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Calendrier de l'Avent 2018 de Comité de lecture



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» Auteur : Comité de lecture - Voir le profil
» Créé le 08/12/2018 à 22:13
» Dernière mise à jour le 08/12/2018 à 22:13

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Jour 8 : Sans Titre, par Arcegis
"Pourquoi cette zone de son cerveau ne s'allume-t-elle pas ?"
"Je ne comprends pas ! Le premier n'avait pas ce défaut !"
"Pourtant, il vit !"
"Grrr... C'est encore un échec. Laissez-lui encore une nuit. Si demain, les constantes de son cerveau ne répondent pas correctement, éteignez tout le bazar et broyez le corps."
Petit à petit, leurs pensées s'éteignirent. Ils s'étaient tous éloignés. Tous, sauf un. Une femelle humaine.
"Bonsoir, mon ami... Je suis bien triste que tout se finisse demain. Tu vis, pourtant, n'est-ce pas ?"
J'essayai de rentrer en contact avec son esprit, et y parvins.
"Je vis, en effet. Qu'adviendra-t-il de moi demain ?"
Elle ne répondit pas immédiatement.
"Ils veulent te tuer. Arrives-tu à voir ? Ouvre les yeux."
Je les ouvris.
Les refermai.
Les ouvris de nouveau.
Il n'y avait aucune différence.
La peur commença à sourdre en moi.
"Je ne vois rien..."
Je sentis son esprit vaciller.
"Aveugle... Il doit bien y avoir un moyen, pourtant... Concentre-toi..."
Je la sentis taper frénétiquement sur un clavier.
"Tentons ceci..."
Une minuscule aiguille s'enfonça dans mon bras droit. Le liquide était froid et visqueux.
Puis, la douleur vint. Mon cerveau était comme fou. Des points lumineux dansèrent devant mes yeux. Je les fermai et gémis.
Lorsque la douleur cessa, mes yeux pulsaient de façon diffuse.
Je les rouvris timidement.
Le monde avait changé.
Je voyais les contours des objets. Je ne pouvais pas nommer ce que je voyais, cependant.
"Je vois, à présent, humaine...Quel est ton nom ?"
"Je m'appelle Géraldine ! Enchantée !". Son ton était rieur et enjoué.
"Bon sang, ç'a fonctionné ! Je ne m'y attendais pas !". Puis, elle se plaça face à moi, et mis une main sur la paroi de verre qui me séparait du monde extérieur.
"Veux-tu apprendre les couleurs ?"
En guise de réponse, je pénétrai totalement son esprit. Une avalanche de mots défila dans mon cerveau, qui s'empressa de les ranger dans les différentes cases constituant mon arbre de connaissances. Rouge... Bleu... Jaune... Vert... Cyan ? Magenta ? Des dizaines et des dizaines de noms me parvinrent d'un coup. Je souris.
"Peux-tu me décrire ce que tu vois, à présent ?"
Les contours flous d'une femelle humaine, rayonnant de jaune et de brun, avec une pointe de bleu, et un tout petit peu de rouge vif au niveau du foie. Des instruments de mesure, des pupitres, des appareils électriques auréolés de bleu vif. Un Pokémon affaibli, dans une prison de verre, luisant faiblement de rouge-brun-verdâtre.
"Bon sang, tu vois les auras... C'est une belle performance."
Elle sourit.
"Tu sais, j'en ai un peu marre. Marre d'être ici, à maltraiter des Pokémon pour en faire des machines de guerre. Ce dont je rêve, c'est de jouer de la musique."
"De la musique ? Qu'est-ce donc ?"
Elle sortit un petit appareil de sa poche, plaça deux oreillettes sur ses oreilles.
"Lis mes pensées."
Je fus alors envahi par le plus doux des sons que j'avais pu entendre jusqu'à présent. Un instrument, sans doute à cordes, émettait de douces pulsations sonores, tantôt lentes, tantôt rapides, très complexes.
"Cet instrument s'appelle un piano. Je suis la pianiste... Je joue à mes heures de loisir."
"... Je veux découvrir toute la musique que ce Monde comporte. C'est une si belle chose..."
Elle sourit de nouveau, puis pianota sur un clavier. Aussitôt, un léger bip se fit entendre. La cuve dans laquelle je me trouvai se vida progressivement de son liquide, les câbles qui m'attachaient aux appareils électriques se déconnectèrent d'eux-mêmes.
J'étais libre.
J'observai plus attentivement mes mains, puis mon corps. Je rayonnais de bleu profond, violet et or pur. Quelles magnifiques couleurs...
Je lévitai maladroitement et descendis de mon socle.
"Il faut nous enfuir. Maintenant."
Une pulsation rouge sourdait d'un pupitre de commande.
"Ils ont déclenché une alarme..."
"Géraldine... Prends ma main. Attention, la sensation est très dure à appréhender."
"Hein ? Que veux-tu f..."
Je lui saisis la main et concentrai tous mes sens. Une dizaine de gardes firent irruption dans la pièce et commencèrent à tirer à vue. Leurs balles fracassèrent le pupitre. L'alarme silencieuse se fit cette fois bruit. Un bruit lourd et lancinant. Mais je l'entendis à peine. La dernère chose que j'entendis fut "Il va nous é...", puis tout se comprima autour de moi.
Je me téléportais pour la première fois, sans but, Géraldine épouvantée à mes côtés. J'eus tout juste le temps de sélectionner ma destination dans son esprit : une maison en bois, dans un petit village, à quelques centaines de kilomètres. La sienne.
Nous nous rematérialisâmes dans le salon de la maison. Je lâchai Géraldine, qui tomba sur le sol, incapable de se remettre debout.
"Houlà... Je ne pensais pas que ce serait si traumatisant...". Elle tremblait toute.
Je posai ma main sur son épaule et lui envoyai mes Energies. Elle finit par se calmer petit à petit.
"Bon, alors, heureusement que j'ai retenu toute la doc' qu'on a écrite sur toi... Pour commencer, si tu prenais une autre apparence ? Ça va faire désordre si quelqu'un te voit par la fenêtre. Et il faudrait que je te donne un nom, aussi. Hmmm..."
J'avais pénétré brièvement son esprit pour y pêcher des représentations de mâles humains. J'en fis une synthèse, et me créai une illusion.
"Oh, tu es magnifique comme ça ! ". Elle sourit. Je vis par ses yeux l'apparence que j'avais prise. Jeune homme d'une trentaine d'années, grande taille, cheveux blonds et courts, visage fin, nez court et légèrement pointu, yeux en amande. Mes pupilles étaient teintées de blanc laiteux.
"Dis-moi... Que dirais-tu si je t'appelais Gégé ? Comme Gérard ? Parce que ça ressemble un peu à Géraldine. Et ton nom de famille... Boulez ? Comme ce fameux chef d'orchestre !"
"Gégé Boulez, hein ? Hmmm... Ça me plaît." Nous sourîmes tous deux.
"Et si je faisais du thé ?"
Elle partit se préparer une bouilloire, tandis que je visitai sa maison sous ma nouvelle apparence, butant parfois maladroitement sur les coins de meuble. Bientôt, un agréable parfum d'herbes emplit la maison. Géraldine revint avec un plateau assez lourd, la bouilloire, deux mugs assortis, les cuillères et le sucre. Elle posa tout sur une table basses et servit le liquide fumant.
Nous bûmes en silence, mon esprit toujours légèrement attaché au sien. Je savourais le liquide aux arômes puissants.
"Houlà, déjà cette heure ?"
Géraldine échappa un bâillement. "Je ne pensais pas qu'il était si tard..."
Anticipant sa question, je lui répondis que je n'aurais pas besoin de lit, ni même de dormir, une simple méditation suffisant à recouvrer totalement mes capacités. Elle sourit et se prépara rapidement.
"Alors... Bonne nuit ?"
Par politesse, je quittai son esprit. Son aura quitta également la pièce. J'étais seul, à présent.

Six mois passèrent. Les chaudes températures cédèrent leur place à la pluie, puis au froid mordant. Géraldine avait démissionné du laboratoire de recherche, et s'était lancée à corps perdu dans la musique. Je l'accompagnais à chacun de mes concerts, en copiant silencieusement en ma mémoire chaque savoir des musiciens et chefs d'orchestre qui l'accompagnaient. Mon répertoire de musique s'affina aussi au fur et à mesure des écoutes.
Nous étions en période de fêtes. J'ignorais ce que les gens fêtaient, mais ils s'empressaient dans les boutiques, achetant des palanquées d'objets variés de tous horizons et d'utilités diverses. Des décorations électriques aux murs scintillaient de bleu vif. Elles devaient émettre de la lumière, mais je ne pouvais le percevoir. Partout, les couleurs brillaient, tantôt éclatantes, souvent ternes. La neige au sol nitescait d'un éclat blanc, le vent piquait ma peau nue, ce qui, à certains endroits de mon corps, laissait des marques rouge sombre sur l'habituel or et bleu.
Géraldine marchait lentement. Le froid semblait l'engourdir. Surtout... Le rouge, au départ restreint au niveau de son foie, s'amplifiait de jour en jour, et gagnait la totalité de son corps. Elle brillait de rouge sombre, de brun. Elle s'était plainte de douleurs, et avait consulté un médecin, qui l'avait ensuite envoyé à l'hôpital de la ville avoisinante pour des examens complémentaires.
La sentence était rapidement tombée : cancer généralisé. Géraldine n'avait pas réagi à l'appel, elle avait simplement souri, et avait refusé les traitements qui lui avaient été proposés. Elle était confiante. Je l'avais interrogée à la sortie de l'hôpital.
"Pourquoi as-tu refusé les soins ?"
"A cause d'un rêve."
Elle n'avait rien donné de plus que cette réponse énigmatique. J'avais beau fouiller son esprit, dès que j'étais sur le point de toucher cette partie, je me heurtais à un formidable mur de briques-pensées, inexpugnable.
A présent, elle avait perdu la plupart de ses forces. Je la soutenais par les Energies, du mieux que je pouvais. J'avais appris beaucoup de choses sur mes pouvoirs, mais je refusais de modifier les corps humains. Pas de guérison. Pas d'alchimie de mort non plus.
La musique nous maintenait en vie, nous unissait.
Géraldine buta sur une pierre, perdit l'équilibre et se rattrapa de justesse. Elle échappa un "Houlà !". Personne ne s'était retourné. Nous étions le 24 Décembre, à une heure avancée. Les rues étaient quasiment vides, les quelques personnes autour de nous luisaient de jaune, de brun, de verdâtre, certaines se paraient de rouge, bien peu laissaient échapper du bleu ou du violet. Les pensées éparses que je captais étaient toutes concentrées sur les fêtes qui approchaient.
"Rentrons à la voiture, Gégé. Il fait trop froid, et nous marchons déjà depuis un bon moment."
Je la suivis, sans répondre. Elle ne souriait plus beaucoup depuis quelque temps. La maladie prenait le pas sur sa bonne humeur habituelle. Cependant, lorsqu'elle sentait ma présence dans son esprit, elle essayait toujours de pulser un peu d'entrain.
Nous rentrâmes en silence dans sa voiture, puis, toujours en silence, elle conduisit jusque chez elle. Une fois que nous fûmes rentrés, elle prépara du thé, comme à son habitude depuis quelque temps, et nous le servit. Au moment d'attraper sa tasse, elle fut prise d'une très violente quinte de toux. Le rouge sombre irradiait de tout son corps, à présent.
"Géraldine !"
Je me levai précipitamment pour lui porter secours. Elle toussait toujours, et cracha soudain un filet de sang.
"Veux-tu que j'appelle les secours ?"
Elle sourit.
"Non. Si c'est le moment... Alors c'est le moment. Approche-toi de moi... Et prends ta vraie apparence."
Je m'exécutai, abandonnant l'illusion qui faisait de moi un être humain.
"Tu es beau comme ça... "
Elle me caressa le visage d'une main tremblante.
"Je vais bientôt partir... Mais, sache une choses. Ces six mois étaient magnifiques. J'ai vécu..."
Elle retoussa.
"... J'ai vécu comme je voulais vivre. Vivre la musique. Je suis heureuse de l'avoir..."
Nouvelle quinte de toux. Son aura rouge sombre commençait à faiblir.
"... De l'avoir fait découvrir à quelqu'un. D'avoir eu un ami comme toi... Regarde-toi... Tu es beau."
L'aura diminuait rapidement.
"Voici mon... dernier souhait. Vis de la musique. Dirige des orchestres. Donne des concerts. Fais vivre cet art. Découvre encore beaucoup d'autres choses..."
Sa voix se fit imperceptible.
"Je te donne ce que j'ai..."
Je me sentis envahi par de nouvelles capacités. J'avais appris ce qu'elle savait, tout ce qu'elle savait. Ses connaissances me permettraient de guérir... Mais un titillement derrière la tête me dit de ne pas tenter l'expérience sur Géraldine. Un chemin diffus, menant à une image floue étiquetée "Rêve", s'était ouvert devant moi. Je suivis le chemin du rêve. Et le retrouvai.
Elle m'avait vu, entouré de couleurs vives et franches, diriger un orchestre mélangeant humains et Pokémon, devant un public indénombrable. Des caméras étaient braquées sur chacun des musiciens, chacun des coins de la scène, de la salle. Une musique épique, magique, magnifique, emplissait l'air, tandis que je battais la mesure, irradiant de bonheur. Chacun des musiciens émettait des nitescences vives et emplies de nuances. Je restai éplapourdi devant la scène.
Une horloge sonna minuit. Un feu d'artifice commença à résonner dehors.
"Il est minuit... C'est la fête..."
Elle retoussa.
"Connais-tu le sens de ce jour ?"
Je lui répondis par la négative.
"Le 25 Décembre, nous fêtons Nativitas... La Création de l'Univers par Arcéus... C'est à partir de cette date, chaque année, que les jours rallongent... Plus de Lumière..."
Elle respirait à peine. Je l'avais couchée sur le canapé.
"Aujourd'hui, je meurs... Dis-moi... Que vois-tu dehors ?"
Je me dirigeai vers la fenêtre et levai prudemment le rideau. Le feu d'artifice émettait des lumières intermittentes, mais toutes les couleurs se ressemblaient, des tons bleu et rouge, divers et variés. Les lampadaires brillaient de bleu vif. Les arbres du jardin pulsaient lentement de vert et de bleu. Et toujours, le noir absolu comblait chaque contour des choses solides.
Elle rit doucement.
"Merci..."
Elle se releva et m'embrassa doucement, tout en me caressant la joue.
"Nous nous reverrons un jour. Adieu..."
Son aura rouge sombre disparut. Sa présence dans mon esprit également.
Je contemplai le corps sans vie, des larmes coulant dans mes yeux.
Je murmurai dans le vide : "Je remplirai ton souhait...", puis m'installai dans une profonde méditation. Je quittai mon corps et parcourus les maisons voisines. Certains dormaient, d'autres faisaient la fête et ouvraient des cadeaux. Tous les gens et les objets brillaient de mille feux. Mais moi, j'avais perdu ma source de lumière. Mon cœur et mon âme restaient noirs.
Je suis Gégé Mewtwo Boulez. Je parcours le monde à la recherche de la musique et du concert parfaits. Le jour où je dirigerai ce concert, je sais que je la reverrai. Et elle sera fière de moi.