant l’un des soldats proches de lui, Lyco remarqua le nombre ahurissant de soldats qui se rassemblait devant eux. Il n’y avait aucun échappatoire. Absolument aucun.

— Cessez le feu ! ordonna une voix lointaine. Capturez-les vivants !

Lyco en était persuadé. C’était Molch.

Un étau psychique invisible se resserra soudain autour de sa poitrine alors qu’il s’apprêtait à éliminer le garde qui le braquait. Son poignard tomba dans la terre meuble, et il mit genou à terre, incapable de respirer.

Un bruit de pas à sa droite le fit tourner la tête. Molch, encadré de trois soldats en armure, l’observait avec un regard vide et indifférent.

— C’est le Rôdeur. Le gouverneur sera heureux d’apprendre la nouvelle de sa capture.
— Que fait-on des autres, monsieur Molch ?
— Capturez-les. Nous les ferons envoyer à l’Arène avec le prochain groupe de prisonniers.
— Et lui, monsieur ?

Molch se pencha au-dessus de Lyco, qui commençait sérieusement à manquer d’air. Sa vision noircissait déjà. Il se sentait près de défaillir.

— Lui, je m’occupe personnellement de l’amener au gouverneur.

Lyco s’évanouit sans un bruit.




***


— Lyco, ça va ?

Le garçon se réveilla en sursaut. Il était allongé sur un sol dur et froid. Il mit quelques secondes à se souvenir d’où il était, et à reconnaître le visage penché au-dessus du sien. Celui de Lacrya.

Des rides d’inquiétude plissaient son front.

— Lacrya…
— Tu faisais un cauchemar ?
— Je me suis souvenu de l’attaque de la plantation…

Il se redressa en grimaçant, s’attendant à ressentir des courbatures. Il venait de passer plusieurs heures allongé sur un rocher plat très inconfortable. Mais la Némélia 1 fit vite effet, et ses muscles et articulations semblèrent ne rien ressentir d’autre qu’un léger fourmillement à peine perceptible.

Il faisait encore nuit autour d’eux. Abrités dans une cavité au fond d’un ravin des Hauts-Éboulis, ils avaient parcouru une distance incroyable pendant la première partie de la nuit. La bande de Kesner n’était sans doute même pas encore remise de l’attaque qu’ils étaient déjà loin, hors de leur portée.

— Tu veux bien me raconter ? proposa Lacrya, curieuse.

Le garçon hocha la tête. Elle aussi, elle n’avait cessé d’entendre de la bouche des pillards que la traîtrise de Lyco venait d’une certaine attaque de plantation, qui les avait tous mené dans l’Arène. Elle avait le droit de savoir, après tout ce temps passé avec eux, et avec Lyco.

Vérifiant subrepticement les présences endormies du drakkarmin et de Plume à quelques pas de leur couchette improvisée, Lyco finit par relâcher ses muscles et déblatérer son souvenir si vif à la jeune femme. Elle ne l’interrompit pas une seule fois, accaparée par les évènements — qui, en réalité, ne dataient que de quelques semaines auparavant — et laissa le garçon narrer sa capture finale avec Molch.

Le garçon finit par se taire, appréciant le silence que laissa flotter Lacrya alors qu’il tentait de reprendre ses esprits. Il se sentait comme embrumé par la révélation de ce souvenir particulier. C’était de là qu’était né le quiproquo avec les pillards, les menant à penser qu’il les avait trahis. Même si Bakrom et Amelis avaient toujours cru qu’il l’avait fait pour une bonne raison. Il était heureux de voir qu’ils n’avaient pas tort.

— Donc tu n’as pas trahi les pillards, tu essayais de les protéger de Molch, conclut Lacrya en s’asseyant en tailleur près des braises du feu.
— Oui, mais c’est aussi moi qui ai causé tout ça. Si je n’avais pas provoqué cet incendie pour forcer Darren à se replier, ça n’aurait peut-être pas pris une tournure aussi dramatique…
— Il ne faut pas t’en vouloir, Lyco. C’est difficile d’analyser les choses quand on est au cœur d’une situation pareille. N’importe qui aurait pu faire bien pire que ça, tu sais. J’aurais été incapable d’imaginer quoi faire à ta place…

Ils se turent, pensifs. Un croassement de cornèbre résonna dans le ravin, venu du nord. Seul le vent siffla en réponse, se glissant le long des ravines et des crevasses comme un séviper embusqué.

— Donc tu as retrouvé tous tes souvenirs, en quelque sorte, non ? finit par dire Lacrya.
— Je ne sais pas. Peut-être que oui. Tout dépend de si j’ai été effacé juste après avoir été évanoui, ou si je me suis réveillé avant. Mais je doute que ces moments-là ne soient des souvenirs très marquants. Je risque d’avoir un trou de mémoire après ça.

« Comme c’est le cas dans la grande majorité de mon passé », faillit-il ajouter. Mais il n’avait pas envie d’alourdir l’ambiance avec une remarque fataliste. Lacrya paraissait plutôt satisfaite d’apprendre qu’il avait retrouvé la mémoire, surtout issu d’un moment aussi décisif dans sa vie. Il se dit que ce n’était en effet pas une mauvaise chose. Il pouvait définitivement mettre un terme à son passé, et se tourner vers l’avenir. Cet avenir qui l’appelait et l’incitait à arrêter Mervald.

— Il ne nous reste qu’à reprendre la route, et retourner dans les Forêts de l’Est, souffla le garçon, soulagé. Avec de la chance, d’autres groupes nous ont déjà rejoints, et nous serons peut-être prêts à lancer une attaque contre Méranéa.

Lacrya hocha la tête et se releva souplement. Il l’observa avec surprise.

— Il fait encore nuit.
— Je sais, répondit-elle. Mais je ne me sens pas fatiguée. C’est la Némélia, je suppose. Je me sens même prête à courir jusqu’à la sortie des Éboulis s’il le faut. En plus, plus vite on arrivera, mieux ce sera, non ? On a déjà pris du retard par rapport à ce qu’on avait prévu à notre départ.
— C’est vrai…

Il se redressa et désigna les pokémons endormis à leurs côtés.

— Rappelle ce pauvre Plume. Le drakkarmin aura moins de mal à nous suivre, lui. Il n’est pas aussi fatigué.
— D’ailleurs, tu ne trouves pas ça étrange ? s’inquiéta Lacrya.
— De quoi ?

Elle désigna le drakkarmin, dont le sommeil lourd était presque comique.

— Qu’il soit comme ça. Qu’il nous ait rejoint si facilement. Et qu’il soit si peu agressif.
— Je ne sais pas. Vu son comportement, ça m’étonnerait qu’il ait été sauvage. Kesner l’a sûrement volé à un dresseur. Ils sont plus nombreux dans le sud que chez nous.
— Peut-être bien… en tout cas, ses cicatrices mettront du temps à se refermer. Je pense qu’il a été battu et torturé récemment. Mais bon, s’il nous aime autant, tant mieux… il ne pourra que nous être utile.

La jeune femme sortit sa pokéball et leur compagnon à plumes retourna à l’intérieur, alors que le dragon à tête rouge ouvrait soudain ses yeux pour les fixer avec curiosité. Lacrya s’accroupit devant lui et lui caressa le museau. Il sembla apprécier ça, au vu de son grondement qui s’apparentait presque à un ronronnement de félin.

— On devrait lui trouver un nom, tu ne crois pas ? lança la jeune fille alors que Lyco s’équipait de son sac à dos.

Le pokémon à écailles se redressa et fixa le garçon avec intensité. Comme s’il attendait qu’il le baptise. Lyco soupira : jamais il n’avait accordé d’importance aux noms, et encore moins à des pokémons en tant que partenaires. Le dressage, ce n’était pas son domaine…

Songeant à Piaf, Plume et Petite Dent, il se dit qu’il valait mieux faire au plus simple. Il baissa les yeux sur le dragon aux pattes puissances et aux écailles solides, et finit par lâcher, sans en être convaincu lui-même :

— Dans ce cas, à partir de maintenant, tu t’appelleras Griffe.

Le rugissement enthousiaste qui lui répondit malmena violemment leurs tympans mais permit surtout aux deux voyageurs de comprendre une chose : le drakkarmin appréciait bien ce surnom plutôt simpliste.

— Bon, reprenons la route, conclut Lyco. Bientôt, on en aura terminé avec ce voyage !