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Le Royaume de Kirazann : Les Sources de Vie de Lief97



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Informations

» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 25/02/2019 à 11:55
» Dernière mise à jour le 04/03/2019 à 10:18

» Mots-clés :   Aventure   Cross over   Fantastique   Médiéval   Mythologie

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Chapitre 25
« Le dragon de la lune, grand serpent des rêves,
Aux yeux de rubis, au poitrail luisant, s’élève.
De ses cornes en colère, il pourfend la terre
La cicatrice subit sa rage millénaire ! »

Poème de la Lune, Almanach des Anciens, livre V, Les Trois Dragons des Astres, 11.


***



Steban grommelle un juron. Alors que les poissons de la Sereine évitent sa canne depuis des jours, voilà que l’un d’eux, un bargantua véloce, est parvenu à attraper son appât et repartir sans s’être fait avoir par l’hameçon ! Ces petites bêtes sont décidément de plus en plus malignes, et de plus en plus agaçantes.

Peut-être que son pouvoir de télékinésie bien faiblard pourrait se révéler utile pour pêcher, finalement.

Il accroche un nouvel appât, et se remet à sa pêche, ronchon. Entouré de buissons chargés de baies, avec une belle vue sur la rive d’en face, densément boisée, il est au milieu de nulle part. Ce nouveau point de pêche lui plaît moins que la plage de galets du côté des bidonvilles. La rivière est moins large, et moins profonde. Les courants moins forts. Les pokémons sauvages y sont plus prudents et attentifs.

En plus, la végétation qui l’entoure et sa position au nord, loin des bidonvilles bruyants, lui donne l’impression d’être noyé par le silence. Seuls quelques étourmis, et des goélises en quête de proies faciles, se montrent parfois en lâchant un cri strident. Steban a aussi repéré un nid de miradars, entre les branches d’un arbre de la rive d’en face. Il lui arrive parfois de faire un signe de la main en guise de bonjour à une des bestioles qui en sort parfois pour boire ou chasser. Bizarrement, ils ne lui répondent pas.

— Tu m’étonnes, un grand gaillard comme moi, ça les fait flipper… marmonne-t-il pour lui-même.

Son chapeau de paille vissé sur sa tête, son éternelle salopette et son fessier posé sur un rocher plat sont pourtant tout ce qu’il demande pour être heureux. Pêcher n’est qu’une activité comme une autre ; il ne saurait même pas dire pourquoi il aime ça. Même s’il a désormais un salaire offert, partagé entre la mère d’Élio, Arya et lui-même, il a continué à pêcher. Comme ça. Pour essayer.

Il relâche ses proies, ou, parfois, en fait un bon déjeuner. Au final, il se contente juste de libérer ceux qu’autrefois, il aurait vendu sur le marché.

Des bruits de pas dans son dos le font se retourner. Il aperçoit, entre les premières lignes d’arbres, la maison en arrière-plan. Du linge virevolte au vent, tendu sur une corde entre deux poteaux de bois. Et là, une silhouette s’approche.

— Arya ? devine-t-il sans se retourner. Tu veux encore essayer la canne, ma p’tite ? Va pas m’arracher une branche d’arbre comme la dernière fois, hein ! Faut viser les poissons, pas les oiseaux !

Le pêcheur se retourne devant l’absence de réponse, puis manque de s’étrangler en reconnaissant Élio.

— Nom de nom, Élio !

Steban lâche sa canne, et écarte les bras pour accueillir le garçon. Il est surpris par ce geste, mais ça ne le dérange pas plus que ça.

— Ça alors, j’m’attendais plus à t’revoir !
— Je m’en doute. Désolé, Steban, ça a été difficile pour moi de quitter la citadelle.
— J’le sais bien ! T’es un Gardien, maintenant. Tout’l’monde parle que de ça, dans les bidonvilles ! Le fameux Élio est dev’nu un modèle pour les gamins du quartier, t’imagines même pas à quel point ! T’as envie d’voir ta mère, j’suppose ? Allez, viens, on va s’rentrer.
— Arya est là aussi ?
— C’te moulin à paroles ? Oh que oui !


***



Les retrouvailles avec Arya se sont révélées assez intenses ; cette dernière ne s’attendait pas à la venue d’Élio, et l’a harcelé de centaines de questions au sujet de la fin du tournoi, et de sa nouvelle vie à la citadelle. Il n’a eu le temps que de répondre à quelques-unes d’entre elles avant de retrouver sa mère.

En le voyant en bonne santé, lucide et souriante, Élio a dû se retenir de laisser échapper des larmes de joie ; et sa mère, bien consciente qu’il soit gêné par la présence de Steban et Arya, a elle-même lancé une conversation énergique pour lui laisser le temps de se remettre de ses émotions.

Comme les médecins ont recommandé sa mère de ne pas chercher à se lever avant plusieurs jours, ils ont décidé de déjeuner ensemble dans sa chambre. Il va sans dire qu’Élio s’est retrouvé au cœur de la conversation. Il leur en dit un maximum sur sa vie au château : sa chambre, le banquet, Phidius, la princesse, la gentillesse du Roi, Ambre et l’irritable Natael. Il se permet même de leur expliquer qu’il a appris à lire et écrire, avec preuves à l’appui.

Élio a tout de même conscience que certaines choses doivent rester secrètes ; surtout connaissant le bagout d’Arya et le caractère de Steban pendant ses soirées arrosées dans les tavernes. Le sujet de la vision des Kerchakh et de l’invasion des Ombres a été passé sous silence, tout comme la vraie raison de son départ prochain.

— Je vais devoir accomplir ma première mission d’escorte. La princesse doit rendre une visite diplomatique dans une région voisine.

Son mensonge, guère sophistiqué, est le même que la version officielle choisie par le Roi. Leur mission, censée durer entre deux et trois semaines, n’est connue que de quelques nobles. Élio demande donc aux trois autres occupants de la pièce de rester discrets à ce sujet ; bien qu’il se doute que certains tiendront difficilement leur langue.

Mais qui pourrait de toute façon croire tout ça, dans la cité des goélises ? Des dizaines d’autres rumeurs circulent déjà sur l’Avenue, de toute manière.

Heureusement, après cette nouvelle, Élio ne voit aucune réaction déçue chez sa mère ni chez personne d’autre. Ils semblent confiants, et le poussent même à se jeter tête baissée dans cette nouvelle vie. Il est vrai qu’il a une chance inestimable de pouvoir voyager ainsi, loin de sa pauvre cité natale.

Sans s’en rendre compte, le temps défilant à toute allure, il passe une moitié de la journée avec eux, dans cette chambre, prenant un peu de leurs nouvelles, et répétant des choses que Phidius lui a appris sur les manières de la noblesse à table. Steban et Arya, certainement tous les deux dépourvus de la moindre sobriété face à une assiette, se révèlent être les plus stupéfaits quand Élio leur évoque les détails les plus saugrenus.

Mais, le cœur lourd, le garçon doit se préparer à partir. Il le sait ; il faut mettre fin à cet après-midi de rêve et retourner à ses nouvelles préoccupations.

— Je vais devoir y aller. Je dois finir de préparer mes affaires pour le voyage.

Il se lève de son tabouret, et fait ses adieux aux trois seuls proches qu’il peut se vanter d’avoir. L’ambiance bon enfant lui paraît devenir un peu plus morose ; il ne s’éternise donc pas trop. Sa mère lui envoie un dernier encouragement depuis son lit, Steban grogne un adieu et Arya l’accompagne jusque sur le pas de la porte, avant de lui lancer un « bon courage ! » énergique.

Élio retourne à grands pas vers l’abri à l’arrière de la maison, où il a laissé l’arcanin emprunté au château. La bête, docile, l’a attendu sagement entre deux piles de bûches, et caché de la route par un mur de pierres branlant.

— On retourne au château, lance le garçon en se positionnant sur la selle du grand pokémon.

Ce dernier lâche un bref aboiement d’approbation, et s’élance vers la rivière en contrebas, comptant encore une fois couper à travers prés et forêts, pour plus de vitesse et de discrétion.

Élio, qui n’a alors jamais voyagé à dos de pokémon sauf pour l’aller, se penche en avant et s’agrippe fermement à l’épaisse fourrure du canidé. Ce n’est pas difficile d’être cavalier, quand la monture fait tout le travail à sa place. Il a bien fait d’opter pour celui-ci plutôt qu’un de ses grands galopas à la crinière de feu…


***



Ambre pose son sac de voyage à ses pieds, et laisse le soin à un serviteur de dessiner les deux disques rouges sur le haut de son front, de telle sorte qu’il soit en partie dissimulés par ses cheveux. En se regardant dans le miroir, la jeune femme constate que c’est bien mieux fait que les siens pendant le tournoi ; le personnel royal a sans aucun doute plus d’adresse qu’elle pour ce genre de maquillage.

Elle repense brièvement à sa garnison ; elle s’y est rendu en début d’après-midi, et a eu droit à un bref repas festif avec ses anciens camarades de l’Armée. Elle a cependant préféré ne pas rester plus de trois heures sur place. L’excitation de préparer ses affaires a été trop forte toute la journée.

Elle a pris soin de faire comme le lui a demandé Kashim : emporter un sac léger, contenant des vêtements de rechange, un ou deux couteaux, quelques objets essentiels. Rien de plus. Le Kerchakh leur a expliqué que pendant le bout de trajet qu’il ferait avec eux, jusqu’à Nucléos et le village de Kohork donc, il se chargerait de porter les provisions.

Ça n’exclut évidemment pas qu’ils s’entraîneront à chasser par eux-mêmes ou à faire de la cueillette pendant le voyage. Ce sera même nécessaire ; d’après leurs estimations, le trajet jusqu’à la Montagne Sérac pourra en réalité durer entre trois et quatre semaines. Avec des montures terrestres lentes, car, jusqu’à nouvel ordre, ils feront le trajet en toute discrétion, dans une charrette tirée par un tauros. Les montures volantes ont évidemment été envisagées, mais il n’y en a aucune dans la citadelle, et les rares disponibles sont entre les mains de dresseurs en lesquels le Roi n’a pas assez confiance pour laisser sa fille être transportée par les airs.

Sans compter que les montagnes qui entourent Nucléos, et la région de Synoro sont réputées pour être fréquemment balayées par des tempêtes. Le Roi a préféré assurer la sécurité de la princesse avant l’urgence de la mission. Ambre aurait fait pareil, à sa place.

Et puis, si l’option de la monture volante avait réellement pu être viable, le Roi n’aurait pas eu besoin d’organiser un Tournoi pour embaucher trois Gardiens. Tout le monde connaît bien l’inaccessibilité de la Montagne Sérac ; la voie terrestre est bien plus fiable que les cieux.

— Bon, je suis prête, souffle-t-elle alors que les serviteurs viennent de la laisser seule dans sa chambre.

Un coup d’œil par la fenêtre lui fait comprendre qu’il est encore tôt ; sûrement dix-huit heures vu la position du soleil. Leur départ est prévu à vingt heures.

Le tauros et la charrette les attendent normalement déjà, dans le sud des plaines de Kirazann. Ils vont devoir faire le trajet vers le sud de nuit, à dos d’Arcanin, et rejoindre ce point de ralliement pour ensuite se faire passer pour de simples marchands de peaux. Comme il n’y a qu’une seule et unique route, très longue route, pour atteindre Nucléos, ils n’ont pas d’autre choix que de se fondre dans la masse de commerçants du sud.

Des arcanins, en plus d’alerter les ruraux sur la présence de gens de la citadelle dans leur région, auraient immédiatement allumé le signal d’alarme des bandits et du Gang ; et ils seraient devenus des proies faciles, dans ces régions lointaines et moins protégées.

Ambre a hâte de voyager. Sa dernière excursion remonte déjà. Et jamais aucun voyage avec l’Armée n’a duré plus d’une semaine. Une telle entreprise lui paraît donc une excellente formation à la survie, et une quête digne de ce nom pour aider Sœlis et le Royaume de Kirazann. Elle n’aurait jamais pu se sentir plus utile qu’en accomplissant cette mission en tant que Gardienne.

— Ambre ? Je peux entrer ?

La voix étouffée de l’autre côté de la porte est celle de Sœlis. Après l’avoir invitée à entrer, la princesse pénètre dans la chambre. L’ex-sergente la dévisage avec surprise.

— Tu as l’air d’une autre personne, avec ces vêtements.
— Si tu le dis, tant mieux, c’est le but.
— Et ton visage ? Les gens ne risquent pas de le reconnaître ? Ton profil est sur la moitié des pièces du Royaume.

L’héritière, vêtue simplement avec des vêtements discrets dignes d’une simple fille de marchands — à savoir, bottes, pantalon de toile, haut brun à manches longues et petite cape de voyage — secoue la tête.

— C’était mon profil quand j’étais plus jeune, et de toute façon, qui pourrait penser que je suis la princesse, dans une charrette qui empeste les peaux de bêtes ? Ce n’est pas mon visage qui risque de me trahir.
— Tu as raison, personne ne devinerait en te voyant comme ça…

Ambre, vêtue de manière presque identique, bien qu’équipée d’une tenue plus solide vouée à amortir des coups sous son déguisement, se plaît bien ainsi équipée. Il n’y a aucune raison pour que leur couverture de marchands vole en éclats. Ils ont même prévu le coup en préparant de vraies marchandises à vendre, si jamais ils croisent des curieux prêts à débourser un peu.

— Natael et Élio sont prêts ? demande Ambre en vérifiant une dernière fois son sac.

Sœlis s’adosse à l’armoire près d’elle, et secoue la tête.

— Natael, oui, mais Élio vient tout juste de revenir. Il a été rendre visite à sa famille, dans la cité des goélises.
— Ah, d’accord. Et Kashim ?
— Je ne sais pas. Il viendra sûrement nous chercher tout à l’heure. Je crois qu’il a des dernières vérifications à faire avec mon père. Ou alors il fait une ronde dans la carrière. Au fait, j’ai entendu dire que tu avais un pokémon ? Tu vas le prendre avec toi ?

Ambre hausse les épaules, et se redresse, cherchant des yeux quelque chose qui pourrait lui manquer, sans succès.

— C’est comme Ayfiel le voudra. Mais le connaissant, je suppose qu’il va nous accompagner, oui.
— C’est un sonistrelle, c’est ça ?
— Oui.

Sentant que le ton de Sœlis est légèrement différent de d’habitude, Ambre relève les yeux vers l’héritière. Celle-ci paraît un peu nerveuse.

— Quelque chose ne va pas, Sœlis ?
— Je t’avoue que ça me fait un peu peur de partir. Je sais que je serais bien entourée, protégée, et qu’on ne quitte pas le Royaume… mais je ne suis jamais allée plus loin que Kohork. Dire que ce voyage est entrepris spécialement pour moi, tout ça parce que je suis incapable d’utiliser mes pouvoirs… ça m’embête de vous embarquer dans une quête pareille, alors qu’il y a une semaine, vous n’aviez même pas idée de ce qui pouvait vous arriver…

Ambre esquisse un sourire rassurant et se rapproche de la princesse, saisissant amicalement ses épaules menues.

— Ne t’en fais pas pour ça, Sœlis. Élio et moi, on est contents de partir à l’aventure. Natael, je n’en sais rien, mais un peu d’air frais, loin de la Cour et de ces histoires de trahison et d’assassinat, ça ne peut que lui faire du bien ! Au contraire, plutôt que de t’excuser, tu devrais accepter nos remerciements, pour avoir changé nos vies. Et puis je ne veux plus t’entendre dire que c’est de ta faute ! Tes pouvoirs ne se sont pas éveillés pour une raison qui nous échappe, et tant qu’on ne sait rien, interdiction de t’accabler de reproches ! Compris ?

Sœlis hoche la tête avec vigueur, rassurée et amusée par le comportement de celle qu’elle n’hésite déjà plus à considérer comme une amie.

— Oui, compris, mademoiselle la Gardienne.

Ambre, satisfaite et faussement vexée par ce surnom, laisse échapper un petit rire bienfaiteur. Sœlis a encore du mal à s’y faire.

Mais c’est pourtant maintenant que tout commence. Si elles veulent empêcher les Ombres de décimer le monde de nouveau, elles n’ont d’autre choix que d’aller requérir l’aide des Sources de Vie.


***



Le soleil a basculé derrière l’horizon depuis plusieurs minutes seulement, quand, furtivement, cinq arcanins jaillissent des portes de la citadelle. Véloces, silencieux et discrets, ils coupent la route qui rejoint Hymnus, puis foncent le long de celle qui, rectiligne, prend fin près de l’Autel d’Arceus.

Juste avant de passer devant les ruines du monument de pierre, les cinq montures et leurs cavaliers disparaissent dans d’épais fourrés, droits vers leur destination.

Perché sur un rempart, attentif et soucieux, le Roi Mharcus Libellion les suit du regard jusqu’à leur disparition, puis tourne les talons. Un sourire confiant s’étire sur son visage vieillissant. Fut un temps où il aurait apprécié l’idée d’un tel voyage vers l’inconnu ; et la vision de la Montagne Sérac qu’il a conservé dans son esprit est désormais lointaine, remontant à sa trop lointaine adolescence.

Il les envie presque, ces jeunes prometteurs. Mais ils ont entre leurs mains sa fille et ses propres espoirs, et, il l’espère, la clé de la réussite de leur mission.

Son rôle maintenant, c’est de s’assurer de pouvoir défendre le Royaume, sans cesser de le faire grandir.

Il s’éloigne, entouré de sa garde rapprochée, laissant les sentinelles seules sur le mur éclairé par quelques torches.

Dans le ciel, la Nébuleuse du Lumivole commence à scintiller doucement.