Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Effacé de Lief97



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 20/12/2018 à 11:25
» Dernière mise à jour le 25/03/2019 à 12:37

» Mots-clés :   Action   Guerre   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Suspense

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 20 : Le projet Braun
« Nombreux sont les gens qui prennent la ténacité pour de la volonté, et une chandelle pour une étoile. » Victor Hugo


***


— Lyco, qu’est-ce que tu as fait ? cria férocement une voix féminine.
— Enfoiré ! rugit un homme. Sale traître !

Des voix, des cris, des pleurs ; le bruit des flammes qui grondent. Un souffle chaud, insupportable. Des bruits de pas précipités, des ordres secs, un fouet qui claque, une détonation sourde.

Une odeur métallique, presque enivrante. Une épaisse fumée malodorante. Les lueurs rougeoyantes, qui s’élèvent haut dans le ciel, dévorant tout sur la plaine à l’agonie. Le vent, froid, glacial. Les bruits lointains et étouffés.

Un sentiment amer ; regret, ou impuissance ?

Le souvenir s’étiole, se défragmente, s’échappe et devient poussière…



***


— Je veux devenir soldat.

Au loin, derrière les fines parois plastifiées de la tente, on entendait des éclats de voix, le cliquetis des armes et le vent incessant qui charriait des nuages de poussière sans jamais s’arrêter. Une légère tension se faisait ressentir à l’intérieur. L’air commençait déjà à crépiter.

Le caporal, vêtu d’un gilet pare-balles par-dessus une tenue presque matelassée – censée résister à des attaques physiques de pokémons – regarda Karyl des pieds à la tête :

— Vraiment ? Je doute qu’un gringalet tel que toi nous soit utile. Tu n’as pas l’air d’être déjà entré dans une milice.

Karyl vira à l’écarlate. Le caporal enchaîna :

— Je suppose que tu es l’un de ces clochards désespérés, vu ta maigreur et tes loques… tu es de ceux qui n’ont plus rien à perdre et qui comptent sur l’armée du gouverneur pour être nourri et soigné. Peuh ! Sors de ma tente et dis au suivant d’entrer.
— Je refuse !

Karyl serra les poings et s’avança, dominant de sa hauteur le caporal resté assis derrière son petit bureau :

— Je veux devenir soldat, j’en ai les moyens et l’envie ! Je me fiche de ces gens qui crèvent sur les trottoirs ! Ne me compare pas à eux.

Le caporal se leva calmement :

— On me tutoie, maintenant ? Tu as une idée de ce que peut causer un tel manque de respect de la part d’un clochard ?

Le caporal avait tort de ne pas se méfier. Karyl se jeta sur lui en hurlant de rage. D’un mouvement sec, il frappa l’homme à la tête avant de tenter de l’étrangler ; le soldat se débattit, mais sa meilleure forme physique lui donnait l’avantage.

Il se renversa en arrière, se débarrassant de son agresseur en le projetant contre son bureau. Le caporal se redressa et dégaina son pistolet-mitrailleur et le braquant droit sur Karyl, avant de crier :

— Alors, toi ! Tu as beau être énergique, tu vas le regretter !
— Que se passe-t-il ?

L’arrivée impromptue de quelqu’un dans la tente sembla faire pâlir le caporal. Celui-ci se mit au garde-à-vous précipitamment :

— Intendant ! Je n’attendais pas votre visite si tôt !

Karyl, un peu sonné, se demandait à qui pouvait appartenir cette voix si étrange, presque déformée et inhumaine. Il se redressa et croisa le regard de…

— Qui est cet homme ?
— Il voulait être recruté, Intendant, mais j’ai refusé et il s’en est pris à moi. Nous devrions l’exécuter.

L’Intendant s’avança avec lenteur et fixa Karyl de ses yeux clairs… dont les pupilles se rétrécirent jusqu’à devenir invisibles. Ses globes oculaires devinrent d’un rouge vif, terrifiant.

— Tu t’appelles bien Karyl, n’est-ce pas ?

Le dénommé recula d’un pas, stupéfait :

— Tu... tu es… Molch !



***


La cellule, large, paraissait presque luxueuse en comparaison des cachots de l’Arène. Karyl fut jeté dedans sans ménagement et la porte se referma derrière lui avec brutalité.

Les bruits de pas des soldats s’éloignèrent, et Karyl se releva en pestant.

Les murs, en pierre brute, auraient dû être plein de fissures, vu l’ancienneté de la construction ; mais du béton semblait mêlé à la roche, rendant les murs inviolables à moins de posséder un marteau-piqueur ou un minotaupe. Karyl comprit cependant que si la cellule était grande, le confort était moindre. Il n’y avait même pas de paillasse pour s’asseoir ou s’allonger, là où l’Arène fournissait quand même des matelas.

La porte comportait une petite grille laissant apercevoir l’extérieur. Le soleil tapait dans une petite cour plutôt jolie ; une fontaine surmontée d’une statue d’oratoria se trouvait au centre, parmi quelques décorations en rotin et des plantes en pots. Mais de l’autre côté de la cour, ombragées par un grand palmier, d’autres cellules s’alignaient, semblables à celle où se trouvait Karyl.

Il enragea silencieusement. Offrir une si jolie vue à des prisonniers, quelle mauvaise plaisanterie.

Des soldats patrouillaient dans la cour, fusils en main. Karyl fit volte-face et se rendit compte à quel point il faisait chaud. Certes, Psyhéxa était située dans une zone sèche, bien que loin du Désert de la Désolation, mais il faisait aisément quarante degrés à l’ombre même au printemps. Et là, dans cette cellule au toit de tuiles, la température montait facilement au-delà en pleine journée. Karyl suait déjà.

— Putain d’enfoiré… grogna-t-il en faisant les cent pas dans sa cellule.

Ce Molch et ses yeux rouge sang ! Il l’avait reconnu aussitôt, et demandé à ce qu’on le mette en cellule. Que comptait-il faire de lui ? Le laisser moisir là jusqu’à sa mort ? Le renvoyer dans l’Arène, dans cette cité pourrie que Mervald avait joliment renommé Méranéa ? Ou ce qui l‘attendait tout simplement, c’était une exécution sommaire devant un public avide de sang ?

Quoi que ce soit, aucune de ces idées n’était plaisante. Karyl songea à une manière de s’évader, mais il n’avait rien sous la main, et même s’il réussissait à sortir de sa cellule, il lui restait à faire face à des fusils. Certes du siècle dernier, mais des fusils quand même. Une de ces balles gros calibre pouvait facilement percer la solide carapace d’un scarhino.

Alors une cage thoracique humaine… cela aurait le même impact qu’un coup de batte dans un tadmorv.

Avec petits morceaux éparpillés partout.

— Bordel ! s’énerva Karyl en donnant un coup de pied dans le mur.

Il se sentait aussi impuissant qu’à l’époque où il vivait dans la cellule collective de l’Arène.

La seule différence, c’était qu’ici, il n’avait pas d’alliés à sacrifier à sa place.

Il devait s’en sortir seul, en comptant sur sa chance et sa ténacité.



***


Molch s’installa dans le fauteuil à haut-dossier, derrière son bureau en bois brut.

La salle d’où il contrôlait la ville convenait bien à son rôle d’Intendant.

Des canapés moelleux trônaient près de la double-porte en arcade, pour les moments de repos. Un lustre en cristal surmonté de dizaines de chandelles était suspendu au plafond sur lequel une fresque représentait la géographie des rues de Psyhéxa.

La pièce, aux meubles sombres, était assez colorée grâce aux plantes exotiques et aux tableaux d’artistes qui mettaient en valeur la région sous l’intendance de Molch. Et, bien entendu, le portrait photographié en noir et blanc du gouverneur Mervald était accroché au mur du fond, mis en valeur par l’un des seuls éclairages électriques du palais de Molch ; un petit projecteur doté de batteries nucléaires autonomes.

La technologie de Mervald, souvent au stade de l’expérimentation, n’avait pas encore été importée en masse à Psyhéxa. Il faudrait attendre plusieurs mois avant que les habitants n’aient accès à l’électricité et l’eau courante.

Molch poussa une pile de dossiers inintéressants sur un côté de son bureau et s’enfonça dans son siège en plaçant ses mains sur ses tempes. Il était temps d’avoir une conversation télépathique avec son gouverneur resté à Méranéa.

— Maître ?

Il y eut un instant de silence qui s’étendit sur plusieurs secondes, avant que la voix du gouverneur ne lui réponde :

Oui, Molch ?
— Désolé de vous déranger, Maître. C’est important.
Dépêche-toi. Je suis en plein spectacle.

Molch entendait vaguement des cris et des bruits parasites. L’Arène devait en ce moment-même grouiller de spectateurs. Le Mutant Psy imaginait parfaitement les prisonniers courir pour échapper aux crocs aiguisés des carchacroks.

— J’ai retrouvé un des prisonniers de l’Arène. Le dénommé Karyl.
Hm… Je crois que je vois de qui il s’agit. Tue-le.
— Maître, j’avais justement songé à autre chose.
Quoi ?

Le gouverneur semblait agacé. Il n’aimait pas qu’on aille à l’encontre de ses décisions. Ni qu’on l’importune trop longtemps pendant un combat d’Arène.

— Le Projet Braun, Maître. Il est, je pense, assez résistant pour le supporter. Sa physionomie devrait le lui permettre, et j’ai l’impression qu’il a une dent contre tout le monde. Cette agressivité devrait nous aider à le contrôler.
Hmm… S’il y a bien une chose que je ne regrette pas, c’est d’avoir un Mutant comme toi, Molch. Tu as toujours de merveilleuses idées. Parfait. Essaie de mener à bien cette opération. On reparlera de tout ça une fois que tu lui auras implanté le sérum.
— Bien, Maître.

Molch mit fin à la conversation télépathique.

Il se releva de son fauteuil et quitta le bureau. Une fois dans un grand couloir aux décorations surchargées, Molch se tourna vers un des gardes postés de chaque côté de l’entrée de son bureau.

— Allez chercher le sérum Braun. Vite. Et le nouveau prisonnier, aussi.

Le soldat se mit au garde-à-vous et quitta les lieux à grands pas, entre effroi et inquiétude. La voix de Molch faisait toujours autant d’effet à ses hommes, même ceux qui le côtoyaient depuis longtemps.

Le Mutant retourna dans son bureau, impassible.



***


Karyl maugréait au fond de sa cellule de pierre. Plongé dans la pénombre, il ne regardait même pas le ciel se teinter de couleurs chatoyantes ; le soir tombait et
c’était mauvais signe. Cela voulait dire que quel que soit son sort, il allait devoir patienter la nuit dans ce trou.

La chaleur était étouffante, mais ça avait tendance à se rafraîchir, comme partout dans cette fichue région aride. La nuit serait certainement glaciale. Et Karyl ne portait que ses vêtements de prisonniers, rapiécés à cause des grahyénas qui avaient décimé son équipe.

Des bruits de pas résonnèrent devant sa cellule. Une tête apparut derrière la grille. Un soldat.

Un cliquetis retentit dans la porte puis celle-ci s’ouvrit en grinçant. Quatre hommes armés d’armes à feu et vêtus d’armures matelassés pénétrèrent dans la cellule. L’un d’eux brandit un pistolet électrisant vers Karyl :

— Suis-nous. L’Intendant veut te voir.

Karyl, surpris, ne comprenait pas. Il se leva et rejoignit les soldats, se demandant si fuir maintenant était à envisager… mais il était curieux. Pourquoi Molch perdrait-il son temps à parler à un futur exécuté ou un prisonnier ? Quelque chose clochait.

— Qu’est-ce qu’il me veut ?

Un des soldats, qui refermait la porte de la cellule derrière eux, esquissa un sourire carnassier :

— Tu vas vite le savoir, Braun.

« Braun ? » songea Karyl, sans comprendre d’où venait ce surnom soudain.

Le prisonnier fut mené droit vers une entrée dérobée, mais néanmoins richement parée de gravures réalisées à même le bois. Il entra dans un couloir frais dont tout un côté était ouvert sur des balcons et baies vitrées qui dominaient Psyhéxa à plus de trente mètres de haut. Il était vrai que le palais, construit sur une petite butte surmontant la cité, offrait une vue panoramique à couper le souffle. Ce n’était pas pour rien que des sentinelles se postaient sur le toit et les tours de guet ; c’était le meilleur moyen de surveiller la ville avec attention.

Karyl suivit les hommes armés le long du couloir, admirant tour à tour la vue à sa gauche et les tableaux grandiloquents qui ornaient le mur de droite, quand il ne s’agissait pas de doubles-portes vernies et recouvertes de paillettes d’or ou pourvues de poignées adamantines en forme de tête de lakmécygnes.
Les soldats bifurquèrent au détour d’un couloir plus sobre, et s’arrêtèrent près d’une salle visiblement importante, puisque d’autres soldats se tenaient là, le dos bien droit.

Un des hommes ouvrit la porte et fit signe à Karyl d’entrer. Ce dernier s’avança donc en premier dans un bureau spacieux ; il se retourna avec stupéfaction quand la porte se referma derrière lui et qu’un cliquetis annonça sa fermeture. Ils l’enfermaient là ?

Mais un mouvement dans la pièce retint son attention. Molch, alors sorti sur son balcon, venait de rentrer. Avec son regard vide et insensible, les bras le long du corps, il faisait penser à un épouvantail. Mais un épouvantail dangereux.

— Pourquoi je suis ici ? demanda Karyl sans pouvoir s’empêcher de laisser transparaitre dans son ton un soupçon d’agressivité.
— J’ai à te parler.

Molch désigna un fauteuil ; l’Intendant Mutant pris place dans le sien, derrière son bureau. Karyl obéit, bien que réticent. Mais la curiosité l’emportait.

Visiblement, il n’allait pas être tué tout de suite. Il espérait qu’il n’allait pas subir un Effacement. Il n’avait aucune envie de devenir un abruti comme ce Lyco !

— Que dis-tu d’une embauche ? Le gouverneur et moi avons un travail d’envergure à te proposer.
— Un travail ?

Karyl sourit intérieurement. Était-ce une sorte de plaisanterie de la part de ceux qui l’avaient enfermé des semaines durant dans l’Arène ? Ou bien sa chance tournait-elle en sa faveur, en lui offrant enfin une opportunité de salvation ?

— Nous sommes désolés de t’avoir retenu prisonnier à Méranéa. J’ai vérifié ton dossier, et il se trouve que tu as été puni trop sévèrement, et à tort. J’aimerais m’excuser pour les conditions de vie injustes que tu as du supporter tout ce temps.

Karyl, stupéfait, resta béat. Molch continua.

— Pour nous excuser, le gouverneur et moi-même aimerions te proposer un marché. Mervald recherche des gens comme toi, Karyl. Des gens qui ont des comptes à rendre, des gens résistants, et qui sont prêts à faire ce qu’on leur dit pour peu qu’ils obtiennent satisfaction en retour. Nous pouvons t’offrir gloire et fortune, Karyl. Si tu acceptes de travailler pour nous. Car tu corresponds à nos critères… et parce que tu ne mérites pas d’avoir vécu tout ceci à tort. Tu vaux mieux que ça.

Karyl sentait son cerveau bouillonner. Oh, oui, une occasion incroyable se présentait à lui. Qui aurait cru qu’un de ces terribles Mutants verrait en lui un homme de qualité ?

— J’accepte, dit-il aussitôt. Sauf si c’est un travail exécrable, bien entendu.
— Tu as certainement besoin de connaître les détails avant de prendre ta décision.
— Quels détails ?

Molch ouvrit un tiroir et en sortit un flacon avec une seringue stérilisée :

— Ceci est un sérum de Némélia 3, nom de code Braun.
— Némélia 3…

Karyl fronça les sourcils. Le nom « Braun » lui fit comprendre de quoi avait voulu parler le garde en l’appelant ainsi, mais « Némélia », c’était le nom donné au virus qui avait causé l’Épidémie…

— Vous me demandez de devenir un infecté ? Hors de question ! s’écria-t-il.

Il avait bondi sur ses pieds, soudain plus méfiant. Molch secoua la tête.

— Ce n’est pas la Némélia que tu connais, Karyl. Tu ne deviendras pas un Némélien, car ce virus a été modifié pour ne pas transformer nos sujets en infectés. La Némélia 3 a subi des changements chimiques opérés par les bons soins des scientifiques travaillant pour le gouverneur. C’est grâce à ce produit que je suis devenu un Mutant. Et c’est grâce à ce petit flacon, que toi aussi, tu en deviendras un.
— Vous voulez m’injecter ça ? Je… j’aurais des pouvoirs ?

L’idée d’obtenir des facultés surhumaines avait de quoi effrayer… mais n’était pas déplaisante. C’était même plutôt le contraire.

— Nous avons réussi à faire entrer en symbiose des éléments nouveaux dans le sérum, expliqua Molch. Il te confèrera un pouvoir de régénérescence rapide, une résistance physique digne des pokémons les plus résistants, et augmentera ta vitesse. Drastiquement. Pour ton information, ce sérum contient de l’ADN de lougaroc, de leveinard et de rhinastoc, en faible quantité.
— Leveinard ? Qu’est-ce que c’est ?
— Un des seuls pokémons de type normal que nous ayons réussi à trouver. Nous avons utilisé l’un des derniers spécimens pour ce sérum. Je ne te cache pas qu’il s’agit encore d’un prototype… mais nous estimons les chances qu’il fonctionne sur toi à plus de 90%. Bien entendu, tu vas passer deux ou trois jours à souffrir énormément pendant ta mutation. Mais cette douleur paiera, Karyl. Tu deviendras aussi puissant que moi, et un jour, tu pourras devenir l’Intendant de ta propre cité.

Karyl réfléchissait, silencieux. Ce produit ne l’enchantait pas, et ça le rendait même assez anxieux. Mais si ce que disait Molch était vrai… alors il ne pouvait pas cracher sur cette proposition.

Gouverner une cité, il le méritait amplement.

Karyl tendit son bras.

— Quand vous voulez. J’accepte toutes vos conditions. Je préfère vivre comme vous autres Mutants que comme ces faibles qui côtoient les ordures dans les bidonvilles.
— Excellent choix. Une fois l’injection faite, tu seras amené dans les sous-sols, dans une salle capitonnée et sous la surveillance de cinq médecins. Je te soignerais si jamais les séquelles sur ton corps se font trop graves.

Molch n’attendit pas une seconde de plus et enfonça la seringue dans le flacon, en retira son contenu et saisit le bras de Karyl.

— À partir d’aujourd’hui, tu seras enregistré sur les registres officiels comme étant Karyl Braun. Puisses-tu vivre longtemps en ce monde.

L’aiguille s’enfonça dans une veine, et un flot de feu sembla se déverser dans le corps de Karyl. Il hurla de toutes ses forces, alors que son corps ne devenait plus que douleur, douleur, douleur…



***


Karyl cracha un ultime filet de bave sur le sol mou. Secoué de spasmes, il attendit que la douleur dans sa poitrine se dénoue. Son souffle court lui brûlait la gorge et irritait ses yeux.

Un rayon chaleureux fit vibrer son dos ; Molch le soignait encore.

La douleur s’évaporait enfin, peu à peu. Karyl entrouvrit ses paupières lourdes, le visage trempé de sueur. Il contempla le sol rougi et encore humide. Des traces de griffures réparties un peu partout retinrent son attention pendant quelques secondes où il resta à moitié affalé au sol.

Le cauchemar était-il enfin terminé ?

Ces quatre jours d’intense souffrance, de rage et de rancœur allaient-ils prendre fin ?

— Le processus est terminé, Karyl Braun.

Le dénommé se releva en chancelant, aidé par deux hommes en blouse blanche qui l’aidèrent à pivoter vers l’Intendant.

Molch se tenait là, ses yeux vitreux fixés sur lui. Le Mutant Psy était d’un calme olympien comme d’habitude, et insensible aux taches sanglantes présentes dans toute la pièce et sur les blouses blanches.

— Je te félicite. Tu as tenu bon malgré les complications que le sérum Braun a engendrées. Je pense que malgré ce que tu as subi, ton corps n’aura aucune séquelle. Ton pouvoir de régénérescence doit déjà être à l’œuvre.

Karyl sentait son corps fourmiller. Son esprit se clarifiait enfin, après des jours passés à hurler, sangloter et s’arracher la peau. La douleur s’en allait, et à sa place, une force étrange, venue d’ailleurs, semblait agiter son corps.

De l’énergie à profusion. Il la sentait grandir en lui.

— Cette force… lâcha Karyl entre ses dents. Incroyable…
— Bienvenue chez les Mutants, Karyl Braun. Le gouverneur te confie déjà une requête. Ta première mission, mais une mission capitale.

Karyl se dégagea violemment de l’étreinte des médecins. Il se sentait bien, en parfaite santé ! Il avait envie de courir, de se défouler. Il était le prédateur, désormais !

— Quelle mission ?
— Tu dois tuer quelqu’un.

Karyl croisa le regard fixe de Molch, qui lâcha :

— Tu dois tuer celui qu’on appelle le Rôdeur.
— Le Rôdeur ? C’est…
— Oui, l’Effacé. Il était autrefois connu comme tel. Il représente une menace pour le gouverneur. S’il retrouvait ses souvenirs, nous serions compromis. Trouve-le, et tue-le.

Un sourire s’étala sur le visage de Karyl, qui affichait une expression excitée. Une lueur de malice et de fourberie s’alluma dans ses pupilles :

— Avec plaisir.