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Les Apôtres d'Erubin de Malak



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» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 28/04/2019 à 09:14
» Dernière mise à jour le 28/04/2019 à 09:14

» Mots-clés :   Amitié   Aventure   Drame   Mythologie   Présence de Pokémon inventés

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Chapitre 5 : Coup de poker
Vaslot se présenta devant les portes de la planque de sa bande, un vieil entrepôt désaffecté de Bonport. Le garde, Merkluch, le laissa passer avec un grognement en guise de salut. Puis il ajouta :

- Où t'étais passé, ver de terre ? Si l'chef ne t'a pas sous la main pour te martyriser pendant plus d'une heure, il devient d'mauvaise humeur.

Le jeune homme prit bien soin de prendre un air surpris et innocent.

- J'étais en mission. C'est le chef qui me l'a donnée personnellement.

- Ah bon ? S'étonna Merkluch. Il avait l'air d'se demander où t'étais pourtant. C'était quoi, c'te mission ?

- Livrer un colis au Vert de la Planète. T'as pas écouté les infos ?

- Le Vert de... Attends voir, c'était toi, cette bombe là-bas ?!

- Je savais pas que c'était une bombe, se justifia Vaslot. Jorgand ne m'avait rien dit.

- Mais pourquoi on irait poser une foutue bombe chez ces écolos ?

Vaslot haussa les épaules, l'air de dire qu'il ne savait pas et que ça le concernait en rien. Il entra dans la salle principale, où Jorgand siégeait tel un roi avec sa cour. Une cour de voleurs, de parias, de violeurs, de meurtriers. Il y avait aussi un Pokemon, un Judokrak patibulaire qui faisait office de garde du corps à Jorgand. Ce dernier était en pleine action, effectuant sa principale tâche journalière : compter ses billets de banque tout en buvant au goulot de sa bouteille d'alcool. Vaslot prit une grande respiration et s'avança jusqu'à lui, en s'efforçant de garder ses poings fermés pour éviter à ses mains de trembler. Ce serait bientôt fini.

- Je suis de retour, chef, annonça Vaslot.

Le boss des truands détacha ses yeux avinés de ses liasses pour les poser sur l'adolescent. Les autres hommes dans la salle abandonnèrent leurs occupations pour suivre le spectacle. Ils n'adoraient rien de plus que de voir Jorgand maltraiter Vaslot. Ce dernier les méprisait tous, autant qu'eux le méprisaient. Il n'aurait donc aucun remord à faire ce qu'il allait faire.

- T'as intérêt à avoir une putain d'explication, ver de terre, commença Jorgand.

Vaslot reprit son air d'innocence surprise.

- J'ai suivi vos ordres, chef.

- Mes ordres ? Quels ordres ?

- Ah oui, désolé, je sais que c'était censé rester secret, mais maintenant que c'est fait, ça passe difficilement inaperçu…

- Mais qu'est-ce que tu baves, crétin ?

- Vous auriez au moins pu me dire, à moi, que c'était une bombe, fit mine de protester Vaslot. J'ai porté ce colis des heures sans le savoir.

Vaslot vit avec satisfaction le visage des autres gars du gang se crisper sous l'effet de la réflexion ou de la surprise. Ils commençaient à comprendre de quoi Vaslot parlait. Et Jorgand aussi. Sauf que lui, Vaslot ne pouvait pas le laisser nier trop longtemps.

- Qu'est-ce que t'as foutu, ver de terre ? Tu vas me…

- Je suis désolé, chef, mais cette mission était celle de trop, fit Vaslot en reprenant son rôle. Je vous ai suivi jusqu'à un certain point, mais le terrorisme, c'est non, surtout si vous me prenez pour le garçon de course sans rien me dire. Alors, mes excuses, à vous tous, mais je crains d'avoir été raconter ce que je sais.

Ce fut le moment où la porte d'entrée fut défoncée et alla à moitié écraser le garde devant. Un Arcanin et son attaque Bélier étaient responsables de cela. Derrière lui, il avait tout un groupe de Caninos, et aussi certains Granbull. Et, bien sûr, une dizaine d'agents Jenny, six inspecteurs de la Police Internationale en armes, et deux Pokemon Rangers. Tous investirent l'endroit sous les regards éberlués des brigands.

- Que tout le monde jette son arme, et à terre ! Ordonna l'inspecteur en chef.

Vaslot fit quelques pas pour se mettre à couvert en cas de fusillade, et ne put s’empêcher de sourire devant l'air idiot de Jorgand. Il avait longuement cogité pour trouver un moyen de se tirer de son pétrin tout en se débarrassant de sa bande, et il en était venu à cette conclusion : il devait se rendre. Il était allé au commissariat de Bonport, et avait tout avoué. Enfin, tout... mais avec quelques modifications. Il n'avait pas mentionné New World Corporation, et avait tout mis sur le dos de Jorgand. C'était lui qui avait ordonné à Vaslot d'aller livrer cette bombe. Vaslot avait plaidé l'ignorance de la nature du colis, et en échange de l’indulgence des autorités, il avait livré toute sa bande, en amenant tous ces flics avec lui.

Bien sûr, son plan ne se finissait pas en l'état. Trahir Jorgand était une chose, mais en le faisant, il trahissait aussi le supérieur de ce dernier, à savoir la Team Rocket. Et la Team Rocket ne pardonnait pas aux traîtres. Vaslot n'aurait pas manqué de se faire tuer quelques jours plus tard pour cela. Il avait donc agi de ce côté là également. En utilisant l'argent que lui avait donné N.W.C, il est allé demander les services d'un faussaire œuvrant à Bonport ; un homme doué et discret que Vaslot connaissait pour avoir déjà traité avec lui pour le compte de Jorgand.

Ainsi, Vaslot avait fait fabriquer de faux documents incriminant Jorgand. Deux, en l’occurrence. Un pour l'ordre de mission concernant la bombe et le Vert de la Planète ; un ordre de mission en provenance de Stormy Sky, une rivale de la Team Rocket. Et le second, un document comptable qui prouvait que Jorgand se reversait une partie non déclarée des bénéfices de ses agissements ; de l'argent qui aurait dû revenir à la Team Rocket. Et donc, avant de se livrer à la police, Vaslot est allé trouver le contact Rocket de Jorgand à Almia et lui remettre tout cela. Comprenant que Jorgand avait largement dépassé ses prérogatives, l'agent Rocket avait accepté sans sourciller que Vaslot aille livrer sa bande aux autorités.

Tout s'était déroulé à merveille selon le plan de Vaslot. Il n'y avait qu'une chose qui manquait : que Jorgand se taise à jamais. Car s'il se faisait capturer par les flics, il ne faudrait pas longtemps à ces derniers pour qu'ils l'interrogent avec des Pokemon Psy, et découvrir qu'il n'avait rien à voir avec l'attentat au Vert de la Planète. Peu importaient les autres membres ; ils n'étaient pas censés être au courant, après tout. Mais Jorgand, lui, devait disparaître pour que le secret de Vaslot ne soit pas découvert.

Et pour cela, l'adolescent avait parié sur un seul fait : l'idiotie chronique de Jorgand. Et il avait eu raison de le faire. Loin d’obéir à l'injonction des policiers, cet imbécile braqua son arme en mugissant comme un possédé. Il n'eut même pas le temps de tirer un seul coup. Les hommes de la Police Internationale ouvrirent le feu à la volée, et Jorgand, le corps criblé de balles, s'écroula en renversant ses billets de banque dans une marre de sang.

Ses hommes, eux, firent preuve d'un peu plus de sagesse en se rendant sans discuter. Les Pokemon Ranger durent maîtriser le Judokrak de Jorgand avec leurs Capstick, et ce fut terminé. Vaslot regarda d'un air détaché les policiers embarquer ses anciens camarades. Il n'avait aucun remord à les avoir trahi. Il en était même raisonnablement satisfait. L'un d'eux cracha à ses pieds en passant devant lui.

- T'as osé nous trahir, ver de terre ! Tu t'en tireras pas comme ça ! La Team Rocket ne pardonnera pas !

Vaslot ne répliqua pas, mais aurait bien aimé lui faire savoir que la Team Rocket n'en aurait rien à faire de lui, et que mieux encore, elle applaudirait des deux mains. Vaslot avait toutefois fait mine de demander aux autorités d'Almia une protection policière pour lui et sa sœur, au cas où justement la Team Rocket souhaiterait se venger de lui. Mais c'était uniquement pour être plus crédible dans son rôle. Les flics pourraient interroger tous ces gars là autant qu'ils le voudraient ; ils n'apprendraient rien.

Jorgand, en bon parano qu'il était, ne disait jamais rien de ses affaires, et donc ses hommes eux-mêmes allaient avaler l'histoire comme quoi c'était bien lui qui avait ordonné à Vaslot d'aller poser cette bombe. Le seul qui aurait pu nier avec sincérité gisait dans une flaque rouge. Comme s'il pensait que l'adolescent irait s'inquiéter des menaces proférées, un des inspecteurs de la Police Internationale alla lui poser une main paternelle sur l'épaule.

- Ne t'en fais pas mon garçon. La Team Rocket a beau avoir des filiales et des réseaux partout dans le monde, elle-même n'est pas implantée à Almia. Tant que tu resteras dans la région, sous la protection des Pokemon Ranger, tu ne risqueras rien.

- Oui monsieur, répondit Vaslot, en songeant qu'il ne comptait nullement rester ici, et qu'il ne risquait rien à le faire, du moins de la part de la Team Rocket.

- Tu as bien fait de venir nous trouver et de tout nous raconter, poursuivit le policier. Continuer à servir ces gars là ne t'aurait rien apporter de bon, crois-moi. Il y aura sans doute une mise en examen pour ton rôle dans l'explosion du siège du Vert de la Planète, mais je ferai en sorte que ça se termine par un non-lieu, pour ta coopération et ta sincérité. Tu as choisi le bon camp, Vaslot. Le camp du bien.

Le jeune homme se retint de ricaner. Le camp du bien ? C'était quoi ça ? Cet imbécile au service de la loi pensait réellement servir le « bien », alors que la loi était faite par des hommes puissants au profit d'hommes puissants ? Il n'y avait qu'un seul camp du « bien » pour Vaslot, et c'était celui qui lui permettrait de survivre et de s'élever, pour offrir à sa sœur Marine une bonne vie.

La police confia Vaslot aux Rangers de Bonport. Il n'y était pas prisonnier, mais ils tenaient à le garder avec eux le temps que tout se tasse, pour sa propre sécurité. Vaslot n'avait pas fait d'histoire. Il ne leur avait même pas parlé de sa sœur qui vivait à Bourg-Chicore, car il ne voulait pas qu'elle soit mélée à ça, d'une façon ou d'une autre. Les Rangers le traitèrent comme s'il était un pauvre gamin innocent qu'on avait forcé à faire des trucs horribles. Vaslot persista dans ce rôle, mais se débrouilla pour avoir un instant d'intimité afin de passer un coup de fil discret.

- Lieutenant Verlys ? C'est moi... Vaslot Worm.

Verlys était le Rocket qui avait en charge les groupes mafieux d'Almia qui avaient fait allégeance à l'organisation. C'était lui que Vaslot était allé retrouver pour prouver la trahison de Jorgand... une trahison tout à fait imaginaire, certes, mais le lieutenant l'avait cru, grâce aux faux documents que Vaslot avait amenés. Verlys n'avait pas cherché à bien fouiller, signe qu'il se méfiait déjà de Jorgand, ou qu'il le considérait comme un incapable remplaçable.

- Ah, mon jeune ami, fit la voix du lieutenant Rocket. Alors, comment c'est passé notre affaire ?

- Comme prévu, monsieur. Jorgand a tenté de résister et a été tué. Tous les autres ont été capturés, mais comme Jorgand ne leur disait rien, ils ne pourront rien dire.

- Je me débrouillerai quand même pour les faire taire à jamais. J'ai... quelques amis chez les flics d'Almia, qui pourront faire passer cela comme un accident ou un suicide collectif. Ils ne manquent jamais d'imagination si on y met le prix.

Vaslot pensa que c'était inutile, mais ne protesta nullement. Il n'avait aucun attachement à aucun des anciens lourdauds de Jorgand, et n'allait certainement pas les plaindre.

- Tu as bien agi, gamin, poursuivit le Rocket. La Team Rocket apprécie la loyauté, et sait la récompenser. Je te ferai parvenir une petite somme en guise de remerciement. Et si tu le désires, tu seras le bienvenu à Kanto, pour nous servir directement, à une fonction qui sied bien plus à quelqu'un d'intelligent comme toi que celle que t'avait donné Jorgand.

Vaslot sentit son estomac se retourner, mais de bonheur. Travailler directement pour la Team Rocket lui vaudrait richesses et surtout respect.

- Je... j'en serai très honoré, monsieur. Je dois juste rester un peu à Almia, le temps de préparer mes affaires…

- Fais donc. Quand tu seras prêt, rends-toi au casino de Céladopole, et dit que tu viens de ma part, avec ma recommandation. Si tu te débrouilles bien, tu pourras avoir ta bande à toi, comme Jorgand. J'ose penser que tu seras plus intelligent et fidèle que lui.

- Certainement, monsieur.

Verlys raccrocha, et Vaslot ne put masquer son sourire. Il avait trompé à la fois Jorgand, les autorités d'Almia, et même la Team Rocket, et il avait fait tout cela en se couvrant à jamais dans l'affaire avec New World Corporation. Il prit alors conscience d'une chose, qu'il avait toujours plus ou moins su, mais qui lui sauta aux yeux à cet instant : les hommes étaient si facilement manipulables ! Il fallait juste deviner comment ils fonctionnaient, ce qu'ils voulaient entendre et ce qu'ils craignaient d'entendre, et on pouvait en faire ce qu'on voulait. Vaslot était sûr d'avoir un don en la matière, et voulait voir jusqu'où ce don allait le mener.


***


Dan avait commencé son travail, et comme tout bon Top Ranger qui se respecte, ça commençait obligatoirement sur le terrain. Le professeur lui avait demandé de monter un dossier sur les conséquences du projet de N.W.C sur la Forêt de Jade et sa population de Pokemon. Car oui, un juge ne se contenterait pas de bonnes paroles, il voudrait du concret, du factuel. Des relevés véridiques, des chiffres... Le souci, c'était que le professeur n'avait pas en main l'intégralité du projet de N.W.C, seulement leurs intentions. Ils voulaient raser tout ou en partie la Forêt de Jade, soit, mais Dan avait besoin de plus de détails. Voilà pourquoi il était aujourd'hui dans la forêt en question.

L'attentat à la bombe qui avait frappé l'allié du professeur Erable, le directeur Funerol du Vert de la Planète, avait drôlement secoué le jeune Ranger, pour la simple et bonne raison qu'il s'était passé à Almia. Il n'y avait jamais d’événements de ce genre là-bas. La région avait ses propres turpitudes bien sûr. La corruption et les réseaux souterrains y étaient nombreux. Mais les criminels s'y tenaient généralement à carreau, du fait de la Fédération Ranger. Il y avait certes deux trois meurtres par-ci par-là, mais jamais rien d'aussi conséquent qu'une bombe à l'intérieur d'un immeuble.

C'était d'autant plus choquant que la bombe avait visé une organisation bénévole, qui œuvrait pour le bien de la planète. Et quel genre de personne pouvait frapper une telle organisation, si ce n'est ceux qui s'agaçaient de leurs actions ? Que New World Corporation soit le responsable ou non, ça n'avait qu'encore plus motivé Dan à sauver la Forêt de Jade. Jusqu'à qu'Haysen Funerol n'arrive les rejoindre, il allait donc faire tout ce qu'il pouvait dans ce sens. Il n'avait pas oublié les avertissements du professeur Erable sur la soi-disant organisation maléfique qui agirait derrière N.W.C, mais si le danger avait un jour fait peur à Dan Sybel, ce dernier ne serait pas devenu Ranger.

Le jeune homme prit plaisir à se balader entre les arbres de la Forêt de Jade, à croiser ses nombreux Pokemon Insecte, et ces jeunes dresseurs débutants qui tentaient tant bien que mal de les capturer. Certains se livraient à des combats ci et là, et d'autres recherchaient avec espoir l'ombre d'un Bulbizarre. Dan dut intervenir quelques fois, pour donner un Antidote à un garçon qui avait subi une piqûre de Dardargnan, ou pour calmer un affrontement général entre Pikachu.

Que toute cette vie, toutes ces traditions disparaissent au profit du froid et morne béton, Dan ne l'acceptait pas. Il fallait de la modernité, des infrastructures et de l'emploi, oui, mais pas aux dépens de tout un pan de la vie locale et même historique de Kanto. Surtout que les méthodes de N.W.C étaient hautement discutables. Les habitants de Jadielle et d'Argenta n'avaient pas été consultés sur ce projet. Les maires avaient été totalement snobés également, et le géant de l'immobilier se fichait des Pokemon présents comme d'une guigne. Du fait de son engagement de Pokemon Ranger, Dan ne pouvait pas ignorer ça. Il aurait agi, même si Erable ne lui avait rien demandé.

Il arriva au centre de la forêt, là où des agents de N.W.C étaient déjà présents, à préparer leur terraformation. Ils n'avaient bien sûr par encore l'autorisation de débuter le rasage de la forêt, mais Erable suspectait que cela n'allait pas les arrêter longtemps. Ils n'avaient pas eu l'audace de faire venir au grand jour des engins pour déraciner, mais ce n'était pas les moyens qui manquaient à N.W.C. De l'avis du professeur, ils préféreraient éviter une bataille juridique longue en commençant les travaux en toute illégalité, mettant ainsi Kanto devant le fait accompli, quitte à devoir payer une lourde amende. Après cela, et bien... personne n'allait leur disputer un terrain déjà rasé.

Dan essaya de s'approcher le plus possible sans se faire remarquer. Sa tenue rouge et blanche n'aidait pas vraiment en milieu végétal, mais il avait été largement formé aux missions discrètes. Ainsi, derrière un arbre agrémenté d'une fougère, il espionna les agissements des employés de N.W.C. Ils avaient une sorte de campement, et une vingtaine d'hommes et de femmes. Dan n'aurait pas pu, de là, deviner leur job, mais trois d'entre eux portaient une blouse blanche synonyme de scientifique.

L'un d'entre eux était devant une caisse, en train de manipuler des espèces de boules noires qui avaient l'air de très mauvaise augure pour Dan. Il y en avait plusieurs de ce genre. Cinq autres individus étaient en train d'étudier un plan sur une table plus loin, et Dan ne manqua pas de remarquer que quatre des employés de N.W.C portaient des armes à leur ceinture. Bon, ce ne serait pas la première fois que Dan affronte des hommes en armes, mais s'il pouvait éviter, il préférait. Il s'était déjà pris une belle une fois, et ce n'était pas agréable. Dérober le plan était donc exclu à moins de provoquer une bataille rangée, avec sans doute plusieurs morts sur la conscience.

En revanche, il tenait à s'emparer d'une de ces boules noires. Le professeur Erable pourrait l'analyser et découvrir ce que N.W.C tramait avec. Et ça, Dan pouvait le faire sans user de violence et risquer de se faire tuer. Il s'éloigna du campement pour revenir sous l'ombre des arbres, et après quelques coups d’œil, il trouva ce qu'il cherchait : un Dardargnan perché sur un arbre, en train de s'abreuver de sa sève. Il sortit son Capstick et le visa.

- Désolé de t’embêter un moment mon gars, mais j'aimerais que tu me rendes un service.

Quelques tours effectués, le Dardargnan de fort mauvaise humeur d'avoir été dérangé durant son repas devint tout à fait docile et désireux d'aider cet humain étrangement habillé. Après que Dan lui ait fait savoir ce qu'il voulait, le Dardargnan hocha la tête et vola jusqu'au camp des hommes de N.W.C. Et même si certains d'entre eux avaient des armes, la première chose qu'ils firent en voyant un Dardargnan bourdonner à pleines ailes sur eux, fut bien sûr de crier et de se baisser pour l'éviter. Le Pokemon Insecte tira quelques dards ci et là pour effrayer davantage de monde, puis fit ce que Dan lui avait demandé : du bout de ses bras en forme de dard géant, il prit l'une des boules noires non-identifiées dans l'une des caisses, et s'enfuit dans les profondeurs de la forêt. Sonnés par l'étrange comportement de ce Pokemon, les employés de N.W.C ne surent trop quoi faire.

- Qu'est-ce qui lui a pris, à ce con de Pokemon ?

- Il s'est embarqué une Void-Bomb. On le poursuit ?

- Bonne chance pour poursuivre un Dardargnan dans cette forêt merdique.

- Mais il risque de l'activer !

- Eh bah tant pis, on en a d'autres. Puis les activer dans la forêt, c'est notre but après tout.

- Mais pas avant que Monsieur Parmilian nous en donne l'ordre !

Dan en avait assez entendu, et repartit en arrière. Ce nom, Parmilian, était celui de Milton Parmilian, le directeur de la recherche et du développement à N.W.C. Et vu le nom qu'ils avaient donné à ces boules, ça ne présageait rien de bon. Dan avait matière à penser que la société allait se passer d'engins classiques de déforestation pour le coup. Il alla retrouver le Dardargnan qui l'attendait pour lui remettre sa prise. Dan le remercia puis le relâcha en appuyant sur le bouton d'arrêt de son Capstick. Après quoi il examina attentivement et précautionneusement la boule noire. Il y avait trois petits boutons autour, ainsi qu'un interstice dans lequel il pouvait voir le commencement d'un mécanisme d'apparence complexe.

- J'feeeeerai gaffe en manipulant c'machiiiiinnnn, mon frère. C'est pas cool, comme ennnnngin.

Dan sursauta et manqua faire tomber la boule. À demi-dissimulé dans les broussailles près de lui, il y avait un homme accroupi par terre. Dan se demanda comment il n'avait pas le remarquer avant, tellement il ne passait pas inaperçu. Vêtu d'un jean délavé et troué et de tongs, il portait une chemise criarde et multicolore qui vous agressait les yeux. On aurait dit que quelqu'un lui avait jeté plusieurs seaux de peintures dessus. Il avait en outre de longs cheveux châtains foncés, une petite barbichette et des lunettes noires en demi-lune. Enfin, il portait autour du cou le symbole hippie de la paix et de l'amour, d'un vert fluo agresseur. Son visage reflétait un air béat et ahuri, comme s'il était en plein trip... ce qui était peut-être le cas d'ailleurs.

- Vous êtes qui vous ? Qu'est-ce que vous fichez-là ? Demanda Dan en restant sur ses gardes.

Ce mec était peut-être bien un baba cool inoffensif qui avait élu domicile dans la forêt, au milieu des Pokemon, mais le jeune Pokemon Ranger avait de quoi être méfiant. L'homme leva lentement sa main et lui fit un signe V avec ses doigts.

- J'suis Heeennnrich, mon frère. Henrich Yasmin. Peaaaaaaace.

Le dénommé Henrich avait l'air plutôt jeune, et sa tendance à traîner les mots ne semblait pas feinte, pas plus que sa gestuelle relativement lente. Il devait bel et bien être un junkie défoncé.

- Très bien Henrich, enchanté, soupira Dan. Je sais pas si vous avez remarqué, mais c'est pas le top de traîner dans le coin actuellement.

- Ohhhhhh, j'le sais bien, man. Tu vois... J'garde tous ces mecs cheeeeelou à l’œil là-bas. Ils perturbent la fooooorêt et les Pokemon. Pas cooooool. Et j'ai vu c'qu'ils f'saient avec ces bouuuuuuules, là... Moi j'te l'dis, mon frère, faut faire gaffe avec ces gars, tu voiiiiis quoi. Ils sont pas « peaaaaaace » du tout.

- Vous avez vu ce à quoi ils se livraient ? Demanda Dan, intéressé.

- Ohhhhh, tu sais... Moi j'dis... Euh... j'disais quoi moi déjà ?

Henrich tenta de se lever, mais il tituba et s'affala contre un tronc d'arbre.

- Ohhhhh la la... Ces champignons ils étaient ouuuuuuf. Faut faire gaffe, tu vois man, quand tu sniffes des champignons que tu connais paaaaaas. Du coup c'est drôle, parce que tu vois, la forêt est multicolore autour de moi, et elle danse en plus, diiiinnngue…

Dan n'était pas sûr de pouvoir tirer quoi que ce soit de ce gars-là mais il ne pouvait décemment pas le laisser ici. S'il ne se tuait pas lui-même en trébuchant, il allait se faire attraper par les hommes de N.W.C, qui n'apprécieront sans doute pas qu'on espionne leurs petites affaires.

- Vous pouvez marcher, Henrich ? Je vous ramène à Jadielle. À moins que vous ne soyez d'Argenta ?

- Ah non man, pas cooooool. J'retourne pas en ville. Ça pue, c'est moche et y'a plein d'bruits. Ah, mais... faudrait qu'je fasse mon rapport au vieux et aux autres, ouais... La prise de tête de dingue, quoi... Dis mon frère, t'as pas un peu d'herbes, par hasard ?

- Il faut vraiment que vous partiez, mon ami, insista Dan. Ce n'est pas sûr pour vous ici.

- WAAAHOUUUU !

Henrich avait soudainement hurlé en sursautant, en regardant sa main droite.

- Wouah le trip ! J'ai cru qu'ma main avait une bouche et me parlait, dinnnnngue !

Serrant les dents et maudissant ce demeuré, Dan vérifia autour de lui en tendant l'oreille s'ils avaient été repérés par les employés de N.W.C.

- En même temps, poursuivit Henrich sur le ton de la conversation, j'sais pas trop d'quoi qu'ça peut bien causer, une main. C'est vrai ça, tiens... De quoi qu'on parle, avec sa main ?

Réfléchissant sans doute à cette question cruciale et existentielle, Henrich se releva en titubant, baissa son jean et commença à uriner contre un arbre. Dan se commença à se demander s'il n'allait pas capturer un Papilusion pour l'endormir et le porter lui-même, quand de nombreux bruits étouffés surgirent tout autour d'eux. Et l'inévitable arriva. Une dizaine d'employés de N.W.C, dont deux armés, et trois autres possédant des Pokemon, les encerclèrent.

- Halte-là ! Qu'est-ce que vous faite ici ?

Dan fit mine d'hausser les sourcils.

- Je patrouille. C'est mon boulot. Comme vous le voyez, je suis Pokemon Ranger. Je viens juste de tomber sur ce... brave monsieur qui semble un peu désorienté.

- Et qu'est-ce que vous tenez, monsieur le Ranger ?

Dan retint une grimace en se rendant compte qu'il avait toujours la boule noire en main. L'un des employés, un scientifique, le pointa du doigt.

- Je vois ! C'est probablement lui qui est responsable du comportement de ce Dardargnan. Il est venu nous espionner !

- Messieurs, tenta Dan, je suis un Top Ranger habilité par la Fédération pour…

Il se tut après qu'un des hommes armés lui eu donné un coup de coude au visage.

- Ranger ou pas Ranger, on n’aime pas les fouilles-merde. Avance !

Il menaça Dan de son arme, et ce dernier fut obligé obtempérer et de les suivre. Tout Top Ranger qu'il fut, il était un peu en infériorité numérique pour tenter quoi que ce soit. Ah non, il y avait Henrich avec lui, qui continuait à pisser contre son arbre en chantonnant comme s'il n'avait rien remarqué, jusqu'à que les hommes de N.W.C ne l'amènent de force aussi.