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Pokemonis T.2 : L'embrasement de l'Aura de Malak



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Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 16/12/2018 à 09:34
» Dernière mise à jour le 16/12/2018 à 09:34

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Science fiction

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Chapitre 47 : Ce frère que je hais
Rohban



J’étais en plein milieu de la mêlée entre les Pokemon et les Partisans, pouvant à peine manier ma Lamétrice dans cet enchevêtrement de corps. J’aurai été tué de diverses façons des dizaines de fois déjà sans Pandarbare et Immotist qui étaient restés près de moi pour me protéger. Il fallait préciser, qu’en tant que G-Man de Couafarel, je n’étais absolument pas fait pour le combat, encore moins pour des mêlées de ce genre. Je ne m’étais jamais vraiment entraîné à utiliser mes pouvoirs comme ma sœur, et ma maîtrise de l’épée tenait plus du cérémonial et de la tradition que de la réelle utilité dans un combat.

Je maîtrisais bien une attaque en revanche : Cotogarde, qui me permettait d’augmenter ma résistance physique. Ça ne m’était pas inutile dans cette situation. Mais malgré ça et la protection rapprochée dont je bénéficiais, j’avais subi pas mal de blessures plus ou moins grave, et mes mains étaient poisseuses de sang. Étrangement, je ne m’en souciais guère. Je ne sentais presque pas la douleur, et pourtant, Arceus savait que j’étais quelqu’un de douillet. L’adrénaline du combat inhibait mes sens, et ne me laissait qu’une excitation morbide à l’idée de tuer mes ennemis. En clair, moi, Rohban Irlesquo, fils de l’ancien Grand Maître, héritier mâle d’une grande maison noble, j’étais devenu un de ces sauvages accros au combat et au sang sans éducation. Et le pire, c’était que ça ne me déplaisait pas.

Tous mes soucis du moment se limitaient au fait de tuer avant d’être tué. Le seul paysage qui s’offrait à moi était cette rue en flammes et les scènes de combat tout autour de moi. Plus rien n’avait d’importance. Dans un coin de ma tête, je savais que des choses plus importantes étaient en train de se passer. Six, Meika, Kashmel… Ils étaient tous en ce moment au plus haut d’Axendria, probablement au Quartier G-Man, à se battre ou à faire Arceus savait quoi. J’avais même ressenti, il y a quelque minutes, une sensation des plus bizarres, comme si quelque chose de totalement inconnu et qui ne devrait pas exister était apparu quelque part dans l’Aura, et que l’Aura elle-même s’était mise à protester. Mais j’ignorai ce que ça pouvait être, et pour le moment, je m’en fichais.

Mon seul objectif était Draïen Malket, le chef des Partisans, qui éliminait des Pokemon à la chaîne avec ses deux bâtons Desgen, un sourire sadique étirant son visage brutal et disgracieux, qui le rendait encore plus affreux. La mêlée générale nous avait séparés alors que nous étions face à face avant que tout cela ne commence. Même si son rictus me donnait des sueurs froides, il était hors de question que je recule face à ce misérable résidu d’humain sans valeur ni honneur. Aussi faible que j’étais, j’avais malgré tout une fierté G-Man.

Alors que ce malade était en train d’enfoncer un de ses bâtons destructeurs d’ADN de Pokemon dans le crâne de l’un d’entre eux, je bondis jusqu’à lui, aidé de l’Aura. Je vis avec horreur et colère que le Pokemon en question était le lieutenant impérial Chapignon qui s’était rallié à moi. Draïen affichait une jouissance sans pareille alors qu’il retirait son arme de la tête du Pokemon, qui avait encore le corps secoué de convulsions alors qu’il s’écroulait au sol. Puis, pour parfaire l’horreur, l’humain lécha le bout du bâton Desgen, plein de sang et de matière cérébrale.

- Tiens, le jeune seigneur, fit-il en me remarquant. Tu profites bien du spectacle, gamin ? T’as jamais eu le plaisir de buter un de ces Pokemon de merde, n’est-ce pas ? Tu devrais essayer, c’est encore plus le pied que culbuter une donzelle. Enfin, la comparaison sert à rien dans ton cas hein ? Tu dois être aussi puceau que tu es…

Je ne le laissai pas finir. Ma Lamétrice fendit l’air vers lui avec une puissance que moi-même je ne soupçonnai pas. Surpris, Draïen bloqua au dernier moment en croisa ses deux bâtons Desgen devant lui. Je me rendis compte que j’avais lancé une attaque de Pokemon, inconsciemment.

- Eh bien, ça par exemple, ricana l’humain. J’ai combattu assez de Pokemon pour savoir reconnaître leurs attaques. Ce mouvement, cette force vengeresse… C’est l’attaque Vengeance, ou je ne m’y connais pas ! Ta frangine m’a briefé sur toi. Tu serais le G-Man de Couafarel, un Pokemon de type Normal à l’inutilité flagrante, sauf à faire des concours de beauté. Tu n’as rien pour m’attaquer à distance, gamin. Et tu ne peux pas gagner contre moi au maniement des armes blanches.

- Mais il y a un truc dans lequel je vous dépasse : l’art de la réflexion, répliquai-je. Vous savez peut-être comment trucider un Pokemon de cent façons différentes, mais vous donnerai-je un puzzle avec quatre pièces seulement que vous seriez incapable de le terminer.

Le rictus de Draïen m’indiqua parfaitement son envie de m’arracher les membres. Ce fut lui qui attaqua cette fois ci, maniant ses deux bâtons tranchants avec de grands gestes fluides et précis. Je le laissai approcher. Même s’il m’était difficile d’évaluer les distances à travers ce chaos ambiant, j’avais l’Aura pour m’assister. Je savais par instinct où attaquerait Draïen, et à quel moment. Comme je n’avais nulle intention de contrer directement et débuter une lutte de force avec l’humain que j’étais sûr de perdre, j’utilisai une nouvelle fois, plus ou moins consciemment, une attaque du répertoire de Couafarel, en l’occurrence Coup Bas.

La pointe de ma rapière toucha par deux fois Draïen avant que celui-ci ne se jette sur moi. Les blessures n’étaient guère profondes ; blesser gravement n’était pas le but de Coup Bas. Le but était d’attaquer avant l’adversaire, et ainsi de le déconcentrer durant sa propre attaque. Normalement, Draïen aurait dû être surpris, avoir mal et interrompre prudemment son attaque. C’est ce qui se serait passé avec un adversaire normal. Mais cet humain n’était pas un adversaire normal : c’était un fou. Les fous n’avaient que faire de la normalité. Draïen ne fut nullement troublé par mon attaque rapide et précise. Il paraissait même s’en amuser, comme si la douleur n’était qu’une friandise.

Ma Lamétrice parut se tordre sous le choc combiné des deux bâtons Desgen qui s’abattirent sur elle. Moi-même, le coup me fit mettre un genou à terre. Draïen en profita pour me donner un coup de genoux au visage, et je m’effondrai en arrière en lâchant mon épée. L’humain me planta alors un de ses bâtons dans la jambe droite, et ce en l’enfonçant si profondément dans le sol que seul un bout de la poignée ne dépassait de ma chair. Je ne pus retenir un hurlement de douleur.

- Ah oui, ça fait mal hein ? Combien de blessures de ce genre un petit nobliau privilégié comme toi a-t-il pu expérimenter ? Sois-moi reconnaissant, G-Man : je fais de toi un homme, un vrai !

Il enfonça son second bâton dans mon autre jambe, et à ce stade, je ne pus même plus retenir mes pleurs. Mais même si ma fierté était mise à mal, même si j’étais planté au sol comme un insecte, j’étais encore capable de bouger les bras, et surtout, j’étais encore plein de colère et désireux de me battre. À tâtons, je trouvai la garde de ma Lamétrice, que j’empoignai. Mais Draïen le vit, et la bloqua de son pied avant que je ne la lève. Il empoigna alors carrément la lame à main nue, et d’un coup sec et puissant, la plia en deux jusqu’à la briser. Il fit retomber le morceau de lame sur moi, méprisant.

- C’est de la merde, vos rapières à la con, me dit-il. Trop fragile, et y’a que le bout qui peut tuer. C’est pas une arme pour se battre, c’est juste un accessoire de déco pour parader avec. Alors que moi… me suffit juste de mes mains pour buter un G-Man !

Il s’accroupit sur moi, me bloquant la respiration avec ses genoux, et passa ses mains autour de mon cou. Il semblait totalement avoir oublié l’idée de me capturer pour Kashmel et Meika. Mais il n’y avait pas que ça que ce crétin avait oublié. Alors qu’il m’étranglait, il n’avait pas remarqué que j’avais toujours en main la moitié de ma Lamétrice. Elle avait beau être brisée, son bout était toujours là. Et le bout en question, à travers ma vision dans l’Aura qui compensait ma vision physique en train de se voiler, je le plantai à travers la gorge de Draïen. Ce dernier cessa de serrer ma gorge et me regarda d’un air surpris, comme s’il n’avait pas compris ce qui venait de se passer. Il vomit alors des flots de sang, puis s’écroula sur moi à grand renfort de tressaillements alors qu’il agonisait.

- Abruti… marmonnai-je à travers la douleur.

Ma situation n’était pas joyeuse pour autant. Je me savais incapable de retirer les bâtons Desgen plantés dans mes jambes qui me retenaient au sol, et j’étais allongé dans une rue en feu, au milieu d’une bataille. Je ne pouvais que compter sur un Pokemon allié pour me tirer de là, mais tout le monde était tellement pris par l’engagement que je ne devais passer que pour un cadavre de plus.

Quelque chose détourna pourtant bien vite l’attention des combattants. Un cri résonnant venait de retentir à travers toute la cité. Un cri surnaturel. Tout le monde leva la tête vers le ciel, pour voir un immense oiseau embrasé qui volait au dessus d’Axendria. J’ignorai ce que c’était - sûrement pas un Pokemon - mais rien que regarder cette chose me donnait envie de vomir. Toute l’Aura en moi et autour de moi semblait frémir de terreur, et très vite, je me mis à frémir moi aussi. De terreur, mais aussi d’une douleur insupportable, comme si on était en train de me vider de tout mon sang avec des milliers d’aiguilles sur tout le corps.


***

Kashmel




Je la sentais affluer. L’Aura. Un flux d’Aura illimité, provenant de tous les côtés. L’Aura des habitants, humains comme Pokemon. L’Aura du béton et de la roche. L’Aura des quelques végétations qu’on pouvait trouver ci et là en ville. L’Aura de l’eau. L’Aura de l’air. Elle venait sans s’arrêter vers moi, ou plus exactement, dans cette réserve infinie qu’était le Phénix sur lequel je me tenais. C’était comme si je me trouvais sur un soleil bleu, dont la seule vision pouvait vous brûler les yeux.

- Oui… fis-je en écartant les bras, exalté. Plus ! Encore plus ! Prends, et grossis ! Absorbe l’Aura de ce maudit Empire, afin que je la purifie !

Furaïjin, malgré ce grand moment que nous avions attendu depuis des années, resta stoïque sur mon épaule. Meika elle, d’abord intimidée, semblait commencer à prendre peur.

- Père…

Je l’ignorai. Ce n’était qu’une gamine, incapable d’assimiler le pouvoir qui s’offrait à moi. Alors que le Phénix grossissait à vue d’œil, je me décidai à puiser dans l’Aura du Phénix. Rien que m’en approcher mentalement me provoqua une jouissance exquise. M’y plongeant, je la laissai entrer dans mon corps. Quel délice ! Quelle toute-puissance ! Rien qu’à présent, il y avait de quoi faire de moi l’être le plus puissant de ce monde, alors que j’avais à peine commencé à aspirer l’Aura de la seule capitale. Qu’en sera-t-il une fois que le Phénix se sera emparé de l’Aura du monde entier ? Son détenteur - autrement dit moi - serait l’égal d’un dieu. Non, bien plus qu’un dieu !

Au fur et à mesure que je laissai toute cette Aura pénétrer mon être, je me sentis changer, intérieurement, mais aussi extérieurement. Cette Aura sans fin régénéra mon corps fatigué, mes cellules, mes muscles. En fait non, c’était moi qui le faisais, inconsciemment. Grâce à une telle quantité d’Aura, l’immortalité n’était plus un rêve. Alors que je me recréai un corps vigoureux, je sentis ma veste craquer au niveau des épaules, tandis que mon corps grandissait. Mon ventre de la soixantaine, lui, commençait à disparaître, et mes cheveux se mirent à repousser, tandis que ma moustache disparaissait. En une dizaine de seconde, j’avais retrouvé mon corps de jeune homme ; grand, fort, noble. Le Lord Kashmel Irlesquo de jadis, tant adulé et vénéré dans l’Ordre G-Man. À la vue de mes mains sans défaut, et des lignes finement sculptées de mes muscles revigorés, j’éclatai de rire.

- P-père ? Balbutia Meika.

Elle paraissait à la fois émerveillée et horrifiée.

- Oui, ma fille. C’est bien moi, répondis-je de ma voix forte et puissante de jadis. Le véritable Grand Maître G-Man, l’héritier de Sacha Ketchum.

Je retirai ma vieille veste qui n’avait pas supporté le regain de taille de mon corps, me retrouvant torse nu. Jamais, même au summum de ma puissance autrefois, je n’avais éprouvé cela. Je me sentais capable de faire n’importe quoi, de combattre n’importe qui. Je tendis la main pour tester mes pouvoirs. La roche qui se trouvait au sol pourtant à des dizaines de mètres en dessous de moi, m’obéit immédiatement et plusieurs morceaux vinrent flotter en face de moi. En agitant les doigts, je les remodelai, et en recouvrit mon corps. Je venais de me recréer ma fameuse armure de pierre, mais celle-ci était encore plus grande, encore plus épaisse, encore plus menaçante, avec deux piques qui dépassaient des épaules.

D’un autre geste de la main, je fis trembler la terre de la Citadelle, détruisant les manoirs des G-Man les uns après les autres, dont également le manoir Irlesquo. Près de la moitié de la surface du Quartier s’écroula, allant s’écraser dans la ville haute. Un endroit où j’étais né, où j’avais vécu et où j’avais passé de joyeuses et belles années. Mais tout cela n’avait plus aucune importance. C’en était fini de cet Ordre, et donc de ce quartier. Les dix G-Man de Lance que j’avais laissé en bas coururent se mettre à l’abri, tandis que Meika me regardait avec un air d’incompréhension.

- La nostalgie est notre ennemie à présent, déclarai-je. Pour tout reconstruire, il nous faut d’abord tout démolir.

Je fis descendre un peu le Phénix, jusqu’à qu’il soit à porté pour aspirer l’Aura de la ville basse. Placé comme il était, et étant donné sa taille actuelle, j’étais désormais capable d’aspirer l’Aura dans les moindre recoins de la capitale, laissant juste la Citadelle hors de sa porté. Je ne voulais pas aspirer l’Aura de Daecheron et de ses sbires les plus puissants. Je voulais les tuer moi-même, en démontrant ainsi ma toute puissance. Ah, et je devais aussi épargner les dix G-Man de Lance qui restaient aussi, accessoirement. Comme appâté par tant de présences vivantes des bas quartiers, le Phénix battit un peu de ses ailes, et accéléra d’autant plus sa succion. C’est alors que Meika osa me mettre une main sur l’épaule, comme pour me supplier d’arrêter.

- Père ! Rohban est dans la ville basse, je le sens !

Je tournai lentement mon visage vers elle.

- Et alors ?

- A… a-alors ? Ne devrait-on pas le capturer ?

- Pour quoi faire ? Nous avons libéré le Phénix. Peu me chaud désormais un Irlesquo de plus ou de moins.

- Mais… mais vous aviez dit que les descendants de Sacha ne devaient pas se tuer entre eux…

- Ce n’est pas moi qui vais le tuer, c’est le Phénix.

Meika avait du mal à parler, et était extrêmement agitée. Elle semblait vouloir à tout prix trouver une raison valable d’épargner le gosse de Bradavan.

- Mais… Il… Il pourrait nous être utile… Je…

J’arrêtai Meika en la giflant, puis je lui empoignai solidement le bras. Elle tressaillit sous ma forte poigne, et surtout sous mon regard.

- Tu es faible, déclarai-je.

- P-père ?

- Tu tiens tant que ça à sauver la vie de cet indésirable ? Ce demi-frère que tu étais censée haïr comme étant l’engeance maudite de Bradavan ?

- Je l’ai toujours haï ! Se défendit Meika. J’ai tenté de le tuer par trois fois ! Et à chaque fois, il n’en a réchappé que par pur hasard ! Il… il n’est rien pour moi ! Je voulais juste…

- Tu as tenté de le tuer trois fois, tu dis ? Répétai-je. Oui, c’est ce que tu m’as en effet raconté. Mais connais-tu le point commun de tes trois tentatives, outre le fait qu’elles aient échoué ?

- Je… je ne sais pas, père…

- Moi je sais. Ces trois fois là, ce n’est pas toi qui aurais tué Rohban, même si ça avait marché. Tu t’es toujours débrouillée pour que ce soit quelqu’un d’autre qui s’en charge. Tu as tenté de l’empoisonner en manipulant une esclave ; c’aurait donc été l’esclave qui l’aurait tué. Tu as retardé l’apparition de ses pouvoirs pour qu’il soit considéré comme un humain-né-G-Man et exécuté à ses quinze ans ; mais là encore, ça n’aurait pas été toi qui l’aurait tué, mais son père, comme la tradition le veut. Et enfin, il y a peu, tu as ordonné à la fille aînée des Psuhyox de l’assassiner. Pourquoi, ma fille ? Pourquoi as-tu relégué cette tâche alors que tu aurais pu tuer ce morveux des milliers de fois toi-même ?

- Je…

- Parce que tu es faible, poursuivis-je, impitoyablement. Tu ne pouvais pas te résoudre à l’éliminer toi-même. Tu n’en avais pas la volonté. Tu voulais apaiser ta conscience en laissant les autres se charger du sale boulot à ta place. Au fond de toi, et malgré ce que je t’ai dit il y a dix ans, tu conservais toujours un certain attachement pour cet enfant.

- Non ! Protesta violement Meika. Je suis totalement dévouée à votre cause, et je méprise Bradavan et tout ce qui a résulté de lui !

- Dans ce cas, prouve-le moi. Laisse le Phénix aspirer l’Aura de Rohban et le tuer. Sens son agonie, et dis-toi que c’est là la juste fin de l’engeance de Bradavan.

Comme Meika hésitait, apparemment confrontée à un sérieux dilemme, je lui pris l’épaule et lui dit d’une voix douce.

- Enterre le passé, ma fille.

- Non !

D’un geste vif, elle repoussa ma main, et, les larmes aux yeux, elle sauta du Phénix. Je la vis atterrir sans problème malgré la hauteur, et sauter de toit en toit pour rejoindre la ville basse.

- Kashmel, arrête-là ! Me supplia Furaïjin.

Mais je secouai la tête.

- Elle a fait son choix. C’est une idiote et une faible, contrôlée par ses émotions, comme sa mère. Je n’en ai pas besoin. Je recréerai notre lignée tout seul. Il ne reste plus que toi et moi, mon ami. Toi et moi, comme il en a toujours été…


***

Meika




Qu’est-ce que je fais ?
Je ne le savais pas moi-même. C’est comme si mon corps bougeait contre ma volonté. Mais non, ça aurait été me mentir à moi-même… Ce n’était pas seulement mon corps. Chaque parcelle de ma volonté me poussait à rejoindre mon frère au plus vite. Mon cerveau ne me reflétait plus que son visage, et ma bouche était harcelée par l’envie de crier son nom. Sans que je m’en rende compte, en quelques secondes, j’étais arrivée à la limite de la zone épargnée par l’aspiration du Phénix. Aller plus bas m’exposerait à me faire ponctionner mon Aura, à une souffrance inimaginable pour un G-Man, et finalement à la mort si j’y restais trop longtemps. Je le savais fort bien, et pourtant, je n’hésitai pas plus de deux secondes avant de continuer à avancer.

Je suis débile ou quoi ?
C’était peut-être le cas oui. Je ne savais pas. La seule chose que je savais, c’était que je voulais sauver mon frère. Tout le reste n’avait aucune importance. La douleur qui envahit chaque cellule de mon corps n’avait aucune importance. Le traumatisme que subit mon esprit à voir mon Aura m’être retirée n’avait aucune importance. Je continuai à descendre vers la ville haute, puis la ville basse. Lentement, pesamment, mais j’avançais sans m’arrêter, tout en recherchant désespérément l’Aura de Rohban au milieu de ce tourbillon de chaos sans nom.

Je compris très vite qu’utiliser l’Aura pour capter celle de Rohban était devenu inutile. Le paysage que me reflétait mon sixième sens de G-Man n’avait plus rien de cohérent, du fait de l’action du Phénix. Et sans elle, j’étais perdue. Je voyais vaguement des Pokemon courir partout, tandis que les maisons brûlaient et s’effondraient. Eux aussi devaient ressentir, dans une moindre mesure, la perte de l’Aura. Certains humains - les hommes de Draïen - continuaient leur massacre comme si de rien n’était. Les Pokemon courraient sur les cadavres de leurs congénères. Tout n’était plus que folie, peur et mort. Est-ce vraiment ça que nous voulions ? Cette scène d’apocalypse était censée nous apporter la grandeur ? De faire renaître l’Ordre G-Man ? Était-ce vraiment là la volonté de Sacha Ketchum ?

J’avais passé cinq minutes à errer dans les ruelles de la ville basse, à regarder désespérément dans tous les coins pour trouver Rohban, et mes forces commençaient très sérieusement à disparaître. Ma volonté actuelle faisait que je pouvais supporter la douleur, mais je ne pouvais rien faire contre l’Aura - ma propre force vitale donc - qui me quittait peu à peu. Ne pouvant plus tenir debout, je tombai à genoux. La fumée de l’incendie commençait elle aussi à affaiblir mes poumons. Jamais je n’avais connu une telle impuissance. Ma fierté disparu à jamais, je ne pus que pleurer et supplier.

- Grand ancêtre Sacha… Je suis désolée, je suis désolée ! Je me suis dévoyée. J’ai trahi mon sang… Peut-être même vos idéaux. Mais je vous en prie ! Je vous en conjure ! Permettez-moi de le sauver ! Permettez-moi de me racheter envers lui…

Je ne sais pas si mon lointain ancêtre m’avait entendu de là où il était, ni même s’il avait le pouvoir de faire quoi que ce soit, mais il me sembla que la fumée se dissipait devant moi, me permettant de mieux y voir. Et alors, j’écarquillai les yeux quand je reconnus la silhouette allongée de Rohban, clouée au sol par les jambes avec deux bâtons Desgen. Je rampai vers lui, lui retira le cadavre de Draïen Malket de sur le corps, et je remerciai mentalement Sacha Ketchum et tous les G-Man avant lui quand je vis qu’il était encore vivant.

Cette certitude me permit de déployer une volonté qui transcenda ma perte progressive d’Aura. Puisant dans mes dernières ressources, j’usai de ma force de G-Man pour retirer les bâtons des jambes de Rohban, puis je le pris sur mon dos. Il était inconscient, et lui aussi subissait de plein fouet l’aspiration de l’Aura. Il avait aussi perdu pas mal de sang du fait de ses blessures, et je savais qu’il ne pourrait pas tenir longtemps ainsi. Au rythme où j’avançais, il serait mort avant que je ne rejoigne la Citadelle.

Je créai alors un bouclier de roche improvisé dont je l’entourai. Et à cela, j’y ajoutai une partie de ce qui me restait d’Aura, pour faire barrière contre la succion du Phénix. Rohban devrait être un temps protégé, alors que le Phénix s’acharnerait contre la mienne. Mais ça ne durerait le temps que je pourrai tenir. M’interdisant de flancher, faisant terre les protestations de mon corps épuisé et poussé dans ses derniers retranchement, je remontai la capitale.

Ce fut un véritable chemin de croix pour moi. Alors que mon Aura était déjà aspirée, je devais maintenir une protection autour de Rohban pour préserver la sienne. Alors que j’arrivais à peine à me porter moi-même avec mes muscles qui semblaient avoir prix trente ans d’un coup, je devais aussi soulever Rohban et son bouclier de pierre. Et enfin, mon esprit était au bord du point de rupture, ne pouvant plus supporter cette sensation horrible que représentait la perte de mon Aura, qui constituait l’essence même de mon être.

Mais je continuai à marcher. Un pas après l’autre. Je n’avais nul autre objectif, nulle autre réflexion. Un pas après l’autre. Un pas était une épreuve. Quand je l’avais terminé, je passais à l’autre. Je ne pensais à rien. Je ne voulais rien. Je n’étais plus Meika Irlesquo, la si fière et puissante fille du Grand Maître, ou la chef de Lance. Je n’étais plus qu’une femme insignifiante qui n’avait que la volonté de sauver son petit-frère.

Je remarquai que ma peau commençait à s’assécher et à se rider. Mes membres devenaient plus fins, plus fragiles. Mes cheveux blonds perdirent leur couleur et commencèrent à tomber. Ma respiration devenait de plus en plus laborieuse. Mon corps, privé de l’Aura, vieillissait à vitesse grand V, comme les malheureux G-Man qui avaient été sacrifiés par mon père. Je mourrais. Mais je me trouvais actuellement dans la ville haute, non loin de l’avenue royale qui montait jusqu’à la Citadelle. Je devais y arriver. Pourquoi ? Je ne savais toujours pas. Mais sans doute mon ancienne moi l’aurait su, elle. Celle que j’étais avant de rencontrer mon père, il y a dix ans…