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Secret Défense de Oustikette



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» Auteur : Oustikette - Voir le profil
» Créé le 04/06/2019 à 19:39
» Dernière mise à jour le 04/06/2019 à 19:39

» Mots-clés :   Action   Présence d'armes   Présence de personnages du jeu vidéo   Romance   Suspense

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Chapitre 13 : À la croisée des chemins
— Sophia ?…

Assise sur un banc, pensive, l’intéressée releva la tête. Son visage était pâle et ses yeux cernés. Aux premières lueurs de l’aube, et après une nuit entière à marcher sans dormir, Brian et elle s’étaient arrêtés à un arrêt de car en pleine campagne. Autour de celui-ci, des vieilles bâtisses de pierre qu’on aurait pu croire délabrées.

De là était arrivée à la jeune femme l’idée de prendre cette navette qui, d’après ce qu’en disait le panneau, passerait par Auffrac-Lès-Congères.

— … Tu es sûre que ce n’est pas risqué ? l’interrogea le blond, assez inquiet, en faisant les cents pas devant le banc.

La rousse haussa les épaules, faussement convaincue.

— Je doute qu’ils prennent le temps de sécuriser cette petite ligne. Nous sommes que du menu fretin pour eux. Ils doivent plus être en train de courir après Coleene ou Marie-Kate, à l’heure qu’il est. Surtout qu’ils nous ont vu partir dans des directions opposées.

Impatient, il regarda sa montre. Plus que dix minutes à attendre.

— Si un des passagers a vu l’avis de recherche et prévient l’agence, on fait quoi ?
— Si ça peut te rassurer, je comptais bien utiliser mes pouvoirs.
— C’est pas courant que tu sois d’accord pour les utiliser ! s’étonna le jeune homme.
— Bworf, autant qu’ils servent à contrer les problèmes qu’ils génèrent.

Les minutes s’écoulèrent lentement. Trop lentement, même.

D’un coup, un autocar suranné fendit l’horizon. Brian sembla soulagé. Peu de chances qu’il y ait une caméra de surveillance dans ce genre de vieille guimbarde.

Le jeune homme fit un signe, le véhicule s’immobilisa à leur hauteur. Il monta en premier et glissa quelques pièces dans le creux de la main du chauffeur.

Il n’y avait pas grand-monde en ce si tôt matin, seulement cinq passagers : deux vieillards, deux étudiants, et un homme en costume noir au teint pâle.

— Bouche-toi le nez, on sait jamais, chuchota la jeune femme, en se dirigeant vers le fond. Je n’ai pas envie de te retrouver évanoui.

Sa peau vira soudain au parme un court instant. Elle toussa deux coups, la buée jaunâtre qui sortit de sa bouche disparut rapidement.

À peine les deux mutants eurent le temps de s’asseoir, que vieux et jeunes étaient tombés dans les pommes. Seul restait l’homme au visage terne, qui ne semblait pas affecté. Mais cela, ils ne le remarquèrent pas.

==

De son côté, Coleene tentait d’ouvrir la porte du garage, en vain. Celle-ci refusait de se lever de plus de quelques centimètres. Le mécanisme devait être grippé. Sans chercher à réfléchir plus, la mutante de feu transforma son corps et saisit la base du panneau. Elle l’arracha aussitôt d’un coup sec.

À l’intérieur, pas grand-chose si ce n’est une pile de bois et quelques outils. La jeune fille remarqua alors une bâche dans le fond, elle semblait dissimuler ce qu’elle était venue chercher.

L’adolescente ne put s’empêcher de retenir un sourire fier quand elle la retira. C’était une moto tout-terrain, qu’elle aurait datée de la fin des années 80. Ce n’était pas ce qu’il y avait de mieux, mais elle s’en contenterait.

Restait à savoir si cette vieille bécane allait vouloir démarrer. Peut-être l’utilisait-on encore récemment ? Le réservoir était aux trois-quarts du plein, et il n’y avait presque pas de poussière dessus. C’était plutôt bon signe.

La fille d’Edgar poussa l’engin jusque devant la cabane. Samuel l’attendait là, leurs sacs à ses pieds.

— Cool ! s’enjoua-t-il, en voyant ce qu’elle avait ramené. T’as les clés ?
— C’est comme toi avec les ordis, j’ai pas besoin de clés.

Aussitôt, la fille d’Edgar glissa sa main sous le démarreur et en extirpa deux fils. Sortant à nouveau ses griffes, elle les sectionna nets.

Quand elle tourna la manette des gaz, le moteur se mit à vrombir. Sous le regard incrédule du jeune homme, elle enfourcha la selle.

— Ça ira pour ton épaule ?
— Je ferais avec, affirma-t-elle, en serrant les dents. File-moi mon sac !…

Samuel le lui tendit, elle passa les anses autour du guidon afin qu’il en soit solidaire.

— … Et maintenant, grimpe !…

À nouveau, le brun s’exécuta. Cette seconde place ne pouvait définitivement pas être considérée comme telle. C’était loin d’être confortable, elle était trop usée.

Coleene partit aussitôt en trombe. Mais, à la première bosse, le jeune homme manqua de tomber.

— … Je crois bien que tu vas devoir t’accrocher à moi, soupira sa camarade, pas vraiment emballée par l’idée.

La dernière fois, elle avait fait exprès de ne pas rouler trop vite, pour qu’il n’ait pas à le faire.
Le jeune homme passa alors ses bras autour de la taille de sa camarade. Une sensation étrange l’envahit. Être aussi proche d’une belle demoiselle n’était pas dans ces habitudes.

Il sentait la douce chaleur émaner de sa peau, même à travers ses vêtements. C’était agréable, terriblement agréable. Dommage qu’après cela, il ne pourrait plus jamais ressentir cette chaleur.

— On en a pour combien de temps, au fait ?
— Je sais pas exactement. Après tout, il faudrait pas qu’on arrive à Auffrac avec trop d’avance sur les autres. Deux jours, ça me paraît être le bon compromis. Et de toute manière, je ne pense pas qu’on aura assez d’essence pour tenir jusque là-bas.

Il acquiesça, et préféra profiter de l’instant, de la chance qu’il avait d’avoir une fille dans les bras, même dans de pareilles conditions.

==

Un imposant bâtiment se dressait devant Marie-Kate et Arthur, en contre-jour du soleil naissant. C’était un hôtel laissé à l’abandon depuis plus de trente ans. Une nuit, l’explosion soudaine d’une des chaudières à gaz avait soufflé les cinq étages de l’aile gauche, emportant avec elle pas moins de quarante personnes. Ce qui restait de l’aile droite avait ensuite été laissée à la merci des pillards et autres squatteurs qui se succédaient au fil des années. Malgré les plantes qui la recouvraient, la façade avait gardé une partie de son aspect classieux d’antan : les colonnes de pierre, les moulures en bas-relief.

Le duo espérait pouvoir trouver ici un endroit calme où ils pourraient se reposer quelques heures.

Tout de même sur leur garde, ils pénétrèrent dans le hall. Une immense salle qui accueillait en son sein un escalier spirale en marbre tout aussi démesuré. Il semblait encore solide, au moins jusqu’au troisième étage. À l’époque, tout ici avait été fabriqué avec les meilleurs matériaux. Mais désormais, seul le béton subsistait dans ces pièces vidées.

L’odeur omniprésente de fiente de poichigeon donna un haut-le-cœur à la jeune fille.

— On monte ? lui demanda son petit-ami, en observant les étages supérieurs du bas de l’escalier.

S’étant protégée le bas du visage avec sa main, elle se contenta de hocher la tête.

Arrivés au second, les deux mutants s’engouffrèrent dans le couloir de l’aile droite. À mesure qu’ils s’éloignaient du hall central, l’obscurité se faisant de plus en plus présente. L’éclairage ne se faisait que par les interstices des fenêtres barricadées.

D’un coup, une silhouette passa en trombe derrière la blonde, entre deux chambres ouvertes. Marie-Kate se retourna, inquiète.

— C’était quoi ce truc ?

Le grand brun se stoppa et se rapprocha aussitôt d’elle, lui posant une main sur l’épaule.

— Je sais pas. Un poichigeon ?
— J’ai jamais vu un poichigeon de cette taille. Et ne me dit pas un déflaisan, ils sont beaucoup trop snobs pour ce genre d’endroits.

Cette fois, la silhouette passa derrière Arthur.

— On est pas seul ! affirma la blonde, prête à se battre, en générant une lame à partir du sol.

Soudain, deux autres silhouettes fondirent de l’ombre juste à côté d’eux. Ils n’eurent pas le temps d’esquiver. La dernière chose que ressentirent les deux jeunes, c’est le contact de leurs visages sur le béton.

==

Quand Marie-Kate rouvrit les yeux, sa vision était trouble, tout semblait déformé. Elle interpréta d’abord le contour comme les murs d’une chambre de l’hôtel abandonné. Puis, elle distingua un homme au centre, un quarantenaire probablement. Il n’était pas bien grand et assez maigre. Mais ce qui détonait chez lui, c’était ses iris roses, sa peau grise, et surtout ces sortes de piques roses qui dépassaient du haut de son crâne chauve au bas de son dos. Un mutant de concombaffe ?

Sa vue redevenant normale, elle eut le cœur net sur la nature de cet homme. Il était bien mutant. Elle voyait sa bouche articuler, il devait lui parler. Pourtant, elle n’entendait rien.

Son ouïe mit juste un peu plus de temps à revenir.

— Donc, je disais, reprit l’homme, visiblement peiné. Je vous prie de m’excuser, mademoiselle Dorgman. Mon équipe a agi dans la précipitation, elle ne s’est pas rendu compte de qui elle attaquait…

Reprenant enfin pleinement ses capacités, l’hybride roche constata qu’on l’avait emmené dans une des suites de l’hôtel, au cinquième étage. Dans la pièce principale, on avait installé une demi-douzaine de matelas de fortune autour d’un feu de camp. Elle se trouvait sur l’un d’eux, dos collé contre le mur.

— Il y a pas de mal ! Mais appelle-moi Marie-Kate, je préfère.
— Pas de soucis ! Je m’appelle John, comme tu peux le voir, je suis mutant de concombaffe…

Il désigna du doigt les deux hispaniques assis sur le matelas à côté d’eux. L’un était grand et fin, quand l’autre était petit et enrobé. Ils se rejoignaient néanmoins dans leur peau hâlée et leur moustache fournie. Deux frères, apparemment, vu leur ressemblance frappante.

— Voici Raúl et José, cela ne se voit pas actuellement, mais ils sont tous deux mutants de kecleon…

Ces derniers la saluèrent de la main. John dirigea ensuite sa main vers l’homme qui dormait dos à eux, sur le matelas opposé. C’était un homme trapu, d’environ trente ans, à la peau sombre. À certains endroits, une épaisse fourrure beige recouvrait cette dernière. À d’autres, elle était couverte par des sortes de tatouages noirs.

— Et lui, c’est Harry, un mutant d’arcanin.

La jeune femme inspecta du regard les alentours, mais elle ne vit aucune trace de son petit-ami.

— Où est Arthur ? le questionna-t-elle, soudain plus insistante.
— Ne t’inquiète pas, il s’est réveillé bien avant toi. Il est sur le toit avec monsieur Cheng, notre doyen, un mutant de noarfang. Ils surveillent les alentours.

Tout de suite apaisée, Marie-Kate détailla un peu mieux l’apparence de ces quatre individus. Elle se rendit alors compte qu’ils avaient tous le crâne rasé, et qu’ils portaient tous la même tenue. Un pantalon et une chemise de toile jaunâtre, avec un numéro sur la poitrine. Ils venaient donc tous du même endroit.

La type roche comprit aussitôt.

— Cela fait combien de temps que vous vous êtes échappés ?
— On s’est évadés du camp de mutants un peu plus au nord d’ici il y une semaine, avoua John, en s’asseyant sur le matelas d’à côté. Mais cela ne fait que trois jours que nous avons pris refuge ici… Et vous deux, que vous est-il arrivé pour que vous atterrissiez ici ?

Soupirant, la blonde haussa les épaules. Elle leur expliqua tout : leur fuite, l’avis de recherche, leur objectif.

— Je comprends, acquiesça le meneur. Je souhaiterais que mon équipe se joigne à vous dans cette longue route, tu n’y vois pas d’inconvénients ?
— Évidemment, j’accepte. Après notre séparation, mon équipe a sans conteste perdu ses deux meilleurs éléments. Je ne vais pas dire non à de nouveaux coéquipiers.
— Parfait. Nous avons volés une voiture. Nous l’avons caché plus loin dans les bois. Je pense qu’il est préférable que nous partions ce soir, à la tombée de la nuit. Tu devrais en profiter pour te reposer.

La mutante ne put qu’acquiescer, ces dernières vingt-quatre heures avaient été éprouvante, aussi bien physiquement que psychologiquement. Elle s’allongea sur son matelas et il ne fallut pas longtemps pour qu’elle retourne dans les bras de Morphée.

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Quelqu’un réveilla Marie-Kate de la pire des façons, en la secouant. Elle voulut aussitôt crier, mais le malotru plaqua sa main sur sa bouche. Quand elle se rendit compte de qui avait osé, elle se calma : c’était Arthur. Il avait retrouvé sa forme hybride.

— Chut ! Lui murmura-t-il strictement. On a repéré un groupe de la M.E.A entrer dans l’hôtel. Il faut qu’on se cache !

Avant qu’elle n’ait le temps de dire quoi que ce soit, il faut dire qu’il ne lui laissait pas le choix, le jeune homme la souleva comme un fétu de paille. Il la porta jusque dans la chambre d’à côté. Sans lui demander son avis, il l’installa dans une des seules armoires murales à encore tenir debout.

— Et toi, tu vas te mettre où ? l’interrogea-t-elle inquiète, voyant le peu d’espace qu’il restait à côté d’elle.
— Ne t’en fais pas pour moi. Je vais bien trouver un autre endroit… Surtout, quoi qu’il se passe, ne sors pas d’ici. C’est toi qu’ils veulent.

Le souffle coupé, elle ne sut quoi lui répondre. Il l’embrassa longuement, comme pour un adieu, puis referma la porte. Elle l’entendit s’éloigner d’un pas déterminé.

Au loin on entendit soudain les pas rapprochés d’une troupe d’hommes. Sa respiration se fit plus rapide. Arthur avait-il de quoi se cacher ? Qu’avait-il donc en tête ?

Chaque nouveau silence se faisait d’un coup plus pesant encore que le précédent.

Elle entendit des bruits de bottes plus proche. Deux agents, ou peut-être trois, étaient entrés dans la suite.

— Tiens, il y a eu un feu de camp ici ! s’étonna l’un d’eux.

Un autre se pencha sûrement sur les braises qui devaient être fumante.

— Il est récent ! Ils ne doivent pas être loin !
— OK. Je vais inspecter du côté de la chambre !

L’agent s’approcha. Il fit le tour de la pièce et se stoppa probablement devant les armoires.

La mutante sentait sa présence au travers du simple panneau qui les séparait. Elle l’entendait mastiquer son chewing-gum. Elle l’entendait taper nerveusement ses doigts sur la crosse de son fusil d’assaut.

Le stress l’envahit. Elle tenta de retenir sa respiration. Elle se sentait comme une bête prise dans un piège à lougaroc.

La radio des types s’affola soudain.

— Renforts demandés au quatrième étage ! Renforts demandés au quatrième étage !

Aussitôt, la blonde entendit deux agents sortir avec précipitation. Il n’étaient peut-être que deux finalement, elle n’entendait plus l’autre derrière le panneau.

Le silence dans la pièce se fit à nouveau. Elle s’autorisa enfin à reprendre son souffle, et poussa un long soupir.

Tout à coup, la porte de l’armoire s’ouvrit. En un instant, son envie de retrouver Arthur s’envola quand elle se rendit compte qu’il y a avait bien trois agents juste avant. Il avait réussi à la berner.

— Alors ma jolie, on voulait jouer à cache-cache ! lança-t-il, en pointant le canon de son arme vers elle…

Un court instant, Marie-Kate sembla comme un sapereau pris dans les phares d’une voiture. Un frisson glacial parcourut son échine.

Puis n’écoutant que son instinct, elle donna un coup de pied dans le canon. L’homme sembla surpris et l’objet quitta ses mains, pour échouer à l’autre bout de la pièce.

Aussitôt, il voulut se précipiter dessus. Mais en sortant de sa cachette, la mutante lui fit un croche-pied. Il s’étala de tout son poids au sol, à deux pas de son objectif. L’adolescente en profita pour lancer une lame rocheuse dessus. Ce qui brisa l’arme en deux.

Se relevant, l’agent ne put que grogner.

— … Je vois qu’on est une petite maligne…

Marie-Kate reprit immédiatement sa forme mutante. Elle n’était pas Coleene, elle était faible sous sa forme humaine. Elle se mit en garde.

L’homme tenta de lui asséner un coup de poing.

Elle l’esquiva, puis elle le frappa du plat de la main sur son épaule. Il fut parcouru de secousses. On entendit des os se casser sous sa peau. Elle avait utilisé Séisme directement sur lui.

— … Salope !

Aveuglé par la douleur, l’agent ne chercha qu’à la frapper sans réellement se concentrer sur ses coups. Elle les évitait sans mal.

La mutante transforma alors ses avant-bras en deux boucliers rocheux. Dans un ultime assaut, l’homme fonça sur elle le poing en avant. À nouveau, elle s’écarta de sa trajectoire. Mais cette fois, un des boucliers troubla le chemin de son visage.

Complètement sonné, l’homme bascula en arrière, avant d’embrasser à nouveau le béton dans un craquement sinistre.

La blonde ne perdit pas de temps et récupéra son sac dans l’armoire. Elle entendait des bruits de combats aux étages inférieurs. Peut-être avait-elle encore le temps d’aider Arthur et les autres.

Elle se précipita vers le hall central.

Mais il était bien trop tard. Depuis sa position haut perchée, elle ne pouvait qu’observer quatre d’entre eux menottés au rez-de-chaussée, entourés par une dizaine d’agents : il y avait Harry, les deux frères, et bien sûr Arthur.

La jeune fille serra les poings. Autour d’elle, la poussière se mit soudain à tourbillonner. Ils voulaient lui prendre celui qu’elle aimait, elle allait faire s’abattre sur eux une tempête de tous les diables.

Tout à coup, alors qu’elle s’apprêtait à descendre, une main plumée agrippa son bras gauche.

Surprise, la blonde se retourna en vitesse, prête à asséner un Séisme à l’importun. Mais sa main fut stoppée par une autre plumée, sans que l’attaque n’ait d’effet.

Un vieillard, qui la dévisageait de son regard rouge perçant, se tenait désormais devant elle.

D’origine asiatique, il était chétif et squelettique. Elle le dépassait même de plus d’une tête. On aurait pu penser qu’un souffle suffisait à le faire tomber. Son visage ridé par les années était surplombé par un monosourcil qui se redressait en deux grandes pointes. Ses bras couverts de plumes semblaient suffisant à lui servir d’ailes. Ses pieds étaient pourvus de trois doigts griffus, comme des serres.

— Je ne pense pas que ce soit la solution ! affirma monsieur Cheng, calme mais non moins sérieux.

Déterminée à agir, l’adolescent tenta de le faire la lâcher, en vain.

— Vous pensez sérieusement que je vais les laisser l’emmener sans rien faire ?
— Je sais ce que tu ressens pour lui. Il m’en a parlé pendant que tu étais encore inconsciente. Il serait prêt à se sacrifier pour que ces types ne te capturent pas.

Des larmes coulèrent le long des joues de la type roche. Elle savait très bien que si elle ne le sauvait pas maintenant, elle ne pourrait plus jamais le revoir.

— Je refuse ! Je ne veux pas le perdre !
— Si tu te fais capturer, nous perdrons tous tout, somma l’homme, le regard noir. La M.E.A aura enfin de quoi faire plier ta famille, et la résistance avec elle. Je ne le permettrai pas !

La blonde pouffa, désabusée. De tous les Dorgman, elle était celle qui croyait le moins en la résistance. Elle avait tellement entendu de messes basses. Beaucoup de mutants pensaient secrètement que leurs actions ne faisaient que renforcer l’agence. Beaucoup reprochaient aussi aux Dorgman leurs origines étrangères. Leur groupuscule ne ferait pas long feu avec ces dissonances. Toutes ces actions de sabotage, d’évasion : cela ne faisait que retarder l’échéance.

L’adolescente essaya à nouveau de s’extirper des mains du vieil homme. Cette fois, elle réussit.

— Dans l’état actuel, la M.E.A n’aurait même pas besoin de moi, ou de Coleene, pour faire tomber la résistance…

Elle lui tourna le dos, puis commença à descendre les marches. Autour d’elle, la poussière commença à former une tempête de plus en plus grosse

— … Vous ne pourrez pas m’empêcher de le sauver !

Les paroles d’Arthur revinrent soudain à l’esprit du vieux mutant : « Si à un moment je dois me sacrifier pour la sauver, n’hésitez pas à l’assommer. Je la connais trop bien. Elle refusera et elle se mettra en danger pour me sauver. Elle a pourtant conscience qu’elle est plus importante que moi. »

D’un coup, Cheng s’envola et atterrit quelques marches plus bas que la jeune fille.

Les deux se dévisagèrent un instant, les yeux dans les yeux. Soudain, Marie-Kate s’effondra lourdement dans ses bras, assoupie. La tempête autour d’elle se dissipa. Il avait utilisé Hypnose.

En bas, les agents de la M.E.A, qui ignoraient ce qui se tramait au-dessus d’eux, emmenaient leurs quatre prises à l’extérieure.

Depuis le haut de l’escalier, le mutant de concombaffe jeta un œil discret en contre-bas.

— J’en vois qui remontent. Que fait-on ? On les abandonnent vraiment ?
— Nous n’avons pas le choix, affirma le vieil homme, l’air grave, en replaçant le corps inanimé sur son épaule. Leur sacrifice va servir notre fuite. Il nous faut absolument préserver cette jeune fille.

Comprenant, John acquiesça sans rien ajouter.

Les mutants quittèrent l’hôtel dans la précipitation par le trou béant dans la façade, tandis que deux agents partaient à la recherche de leur collègue qui n’était pas revenu du cinquième étage.