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L'étudiant parfait (OS) de Suroh



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Informations

» Auteur : Suroh - Voir le profil
» Créé le 08/04/2019 à 18:56
» Dernière mise à jour le 08/04/2019 à 20:46

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L'étudiant parfait
C’était lors d’un bel été de l’an dernier, le soleil était resplendissant. Alola brillait de mille feux alors que tous les jeunes de la région âgés de dix-huit ans se présentaient au Bac à Lauréats.

Parmi eux, Arys, un garçon exemplaire, qui avait pendant toute sa vie écouté de façon remarquable. Chaque mot de ses professeurs était soigneusement consigné dans ses cahiers, et il écrivait vraiment bien. Il mettait au moins dix secondes pour écrire chaque mot, parce que chaque lettre devait avoir une calligraphie parfaite : les « f » ne devaient ni être trop grands, ni être trop petits.

Le problème d’Arys, c’est qu’il ne pouvait pas tout noter en quelques heures de cours. A raison de dix secondes par mot, il ne pouvait pas écrire tous les mots de ses professeurs. Mais Arys avait trouvé une solution : il s’était procuré un Pijako ! Ah, ça avait été compliqué, vous n’avez pas idée. Les Pijako, ça n’existe pas, à Alola, donc l’affaire était ardue. Il avait dû dépenser toutes ses économies, enquiquiner ses parents à outrance, et ça lui avait pris des mois pour réussir à avoir son Pijako. Mais il l’avait eu.

Du coup, Arys était content. Arys pouvait enregistrer tous ses cours avec son Pijako, qui les lui répétait à la syllabe près, chaque soir. Tous les soirs, pendant au moins quatre heures, il réécrivait donc tout. Tout, tout, tout, absolument tout. Parfois, il réécoutait les cours quelques heures de plus, histoire d’être vraiment sûr de ne pas s’être trompé.

Il ne dormait pas beaucoup, Arys. Parce que quand il avait fini d’écrire, il lui fallait au moins deux heures, parfois trois, pour tout apprendre. Il dormait peu. Mais il apprenait bien. Et il avait tout d’écrit.

Pour passer son Bac à Lauréats, il avait dû relire ses quatre-vingt-dix-sept carnets de notes, en apprendre près de dix-huit par coeur, parce qu’il ne voulait pas se surmener, donc il ne voulait pas perdre son temps en apprenant trop de choses, du coup il avait bien pris soin de sélectionner ce qu’il avait vraiment besoin d’apprendre.

Ça lui avait donc pris six heures et quarante-huit minutes de relire tous ses cours, et sept heures dix-sept de plus pour souligner tout ce qui était important. Vu qu’Arys était organisé, il avait bien fait attention à répartir ce temps de travail sur plusieurs jours.

Les parents d’Arys étaient très fiers de lui. Ils lui disaient « Arys, tes parents sont fiers de toi, tu sais, tu travailles vraiment bien, tu auras un bon métier plus tard, tu sais, Arys, avoir un métier c’est important. » Son papa, lui, était à la retraite, donc il savait bien ce qu’il disait.

Ce matin le soleil était resplendissant.

Arys s’était réveillé il y a quelques heures, le temps de réviser une dernière fois ses cours, et puis il avait pris la direction de l’école, pour passer l’examen final que toute sa génération redoutait. Avec son taux de réussite estimé à quatre-vingt-quinze pourcents, tout le monde craignait de faire partie des cinq pourcents restant. C’était stressant. Donc en décompressant, sans s’entêter, sentant cent fois le sang leur monter, les élèves essayaient de voir le verre à moitié plein.

C’est pour ça que lorsque Tronul, le copain d’Arys, avait toqué à sa porte, il tremblait un peu. Il se répétait « Tu ne vas pas y arriver, tu ne vas pas y arriver, tu es trop nul, Tronul, trop nul… »

Arys sortit de sa maison, et rejoignit Tronul.

« Ainsi, donc, en effet, tu sembles par conséquent bien réveillé ; c’est-à-dire en d’autres termes que tu – du moins paraît-il – es prêt pour l’Épreuve – pardon, le Bac à Lauréats ? lui dit Arys.

– Bah j’sais pas trop, à vré’dire j’révis’ pas ‘tant qu’toi, t’sais », lui répondit Tronul.

Arys hocha la tête, il savait bien que son camarade avait des problèmes et, dans sa mansuétude sans bornes, il lui pardonnait bien d’être un peu, disons, hum, différent.

Arys était un garçon vraiment très gentil, très tolérant. Ses parents étaient fiers de lui.

Les deux amis se mirent en chemin pour rejoindre l’école des dresseurs, où ils allaient passer leur examen. Le chemin n’était pas long, de la rosée perlait le long des pétales fleuris qui s’épanouissaient sur les Floette environnants ; mais ni Tronul – qui était trop occupé à ne pas lamentablement trébucher sur les Tadmorv qui passaient – ni Arys – qui était bien trop intelligent pour voir ces détails futiles – n’y prêtaient attention.

Une fois arrivés devant le centre d’examens, ils voulurent saluer leurs camarades, mais chacun d’eux trouvait un prétexte pour éviter le duo. Arys s’en moquait, et Tronul était maintenant trop occupé à décrotter sa chaussure enduite d’une substance issue d’un Tadmorv sur lequel il avait marché, pour s’en rendre compte.

Ils pénétrèrent dans le bâtiment. Cela dit, ces deux lourdeaux ne m’intéressent pas vraiment, donc allons un peu plus loin dans l’histoire, l’historique de leur traversée des couloirs étant ennuyante à mourir ; le dernier à qui je l’ai racontée m’a avoué qu’il aurait préféré danser la salsa avec un Magicarpe plutôt que de l’écouter.

Donc je vous l’épargne. Sachez juste que Tronul a réussi le prodige de tomber en enlevant sa casquette, la relation de cause à effet entre les deux événements m’ayant toujours laissé circonspect, je me permets de vous le mentionner.

Le très-intelligent Arys et son ami étaient donc arrivés devant une porte sur laquelle était écrit « Silence ». D’où Tronul, qui cria à son ami :

« Eh t’penses qu’on aient arrivés ? Frenchemant jeu suis pas sur mais je croit qu’on devrez faire attenssion à parlé moins fort.

– Sincèrement, pour commencer, en outre, il me vient à l’esprit que veiller à ton orthographe eut pu constituer un élément infiniment déterminant dans la compréhension qu’in fine j’ai de ce que tu articules. Je, moi, parviens à entendre les fautes d’orthographe que tu prononces, n’est-ce pas là ridicule ?

– Euh… » répondit avec justesse Tronul.

Ils entrèrent dans la salle sans plus de cérémonie. La porte de la salle était restée ouverte, un grand tableau de Giratina trônait près d’une fenêtre. Le professeur avait déjà préparé les sujets. Arys et Tronul prirent place et attendirent l’autorisation de commencer leur devoir. Une fois donnée, ils le commencèrent.

Le sujet était inintéressant, quelque chose comme « Faut-il jouer à Pokémon ? », ou « Epée ou bouclier ? », ou alors « Toutes les incohérences du Pokédex justifieraient-elles l’incompétence des Professeurs ? », je ne sais plus trop.

Les copies que commençaient à écrire Arys et Tronul étaient édifiantes.

Tronul n’avait rien écrit.

Arys, lui, s’était lancé sans même préparer de brouillon, et son style était celui du parfait étudiant. Il avait tout bien écouté et il voulait que cela se sache : « Premièrement, tout d’abord, dans une première partie, avant toute chose, en guise de préambule, il conviendrait – en outre – de ne nonobster ni la définition liminale du propos, ni son explication claire, évidente, commune, telle qu’elle est présentée dans un dictionnaire – ce qui garantit de sa fiabilité –, pour que par la suite, c’est-à-dire après, dans la continuité logique et temporelle de l’écrit – qui se différencie par son caractère temporel de l’oral – la bonne marche, le fonctionnement et l’allégorie mathématique que devra constituer par son caractère absolu mon propos, soit assurée, claire, nette et infinie. » Les professeurs allaient lui mettre vingt sur vingt, comme toujours.

Mais ça n’est pas très intéressant. Le mieux se situe ailleurs, à la fois loin et proche de lui.

C’était une petite fille, elle avait l’air jeune. Sa justesse d’esprit avait dû lui permettre de sauter des classes.

Sa plume, libre, s’était débarrassée de l’emprise de la société qui pesait sur elle. Son encre donnait vie à une histoire fabuleuse. Assise à côté de la fenêtre, les rayons de Solgaleo éclairaient son travail, un travail d’orfèvre par son originalité et sa précision. Son esprit se laissait aller, loin des règles et loin du poids social.

Elle rayonnait. Son sourire respirait la joie de vivre, ses cheveux bruns étaient semblables au cours d’eau apaisé d’une rivière et donnaient l’illusion de flotter. Son air serein, reposé, la parfaite joie qui illuminait ses traits, naturelle, se propageait dans son histoire à travers sa plume.

Comme un extraterrestre au milieu de cette salle de concours, comme une personne heureuse au milieu de ce monde de fous, elle écrivait, sans relâche.

Plus que d’écrire, elle bâtissait un univers magique, mystique. Et fantastique.

Voilà ce qu’elle écrivait :

« En ce bel après-midi d’été, le soleil était resplendissant. Un homme, après avoir achevé sa dure journée de labeur, venait de rentrer chez lui.

Il entra dans sa bibliothèque, et il prit place dans son fauteuil de velours noir, laissant la porte ouverte derrière lui, comme une irritante possibilité d’intrusion. Une immense baie vitrée illuminait la pièce et permettait de voir un grand parc parsemé de grands feuillus. Un livre à la main, les muscles décontractés, il posa délicatement sa tête contre le haut de son fauteuil, et alluma une cigarette. Après en avoir tiré une bouffée, un nuage semblable à ceux qui apportent une ombre bienfaisante s’échappa de sa bouche dans un souffle doux.

Ses yeux se posèrent sur les lignes de son livre, et bientôt elles dansèrent sous ses yeux. Il plongea dans son histoire et il suivit bientôt par l’esprit un homme et une femme, qui s’apprêtaient à assassiner un jeune homme qui les avait agacés.

Ce couple bienheureux dans le crime n’avait pas de nom, ils vivaient cachés dans l’ombre de la forêt, là où les regards ne se posent normalement pas. Les règles de toute sorte ne pesaient pas sur eux. Ils se faufilaient partout, n’avait ni morale, ni connaissance de règles quelqu’elles soient.

Dans un silence assourdissant, ils sortaient des bois, invisibles sous les rayons que dardait le Soleil. Ils laissèrent les chênes derrière eux. La lame de leurs poignards cachée contre leurs cœurs refroidissait leurs corps. Le sang battait dans leurs veines, annonçant celui qui s’apprêtait à bientôt couler.

Au diable la bienséance, au diable les règles qui encadrent quoi que ce soit. L’emprise diabolique de leur volonté sur leurs actes allait leur faire commettre l’irréparable.

Après avoir traversé une allée bordée de fleurs sur lesquelles la rosée s’était posée, ils virent bientôt un grand bâtiment blanc. Ils y pénètrent. Ensemble.

Ils avancèrent à pas de loups.

Ils avancèrent.

Ils virent une porte. Elle n’était pas fermée.

Un tableau funeste à l’effigie de Giratina trônait au fond de la salle, et ils virent leur proie, voûtée, en train d’écrire le Diable sait quoi. »

Sous un soleil resplendissant, leurs poignards brillèrent, et le sang gicle.