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Effacé de Lief97



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» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 21/02/2019 à 22:14
» Dernière mise à jour le 21/02/2019 à 22:14

» Mots-clés :   Action   Guerre   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Suspense

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Chapitre 38 : Monstre sans nom
« Nous avons tous trop souffert, anges et hommes, de ce conflit entre le Pire et le Mieux. » Paul Verlaine.


***


— Vous serez l’un des premiers à l’essayer, lâche simplement le gouverneur dans son grand siège de cuir.

Or, incrustations de saphir, marbre, bois. Ici, tout est rutilant. L’homme qui fait face à Mervald est stupéfait par tout ce qui l’entoure. Et encore plus par la main tendue de ce gouverneur, qui semble prêt à lui donner toute sa confiance.

— C’est une première avec ce type de produits, précise Mervald. C’est un produit basé sur les recherches de l’avant-guerre. Nous ignorons ses effets exacts, pour être franc avec vous. Mais le risque vaut la peine d’être encouru.
— Comment ça ? hésite celui qui lui fait face.

Le gouverneur croisa les bras et esquissa un sourire charmeur.

— Ce produit est censé vous conférer les pouvoirs d’un pokémon. Vous deviendriez un Mutant. Le premier. Le précurseur de la nouvelle étape de l’évolution humaine. J’ai trouvé de l’ADN étrange, d’un pokémon unique au monde… ses pouvoirs pourraient faire de vous un surhomme.
— Je vois.
— Le risque de perte de mémoire est cependant assez élevé.

Il s’en fiche. Il se fiche d’oublier des choses. Oublier quoi ? Un univers sale, où la famine et la misère sont légion, où ses proches meurent et tombent les uns après les autres ? Un monde de sable, de chaleur, où l’eau est une denrée ? Il s’en fiche.

Il veut cette nouvelle vie qu’on lui promet.

Advienne que pourra.



***


— Voilà, le produit est injecté. Nous allons vous laisser enfermé ici quelques jours, le temps que votre corps assimile le tout. Restez tranquille.

Le sans-nom acquiesce. Il a d’étranges sensations. Son corps sale, fatigué et malade semble bouillonner, empli d’une énergie nouvelle. C’est plus qu’une évolution, c’est une renaissance. Sa vue se brouille, ses sens se tarissent. Son esprit se grise.

Son humanité est absorbée peu à peu. Remplacée par la conscience d’un monstre inconnu.

Un monstre qui ne se souvient plus de sa propre nature.

Apparaît la douleur. Une douleur vivifiante, aigue, mortelle. Il voit la mort le frôler, une fois, deux fois. Le sans-nom la caresse du bout des doigts, curieux. Il s’en fiche. La douleur absorbe tout. Il a oublié son corps, oublié sa vie d’humain. Cette mort, là, juste là, est étrange. Il l’aime bien. Et elle aussi, puisqu’elle revient sans cesse lui faire des signes.

La mort semble être un partenaire.



***


Les sensations, les pensées s’embrouillent ensemble dans un torrent conflictuel. C’est un chaos terrible, indescriptible. Le sans nom découvre sa puissance. Il fait trembler le monde trop propre, trop rutilant, et trop artificiel qui l’entoure.

Où est-il ? Que sont ces choses qui remuent autour de lui ? Comment osent-ils poser leurs mains sur lui ? Où donc est la mort, et son élégante robe noire ? Où est son amie ?

Le sans-nom entend des voix, des glapissements. Des cris. Le silence.

Il comprend. La mort n’est pas partie. Elle est en lui, enfouie dans son corps. Elle se terre, en son âme, et attend patiemment son heure. Il la sent, lui sourit, et s’en sert.

Il a le pouvoir de faire apparaître la mort où il le souhaite dans ce monde trop brillant.

Il tue pour la première fois en toute conscience. Il y prend plaisir. Prends ça, homme d’artifice ! Ça t’apprendra à vouloir faire le beau alors que tu n’es rien de plus qu’un tas de chair et de sang !

L’isolement.

Le sans-nom se sent perdu, déboussolé. Pourquoi n’y voit-il plus rien ? Où est cette lumière qui guidait ses yeux ? Comment va-t-il tuer, sans vision ? Il sent des murs autour de lui. Des murs humides, qu’il devine toutefois propres. Une texture froide, dure et métallique. Encore !

Il essaie en vain de les briser. Il se déchaîne dans sa prison obscure. Il discute avec la nuit, déploie la mort dans son antre. Sans réussir à rien.

Il est emprisonné.



***


Peu à peu, il remarque que la nuit l’apprécie ; il commence à voir à travers elle. Il distingue les murs, le plafond, les portes. C’est un acier brillant, trop propre, qui l’entoure. Il a envie de s’arracher les yeux. Ce qu’il déteste voir cette matière solide, cet artifice ! Sont-ce encore ces répugnants insectes d’hommes qui sont à l’œuvre ? Où donc est la nature, dans cet univers géométrique qu’il connaît depuis trop longtemps ? Son instinct lui crie de sortir. Lui crie de retrouver sa liberté. Il veut déverser sa haine dans ce monde aux mains des humains !

Il utilise la nuit comme un manteau et s’habille pour l’occasion. Il ne veut pas sortir nu. Il craint désormais le retour de la lumière qui lui a autrefois servi à voir. Ses yeux ! Ils ne servent à rien si ce n’est indiquer la position de ces insectes autour de lui : il en voit parfois, des insectes d’hommes. Ils rentrent, le paralysent avec d’étranges facultés électrisantes. Sont-ce des hommes ? Pas tout à fait. Ils ont autre chose en eux. Pas la mort, mais un pouvoir semblable.

Ils ne sont pas seulement humains.

Ils sont trois. Un doté d’une fourrure dorée sur la tête, qu’il déteste ; il s’amuse à le paralyser sans cesse avec ses étranges rayons frémissants de lumière vives. L’autre, avec les poings fracassants, tape fort mais ne paraît pas très malin. Le dernier est le plus étrange. Il parle peu, bouge peu. Il économise ses mouvements, mais pourtant le sans-nom sent sa puissance. Il sent qu’il peut le blesser sans même bouger ses petites pattes d’insecte ridicule. Il est mou, mais il sait se défendre.

Ils ne viennent pas souvent. Ils le nourrissent à peine. Ils utilisent ses pouvoirs sur lui, de temps en temps. Pour quels sombres desseins ? Le sans-nom l’ignore.

Il s’en fiche.

Ce qu’il veut, c’est sortir de cette boîte de métal, emporter la mort avec lui, et rester enrobé par la nuit protectrice qui vit ici. Hors de question de partir sans elle ; que ferait-elle, toute seule, dans cette boîte vide ?



***


Le sans-nom est calme. C’est un jour comme un autre. Il entend, loin au-dessus de lui, des vibrations. Des cris d’insectes. C’est habituel. Il sent la rage de survivre, une odeur de sueur et de sable. De la chair entassée, du sang. De la sueur. Que d’odeurs désagréables !

Ça fait longtemps qu’il se repose ici. Il a laissé ses forces se rassembler ; la nuit et la mort l’encouragent. Elles sont prêtes. Prêtes à l’aider. Elles aussi, elles veulent sortir et voir le monde. Le vrai monde, sans ces vulgaires hommes-insectes trop propres. Un monde vivant, réel.

Le sans-nom est fin prêt.

Il déchaîne sa haine, et la concentre en un point précis, au-dessus de lui. Il vise le plafond. Les odeurs à travers le métal brillant ont beau le révulser, il y a aussi le parfum de la liberté là-haut.

Le reste lui paraît flou ; il a trop d’informations qui agressent ses sens d’un seul coup. Des cris, des pleurs, des grondements. Des choses qui tombent, qui dégringolent. Du sang, des corps puants. Des insectes qui courent. Des odeurs multiples. Des couleurs vives.

Mais surtout, la lumière. Chaude, douloureuse… mais agréable. La nuit enveloppe le sans-nom pour le protéger des rayons les plus puissants. La mort explose autour de lui. Un torrent de noirceur et de haine envahit les lieux.

Assourdi et aveuglé par le chaos environnant, le sans-nom s’éloigne. Il part, loin, très loin, sans regarder. Il veut apprécier le silence.

Il s’arrête enfin. Le sable est chaud sous lui. Le ciel est clair au-dessus. Le vent le caresse comme la mort autrefois. Il n’y a pas d’insectes. Pas de chose géométrique ou artificielle. Juste de la nature, à perte de vue. Une nature vivante, simple, épurée.

Magnifique.



***


Le sans-nom voyage. Il va de lieu en lieu, évite les insectes. Il est subjugué par le monde.

Au fur et à mesure de ses pérégrinations, il se rend compte d’une chose. L’homme, cet insecte misérable, vit en groupe. Il a croisé plusieurs rassemblements. Ils ne peuvent pas s’empêcher de dénaturer les choses, de construire des artifices pour s’abriter quand la nature leur offre des abris par milliers ! Ils disloquent les végétaux, taillent les rochers, tuent la terre pour y faire pousser de force de pauvres graines atrophiées.

L’homme ne peut pas s’empêcher de modifier les choses. Personne ne devrait en avoir le droit ! La nature est sublime. Le sans-nom ne les comprend pas. Ils se prétendent au-dessus de la nature ? Eux, ces fragiles êtres de chair et de sang ? Tout juste capable de détruire et de faire du bruit ?

La mort ricane. La nuit se moque. Le sans-nom sent la haine grandir et se boursoufler en lui.

Il avance, et comprend peu à peu que la nature n’est pas elle-même. Ces plaines qu’il arpente depuis son départ sont les mêmes ; il sent qu’elles ne sont pas aussi riches qu’elles sont censées l’être. Il sent des particules artificielles partout. Anciennes mais encore perceptibles. Avec sa vision, il repère des fragments verts, minuscules, qui irradient sous le sable. Bien qu’anciennes, ces particules sont toujours là. Dénaturant le monde.

Les hommes y sont-ils pour quelque chose ? Ont-ils attaqué la nature autrefois ? Tout ressemble à un champ de bataille abandonné. Une guerre semble avoir fait rage et transformé le monde en désert.

Le sans-nom frémit plusieurs fois. Il voit la nature hurler en arpentant les dunes. Il tombe sur les plaines desséchées, les forêts déracinées. Pas de doute, il y a eu des combats ici, autrefois. Ça ne peut être que l’homme, ce faussaire égocentrique.

Cet insecte qui se prend pour un dieu.



***


Le sans-nom atteint une terre grise, rocheuse, pleine de cicatrices et de coupures. Pas de doute. Ici aussi, l’homme a brisé la nature.

Le sans-nom arpente les ravins, se chagrine de voir cet endroit déserté. Pas d’animaux innocents, ici. Rien qu’une terre triste et morne, blessée dans son âme. L’orgueil de l’homme n’a donc aucune limite ?

Une odeur dans l’air !

Le sans-nom s’arrête, renifle, hume. La mort se contracte, la nuit se rétracte. Le sans-nom reconnaît cette odeur !

Une fragrance trop propre. Il est suivi. Par deux des trois étranges hommes qui le nourrissaient dans sa cage trop étroite. Il y a celui à la fourrure dorée sur la tête, et l’autre aux poings d’acier.

Ils veulent l’arrêter, c’est évident. Le sans-nom n’a pas l’intention de retourner en cage. Il ignore leur rôle précis, à ces deux insectes bizarres. Mais…

Il s’en fiche.

Ce sont des hommes étranges, mais des hommes quand même. Il faut les tuer pour éviter qu’ils ne souillent encore la nature.

Le sans-nom se terre au milieu d’une large cicatrice à l’air libre. Les arbres de pierre l’entourent. Il va se reposer ici, reprendre des forces, et les attendre. Il a hâte de les détruire, ces hommes et leur vaine arrogance.



***


Le sans-nom a perdu le contrôle. Il a senti sa haine envers fourrure-blonde. Il a attaqué, sans réfléchir.

Dans son élan, la mort a détruit les arbres de pierre autour de lui. Le sans-nom reprend pied dans la réalité. Il vient de blesser la nature ! Lui, défenseur et aimant les choses vraies, vient de faire la même chose que l’homme, ce monstre !

Le sans-nom s’en veut. Il ne doit s’en prendre qu’aux hommes, et uniquement à eux ! Il déploie les tentacules de la nuit dans leur direction, toujours camouflé par la cape de noirceur qui le protège.

Le sans-nom s’en veut tellement.

Est-il un monstre sans-nom ? Peut-être. Mais il veut se racheter. Il ne fera plus de mal à la nature. Il fera du mal à ce monstre qui s’en est pris à elle. Ce monstre qu’est l’Homme.

L’humanité doit périr. Le monde doit retrouver son équilibre !

Les tentacules d’ombre se resserrent sur les deux proies ridicules. Le monstre sans-nom les ramène à lui, lentement. Il se rend soudain compte qu’il a faim. Très faim…

Soudain, une lumière vive et un bourdonnement intense vrillent les pensées du monstre sans-nom. Fourrure-dorée s’est libéré ! Dans sa frayeur, le monstre sans-nom a relâché ses forces. L’autre tentacule est balayé d’un revers de poing.

Le monstre sans-nom recule. Il ne sait pas quoi faire. Ces deux hommes-insectes ont des choses en eux ! Ni la mort, ni la nuit.

Ils ont une force étonnante. Une rage de vaincre.

Mais il faut les éliminer. En prenant soin de ne plus blesser la nature.



***


— Ça va ? appela Zak d’un air hésitant.
— Ouais, ouais, j’me suis libéré aussi, grogne Garûnd à quelques mètres, quelque part derrière un manteau de poussière.

Il y eut comme un instant de flottement ; le Condamné reculait. La noirceur qui composait son corps semblait se recroqueviller sur elle-même. Avait-il été blessé par la Fatal-Foudre ? À une telle puissance, c’était possible, mais pourtant, la puissance du monstre était bien plus énorme.

— Paralyse-le, bon sang ! s’énerva Garûnd qui s’agitait pour se hisser sur les éboulis.

Zak se mordit la lèvre supérieure. Quel idiot ! Tellement intrigué par le Condamné, il en oubliait l’essentiel. Arrêter définitivement cette menace.

Le Condamné était un concentré pur d’énergie, à base humaine. Une arme de destruction massive qui avait échappé maintes fois au contrôle du gouverneur. Et maintenant, il fallait le détruire. Le Condamné s’adaptait trop vite, devenait trop fort. Le conserver en vie était comme arroser une plante capable de provoquer une explosion atomique. Tôt ou tard, il allait exploser.

Des arcs électriques frémissants jaillirent des bras de Zak. Comme les barreaux d’une prison, ils enveloppèrent le corps déformé du Condamné, avant de se resserrer autour de lui, comme s’ils devenaient physiques.

Le Condamné rugit, hurla, et se débattit face aux courants électriques, d’une grande intensité. Zak grimaça, forçant ses propres pouvoirs à tenir le coup. Il avait beau être fort, il manquait encore d’endurance. Il ne pourrait pas utiliser l’électricité indéfiniment.

Garûnd, désormais juché au sommet d’un des ravins, bondit dans les airs. Entourant son poing d’une lumière intense, il sauta juste au-dessus du Condamné agité. Puis il frappa.

L’onde de choc provoqua un souffle qui fit reculer Zak d’un pas. Le Condamné lâcha comme un son rauque, entre le cri et le sanglot. Un son triste et terrifiant à la fois.

Zak resserra les barreaux électriques pendant que Garûnd martelait leur prisonnier de coups plus puissants les uns que les autres.

Soudain, un flot de noirceur, comme un Hydrocanon de ténèbres, heurta Garûnd de plein fouet. L’attaque, d’une précision incroyable, projeta le Mutant à droite de Zak, à quelques mètres à peine.

« Il a une capacité d’adaptation supérieure à nul autre. Il évolue en temps réel, surtout à force de confrontations. Votre unique présence auprès de lui peut lui permettre de comprendre une centaine de choses à la seconde. Ne vous attardez jamais en sa présence. » avait autrefois ordonné le gouverneur Mervald.

Zak se souvenait aussi de l’empressement dans la voix du gouverneur peu avant leur départ.

« Partez sur ses traces et arrêtez-le au plus vite. Mort ou vif. »

Pourquoi avoir créé un tel monstre ? Pourquoi Zak avait-il cet étrange pressentiment que, quoi qu’ils fassent, qu’elles que soient les coups reçus, le Condamné ne pourrait pas mourir ?

Il s’agitait, mais semblait toujours aussi énergique. La brume sombre qui l’enveloppait ne permettait pas de voir de quelconques blessures.

Zak pivota vers Garûnd tandis que la cage-éclair continuait de paralyser l’ennemi.

— Hé, tu vas bien ?

Le Mutant Combat ne répondit pas. Inerte, yeux fermés et bouche entrouverte sur un filet de sang, Garûnd restait immobile. Zak blêmit.

Il vérifia subrepticement que la cage tenait bon ; et il se jeta au chevet de son camarade. Il approcha ses doigts de la bouche de Garûnd. Il respirait encore. Mais il avait sûrement des côtes cassées, et ses jambes l’étaient probablement aussi. S’il n’était pas plus résistant qu’un humain normal, Garûnd aurait été tué sur le coup.

Zak prit une décision qui, il le sentait, risquait de leur coûter cher plus tard.

Affronter le Condamné devenait secondaire. Il fallait sauver Garûnd. Le ramener à Méranéa. Et avoir une conversation avec le gouverneur. Ces secrets étaient de trop. Zak craignait pour la vie de son ami, pour la réaction de Mervald… mais aussi et surtout pour les autres projets fous de ce dernier.

Il fallait cesser tout ça. Il avait signé pour une seconde vie, oui. Il était devenu un Mutant pour ça. Mais il n’avait jamais voulu mettre au point des machines de guerre humaines ou laisser ses rares camarades mourir bêtement au combat.

Il était temps de rentrer. La cage-éclair tiendrait quelques minutes ; le temps pour Zak de mettre quelques kilomètres de distance entre lui et le Condamné.

Enveloppant le lourd Garûnd dans un filet électrique en lévitation, il rassembla ses forces et fit vibrer la foudre sous ses semelles ; enfin, il se propulsa dans les airs, et, tel un éclair, zigzagua vers le nord-est et le Désert de la Désolation.

Le Condamné hurla sa colère dans son dos, incapable de se défaire de sa prison étincelante.



***


Une cage, encore une !

Le monstre sans-nom se débat, mord les anneaux brillants et crépitants. Ce qu’il déteste Fourrure-dorée ! Quand il est là, il l’enferme. Toujours. Il tente de le contenir. Comme si cet insecte pouvait contrôler un être comme lui, ami avec la mort et compagnon de la nuit !

Et voilà qu’il part. il fuit, avec le corps de l’insecte aux poings de fer. Le monstre sans-nom rugit, secoue les barreaux trop brillants. Il hait l’humanité.

Puis, soudain, fatigué de se débattre, il se fige.

Et lui ? Qui est-il ? D’où vient-il ?

Le montre sans-nom se tait. Il a peu de souvenirs. Pourtant, il a l’impression perpétuelle d’oublier des choses. Comment est-il devenu comme ça ? Pourquoi n’a-t-il jamais vu ses semblables ? Est-il le seul ?

S’il est seul, pourquoi est-ce le cas ? La nature l’a créée pour lui donner le rôle de Sauveur ? Celui qui doit éradiquer l’humanité et purger ce monde des insectes qui essaient de le dominer ? Ou alors, l’humanité a tué tous les siens ?

Ce n’est pas en errant et en attaquant les hommes qu’il peut savoir qui il est, si ?

Non, bien sûr que non. Il a conscience que malgré leur monstruosité, les hommes sont malins. Assez malins pour réussir à l’enfermer et lui survivre.

Doit-il essayer d’en savoir plus, avant de nettoyer le monde de sa crasse artificielle ? Est-il capable de s’approcher des hommes ? D’en savoir plus sur lui et son passé ? Et enfin, d’éradiquer les insectes qui rendent la nature si géométrique, si lisse ?

La cage électrique se brise d’elle-même autour de lui. Il reste immobile.

Peut-être. Peut-être que c’est la solution. Les humains doivent savoir qui il est, après tout. Mais il doit faire vite. La nature souffre le martyre. Il peut entendre ses cris d’agonie sous lui, autour de lui. Partout.

Il faut changer les choses.