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Egaré de Lief97



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» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 04/03/2019 à 10:08
» Dernière mise à jour le 08/03/2019 à 11:37

» Mots-clés :   Action   Guerre   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Suspense

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Prologue
« Le doute est l’ennemi des grandes entreprises. » Napoléon Bonaparte.


***


Les torches et bougies diffusaient une douce lumière rougeoyante dans la pièce. La vaste salle rectangulaire, aux épais murs constitués de blocs de pierre irréguliers, accueillait une quarantaine de personnes, rassemblées autour d’une longue table. La moitié d’entre eux, installés sur des chaises, attendaient patiemment que les autres s’assoient, et que les retardataires les rejoignent.

Le silence était de mise ; une légère tension flottait dans l’air. Des regards lourds de sens s’échangeaient, impatients ou inquiets, entre deux phrases chuchotées.

Lyco, installé sur un tabouret entre deux hommes qu’il connaissait à peine, ne quittait pas des yeux une des fenêtres qui donnaient sur l’extérieur. Il faisait trop sombre pour apercevoir les remparts qui entouraient leur repaire, ou même pour distinguer un de leurs pokémons dispersés dans la plaine.

Il attendait, tentant de ne pas montrer son empressement. Il attendait ce jour depuis… quoi, presque deux mois ?

Il faisait jouer ses poignets avec souplesse sans prêter attention aux conversations à voix basse qui résonnaient autour de lui. Il s’était passé tant de choses, ces derniers temps.

Depuis qu’il avait débloqué ses souvenirs auprès de l’ermite et de son xatu, de nombreux pans de son passé lui étaient revenus ; après ça, il s’était allié à Karyl, qui était entre-temps devenu un Mutant à la solde de Mervald. Et, avec son aide précieuse et son sale caractère, ils étaient parvenus à atteindre Psyhéxa, la Ville aux Murs Blancs, pour y tuer Molch.

Lyco serra les mâchoires. Molch. Un mauvais souvenir, qui hantait encore parfois ses pires cauchemars. D’après ce qu’ils savaient de lui et de son rôle de bras droit de Mervald, Molch avait été le premier des Mutants du pays. Des Mutants vivants, bien sûr, puisque visiblement, beaucoup de gens mouraient en subissant les expériences hasardeuses du gouverneur.

Lyco garda les yeux bien ouverts en repensant à leur combat contre Molch : s’il les avait fermés, il ne doutait pas une seconde qu’il aurait vu s’imprimer sur ses paupières les images de l’illusion du Mutant. Celle où il avait cru voir Darren et Lacrya mourir d’une balle dans la tête. Il se souvenait du sang, partout. Du rire de son ennemi. De ses motivations douteuses sur l’avènement de la nouvelle humanité, celle qui aurait des pouvoirs comme leurs alter ego sauvages, les pokémons…

Lyco frissonna. Et releva la tête. Ce petit bâtiment qu’ils avaient construit ensemble au cours de la semaine était mal isolé. L’air frais du dehors s’y infiltrait parfois. Heureusement que les dortoirs en bois aménagés plus loin avaient faits avec plus d’application…

Il fallait dire que ces dernières semaines avaient été agitées. Après la mort de Molch et leur retour triomphant dans leur repaire des Forêts de l’Est, ils s’étaient concentrés sur l’aménagement de leur camp. Avec l’aide de Grocaillou, leur gigalithe, ils avaient achevé de construire une muraille de pierre et un chemin de ronde sur la butte au sommet de laquelle ils s’étaient isolés.

S’étaient ensuivis entraînement des pokémons et des nouveaux recrutés — pour la plupart de petits groupes de mercenaires en train de dépérir —, de la chasse, de l’échange d’information avec d’autres survivants de la région, la construction de quelques bâtiments… leur repaire était presque devenu un petit village.

Un village armé jusqu’aux dents et prêt à subir une attaque de pokémons sauvages ou celle d’un groupe de bandits. Sans compter sur une potentielle réplique de Mervald ; même s’il agissait rarement dans les Forêts de l’Est…

Soudain, les voix autour du garçon se turent. Darren et Boralf venaient de rentrer dans la pièce, accompagnés des derniers pillards du groupe. Lyco les suivit du regard alors qu’ils slalomaient entre les chaises et les tabourets pour rejoindre le bout de la table.

Boralf, bon ami du chef et certainement le plus à même d’organiser les choses dans leur repaire, étala une grande carte sur la table. Certains se chargèrent sans un mot de maintenir ses coins à plat, histoire que tout le monde puisse y voir quelque chose malgré la lumière dansante des torches.

Lyco, intrigué, se pencha vers elle. Il reconnut sans mal le Désert de la Désolation en plein milieu, qui occupait presque tout l’espace. Méranéa, la capitale de Mervald, se trouvait à peu près au centre. De nombreuses petites villes pullulaient sur le pourtour du désert. Au nord, le Vallon du Silence s’étendait de travers, coincé entre les dunes et un bras de mer. À l’est, les plaines arides le séparaient de Psyhéxa, la ville qu’avait perdu le gouverneur, et juste en-dessous, les labyrinthiques Forêts de l’Est s’accumulaient en un agrégat touffu à peine desservi par quelques routes serpentines.

Lyco releva la tête vers Boralf ; le trentenaire aux cheveux noirs, sourcils froncés et moue trop sérieuse sur le visage, recula d’un pas pour laisser le chef s’exprimer. Il valait mieux. Selon les nouvelles de la semaine, il était plus prudent de laisser le calme Darren parler. Boralf était connu pour ses crises de colère et sa méfiance absolue, même parfois envers les siens. La diplomatie n’était pas son fort.

Darren posa ses mains à plat sur la table de bois brut. Plus âgé que son partenaire, il frôlait presque la quarantaine, mais il était bien plus grand et musclé. Plus intimidant, aussi. Ses yeux bleus ne laissaient filtrer que peu d’émotions, mais beaucoup d’intelligence. Il lança, de sa voix grave et profonde :

— Nous avons reçu de nouvelles informations. Les troupes de Mervald reculent.

Un silence surpris suivit ces quelques mots. Puis des voix plus enthousiastes exprimèrent leur soulagement dans un brouhaha soudain. Lyco acquiesça tranquillement, insensible au bruit. C’était ce qu’ils avaient prévu, il n’y avait donc rien de très inattendu à cela. Peut-être que les autres allaient enfin avoir confiance en ses estimations stratégiques.

Pourtant, malgré son assurance, il sentit un poids quitter ses épaules. Le gouverneur avait enfin arrêté de se montrer aussi borné face à leur rébellion.

— Psyhéxa n’est plus sous l’embargo du gouverneur, continua Darren avec calme. Toutes ses troupes se sont retirées et sont retournées à la capitale, Méranéa. Un groupe de mercenaires a pris possession de l’hôtel de ville et du palais de Molch. La Ville aux Murs Blancs est à eux, maintenant.
— Et ces mercenaires, c’est qui ? demanda un pillard depuis le fond de la salle.

Boralf intervint dans l’ombre de son chef :

— On n’en sait rien. On a envoyé des gens s’informer et tenter de communiquer. On sait juste que la ville est toujours en plein chaos. Plusieurs groupes armés se battent pour récupérer le pouvoir. Il y aurait même quelques dresseurs de pokémons dans le lot. Un véritable massacre, d’après les rumeurs.

Darren hocha la tête :

— On va essayer de leur proposer une alliance dès qu’ils auront fait taire les violences sur place. Comme vous le savez, les préparatifs pour lancer un assaut contre la capitale avancent bien. Nous avons reçu le dernier stock d’armes. Avec un bon paquet de munitions. Il va falloir recruter des bras supplémentaires dans les prochains jours.

Plusieurs voix s’élevèrent, se proposant de s’en charger. Darren et Boralf attribuèrent quelques rôles, échangèrent des banalités sur l’organisation à venir, et ne tardèrent pas à ramener la discussion là où ils voulaient en venir.

Darren désigna la carte, et engloba d’un geste tout le Désert de la Désolation.

— Toute la zone est occupée par les troupes de Mervald. Ses soldats ne sont pas si nombreux que ça. Mais ils sont bien mieux équipés que nous, et ils sont motivés. Le gouverneur leur a dernièrement cédé une augmentation de salaires et des privilèges que seul lui possédait jusqu’à présent. Les rumeurs parlent de groupes électrogènes, d’habitations gratuites, et d’eau courante. Ils ne lâcheront rien, ces types-là.
— Il ne faut pas oublier que Mervald a au moins deux Mutants à ses ordres, rappela Boralf. Lyco ?

Le garçon, jusque-là silencieux, sentit les regards se tourner vers lui. Il n’en croisa aucun, par peur d’y lire encore de la peur, de la crainte, ou de la méfiance. Tous savaient maintenant qu’il avait été le Rôdeur, un voleur et un bandit solitaire dangereux. Sans compter sur le fait qu’il était devenu un Effacé, et que ses souvenirs étaient défragmentés… ou oubliés, pour beaucoup encore.

Le garçon se racla la gorge avant de répondre :

— L’un d’eux est de Type Combat. Il s’appelle Garûnd. Pour le reconnaître, c’est simple, il a une énorme cicatrice à la gorge, et il frappe très fort. Un coup de poing de sa part pourrait sans doute vous tuer sur le coup. Le deuxième Mutant, on sait rien de lui. Il serait de Type Électrique, mais on ne connaît ni son nom ni ses facultés.
— Et on ignore leurs motivations exactes, enchaîna Darren. Molch voulait suivre Mervald et créer une nouvelle humanité dotée de pouvoirs, et ainsi réitérer les erreurs du passé qui avaient menés à la guerre et l’Épidémie. Soit ils ont aussi cet idéal et se montreront aussi têtus que le gouverneur… soit ils ont autre chose en tête. Dans ce cas-là, on pourrait potentiellement — rien n’est sûr, j’en conviens — leur proposer quelque chose.

Des exclamations surprises retentirent. Darren leva une main énorme pour inciter au silence, et continua :

— On préfère miser sur une alliance avec eux que les affronter de face. On a déjà vécu un calvaire face à Molch, et il était seul… alors deux Mutants d’un coup, on ne pourrait sans doute rien faire. Même avec tout notre arsenal. On doit minimiser les pertes.

Lyco manqua d’intervenir en lâchant « Des deux côtés ! ». Mais il resta muet. Il était devenu impossible de faire tomber Mervald sans en venir à tuer ses hommes. S’il n’avait pas récupéré ses souvenirs et était resté un Effacé, peut-être aurait-il voulu à tout prix éviter de tuer qui que ce soit pour faire tomber le gouverneur.

Mais le Rôdeur savait qu’il ne fallait pas compter sur cette mentalité d’idéaliste, dans ce monde cruel. Il valait mieux tuer un petit nombre pour sauver un maximum de gens, plutôt que de ne tuer personne pour ne sauver personne. Il en avait déjà fait l’amère expérience plusieurs fois.

Soudain, une voix que Lyco reconnut bien résonna quelque part sur sa droite.

— Et le Condamné ?

Il tourna la tête dans cette direction et croisa le regard de Lacrya. La jeune femme aux cheveux sombres et aux yeux noirs semblait concentrée et sérieuse, comme lui. Elle portait des gants rouges qui laissaient ses doigts à l’air libre ; en fermant les poings, de petites protubérances métalliques en jaillissaient, lui permettant de se battre sans arme blanche.

C’était l’un des équipements qu’ils avaient récupérés en marchandant avec un groupe voisin, quelques jours auparavant. Elle semblait les avoir déjà adoptés, ces gants à pointes.

Et comme d’habitude, elle touchait juste en évoquant une des variables qui pouvaient mettre leur plan en péril.

— On n’a reçu aucune information, répondit Darren. Il s’est enfui de l’Arène en nous permettant de la quitter nous aussi, mais même les troupes de Mervald ont été incapables de le retrouver. Il serait parti au sud-ouest, donc… peu de chances qu’il nous gêne. Surtout qu’on n’a jamais entendu parler de lui depuis. Il est possible qu’il soit parti très loin d’ici, à l’heure qu’il est.
— Et cette carte, c’est pour faire quoi ? demanda un homme.

Darren désigna la lisière des Forêts de l’Est, qui faisaient face au désert :

— Il y a un groupe, juste dans cette zone, d’une trentaine d’individus. Ils ont compris que nous voulions attaquer Mervald, et ils sont prêts à nous épauler. Ils rassemblent des hommes en ce moment même, à la lisière, et commencent à monter un camp fortifié comme le nôtre. Ils sont assez optimistes et pensent pouvoir doubler leurs effectifs d’ici le mois prochain. Ils veulent préparer des avant-postes pour nous aider à lancer l’assaut, quand tout sera prêt.
— Si on arrive à s’allier avec les mercenaires de Psyhéxa et eux, lança Boralf, on devrait commencer à avoir une vraie petite armée.

Le bras droit des pillards planta plusieurs aiguilles à différents endroits des Forêts de l’Est.

— Eux, ce sont différents groupes qui sont opposés à l’idée de faire tomber Mervald. Ils ont peur pour leurs trafics d’armes ou de vivres. On va devoir les convaincre de nous aider… ou les intimider, en fonction de leur réponse. On soupçonne certains d’entre eux d’être payés par Mervald pour nous planter un couteau dans le dos. Karyl nous aidera à leur faire comprendre que c’est inutile.

Quelques-uns tournèrent la tête en direction du dénommé.

Karyl Braun, debout et adossé contre un mur de pierre, croisait les bras au fond de la pièce. Il hocha la tête d’un air las et légèrement hautain. Lyco le fixa intensément, tentant de percer ses intentions.

L’avantage avec Karyl, c’était sa franchise. Il disait toujours ce qu’il pensait. Et Lyco ne doutait pas de son honnêteté. Certes, il avait été lâche, arrogant, cruel même. Mais il s’était assagi. Après avoir ingéré de la Némélia 3 sous les ordres de Molch, il était devenu un Mutant au physique ultra-résistant et doté de pouvoirs de guérison. Et il avait rejoint leur camp pour se venger du gouverneur, qui s’était servi de lui comme d’un vulgaire outil.

Tout ce qu’il voulait, c’était se déchaîner contre le gouverneur. Et se ranger du côté des gagnants.

Sa force allait être une redoutable arme pour eux, autant pour les combats que pour dissuader des traîtrises. Car des traîtrises, il y en aurait, c’était certain. Lyco n’en doutait pas une seule seconde. L’homme était fait pour ça. Si la moindre brèche ou un quelconque profit apparaissait devant un des leurs, alors il était hautement probable qu’un traître se dévoile et fasse tomber leur plan en ruines. D’où l’importance du rôle de Karyl.

— Ce sera tout pour aujourd’hui, conclut Darren après quelques autres informations pratiques. Prochain objectif : contacter les mercenaires de Psyhéxa et convaincre l’entièreté des Forêts de l’Est de se rallier à notre cause. On doit aussi terminer un autre dortoir en prévision des futurs recrutements. Vous pouvez retourner à vos postes ou aller vous coucher. À demain, camarades.

La salle résonna aussitôt du brouhaha des conversations, alors que les pillards se levaient et quittaient la maisonnette de pierre. Lyco resta immobile, accoudé à la table. Boralf récupéra la carte qu’il enroula et emporta sous son bras pour sortir.

Darren, voyant que Lyco ne bougeait pas, comprit qu’il voulait lui parler. Ils attendirent sereinement que la pièce se vide. Seule Lacrya et Karyl, curieux, restèrent et s’approchèrent. Lyco leur jeta un coup d’œil. Tant mieux. Ils devaient eux aussi être mis dans la confidence.

— C’est au sujet des fioles ? devina Darren. Celles qu’on a récupéré à Psyhéxa… Tu veux les utiliser ?

Lyco haussa les sourcils, surpris. Il y avait pensé, en effet. Ils étaient en possession de sept fioles de Némélia 3 depuis le meurtre de Molch. Des fioles volées dans les sous-sols de son palais. De quoi se transformer en Mutant surpuissant.

Mais après réflexion, le groupe avait décidé de mettre ces armes de côté. Leur fonctionnement était trop incertain, et leurs effets si violents qu’elles pouvaient causer la mort. La prise de risque était trop grande.

— Non. C’est au sujet de mon voyage.
— De notre voyage, rectifia sèchement Lacrya.
— Oui, pardon, souffla Lyco.

Darren croisa les bras, sceptique.

— Au sujet d’un de tes souvenirs, c’est ça ? La dernière fois que tu m’en avais parlé, c’était…
— Il y a un sacré bout de temps, oui, concéda le garçon. Je n’ai pas vraiment eu le temps d’y repenser, avec ma récupération, les nouveaux, le travail au camp… mais je crois que c’est le moment. Vous arriveriez à gérer nos futures alliances sans moi, de toute façon. Je ne suis pas utile pour ça.

Darren hocha la tête :

— Oui, bien sûr qu’on peut. Mais il va te mener où, ce voyage ? Faudra pas t’éterniser. L’attaque sera pour bientôt. On aura besoin de plusieurs plans d’attaque.
— Je sais, je sais. Il faut juste que j’aille dans une cité du sud. Ce n’est qu’à quelques jours de marche des Forêts, il me semble. Je ne sais plus son nom, mais je la reconnaîtrai sur place.

Karyl, amusé, s’avança et émit un bref ricanement :

— C’est quoi cette histoire ? Tu prends des vacances, monsieur le Rôdeur ?
— N’importe quoi, grogna Lacrya en grinçant des dents. Il s’est rappelé d’un truc important.
— Oui, j’ai enterré un coffret dans cette ville, expliqua Lyco. Avec une lettre et… d’autres choses utiles à l’intérieur, même si ça ne me revient pas… mais je sais que c’était quelque chose qui nous aidera à vaincre Mervald.

Un bref silence s’ensuivit. Karyl, moqueur, lança :

— À moins que ce soit une armée, je vois pas ce que ton coffret nous apportera.
— Moi aussi, je doute de l’utilité de ce voyage, soupira Darren. Mais contrairement à Karyl, je connais ton caractère. Tu irais là-bas même si je te l’interdisais, pas vrai, Lyco ?

Le jeune homme ne répondit pas. Mais une réponse positive se lisait sur son visage. Le colosse continua.

— Soit, tu peux y aller avec Lacrya. Vous n’aurez qu’à emporter quelques-unes des nouvelles armes. Et un pokémon. Pas les montures, on en aura besoin.
— Merci, Darren. On partira cette nuit, si ça ne te dérange pas.

Il grogna, agacé.

— Il fait déjà nuit.
— On est un peu en retard, avoua le garçon avec un sourire contrit. Mais ça n’inquiètera personne, comme ça.
— Je trouverai une excuse pour justifier votre absence. Allez-y. Et soyez discrets, surtout. Revenez en un seul morceau.

Lyco se leva en acquiesçant. Sans un mot, il quitta la maison, suivi par Lacrya, qui se montrait étrangement silencieuse. Karyl ne fit pas un geste d’adieu.

Il ne leur manquait plus qu’à récupérer leurs affaires de voyage et à partir. Lyco avait hâte.

Il ignorait si ce voyage allait lui apporter quelque chose. Ni même si ce coffret dont il se souvenait à peine était vraiment si utile que ça, et s’il était toujours enterré là-bas. Mais il avait un peu d’espoir, en se disant qu’il contiendrait peut-être une arme capable de les placer sur un pied d’égalité avec Mervald.

Il savait qu’il y avait une lettre à l’intérieur ; quelque chose que son ancien lui avait écrit quelques temps avant l’attaque contre Mervald qui l’avait amené en prison dans l’Arène, lui et même le groupe des pillards. Le coffret contenait au moins un message, quelque chose qui s’adressait à son futur lui-même.

Il n’y aurait peut-être aucune autre occasion de se rendre là-bas, une fois le conflit contre Mervald lancé. C’était le moment ou jamais.

Il s’arrêta au milieu de la plaine plongé dans l’obscurité. Des voix s’élevaient sur les murs, et en provenance d’un dortoir. Lacrya s’arrêta à côté du garçon et leva la tête vers le ciel constellé d’étoiles.

— Hé, Lyco.
— Hm ?
— Je t’ai vu, aux derniers entraînements, avec Bakrom.

Il tourna la tête vers elle et haussa les épaules :

— Oui, et alors ?
— Tu as récupéré du combat contre Molch… mais tu ne te bats plus comme dans l’Arène.

Il ne répondit pas. C’était un sujet qu’il n’avait abordé avec personne. Même s’il en connaissait les raisons.

— Tu étais un genre de Mutant, toi aussi, non ? demanda-t-elle.

Pas de méchanceté dans son ton. Pas de crainte ni de colère non plus. Juste de la curiosité. Lyco la regarda de biais. Elle fixait le ciel d’un œil vide. Il la connaissait bien.

Il avait confiance en elle, après tout. Et il ne pourrait pas échapper bien longtemps à sa perspicacité. Il était temps de lui dire la vérité.

— Ne le répète à personne.
— Compris.
— J’ai bu de la Némélia 1, il y a longtemps. Une version moins puissante de ce qu’a bu Karyl. Ça ne me donnait aucun pouvoir, mais ça augmentait mes capacités physiques.
— Et les effets ont disparus ?
— Oui. L’Effacement a accéléré leur disparition quand on était dans l’Arène.

Lacrya pivota vers lui et le regarda avec un léger sourire.

— Je comprends mieux. Et je suis contente que tu révèles enfin quelque chose sur toi.

Il détourna le regard. Il était vrai qu’il préférait rester secret. Il se souvenait de son passé, dans les grandes lignes, mais n’avait parlé de ça à personne. Il n’avait pas envie de se remémorer tout ça. Ni d’attiser la curiosité ou de voir apparaître une lueur de pitié dans les yeux de ses interlocuteurs. Son passé était passé, point.

Lacrya lui attrapa le bras.

— Va chercher ton sac. On se retrouve ici dans cinq minutes.

Elle s’éloigna de quelques pas, mais Lyco l’arrêta :

— Lacrya !

Elle fit volte-face.

— Oui ?
— Je…

Il hésita, se sentit bête, et, avant que le rose ne lui monte aux joues, il enchaîna :

— Merci pour ton soutien. Je te promets de tout faire pour qu’on revienne de ce voyage sans blessures.

Pour toute réponse, Lacrya lui offrit un trop rare sourire rempli de sincérité, et s’éloigna dans l’obscurité de la nuit sans lune. Le garçon obliqua vers son dortoir, déterminé.

Jamais il n’avait eu la sensation d’être à ce point si proche de son but. Mervald n’était sans doute pas prêt à une confrontation d’envergure. Et Lyco était bien motivé à le prendre par surprise avec leurs alliances entre mercenaires.

Ce monde allait enfin lui donner la sentence que ce gouverneur cruel méritait.