Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Apocalyptica de Drayker



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Drayker - Voir le profil
» Créé le 18/11/2018 à 12:00
» Dernière mise à jour le 18/11/2018 à 12:20

» Mots-clés :   Drame   Présence de poké-humains   Région inventée   Science fiction   Suspense

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 73 : Point de rupture
« Où est-ce que tu as appris à tirer comme ça ? »

Lina, qui venait de toucher une boîte de conserve posée sur un rocher à plus de vingt mètres d’eux, leva le nez vers Kate, qui la regardait ébahie. Le soleil se couchait sur le désert, et cela faisait une bonne demi-heure que Will les avait traînées dehors, elle et Kate, pour poursuivre leur entraînement au tir – session pendant laquelle Lina avait une fois de plus démontré son talent avec les armes à feu.

« Pardon ? Désolée, j’étais concentrée.
- Où est-ce que tu as appris à tirer comme ça ? répéta l’hybride Métamorph, stupéfaite. J’ai compté, aujourd’hui. T’as pas raté une seule balle.
- A Omnia. Auprès d’un type vraiment doué pour ça.
- Ton père ?
- J’ai pas connu mes parents, expliqua brièvement Lina. J’avais un père adoptif. C’est lui qui a tenu à ce que j’apprenne à tirer, alors il m’a dégoté un prof un peu particulier. Edge, qu’il s’appelait. »

Du coin de l’œil, Lina crut voir Will tressaillir. Elle tourna la tête, mais l’ex-Elitien, adossé à la porte du bunker, semblait aussi impassible que d’habitude.

« C’est fréquent que les ados d’Omnia apprennent à manier un flingue ? s’étonna la jeune femme aux cheveux bigarrés.
- Dans la ville basse, oui. Plus de la moitié des morts par arme à feu chaque année sont des gamins de moins de vingt ans. Règlement de comptes entre gangs, expliqua Lina en opinant du chef. Notre père adoptif voulait qu’on sache se protéger. »

Machinalement, elle tritura le ruban noir qu’elle gardait attaché dans les cheveux, fidèle à la promesse faite à sa jumelle.

« Eh bah il a fait du sacré travail, ton prof, commenta Kate.
- Pour le bien que ça lui a fait, maugréa Lina.
- Il est mort ?
- Ouais. Un connard de Résistant l’a fracassé à mains nues, pendant les révoltes d’Omnia. »

Will toussota.

« Bon, on remballe. La nuit tombe et ça commence à cailler.
- Je reste encore un peu, décréta Lina.
- Tu n’as pas vraiment besoin de pratique, souligna le barbu.
- Non, mais ça m’aide à me vider l’esprit.
- Moi, j’ai besoin de pratique, intervint alors Kate. Tu n’as qu’à rentrer, Lina peut m’aider à m’améliorer. »

L’ex-Elitien croisa les bras et les regarda fixement. Tous les trois savaient ce qui bloquait : l’arme avec laquelle elles s’entraînaient était celle de Will, la seule qu’ils aient dans le bunker. Et jusqu’ici, l’ancien détective ne s’en était jamais séparé.

« Soit, capitula-t-il. Vous me ramènerez mon flingue quand vous aurez fini. Et ne gaspillez pas les balles. »

Lina et Kate le regardèrent s’enfoncer dans l’obscurité du bunker, surprises par cette preuve de confiance.

« Eh beh, commenta l’hybride Métamorph. Ça, ça serait jamais arrivé y’a quelques semaines.
- Je pensais pas qu’il accepterait aussi facilement, je t’avoue.
- J'imagine que c'est sa manière à lui de nous signifier qu'il commence à nous faire confiance.
- C'est vraiment un champion de la communication, ce type. »

La remarque arracha un rire à Kate, qui remit en joue l'une des boîtes de conserve posées au loin, prête à tirer.

« D’ailleurs, en parlant de confiance…»

Le coup claqua dans l’air, et la Métamorph, surprise par l’intervention de Lina, rata royalement sa cible avec un juron.

« Merde, désolée, s’excusa la fautive.
- T’étais censée m’aider à viser, pas me distraire, non ? s’amusa Kate.
- Désolée… répéta Lina, penaude.
- T’inquiète. Qu’est-ce qui te tracasse ? »

Elle baissa le canon de l’arme et se retourna vers Lina, juste à temps pour voir cette dernière soupirer, l’air mal à l’aise.

« C’est Joshua. Je le trouve bizarre, depuis quelques jours.
- Comment ça ?
- J’sais pas… Avant-hier, il est parti de la chambre au milieu de la nuit sans rien dire, et il n’est revenu que plusieurs heures après. Et tout ce qu’il a réussi à trouver comme mensonge, c’est une excuse bidon comme quoi il avait envie de faire du sport.
- Il va souvent s’entraîner pour essayer de récupérer un peu de souffle, non ?
- Ouais, mais pas au milieu de la nuit. Et on y va ensemble à chaque fois. Là il s’est barré en douce en faisant tout pour pas me réveiller, et ça me fait flipper. » grommela Lina.

Kate s’assombrit en comprenant où la rousse voulait en venir.

« Tu as peur qu’il soit contrôlé par l’Autre. »

Lina acquiesça en silence, visiblement trop effrayée par ses propres doutes et leurs implications pour les formuler à voix haute.

Toutes deux se regardèrent en silence tandis que cette perspective faisait son chemin dans l’esprit de Kate, insidieuse et effrayante à la fois.

« Ça m’obsède, avoua Lina. Je sais qu’il ne faut pas céder à la parano, que c’est ce que l’Autre veut, mais j’arrive pas à m’empêcher d’y penser depuis deux jours. Le type qui dort avec moi, dans mon lit, c’est Joshua, ou une marionnette ? »

Elle termina sa question avec un trémolo alarmant dans la voix. La Métamorph, compatissante, posa une main rassurante sur l’épaule de son amie :

« Du calme. Je comprends que tu aies peur, mais il faut pas paniquer. C’est rien. Si ça se trouve, il a une bonne raison.
- J’aimerais bien la connaître, alors, grogna Lina. Il a des cernes de zombie depuis deux jours. C’est pas normal.
- Tu veux pas lui en parler ?
- J’ai essayé, il évite toujours le sujet. »

Kate soupira.

« Ok. Dans ce cas, j’ai peut-être une idée. »

~*~
Joshua s’installa face aux caméras de surveillance du dixième et tapota le micro.

« Un deux. Tu m’entends ?
- Bonjour, Joshua, sourit Lyrian en relevant la tête vers la caméra. Je ne pensais pas que tu reviendrais aussi vite.
- J’ai quelques questions à te poser, rétorqua le jeune homme.
- Tu es seul ? Will n’est pas avec toi ?
- Comment est-ce que tu le sais ?
- Je ne le savais pas. Mais tu viens de me le confirmer. »

Joshua ne put retenir un frisson. En deux phrases, l’Autre venait de se réaffirmer comme un interlocuteur redoutablement intelligent. Et la conversation n’avait même pas démarré.

« Excuse-moi. Je ne voulais pas te mettre mal à l’aise, reprit soudain Lyrian. Et avant que tu ne me poses la question, c’est parce que tu es resté silencieux que j’ai deviné ce que tu ressentais. Pas parce que je suis dans ta tête.
- Je n’ai aucun moyen de savoir que tu dis la vérité, répliqua Joshua.
- Comme à chaque fois que tu me poses une question. Pourtant, tu continue à descendre pour m’interroger, donc j’imagine que tu dois prêter un minimum de crédit à mes réponses.
- Est-ce que c’est toi qui as pris le contrôle de Riolu ? »

A travers la caméra, il vit Lyrian sourire, l’air amusé par son passage à l’offensive.

« Oui.
- Pourquoi ?
- Parce qu’il aurait grièvement blessé Fenrir si je ne l’avais pas fait.
- Qu’est-ce que tu racontes ?
- J’ai forcé Riolu à s’enfuir, sans quoi il aurait recommencé le combat, et ça se serait mal terminé.
- Donc tu prétends que tu n’as pas poussé Riolu à blesser Fenrir, mais l’inverse ?
- Quel intérêt est-ce que j’aurais eu à blesser Fenrir?
- C’est un Pokémon puissant. Si tu décidais de t’enfuir, ou d’envoyer quelqu’un nous attaquer, genre les Nettoyeurs, Fenrir pourrait être un obstacle.
- Crois-moi, si je décidais de m’enfuir, Fenrir ne me poserait aucun problème, sourit tranquillement l’Autre. Quant aux Nettoyeurs, tu fais fausse route. Je ne les contrôle pas. C’est bien pour ça que je vous ai sauvés d’eux à Salmyre.
- Alors à qui est-ce qu’ils obéissent ? I.H.M. disait qu’ils étaient venus nous tuer sur ordre de Tay... »

Joshua s’interrompit, réalisant soudain ce qu’il aurait dû comprendre bien plus tôt.

« Je vois mal comment Jack Taylor aurait pu envoyer les Nettoyeurs tuer qui que ce soit sachant qu’il est mort pendant le Changement. » lança l’Autre, faisant écho aux pensées de Joshua.

Le jeune homme garda le silence, réfléchissant à toute allure. Effectivement, quelque chose clochait. A moins que…

« A moins que Will ne t’ait menti et que Taylor soit toujours vivant. »

Joshua grommela.

« Tu crois que je ne vois pas ce que tu essayes de faire ?
- Ne te méprends pas, je n’essaye pas de te monter contre lui. De toute façon, je ne pense pas que Will te mente. Il a besoin que vous vous fassiez confiance. C’est le meilleur moyen pour que vous ne cédiez pas à la peur d’être contrôlés par moi. »

Le jeune homme relâcha le micro et souffla. Cette conversation l’épuisait. Il avait l’impression que l’Autre avait toujours un temps d’avance dans ses réponses, comme s’il anticipait les questions de Joshua. Comme s’il était rentré dans sa tête.

« Et le signal ? Tu as poussé Riolu à régler la radio sur cette fréquence exprès pour qu’on entende le message, non ?
- Effectivement.
- Pourquoi ? Quel intérêt est-ce que tu as à ce qu’on aille là-bas ?
- Je me suis dit que vous finiriez par vous sentir à l’étroit, dans ce bunker.
- Ou alors, tu nous emmènes là-bas parce que c’est un piège.
- Si ta question est « est-ce que je contrôle les survivants dont vous avez entendu le message », la réponse est non. Ce n’est pas mon groupe. Nous avons capté leur signal il y a quelques temps, mais nous avons choisi de ne pas y aller.
- Pourquoi ?
- Parce que nous sommes bien installés là où nous sommes, tout simplement. Nous n’avons aucun intérêt à les rejoindre.
- Je croyais que ton but, c’était de rassembler les survivants en une société juste et stable. Et tu n’es même pas rentré en contact avec eux ? »

Lyrian marqua une pause, puis un léger sourire se dessina sur ses lèvres.

« Tu m’as coincé. Très bien, voilà la vérité. Ma communauté est affaiblie en ce moment et j’ai préféré ne pas prendre contact avec eux tout de suite.
- Qu’est-ce qui s’est passé ?
- Je viens de t’avouer que nous étions vulnérables, ne me demande pas non plus de tout te divulguer. La confiance doit aller dans les deux sens. Mais effectivement, à terme, nous essayerons de rallier le groupe de Lusignan.
- Et en attendant, tu veux nous envoyer chez eux.
- C’est comme vous voulez. Je pense que ça peut être bénéfique à certains d’entre vous de revoir d’autres survivants. L’isolement dans le bunker n’a rien de bon. Vous êtes convaincus que j’essaye de vous monter les uns contre les autres, mais vous y arriverez seuls tôt ou tard si vous restez ici.
- Et quel est l’intérêt pour toi à ce qu’on aille là-bas ?
- Le même que j’ai eu à vous sauver à Salmyre. Aucun. Je sais que tu as du mal à me croire, mais il s’agit d’altruisme. »

Joshua se renfrogna, frustré de ne pas voir de faille dans le discours de l’Autre. Il savait pertinemment qu’il était peut-être en train de se faire mener en bateau, mais malgré sa méfiance, il était bien obligé d’accorder le bénéfice du doute à son interlocuteur.

« Dans tous les cas, reprit le jeune homme, on ne peut pas y aller. Ne serait-ce qu’à cause du fauteuil de Jade.
- Je peux la guérir, tu sais. Je pourrais terminer le travail avec tes poumons, aussi. Ou la main de Kate.
- Sanae n’a pas réussi. Pourquoi est-ce que toi, tu y arriverais ?
- Parce que tous les Apocalyptica ne sont pas égaux. Je vous ai ramené d’entre les morts, Kate et toi. Tu sais que je suis capable de vous soigner.
- Je sais, répondit Joshua, à peine surpris. Mais ça implique soit de te libérer, soit de l’amener en bas et de la faire rentrer dans ta cellule, ce qui revient au même.
- Dans les deux cas, cela implique surtout que toi et Will arrêtiez de mentir aux autres concernant ma présence ici. »

Le jeune homme garda le silence. La perspective de la réaction de Kate, Lina et Jade à l’idée qu’il leur révèle la vérité le terrifiait tout simplement.

« J’en parlerais à Will, conclut Joshua en se levant, prêt à couper le micro.
- Je ne resterai pas dans cette cellule éternellement, Joshua, lança alors Lyrian. Je peux vous promettre autant que vous le voulez de ne pas m’en prendre à vous, ça ne changera rien. Si vous refusez de me faire confiance, il y aura un moment où l’une des filles découvrira la vérité, et tout partira en vrille. Alors autant faire en sorte que ça se passe le mieux possible et affronter le problème de face, tu ne crois pas ? »

Joshua ne répondit rien et tourna le dos au bureau, les poings serrés.

La vérité, c’était qu’il savait pertinemment que l’Autre avait raison.