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Dissension de Lacrima



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Informations

» Auteur : Lacrima - Voir le profil
» Créé le 20/03/2019 à 14:11
» Dernière mise à jour le 21/03/2019 à 10:04

» Mots-clés :   Action   Hoenn   Organisation criminelle   Présence de personnages du jeu vidéo

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Chapitre 1 - Une nouvelle aube
Ce matin-là, une aube radieuse se dressa sur la surface de l'océan. Elle étendait généreusement ses bras roses et or pour caresser la surface des vaguelettes miroitantes, les gouttelettes naissant de leur rencontre jaillissant comme des perles lumineuses.

Et comme tous ces matins où le soleil lui-même venait frapper à sa porte, Annie était éblouie par la beauté du spectacle.
La pêcheuse devait approcher la quarantaine maintenant, mais rares étaient ceux qui pouvaient rivaliser d'énergie avec elle. C'est donc tout naturellement que son premier geste en se levant fut de bondir dans la barque en bois la plus proche et, un sac de baies sur l'épaule, s'éloigner de son village d'un grand coup de rame.
Le vent frais agita légèrement les cheveux bruns qu’elle maintenait en place dans un vieux bandeau. Elle chassa deux mèches rebelles avant d'inspirer profondément. L'air iodé lui parut particulièrement délicieux ce matin-là, malgré les quelques relents de poisson çà et là. Quelques Goélise passèrent au-dessus de sa tête en sonnant le début de la pêche de leurs cris stridents, menés par un trio d'imposants Bekipan. Annie posa sa rame dans sa barque et, portant une baie juteuse à ses lèvres, entreprit d'observer les Pokémon avec attention.
Tout d'abord, le petit groupe se rassembla en un seul point, tournoyant au même rythme mesuré autour de quelque chose que la pêcheuse ne pouvait pas voir. Puis, d'un commun accord et sans le moindre signal apparent, ils plongèrent un à un en piqué vers la surface rose et or de l'océan. D'un geste souple et puissant, ils redressèrent leur trajectoire à quelques centimètres seulement des vagues d'eau salée dans laquelle ils plongèrent leur bec avec avidité, pour repartir aussitôt vers les cieux en emportant leur petit déjeuner dans une gerbe d'écume salée.
Avec un sourire ravi, Annie s'appuya sur le rebord de sa chaloupe en bois verni et posa les yeux sur l'horizon. De là où elle venait se dessinait la silhouette de quelques maisonnettes à contre-jour, qui d'ici semblaient flotter miraculeusement au-dessus des vagues. Pacifiville... son village ne cesserait jamais de l'émerveiller. S'il était au départ le refuge temporaire de quelques naufragés, certains avaient bien compris qu'il s'agissait d'un petit paradis ; des hommes et des femmes en quête d'une autre vie s'étaient rendus d'eux-mêmes à la rencontre des habitants de la cabane qui n'avaient pas rejoint la terre ferme et ensemble ils avaient créé une toile de pontons, plateformes et maisonnettes.
C'était le choix qu'elle avait fait, elle aussi, de longues années auparavant.

Son sourire se fana avec les teintes roses de l'océan qui redevint peu à peu d'un bleu froid à mesure que le soleil s'élevait dans le ciel.

C'était après avoir perdu son mari dans un tragique accident de voiture. Incapable de se remettre vraiment du choc, elle avait vite compris que si elle ne changeait pas rapidement d'air, elle ne goûterait plus jamais au bonheur et à la légèreté.
Et c'était ce que lui avait apporté cet endroit ; elle y avait trouvé des amis, un travail sans horaires, un air sans pollution, et sa maison elle-même la berçait tous les soirs comme pour la réconforter. Ce village avait un puissant goût de liberté qui séduirait le plus acharné des hommes d'affaires citadins ; les clapotis de l'eau et les hauts et bas des vagues qui faisaient lentement tanguer sa barque lui donnaient des ailes.
A mesure qu'elle promenait ses yeux sur les fragments de récifs qui affleuraient à la surface, un sourire léger se dessinait à nouveau sur son visage. Petit à petit, les Pokémon alentour se réveillaient et quelques bancs de Rémoraid et de Lovdisc frétillaient sous la surface des vagues, se parant de couleurs argentées au contact du soleil.

Oui, l'océan est vraiment un endroit de toute beauté.

Annie engloutit une dernière baie Oran bien juteuse et s'étira longuement avant de s'allonger dans le fond de sa barque, en prenant soin de ne pas se cogner contre le banc ni son sac de provisions. Elle étendit sa rame à ses côtés et siffla d'un coup sec, le son aigu brisant un court instant la mélodie des vaguelettes sur sa coque en bois.

Quelques secondes s'écoulèrent sans que rien ne se passe puis, soudain, l'eau se mit à bouillonner à quelques mètres.
La surface de l'océan sembla exploser pendant un court instant, et une ombre masqua le soleil alors qu'elle bondissait au-dessus du bateau. Aspergée d'eau, Annie cacha son visage derrière son bras et éclata de rire.

« Allez petit, arrête ça tout de suite ! Je suis trempée. »

Un couinement enthousiaste lui répondit et, deux ou trois sauts plus tard, la petite créature bondit sur son ventre dans une pluie de gouttelettes salées. La pêcheuse leva les yeux au ciel mais ne put s'empêcher de serrer son ami dans ses bras.

« Toi alors ! Comment vas-tu, depuis hier ? »

Elle relâcha un peu son étreinte pour poser son regard sur la petite forme plate qui frétillait sur son ventre. Le Babimanta leva ses grands yeux brillants vers elle et l'enserra dans ses petites ailes écailleuses en ce qui semblait être un câlin maladroit. Ce geste l'attendrit un peu plus et elle frotta affectueusement le sommet de son crâne lisse et doux. Le Pokémon eau paré de ses fraîches couleurs bleue et blanche émit un nouveau couinement joyeux et, joueur, lui cracha un petit filet d'eau douce au visage.

« Hé ! » protesta la brune en le repoussant doucement. « Je risque d'attraper froid si je suis mouillée, petit garnement ! »

Délicatement, elle glissa ses mains sous ses ailes et le souleva avec précaution avant de s'asseoir dans sa barque.

« Je comptais faire une petite sieste, mais je ne voudrais pas dériver trop loin. Du coup, je me demandais si tu pouvais me réveiller si jamais je m'approche trop d'un courant. Tu ferais ça pour moi ? »

Alors qu'elle s'attendait à un nouveau cri de joie, la petite créature ouvrit deux yeux inquiets qu'elle posa par-dessus son épaule et ses nageoires frétillèrent. Autour d'eux, les bancs de Pokémon colorés se divisèrent en un éclair, et la surface de l'eau se dépouilla de son ballet coloré en quelques secondes à peine. Le bébé Pokémon agita frénétiquement ses antennes et un petit couinement de peur lui échappa. Intriguée, Annie regarda par-dessus son épaule.

« Quelque chose ne va pas, mon grand ? »

C'est alors qu'elle la remarqua ; cette nageoire triangulaire qui fendait la surface de l'eau en un mouvement circulaire lent et régulier, tournant autour de ce qui s'apparentait à un rondin flottant. D'instinct, elle cacha le Pokémon dans son sweat-shirt et saisit sa rame à deux mains, prête à faire demi-tour, lorsqu'elle nota un détail inquiétant ; le rondin en question venait de bouger.

« Il y a quelque chose de vivant, là-dessus... »

Elle interrogea le Babimanta du regard, qui lui répondit d'un air décidé. Oui, si un Pokémon avait besoin d'aide, ils n'allaient pas fuir lâchement à l'autre bout de l'océan.
En essayant de ne pas trop faire de bruit, Annie planta sa rame dans l'eau. Voyant que le soudain clapotis qu'elle avait produit ne semblait pas perturber le mouvement de la nageoire, elle poussa l'eau vers l'arrière de sa barque qui avança de quelques centimètres. Elle réitéra l'opération de l'autre côté, toujours avec prudence, s'approchant petit à petit de la créature marine qui rôdait en silence.
Lorsqu'elle put l'identifier, le sang d'Annie ne fit qu'un tour ; les deux nageoires dorsales couleur or ne trompaient pas.

« Un Carvanha... »

Le Babimanta ressortit un peu la tête de son sweat-shirt, les joues gonflées d'eau, prêt à riposter. Il avait déjà eu affaire à un ou deux Carvanha par le passé, il saurait lui tenir tête le temps de fuir. Le cœur battant, il frotta l'une contre l'autre ses ailes asséchées par le tissu et ses branchies frémirent au rythme de sa respiration. Alors qu'il se mettait à suinter légèrement, Annie rama avec plus de vigueur en direction du Pokémon en levant son poing entre deux coups de rame.

« Hé ! Toi, là, la charogne ! Va-t’en ! Allez, ouste ! Du balai ! »

Aussitôt, le Carvanha se tourna dans sa direction et planta ses deux yeux rouges dans les siens. Ses crocs acérés masquaient en partie sa mâchoire supérieure et tout chez lui semblait crier « je suis une machine à découper ». Nul doute qu'il pouvait briser la coque de la barque en un seul coup de mâchoire. Un frisson d'appréhension parcourut Annie, mais elle sentit une petite nageoire encourageante lui tapoter les côtes et elle se redressa de toute sa hauteur, ramant maintenant à toute vitesse vers la victime du Pokémon.
Sans perdre son sang-froid, le Carvanha montra les dents et hérissa ses nageoires en pointes, l'air menaçant. Il ne comptait pas la laisser approcher plus près, c'était certain.

Prêts à le chasser de force, Annie et son Babimanta s'armèrent respectivement d'une rame et d'un jet d'eau sous pression quand une voix faible les interrompit.

« Laisse-les... »

Surprise, Annie se tourna vers ce que le Pokémon semblait protéger et resta sans voix ; il s'agissait de deux enfants gisant sur un fragment de bois peint, l'un le poussant faiblement vers l'avant tandis que le plus petit des deux, inconscient, était allongé dessus.
La pêcheuse en oublia le Pokémon hostile et se précipita vers eux.

« Par Arceus... qu'est-ce qu’il vous est arrivé ?! » s'écria-t-elle en s'approchant à coups de rames frénétiques. Celui qui avait parlé, le plus âgé, n’avait même pas quatorze ans et semblait épuisé. Ses yeux gris anthracite se levèrent avec difficulté vers la pêcheuse, avant de retomber faiblement sur le petit corps trempé qui se trouvait sur l'éclat de bois.

« Elle s'est toujours... pas réveillée... »

Une larme perla au coin de son œil et ses mains rouges et gercées menaçaient de lâcher le morceau de bois d'un instant à l'autre, le précipitant droit vers les profondeurs. Le Pokémon hérissé de pointes le rejoignit aussitôt qu'il montra un signe de faiblesse et planta ses crocs dans le col de son tee-shirt bleu, maintenant sa tête à la surface de l'eau. Le pauvre garçon était au bord de l'inconscience lui aussi, et Annie n'hésita pas une seconde de plus.

« Venez, grimpez ! »

Elle tendit sa rame vers l'enfant qui la saisit faiblement et, d'un geste, ramena le morceau de bois brisé et ses passagers contre sa coque. Babimanta bondit aussitôt vers les naufragés et, mordant avec maladresse le bois peint, le maintint contre l’embarcation. Annie tendit ses mains vers le plus petit des deux, enroulé dans un sweat-shirt bien trop grand pour lui, et la souleva dans l’embarcation. Son sang ne fit qu'un tour ; la petite fille, à peine plus grande qu'un bébé, était glacée.
Elle l'allongea avec précaution derrière son banc, au milieu des sacs de baies, avant d'aider le garçon à monter dans la barque. Bien trop faible pour s'y hisser seul, elle et les deux Pokémon aquatiques durent unir leurs efforts pour le pousser dans le bateau qui tangua dangereusement. Annie attendit patiemment qu’il se stabilise avant de reprendre dans ses bras l’enfant frigorifiée. Sans plus attendre, elle retira la plupart des vêtements gorgés d'eau qui entouraient la petite fille avant la serrer contre elle dans l'espoir de la réchauffer.

« Elle... elle respire. » soupira-t-elle, soulagée. En face, le garçon trempé sourit faiblement, mais ne parvint pas à articuler une réponse et se laissa glisser dans le fond de la coque, grelottant. Ils attendirent ainsi quelques minutes en silence, Annie sentant le cœur de la petite retrouver un rythme rassurant contre elle. Et soudain, une pensée lui traversa l'esprit ; elle et son mari n'avaient pas eu d'enfant. La vie trop cruelle ne leur en avait pas laissé le temps. Et si elle avait fait une croix sur son passé depuis bien longtemps, sentir ce petit corps frêle et frissonnant collé contre son cœur éveilla en elle un instinct qu'elle avait cru mort depuis bien longtemps. Elle baissa ses yeux vers l'enfant ; si elle était toujours inconsciente, elle semblait plutôt plongée dans un long sommeil paisible qu'en proie à un véritable malaise. Rassurée, Annie s'autorisa un léger sourire et berça avec douceur la petite aux joues rondes contre elle.
Après s'être assurée que le corps de l'enfant avait recouvré une température acceptable, elle l'enroula dans son propre sweat-shirt et la déposa contre le garçon frissonnant. Ce dernier la cala confortablement contre lui et gratifia la pêcheuse d'un regard qui la bouleversa.

« Merci... »

Dans ses yeux gris où nageaient une peur et une douleur sans fin jaillit une étincelle de joie, et Annie lui servit un sourire rassurant.

« Ce n'est rien, vraiment. Je vais vous ramener chez moi et vous donner des vêtements secs, d'accord ? »

Le garçon inclina la tête en signe de remerciement avant de la poser contre le bois verni, les yeux fermés.

« Carvanha... il peut venir aussi ? »

Annie fit une moue hésitante, puis jeta un regard au Pokémon rouge et or. Ses yeux sanguins allaient de la barque au Babimanta qui tournait suspicieusement autour de lui et, s’ils semblaient détailler avec hésitation les deux nouveaux venus, elle n'y décela plus la moindre hostilité.

« Bien sûr. »

Elle reçut pour toute réponse un faible sourire, et le garçon s'endormit sans demander son reste. Le cœur battant, Annie saisit sa rame d'une main ferme et posa ses yeux sur l'horizon où la silhouette de son village dérivait lentement.

« Babimanta, guide notre nouvel ami jusqu'à Pacifiville. Il faut qu'on fasse quelque chose pour ces enfants. »

Alors qu'elle se mit en route, dans son dos, le Carvanha se dirigea vers la planche de bois peint sur laquelle avaient dérivé les enfants. Avec délicatesse, il saisit un morceau de tissu brodé qui était resté fiché dans une écharde et le coinça entre ses dents, avant de briser la planche en deux d'un coup de mâchoire.
À ses côtés, Babimanta lui jeta un regard intrigué avant de l'appeler d'un couinement timide. Les deux Pokémon échangèrent un long regard silencieux, puis, le cœur plus léger, s'élancèrent dans le sillage de la barque.

Et ainsi, Pacifiville accueillit de nouveaux naufragés.