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Rayquaza de Rikuiame



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» Auteur : Rikuiame - Voir le profil
» Créé le 15/11/2018 à 20:26
» Dernière mise à jour le 26/02/2019 à 15:00

» Mots-clés :   Absence d'humains   Drame   Hoenn   Médiéval   One-shot

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Sous le joug de la Terre promise
Cette histoire se déroule durant le grand sommeil de Kyogre et Groudon, quelques temps après une terrible bataille qui ravagea aussi bien le monde terrestre que marin et faillit anéantir la race des Primaux qui habitaient alors la planète en lieu et place des Pokémon.

Ce n’est pas sur cette terre meurtrie que commence notre récit, mais plus haut, beaucoup plus haut, sur ce corps céleste bosselé aux ressources raréfiées et mourant que l’on appelle encore aujourd’hui la lune.

*

133.3ème révolution du 8ème éveil
Aussi loin qu’elle pouvait s’en souvenir, la petite Mélo avait travaillé dans l’un des nombreux sites miniers de sa planète natale, excavant inlassablement les roches minérales avant de les envoyer par centaines dans les grottes glacées de raffinage afin d’y être traitées de manière appropriée.

La charge était lourde pour les frêles épaules du Primal lunaire mais c’était le seul moyen de gagner de quoi la nourrir elle et Grand-Mèrelodelfe. Cela faisait plus d’un siècle que la vie rude de la lune et l’épuisement de ses matières premières principales avaient contraint les Primaux du petit satellite à adopter le rationnement des denrées alimentaires. Quand on ne travaillait pas, on ne mangeait pas.

Cela n’empêchait pas la famine de sévir régulièrement dans les différents villages, récoltant à chaque passage les plus faibles d’entre eux.
C’était pour cela que, malgré la pénibilité de son travail, la petite Mélo était reconnaissante d’avoir été acceptée sur le site de minage en remplacement de sa mèrelofee qui avait trouvé la mort dans un éboulement. Mieux valait souffrir que mourir. Et puis, comme sa mèrelofée avant elle, la petite Mélo était fière de participer à un projet qui les dépassait tous.

Ce projet était la dernière prophétie de leur Dieu-Roi qui ne sortait de son doux sommeil qu’une fois tous les mille ans. La légende racontait qu’il était venu de par-delà les étoiles, d’une planète au soleil si lointain que sa lumière n’avait pas encore traversé la distance nécessaire pour être visible dans le ciel étoilé. Mais ce n’était pas cette planète fabulée qui les intéressait. Non, le regard du peuple de la lune était tourné vers cette belle planète bleue suspendue au-dessus d’eux, si proche et pourtant si lointaine.

Le Dieu-Roi exauçait toujours les vœux : un jour les Primaux lunaires pourraient s’échapper de leur monde condamné et poser la patte sur le sol de la Terre promise.

La petite Mélo leva ses grands yeux ronds en direction de l’astre autour duquel elle orbitait. Les lanières de cuir de sa lourde hotte à roches lui lacéraient les épaules et creusaient de profonds sillons sur sa peau rosée mais chaque fois qu’elle s’imaginait là-bas, sur ce monde si beau, elle se sentait plus légère.

De manière totalement imprévisible, un bourdonnement vint siffler à son oreille. Une seconde plus tard il y eu un claquement et une douleur aigüe lui brûla la joue. Elle vacilla sur ses petites pattes, menaçant de tomber et de renverser le précieux contenu de sa hotte.

Les larmes aux yeux, la petite Mélo retint le sanglot qui lui montait à la gorge. Puis une grosse voix lui fit tinter les oreilles :

« Au boulot, fainéante si tu ne veux pas te prendre une autre torgnole ! On n’est pas ici pour rêvasser. Tu ne voudrais pas perdre ton travail et te retrouver condamnée à mendier dans les sentiers comme ces crève-la-faim qui parasitent notre société ? »

C’était l’un des Contremaîtrofées de la mine qui s’occupait de vérifier que chaque ouvrier effectuait bien son quota. Baissant le regard, la petite Mélo répondit d’une toute petite voix :
« Excusez-moi. Je me remets tout de suite au travail. »

Le Contremaîtrofée, qui avait perdu l’usage de son œil droit, l’observa un moment de son air inquiétant. La petite Mélo se mit à trembler comme une feuille et la peur commença insidieusement à lui tenailler le bas ventre. Un Contremaîtrofée avait le droit de battre un ouvrier s’il ne remplissait pas son quota, ou pire, de le renvoyer !

Cet ordre des choses avait entrainé bien des injustices et des abus mais peu nombreux étaient les ouvriers qui avaient réussi à se faire rendre justice. En général, lorsqu’ils montraient un peu trop de mécontentement sur leur traitement, ils finissaient par disparaître. La petite Mélo avait entendu des histoires comme quoi on découvrait parfois le corps d’un des disparus, enfoncé dans un creux des tunnels de la mine ou abandonné dans une galerie désaffectée.

La petite Mélo fit mine de reprendre son labeur mais le Contremaîtrofée l’interpella à nouveau. Tremblante, elle le vit s’approcher tout en s’humectant les lèvres.
« Mais attends ! Je te reconnais. J’ai connu ta mère, je crois. Elle était d’une nature très assurée, celle-là. Dommage qu’elle n’ait pas été plus coopérative… Mais toi tu es une gentille mélo bien docile, n’est-ce pas ? Moi, je ne suis pas mauvais, tu sais. Un peu foufou peut-être… »

Les lèvres du Primal s’étirèrent. Son sourire réussissait à être plus effrayant encore que son regard torve.
« J-j-je vais être en retard pour ma livraison. » parvint à articuler la petite Mélo avec peine.
« Ce n’est pas grave. Une jolie fée toute mignonne comme toi, on lui pardonne tout. » répliqua-t-il en lui étreignant fortement le bras.

Les pensées de la petite Mélo se bousculaient dans sa tête. Elle voulait crier, se débattre, s’enfuir mais son corps refusait de bouger. Ce n’était pas parce qu’elle était paralysée par l’étreinte de son bourreau ; mais à cause d’une voix minuscule dans sa tête qui lui disait que, si elle remuait d’un poil, elle perdrait son travail. Sans espoir de pouvoir se nourrir, elle et Grand-Mèrelodelfe finiraient par mourir de faim après une lente agonie de mendicité.

Tâchant de ne penser à rien, la petite Mélo leva les yeux. Là-haut, la Terre promise luisait de toute sa splendeur, capturant son regard. C’était si beau qu’elle aurait voulu se perdre dans la profondeur de cet œil gigantesque. Rien d’autre n’aurait plus d’importance.

Puis le Contremaîtrofée l’entraîna de force dans la bouche béante d’une mine abandonnée.


142.6ème révolution du 8ème éveil
Quelque part sur le pôle sud de la surface lunaire, dans une grotte complètement gelée, se trouvait le plus grand complexe de raffinement minéral du satellite. Creusée dans la pierre dure et froide, l’endroit était parfait pour conserver les roches extraites dans les mines plus au nord de la ceinture équatoriale. Ici, se trouvait également les ressources presque introuvables et les plus précieuses qu’il restait sur la lune.

Le travail de Mélofée chroma consistait à instiller dans les pierres excavées des mines ces différents composants organiques. Autrefois, tous ces matériaux avaient pullulé sur la lune. Avant que la pollution et la surconsommation ne les transforment en denrées rares. Tout ce qu’il restait se trouvait désormais ici ou dans un autre complexe de raffinement, en attente de conversion.

Il suffisait de prendre une pierre, de la tailler grossièrement et d’extraire un peu d’ADN pour la transférer à l’intérieur de la roche. Une fois traitées, on nommait généralement ces cailloux en y ajoutant le nom du composé d’ADN qu’on y avait inséré. Il y avait donc des Pierres de feu, plante, eau et d’une multitude d’autres que les consciencieux Primaux lunaires stockaient petit à petit dans les profondes galeries du complexe. Tout devait être prêt pour le Grand Exode.

Mélofée chroma savait que son travail était de la plus grande importance. Sans elle, son peuple ne pourrait rien rapporter de la lune le jour où ils fouleraient le sol de la Terre promise comme l’avait prédit le Roi-Dieu des étoiles.

Lorsqu’il s’était éveillé de son long sommeil, il avait trouvé le peuple lunaire enlisé dans une crise telle qu’il n’en avait jamais connu jusqu’à alors. A force de piller goulûment les ressources de leur petite planète, celle-ci était en train de mourir. Les Primaux ne s’étaient rendu compte que trop tard qu’il était impossible de renverser le processus. Ou plutôt, il n’avait pas voulu le voir avant qu’il ne soit trop tard. Pendant les sept jours que son règne durerait avant le prochain millénaire, le Roi-Dieu avait été forcé d’organiser de grandes réformes pour assurer la survie de son peuple… et au sacrifice de leur liberté.

Il avait divisé les Primaux en trois grandes castes, chacune ayant leur propre fonction et hiérarchie : les ouvriers, qui minaient les carrières ; les scientifiques qui s’occupaient, comme Mélofée chroma, de traiter les pierres extraites afin de pouvoir les rapporter jusqu’à la Terre promise ; et les guerriers, chargés de préparer le chemin pour la venue du Grand Exode.

Chaque membre de caste était relativement facile à reconnaître. Bien que musclés, les ouvriers étaient plus petits que les grands guerriers élevés en apesanteur. Les scientifiques, eux, à force d’être exposés aux différents ADN des atomes sur lesquels ils travaillaient, avaient pris une teinte plus pâle que la moyenne.

L’extrémité verte de leurs oreilles contrastait également avec le marron traditionnel des autres Primaux. De fait, il était impossible pour un ouvrier de devenir scientifique et il était considéré comme le plus grand des déshonneurs pour un guerrier d’être envoyé dans les mines, parmi les ouvriers. Ces cas particuliers étaient rares et les suicides nombreux.

Mélofée chroma était en train de finir le traitement de la pierre qu’elle avait sélectionnée quand de grands cris et des pas précipités résonnèrent dans le boyau adjacent à son laboratoire. D’abord, la Primal ne voulut pas y faire attention et se concentra sur sa tâche. Mais les cris et les pas se faisaient plus nombreux et plus insistants à chaque seconde. Rechignant à quitter son poste, elle passa la tête à l’extérieur de la salle.

« Ce n’est pas bientôt fini tout ce boucan, oui ? » aboya-t-elle en direction d’une Mélo qui courait vers elle, le visage si pâle qu’il en était presque blanc.

Toute essoufflée qu’elle était elle ne s’arrêta même pas pour la saluer mais continua sa course effrénée. Ce fut seulement lorsqu’elle se trouva au croisement de la galerie qu’elle lança par-dessus son épaule :
« Il y a une brèche dans la Galerie 386. Les guerriers sont en train de stériliser le centre. Il faut fuir. Vite ! » Puis elle disparut aussi vite qu’elle était apparue.
Le frisson qui monta le long de l’échine de Mélofée chroma ne pouvait être plus éloquent. Il n’existait pas de Galerie 386. Dans sa panique, la Mélo s’était sûrement trompée.

La Galerie 385 était le dernier et le plus profond des tunnels creusés au sein du complexe de raffinement. Là-bas, on y développait des armes pour aider les guerriers à conquérir le long et sinueux chemin qui les mènerait jusqu’à leur nouvelle planète.

Si l’état d’urgence avait été déclaré cela ne pouvait signifier qu’une chose : il y avait un soupçon de contamination. Le centre entier allait être immédiatement mis en quarantaine ! Les pauvres Primaux qui n’auraient pas la présence d’esprit de s’enfuir avant que toutes les issues ne soient condamnées risquaient de ne jamais revoir la lumière de la Terre promise briller dans le ciel.

Prise de panique, Mélofée chroma se mit à courir en toute hâte pour trouver l’échappatoire le plus proche. En tant que responsable scientifique des galeries dédiées aux molécules d’eau, elle connaissait par cœur tous les raccourcis des environs.

Il ne lui fallut pas plus de trois minutes pour déboucher jusqu’à un tunnel d’acheminement de matériaux. Plus loin, à quelques centaines de mètres en amont, on pouvait distinguer la vague lueur qui indiquait la sortie de la grotte. Elle bouscula une Mélodelfe un peu trop lente et se hâta vers le trou de lumière.

Soudain le sol se mit à trembler sous ses pieds et le diamètre de la lueur devant elle commença à diminuer.
« Attendez ! hurla-t-elle. Laissez-moi sortir. J’arrive ! »

Elle accéléra encore, chose qu’elle ne se serait pas crue capable en cet instant. La sécurité n’était plus qu’à une dizaine de mètres. Elle voyait avec précision les visages des guerriers qui étaient en train de sceller l’entrée. Ils ne l’écoutaient pas, ne la voyaient même pas. Pour eux elle n’était qu’un dommage collatéral dans la guerre sainte qu’ils livraient au Grand Serpent. Elle n’avait aucune importance et ils la condamneraient à la nuit sans l’ombre d’un remord.

Elle était à moins d’un mètre quand une guerrière Mélodelfe plaça une grosse roche qui boucha complètement l’entrée. L’obscurité tomba dans le tunnel et Mélofée chroma sentit ses jambes défaillir sous son propre poids.

Ils ne pouvaient pas, non. Non, ils ne pouvaient pas. Elle était une scientifique. Elle était importante. Sans elle, jamais le peuple de la lune ne pourrait faire revivre l’immense jardin verdoyant que son monde avait autrefois été.

Tout autour, on pouvait entendre gémir et pleurer d’autres Mélo, Mélofée ou Mélodelfe qui n’avaient pas non plus eu la chance de s’enfuir à temps du complexe. Aucun scientifique n’avait la force de déplacer les gros rochers pour débloquer un passage. S’ils essayaient, on les tuerait sans sommation. Il n’y avait plus qu’à attendre. Attendre dans le noir et le froid de ces cavernes de glace. Il n’y avait plus à espérer. Pour eux, le voyage vers la Terre promise ne serait qu’un doux songe.


151ème révolution du 8ème éveil
Méga-Mélodelfe attendait ce moment avec impatience. Il avait fallu des années de recherche et une minutieuse préparation pour en arriver là. Comme l’avait prophétisé le Dieu-Roi venu de par-delà les étoiles, le vœu du peuple lunaire serait bientôt exaucé : les derniers Primaux quitteraient leur monde mourant et prospèreraient sur la Terre promise.

Jusqu’à présent le Grand Serpent, protecteur et gardien de ce monde fabuleux, les avait empêchés de réaliser leur rêve de renouveau. Mais, grâce aux efforts des guerriers qui combattaient le monstre depuis plus d’un siècle et au support des scientifiques qui avaient développé de nouvelles armes, la longue attente arrivait à son terme. Le Grand Exode allait commencer. Il ne restait plus qu’à donner l’ordre…

Savourant ce moment, le chef de la caste guerrière se laissa immerger par les souvenirs de sa jeunesse :

Quand les équipes scientifiques avaient créé les gemmes de pouvoir, Méga-Mélodelfe avait été le premier à se porter volontaire pour tenter l’expérience. Il n’était alors qu’un simple soldat Mélodelfe. Comme tant d’autres, il avait subi dès son plus jeune âge l’éprouvant entraînement dans les camps militaires de la ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter. On y apprenait à se battre en apesanteur et à repousser les limites de son corps. Tous ne revenaient pas vivants des camps. Seuls les plus forts, les plus méritants et les plus endurcis réussissaient à passer les épreuves et décrocher l’honneur de se battre pour leur croyance.

Il avait été très fier le jour où sa Mélochef lui avait annoncé qu’il avait terminé major de sa promo et remis la tant convoitée Pierre de Lune afin qu’il puisse développer ses pouvoirs à un tout autre niveau en devenant un Mélodelfe.

Avaient suivi quatre années sur le terrain à combattre le Grand Serpent et tenter de percer une brèche vers le chemin de la Terre promise. Si l’entraînement dans les camps avait pu paraître un enfer, ce n’était rien comparé à ce que les troupes devaient subir quotidiennement. Les attaques incessantes du Quetzalcóatl terrestre menaçaient de les vaporiser à tout instant et le Primal lunaire perdit beaucoup d’amis lors des combats contre la créature démoniaque.

Un jour, après une bataille éprouvante où il avait vu mourir l’un de ses plus proches compagnons, son ancienne Mélochef du camp d’entraînement apparut pour lui faire une proposition… Dans le plus grand secret, une arme fabuleuse qui décuplait les pouvoirs venait d’être développée ! Celle-ci modifierait, une bonne fois pour toute, le cours de la guerre lui avait-on assuré.

Pour parvenir à mettre au point un tel résultat, des scientifiques avaient fait prélever une portion du noyau de la lune. Réputé pour ses propriétés, ce minerai était la chose la plus précieuse qui restait sur leur planète dévastée.

Afin d’assurer la complète discrétion du projet, on avait demandé à certains contremaîtrofées des excavations minières d’enlever subtilement quelques centaines d’ouvriers non qualifiés pour les faire travailler sur cette entreprise dangereuse.

Beaucoup étaient morts des suites de leur exposition prolongée aux radiations du cœur lunaire. On avait tenté de les dissimuler avec soin mais, même aujourd’hui, un ouvrier Primal trop curieux tombait parfois sur un corps desséché en creusant un peu trop profondément une paroi.

Ces sacrifices pouvaient paraitre élevés à certains mais ils n’avaient pas été faits en vain. Les équipes scientifiques avaient découvert qu’au contact du noyau lunaire, certains Primaux développaient de nouveaux pouvoirs pour une courte période.

Méga-Mélodelfe se souvenait parfaitement de ce qu’il avait ressenti lorsqu’il avait été testé dans la profonde Galerie 385. On avait activé la gemme devant lui et une lumière aveuglante l’avait ébloui. La souffrance avait été terrible alors qu’il sentait son corps se transformer et qu’une énergie débordante se répandait dans ses veines. Ce jour-là, il était devenu le premier Méga-Primal de la création.

Il ne s’était jamais senti aussi bien après coup.

En sortant de la salle il avait regardé autour de lui. Tout paraissait différent : plus petit, plus fragile. Sa vision avait été améliorée et il pouvait maintenant distinguer les formes dans l’obscurité. Il s’était tourné vers son mentor :

« Mélochef, je vous remercie. C’est un honneur que d’avoir été choisi pour être le premier représentant d’une race de super soldats.
- Non. C’est le peuple de la lune qui vous est reconnaissant d’avoir sacrifié une partie de votre espérance de vie. Bientôt d’autres suivront votre exemple et le chemin de la Terre promise nous sera ouvert. »

Le tout nouveau Méga-Mélodelfe avait acquiescé en silence. Pourtant un petit mystère qu’il venait de remarquer grâce à ses sens améliorés le tracassait.
« Mélochef, permission de parler librement ?
- Accordé. C’est le moins que nous pouvons faire. »

Le Méga-Primal avait hésité un bref instant.
« En traversant les tunnels du complexe j’ai remarqué une chose étrange. Nous nous sommes rendus dans la Galerie 385 qui est censée être la plus profonde et la plus secrète de nos installations scientifiques. Elle n’est pas comme les autres Galeries qui s’occupent de convertir l’ADN des Primaux disparus de notre planète dans des pierres afin de lunaformer la Terre promise le jour du Grand Exode.
- Oui, le but de la Galerie 385 est bien de nous fournir de nouveaux moyens de combattre le Grand Serpent, commenta la Mélochef. Mais où voulez-vous en venir ?
- Eh bien, j’ai remarqué l’existence d’une 386ème galerie, plus bas encore. Je peux la distinguer clairement grâce à mes ultrasons. A… A quoi sert-elle ? »

La Mélochef était restée silencieuse un moment. Puis un mince sourire était venu tirer son visage d’habitude si flegmatique : « Vous savez bien qu’en cas d’imprévu, il faut toujours un plan de secours. Vous n’avez pas besoin d’en savoir plus. Et maintenant, rompez soldat ! »

Le temps avait encore passé. Méga-Mélodelfe était retourné sur le champ de bataille et gravi peu à peu les échelons. Ses nouveaux pouvoirs lui avaient permis de gagner une grande renommée parmi ses compatriotes et bientôt d’autres Méga-Primaux se joignirent aux troupes.

La guerre était toujours dure et coûteuse en vies mais un nouvel espoir faisait bondir leurs cœurs. La communauté lunaire sentait que le jour du Grand Exode approchait.

Puis l’incident connu plus tard sous le nom de « 386 » menaça de tout gâcher :

Le centre scientifique de raffinement sud dans lequel on menait les expériences sur les Méga-Primaux fut mis sous quarantaine et passa aux mains des militaires. On soupçonnait une fuite dans le système de sécurité qui risquait de répandre un virus extrêmement dangereux sur la planète déjà mourante.

Le scandale fut si grand que pendant un instant l’ordre établi depuis plus d’un siècle vacilla sur ses fondations. Les ouvriers ne voulaient plus miner, les scientifiques refusaient de chercher et les guerriers évitaient de combattre.

Méga-Mélodelfe était trop fier pour rester les bras croisés alors que tous les efforts consentis par leur civilisation étaient réduits à néant par des groupuscules qui, soudain, prônaient la supériorité du bien être individuel sur le bien commun. Il rassembla autour de lui des fidèles qui partageaient la même vision d’un état bienveillant mais autoritaire, prêt à guider ses concitoyens sur le droit chemin… et à éliminer les éléments perturbateurs.

Sa première décision fut de s’emparer de la grotte royale où reposait leur Dieu souverain afin de s’assurer de la loyauté religieuse des populations. Ayant déjà le soutien des militaires de son côté, soumettre le reste ne fut plus qu’une question de temps. Une à une les institutions gouvernementales tombèrent sous son égide et les groupuscules rebelles furent balayés par la répression.

Durant cette période, les opposants au régime étaient déportés dans les carrières en tant qu’ouvriers et affectés au travail le plus pénible et aux tâches les plus dangereuses. La plupart moururent moins d’un an après leur arrivée dans ces camps de travail forcé.

Tous ces chamboulements détournèrent pendant plusieurs années le peuple de la lune de la conquête de la Terre promise. Pourtant, pas un seul jour ne passa sans que Méga-Mélodelfe ne songe à cette sphère bleuté qui pendait au-dessus de leurs têtes, hors de portée.

Le complexe sud finit par rouvrir. On avait écarté la menace et la grotte glacée était désormais exclusivement réservée à la recherche militaire et au développement des gemmes de pouvoir.

Le raffinement des Pierre de feu et des autres ne pourraient être achevée avant le Grand Exode. Mais le temps manquait et Méga-Mélodefle connaissait ses priorités : l’armement.

Après bien des efforts des meilleurs scientifiques de la nation, on réussit enfin à contrôler le fameux virus responsable de la fermeture du complexe et à le transformer en arme chimique. D’origine extra-lunaire la substance avait été nommée « Virus 386 » en hommage à la Galerie qui avait si longtemps abrité les recherches.

Le maîtriser n’avait pas été facile. Lors de la période de rébellion, les opposants de Méga-Mélodelfes l’avaient accusé de mettre en danger la planète. Le virus était trop dangereux, trop instable pour être contrôlé ; il risquait d’anéantir toute vie possible sur la lune si on le laissait s’échapper. Mais ils avaient eu tort ! Tous les préparatifs étaient terminés. Leur vœu était sur le point de se réaliser.

Voilà donc à quoi pensait Méga-Mélodelfe en regardant le cadran qui indiquait que la 150ème rotation de la lune autour du soleil était révolue. La 151ème révolution depuis le 8ème éveil du Dieu-Roi venait de commencer ! L’heure était au Grand Exode.

Le chef du peuple lunaire laissa ses derniers ordres et ordonna le début des opérations, puis se retira dans la grande antichambre de la grotte royale où reposait le corps endormi du Dieu-Roi.

Son cœur qui battait la chamade aurait pu faire croire qu’il se sentait excité par l’imminence de leur victoire. Au contraire, il était tout à fait calme.
Il marcha le long du tunnel à pas lents, de la sueur lui dégoulinait sur le front et il sentait ses jambes devenir de plus en plus lourdes. Quand il entra dans la chambre royale, sa vision était trouble.

Il n’eut cependant aucun mal à repérer le petit corps jaune et blanc du Dieu dont la poitrine se soulevait à intervalle régulier. Il faudrait attendre encore 849 rotations avant que le Faiseur de vœu ne s’éveille à nouveau. Humblement, Méga-Mélodelfe s’agenouilla devant lui.

L’éclat de la Gemme de pouvoir attachée à son poignet lui faisait mal à la tête. Elle ne l’avait jamais quitté depuis le jour où il avait méga-évolué. Et maintenant il ne restait plus beaucoup de temps.

« Oh ! Seigneur Jirachi, s’écria-t-il. Grand souverain de notre monde, pardonne à ce pauvre impudent de venir t’importuner pendant ton repos. Je ne suis que le serviteur de ta volonté et en cette heure grave, je viens chercher la paix de l’âme à tes côtés.

J’ai fait bien des choses terribles tout au long de ma vie. J’ai pris le pouvoir au nom d’un rêve égoïste. Beaucoup sont morts pour le réaliser. Je ne pourrais même pas les compter. Pourtant je ne regrette rien.

Sans quelqu’un comme moi au pouvoir, nous aurions périclité et fini par disparaître de la surface de la lune. Oubliés des mémoires. Détruite notre civilisation.
J’offre aux Primaux lunaires une dernière chance de salut. Le sacrifice que je demande avant de rejoindre la Terre promise est terrible. Dans la bataille qui s’annonce des millions périront. Mais même si une seule de nos météorites devait arriver à destination, mon souhait serait exaucé.

Pourquoi étais-je obligatoire dans le parachèvement de ton plan impénétrable, Seigneur Jirachi ? Combien d’autres y en aura-t-il comme moi qui, sans remords, briseront des milliers de familles au nom d’un idéal qui leur est cher ? »

Des larmes roulèrent sur les joues de Méga-Mélodelfe et il retint un sanglot. Il ne pouvait pas se déshonorer en présence de Dieu.

« L’enfer est pavé de bonnes intentions. De l’ironie je suppose. Pour moi il est trop tard. Jamais je ne foulerai le sol de la Terre promise. C’est le prix que je dois payer pour tous les méfaits que j’ai pu commettre. Mes forces me quittent, drainées par cette gemme. Elle reprend son dû, ce si grand pouvoir qu’elle ne faisait que prêter. Que mon œuvre réussisse ou non, je ne serai pas là pour le voir. A présent je décline. »

Partout sur la lune on entendit les détonations qui indiquaient le début du Grand Exode du peuple de la lune. Des millions de petits météores quittèrent l’orbite du satellite et se dirigèrent vers la Terre promise. Le spectacle était magnifique. On aurait dit une horde d’étoiles filantes à la queue enflammée. Les points brillèrent un moment dans le ciel comme un milliard de feux d’artifice, puis disparurent un à un, avalés par la voracité infinie de l’espace.

Sur la lune, il n’y avait plus personne pour profiter de cette vision digne des légendes. Méga-Mélodelfe était déjà mort.

Au même instant, camouflé dans la couche d’ozone, le Grand Serpent surgit au-dessus des nuages. Autrefois, il aurait pu contenir l’invasion qui se préparait grâce à son incommensurable pouvoir. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui il était las, fatigué d’avoir mené une guerre sur deux fronts et ses forces n’avaient pas eu le temps de régénérer.

Pourtant, il n’hésita pas une seconde à se lancer dans la bataille, vaporisant de son souffle les Primaux dont la trajectoire lui était proche.
Ironiquement, le Virus 386 n’eut aucun impact sur l’issue du combat. Touchée par un rayon du Primal céleste, la météorite qui le transportait éclata en morceaux et se dispersa dans l’espace. Ce danger était écarté… provisoirement.

Le reste de la bataille fut sans conteste l’une des plus meurtrières de l’histoire des Primaux. Hurlant sa rage, le Grand Serpent détruisit autant de météorites qu’il le put, tuant sans distinctions familles innocentes et soldats apeurés. Un nuage de débris, dont il faudrait des millions d’années pour qu’il se disperse, entoura la planète.

Pendant des heures le dragon vert se démena pour empêcher le peuple de la lune de corrompre la vie terrestre. Si jamais ils atterrissaient, la pureté de son monde s’en trouverait menacée. Ses efforts furent vains.

Comme l’Histoire l’a démontré, les Primaux lunaires poseraient finalement la patte sur leur Terre promise. Ils amèneraient avec eux l’ADN de leur jadis luxuriante planète ainsi qu’un tout nouveau patrimoine génétique qui modifierait, aussi bien sur le court que sur le long terme, une grande partie de la faune et la flore de toute la planète.

Ainsi, il faudrait attendre encore quelques millions d’années, que l’évolution fasse son œuvre, pour que les premiers humains ne se redressent sur leurs deux pieds. Alors tous marcheraient ensemble, le nez levé vers la lune, et les étoiles, et l’espace infini.

Mais ceci est une autre histoire.