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Dissension de Lacrima



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Informations

» Auteur : Lacrima - Voir le profil
» Créé le 24/03/2019 à 10:07
» Dernière mise à jour le 26/03/2019 à 12:20

» Mots-clés :   Action   Hoenn   Organisation criminelle   Présence de personnages du jeu vidéo

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Chapitre 3 - Nouvelle Famille
Le feu crépitait haut dans le ciel nocturne, et enfants et Pokémon dormaient sagement dans les maisonnettes flottantes. Ce soir de pleine lune, le conseil en avait profité pour se réunir dans la paillasse de Raphaël, l'ancien du village.
Appuyée contre la fenêtre, observant les flammes du feu de joie qui avait marqué le solstice d'été, Annie soupira longuement. Elle n'aimait pas être le centre de l'attention et sentait déjà tous les regards posés sur elle.

« Alors ? » dit finalement une jeune femme. Annie se tourna vers son interlocuteur et reconnut Sophie, le membre du conseil le plus récent. Si la plupart des adultes du village n'en faisaient partie qu'après trente-cinq ans, la très jolie Sophie avait insisté pour y entrer plus tôt. Il était de notoriété publique qu'elle aimait avoir les choses sous contrôle, mais elle n'avait jusqu'à maintenant jamais participé à une mauvaise décision et même les plus âgés lui accordaient déjà leur confiance.

« Je suis retournée à Poivressel et Nénucrique à chaque fois que le village y passait. Comme vous me l'avez demandé, j'ai posé des annonces, des portraits, mais rien. Je n'ai toujours pas eu de réponse.
- C'est fâcheux, répondit un homme rondouillard. Ça fait combien… quatre mois, déjà ?
- A peu près, oui. Je me suis aussi renseignée sur des associations qui aidaient les rares rescapés à se remettre du traumatisme. Personne n'a reconnu Emi. »

Le silence tomba à nouveau sur les membres du conseil. Fixant sans les voir leurs mains, la table ou encore le feu crépitant depuis la fenêtre, ils songeaient. Annie les imita, le front plissé et les sourcils froncés. Elle avait fait de son mieux avec le peu de temps qu'elle avait sur la terre ferme, elle ne pouvait décidément pas en faire beaucoup plus. De plus, ils n'étaient même pas certains du prénom de l'enfant alors que c'était la seule information dont ils disposaient. S'il restait vraiment quelqu'un à Emi, il aurait plus de chances de croiser un Chartor en pleine mer que de la retrouver.

« Et comment vont-ils, tous les deux ? demanda une vieille femme voûtée.
- Ils s'entendent très bien. Arthur s'occupe d'Emi comme de sa propre sœur et elle s'est bien habituée à la vie au village. Je crois l'avoir vue discuter avec Sarah l'autre jour, fit-elle à l'intention de Sophie.
- Oui, ma fille m'a parlé d'eux. Ils commencent à bien s'intégrer, finalement. »

A ces mots, Raphaël, du haut de ses soixante-quinze ans, se leva et frappa dans ses mains sèches et ridées.

« Parfait. Je crois qu'Annie a fait de son mieux, et ces petits ont besoin de quelqu'un pour veiller sur eux. Te sens-tu capable de t'en occuper comme de tes propres enfants ? »

À ces mots, le cœur de la pêcheuse gonfla. Comme ses propres enfants… Oui. Elle ne s'en était peut-être pas tout de suite rendu compte, mais elle s'était beaucoup attachée aux deux rescapés. Finalement, savoir que personne ne les attendait sur la terre ferme la soulageait plus que cela ne l'attristait.

« Bien entendu. Vous pouvez compter sur moi.
- Très bien. Est-ce que quelqu'un s'oppose au fait que les enfants rescapés restent parmi nous, à Pacifiville ? »

Un silence d'approbation général lui répondit, et Annie les en remercia chaleureusement.

Lorsqu'elle rejoignit sa maisonnette de bois, ce fut le cœur plus léger que jamais. Elle s'apprêta à pousser la porte pour entrer lorsqu'elle fut interrompue par des chuchotements provenant de l'autre côté. Intriguée, elle tendit l'oreille.

« Si jamais elle te voit debout à cette heure, elle risque de se fâcher.
- Mais Arthur ! J'ai pas envie de dormir. Je veux savoir si je reste.
- Ils vont encore en avoir pour longtemps, tu ferais mieux d'aller te reposer. Elle nous le dira demain matin.
- J'ai vraiment envie de l'attendre, fit la petite voix. »

Il y eut un long silence, puis un soupir résigné et Annie sourit.

« Bon, d'accord. Mais je te préviens que si elle me dispute, dès qu'elle part je demande à Carvanha de te croquer les fesses.
- Merci ! rit la petite fille. Mais il le fera pas parce qu'il est trop gentil. »

La pêcheuse ouvrit la porte à cet instant précis, leur arrachant tous les deux un sursaut. La petite brune manqua de tomber à la renverse et hoqueta de stupeur. Dans son dos, le garçon pâlit et se recroquevilla dans son sweat. Annie mit les poings sur les hanches et fronça les sourcils.

« Qu'est-ce que c'est que ces enfants qui n'écoutent rien ? »

Emi leva deux petites mains pâles au-dessus d'elle.

« - C'est moi qui voulais. Arthur il m'a dit non.
- Oui mais j'aurais dû insister, désolé ! »

Elle les regarda tour à tour, puis éclata de rire. Ils étaient adorables.

« Ça va, je vous taquine. Je me doutais bien que vous n’iriez pas vous coucher, de toute façon. »

Ils parurent soulagés un court instant, mais à nouveau leur front se plissa. Ils se tordaient les doigts et leur anxiété manqua de gagner Annie. Elle se souvint de pourquoi le conseil s'était réuni ce soir et s'assit face à eux, de l'autre côté de la table en bois.

« Bon, j'ai parlé avec les membres du conseil.
- Et ? fit Emi, tandis qu'Arthur restait silencieux. Ils ont dit quoi ?
- On en a longuement discuté. Ça fait environ quatre mois qu'on cherche quelqu'un qui te reconnaîtrait sur la terre ferme, mais je n'ai trouvé personne.
- Et ? Et ? s'impatienta-t-elle en tirant nerveusement sur sa robe. Je veux pas partir Annie, je suis bien ici. Je veux rester ici avec toi et Arthur, moi. »

Des larmes commençaient à remplir ses yeux sombres et le garçon lui prit la main pour la rassurer. Aucun des deux ne voulait partir d'ici. Emi, qui avait perdu la mémoire, ne se souvenait de rien d'autre que ces quatre mois en leur compagnie et ne voulait en aucun cas se retrouver loin, avec des inconnus. Et Arthur… Annie savait que sa peur des habitants de la terre ferme cachait quelque chose, mais chacune de ses explications était plus bancale que la précédente. Difficile de savoir ce que pouvait cacher son mensonge, mais elle soupçonnait un lien avec les hématomes qui couvraient son corps lorsqu'elle l'a trouvé.

Avec un sourire radieux, Annie prit une profonde inspiration.

« Vous pouvez rester. »


***


« Vous pouvez partir. »

Le garçon acquiesça en avisant sa jambe bandée et les nombreux points de suture qui couraient le long de ses bras, vision peu ragoûtante à laquelle il ne s’était toujours pas habitué. À côté de lui, le médecin discutait avec son oncle. L'homme d'une quarantaine d'années, ses cheveux bruns impeccablement plaqués vers l'arrière, droit et élégant dans son costume, écoutait attentivement les recommandations en inclinant poliment la tête.

« … continuer à vérifier que les plaies de s'infectent pas… attention au plâtre… appeler en cas de problème… »

L'adolescent n'écoutait qu'à moitié, trop concentré sur les posters affichés dans la salle du généraliste. C'était sa troisième visite depuis l'accident, il commençait à connaître son discours par cœur et se contentait maintenant de détailler les modèles anatomiques et les messages de prévention qui couvraient les murs.
Un petit Leveinard aux couleurs chatoyantes expliquait sur l'un des panneaux comment se laver les mains et éviter de toucher les poignées de porte pour ne pas attraper la grippe, puis un peu plus loin rappelait à quel point il était important de garder ses vaccins à jour.

« Maximilien ? »

La voix de son oncle le ramena à la réalité et il se tourna vers lui.

« Oui ?
- Le docteur a dit que tu pourras enlever ton plâtre dans un mois si tu ne forces pas trop sur ta jambe.
- Ah… super, merci. »

Il passa nerveusement la main dans ses cheveux écarlates, conscient d'avoir été surpris en train de rêvasser. À ses côtés, les deux hommes se saluèrent d'une poignée de main avant de l'accompagner au dehors. Maximilien, s'appuyant toujours maladroitement sur ses béquilles malgré ses longues semaines de pratique, rejoignit la voiture qui les attendait sur le parking. Son oncle l'aida à s'installer à l'intérieur avant de prendre place au volant et la démarra d'un tour de clefs. Alors qu'il s’engageait sur l'avenue principale de Mérouville, il se tourna vers son neveu.

« Ta jambe te fait moins mal ?
- Ça va mieux qu'au début, mais ça me lance encore de temps en temps.
- Tant mieux. Au moins, tu sauras maintenant qu'il ne faut plus s'éloigner du groupe quand tu es en sortie.
- Mais pour la millième fois, il y avait un fossile en bas de la pente, je t'assure ! protesta-t-il. Et il avait l'air énorme. Si j'avais pu l'attraper…
- Mais au lieu de ça tu l'as réduit en miettes en te cassant une jambe dessus, gros malin ! sourit-il avant de reprendre un air sérieux. Sans rire, si ça fait une bonne histoire à raconter, essaie de ne pas en avoir d'autres comme celle-là. Tu aurais pu finir en bien plus mauvais état.
- Oui tonton. »

Ils traversèrent la ville au rythme de l'autoradio et ses musiques toutes moins originales que les autres, si bien que Maximilien eut l'impression en arrivant à destination qu'il n'en avait entendu qu'une seule, deux tout au plus. Séparées par une interminable page de publicité.

Son oncle l'aida à sortir de la voiture et lui apporta ses béquilles, et ils se dirigèrent tous les deux vers la porte d'entrée. Une femme blonde les accueillit à leur arrivée et leur servit un sourire radieux.

« Henry ! Max ! Vous avez pensé aux pizzas, hein ?
- Ah, oui ! s'exclama le plus âgé. Je les ai laissées dans le coffre, j'arrive tout de suite.
- Et voilà, quelle tête de linotte. Alors, fit-elle en se tournant vers l'adolescent, dans combien de temps tu enlèves ce plâtre ?
- Un mois si tout va bien.
- Super ! Allez, viens t'installer au chaud.
- Jules est rentré ? demanda-t-il en retirant son manteau.
- Non, il a eu un empêchement et ne pourra venir que ce soir. Tu lui as trouvé un cadeau d'anniversaire ?
- Je lui ai pris un tee-shirt sympa avec des formules de maths et de chimie dessus. Il devrait aimer, c'est son truc.
- Bonne idée ! »

Elle l'aida à ranger son manteau dans le placard de l'entrée avant de l'accompagner jusqu'à la salle à manger, où trois assiettes et des couverts assortis les attendaient déjà. La blonde finit d'installer les verres alors qu'Henry rapportait deux cartons blancs affichant fièrement le nom d'une pizzeria voisine. L’odeur qui s’en échappait les mit en appétit et ils ne se firent pas prier pour s'installer à table.

« Alors… celle-ci c'est trois fromages, celle-là est aux poivrons.
- Vanessa, je peux avoir la sauce pimentée ? demanda Henry à l'intention de sa femme, qui mordait déjà à pleines dents dans son repas.
- Maxch, tu peux lui pacher ?
- Tiens, fit l'adolescent en tendant la bouteille en verre au-dessus de l'assiette. N'en mets pas trop, elle est plus forte que celle de la dernière fois.
- Merci. »

Le reste de la conversation se perdit en banalités et compliments sur leur pizzaiolo favori. Dehors, une pluie fine se mit à tomber sur les fleurs qui entouraient la grande maison de pierre. Henry et Vanessa avaient passé de longues années à économiser pour s'acheter cette vieille ferme, et Maximilien se souvenait encore des longs week-ends durant lesquels lui et sa famille leur rendaient visite et les aidaient à rénover les lieux. Lui et Jules, son cousin, passaient le plus clair de leur temps à jouer dans la grange au fond du jardin, celle qui était maintenant devenue le garage de son oncle, mordu de voitures. Parfois il les emmenait faire un tour dans sa nouvelle acquisition, et quand ils rentraient Vanessa leur avait préparé un copieux goûter. Lorsque la gourmandise les gagnait plus tôt que prévu, ils dévoraient les fruits rouges et juteux du grand cerisier du jardin.

Cette maison restait un havre de bons souvenirs pour lui, malgré leur amertume.

Même après l'accident, lorsqu'il s'était retrouvé seul. S'ils n'avaient pas pu garder la maison où il vivait, Henry et Vanessa avaient strictement refusé de le soumettre à l'adoption tant qu’il ne le demandait pas lui-même, et lui avaient proposé de rester avec eux.
A l'époque, Maximilien avait déjà plus de dix ans, il était capable de choisir. Alors il avait accepté entre deux sanglots, et son oncle et sa tante l'avaient pris sous leur aile. Jules lui aussi avait été très compréhensif et patient de partager l'attention de ses parents avec celui qui n'était pas leur fils, et les deux cousins n'avaient jamais cessé de bien s'entendre.
Difficile de savoir s’il aurait pu remonter la pente sans eux.

Sa gorge se serra et Maximilien jeta un regard brumeux à son assiette, mais son oncle ne lui laissa pas le loisir de se morfondre plus longtemps.

« Ah, au fait ! On a eu des nouvelles de Jules. De toute façon il va venir ce soir, mais il nous a demandé de te faire passer un message avant.
- Ah bon ? fit-il, intrigué. Qu'est-ce qu'il y a ?
- Tu sais, il avait dit qu'il se renseignerait dans son laboratoire pour savoir s'il y avait un stage pour toi.
- C'est sympa, mais je lui ai dit que la chimie ce n’était vraiment pas mon truc…
- Justement ! Il a une amie qui bosse à plein temps maintenant dans la section qui t'intéresserait. Ce serait l'occasion pour toi d'en apprendre plus et te faire, pourquoi pas, des contacts pour la suite. »

Maximilien ouvrit des yeux ronds et manqua de lâcher son couteau sous le choc.

« Attends attends… quoi ?
- C'est une de ses amies doctorantes qui t'a réservé une place avec elle pour sa prochaine sortie sur le terrain. Tu ne devineras jamais ce qu'elle va aller étudier… sourit Henry.
- Non… t'es sérieux ? »

Un sourire radieux fendit son visage et il bondit de sa chaise, alors que Vanessa frappait dans ses mains.

« Oui Max, tu vas aller voir un volcan ! En activité ! Un vrai de vrai ! »

L'adolescent voulut se lever et manqua de tomber, ayant soudainement oublié sa jambe plâtrée. Cette dernière le ramena difficilement à la réalité et il la foudroya du regard.

« Mais je peux pas marcher avec ça…
- T'en fais pas, il a dû s'y prendre en avance. Le stage n'est qu'en juillet, tu auras largement retiré ton plâtre d'ici là… si tu ne fais pas l'idiot avec ! insista son oncle avant de mordre dans sa pizza.
- Jules a juste besoin d'une réponse avant qu'il parte du travail pour que son amie aie le temps de t’intégrer au voyage sans que ça devienne la course, tu devrais l'appeler après manger. »

Maximilien se rassit au fond de sa chaise, mais était beaucoup trop excité pour se tenir convenablement.

« Je n’en reviens pas… c'est dément ! Eh, t'as entendu ça Chamallot ?! »

Un petit cri provint de la cuisine et le Pokémon, sans retirer le nez de sa gamelle, projeta une gerbe d'étincelles en signe de contentement. L’adorable créature arracha un sourire aux deux adultes.

« Eh bien, c'est de longues années d'études qui t'attendent si tu veux devenir géologue. Mais Chamallot a raison, tu devrais commencer par finir ton assiette ! Allez, mange. Tu auras tout le temps pour rêver à tes volcans, tes cailloux et que sais-je encore quand la vaisselle sera faite. »

Mais Maximilien ne l'écoutait déjà plus. Devant ses yeux dansaient des volcans de lave bouillonnante et des roches noires plus grosses que des voitures.

Il allait devoir relire tous ses livres sur le sujet avant l'été.