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Alola ! Les vacances de la Méga-Évolution ! de FaNhistoria



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Informations

» Auteur : FaNhistoria - Voir le profil
» Créé le 09/11/2018 à 18:20
» Dernière mise à jour le 31/03/2019 à 18:08

» Mots-clés :   Action   Alola   Amitié   Kalos   Présence de shippings

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Éclats
Alain se réveilla en sursaut, tiré de son sommeil par un cri déchirant au beau milieu de la nuit. Le jeune homme se leva aussitôt et attrapa la Poké Ball de Dracaufeu avant de courir dans le couloir. Il tendit l’oreille à l’affut du moindre bruit et ne tarda pas à entendre de nouvelles plaintes étouffées suivies d’un grand fracas et d’un son de verre brisé. 

Il se figea, pris d’un sentiment de malaise grandissant. 

Ce vacarme provenait bien de la chambre de Manon. 

Cédant peu à peu à la panique, le dresseur se précipita vers la porte et frappa à grands coups sur celle-ci. 

- Manon ! C’est moi, Alain ! Qu’est-ce qui se passe !? Tu vas bien !? Ouvre-moi ! cria-t-il en s’efforçant de masquer au mieux toute trace d’affolement dans sa voix. 

Aucune réponse, toujours les mêmes plaintes apeurées, les bruits d’objets, de meubles que l’on renverse. 

Alain commença à perdre son sang-froid et tira désespérément sur la poignée, mais en vain. Elle refusait de céder. Il se remit à crier tout en tambourinant à la porte verrouillée:

- Manon ! Tu m’entends ! Manon ! 

Le jeune homme donna un dernier coup rageur dans le bois lisse et clair. Il grogna et recula jusqu’à toucher le mur opposé. Verrouillée ou pas, une fois sortie de son cadre cette stupide porte ne serait plus un problème. 

- J’arrive ! s’écria-t-il, prêt à s’élancer et à lui régler son compte.

Mais avant qu’il ne le fasse, le loquet céda, déverrouillé de l’intérieur, et Marisson sauta à terre avant de courir vers lui, l’air bouleversé. 

- Rima riiii ! couina le Pokémon plante, les larmes aux yeux. 

- Qu’est-ce qui se passe !? s’alarma Alain en s’agenouillant à son niveau. 

- Ma ma maaaa ! fit le hérisson en secouant la tête et en tirant le poignet du jeune homme à deux pattes en direction de la chambre de sa dresseuse. 

Un nouveau bruit de verre brisé les fit sursauter. Il n’en fallut pas plus au dresseur qui se précipita à nouveau vers la porte et l’ouvrit en grand. 

Le spectacle qu’il découvrit à l’intérieur le laissa bouche bée. 

Le lit était en pagaille, comme s’il venait de servir de terrain à une lutte sans merci. Le drap blanc et fin servant de couverture avait été déchiré, et l’oreiller dont la taie était à moitié retirée avait atterri à l’autre bout de la pièce. Quelques « Poupées Pokémon » avaient également subi le même sort. La table de chevet avait été renversée et le réveil qui avait dû y trôner se trouvait maintenant par terre. Des cadres avaient chuté, recouvrant le sol d’éclats de verres. 

Et au milieu de ce chaos, se trouvait Manon, recroquevillée par terre, secouée par des sanglots incontrôlables. 

- Manon… ! s’écria le jeune homme en allumant la lumière et en accourant vers elle. 

Il voulut la toucher, mais la jeune fille l’écarta brutalement et se traîna loin de lui avec l’énergie du désespoir. 

- NON… ! À… À L’AIDE… ! cria-t-elle, les yeux vides et pleins de larmes, comme hantée d’une vision qui lui échappait.

- Manon, écoute-moi, retenta le jeune homme en se rapprochant lentement et en adoptant une voix aussi calme et rassurante que possible, c’est moi, Alain. Je peux t’aider, mais il faut d’abord que tu me dises ce qui ne va pas…

- NON… ! NON… ! JE NE PEUX PAS…. ! IL EST LÀ ! continua Manon terrifiée, les mains plaquées sur son ventre, le dos collé au mur. 

- Manon, qui est là ?! insista le noiraud, maintenant accroupi à moins d’un mètre de la jeune dresseuse. 

- NON !...IL… !

Elle secoua vigoureusement la tête et baragouina des mots incompréhensibles. Puis elle se remit à hurler et faillit se jeter dans les morceaux de verre tranchants éparpillés sur la moquette. Heureusement, Alain fut plus rapide. Il la rattrapa par le bras et l’attira contre lui. La jeune fille, terrorisée, cria de plus belle et se débattit comme une diablesse pour échapper à son emprise. 

Bon sang ! Qu’est-ce qu’elle voulait à la fin !? Qu’il la laisse s’ouvrir tranquillement les veines avec des débris de verre !? Et ses hurlements de détresse le rendaient fou ! Fou d’inquiétude, de colère, d’impuissance. Il sut en cet instant que ce bruit était celui qu’il détestait le plus au monde.

Complètement désemparé, Alain fit la seule chose qui lui passa par la tête. Il entoura Manon de ses bras et la tint serrée contre son torse.

Par pitié, qu’elle se taise ! 

La rouquine laissa échapper encore quelques cris étouffés contre sa poitrine, incapable de reprendre son souffle. Il ne bougea pas, jusqu’à ce qu’elle se calme et cesse toute résistance. Alors, il relâcha son étreinte et la regarda. 

Ses yeux rouges, hagards, gonflés de larmes, son teint, pâle comme la mort, ses cheveux en bataille. Elle avait l’air d’une rescapée. 

La jeune fille paraissait néanmoins avoir repris pied avec la réalité. Elle le fixait avec un mélange d’incompréhension, de soulagement et de peur. 

- Alain… gémit-elle d’une voix brisée. 

Des larmes silencieuses continuaient à couler sur ses joues. 

Il en essuya une, puis deux et l’attira doucement contre lui. Il la laissa sangloter un moment contre son épaule tout en lui murmurant des mots rassurants. Il finit par s’écarter d’elle tout en gardant ses mains autour de ses frêles épaules.

- Ça va ? Tu as mal quelque part ? lui demanda-t-il en tout premier lieu. 

Manon renifla et hocha la tête. 

- Où ça ? s’enquit aussitôt le jeune homme. 

- Il… il m’a… blessée… au ventre, hoqueta la jeune dresseuse, la main crispée sur son estomac. 

Alain décida d’ignorer la question de ce « il », il l’interrogerait à propos de ça plus tard, quand elle irait mieux. Pour le moment, sa santé était prioritaire.

- Au ventre ? 

La rouquine acquiesça et remonta son haut de pyjama d’une main tremblante. 

Sa peau, immaculée, ne présentait pas la moindre égratignure. 

Manon resta un instant immobile à fixer la partie dénudée comme pour se convaincre que ce qu’elle voyait était vrai. Puis, elle remit son haut en place et poussa un long soupir frémissant. Des larmes, de soulagement cette fois-ci, perlèrent au coin de ses yeux. 

Le dresseur crut l’entendre murmurer quelque chose comme « alors elle n’est pas morte » avant qu’un autre gémissement n’attire son attention. Il tourna la tête et aperçut Marisson qui les observait d’un air soucieux, caché derrière la porte.

- C’est bon, tout va bien, le rassura Alain en l’invitant à approcher. 

D’abord hésitant, le Pokémon plante s’avança prudemment au milieu des cadres en bois et des fragments de verre avant de se précipiter vers sa dresseuse et de se jeter dans ses bras. 

La jeune fille lui rendit son étreinte et le berça tout en répétant en boucle « ce n’était pas la réalité, pas la réalité, pas la réalité ». 

Dracaufeu, qui avait dû constater un retour au calme, vint également les rejoindre et les entoura de ses ailes, en un geste protecteur. 

- Je…je suis désolée, commença Manon d’une voix ténue et tremblante, je... ne voulais…pas…

Elle fut interrompue par des éclats de voix et des bruits de pas provenant du couloir. Soudain, Vicky apparut dans l’encadrement de la porte, suivie de près par Beladonis. 

- Est-ce que ça va !? s’exclama la sous-directrice, hors d’haleine. Nous avons entendu des cris et… ! 

En remarquant l’état de la chambre, elle se tut immédiatement, pétrifiée sur place. 

- Que… !? fit Beladonis, tout aussi interloqué. 

Une fois la surprise passée, Vicky demanda l’air grave :

- Qu’est-ce qui s’est passé ici ? 

Dracaufeu s’écarta pour permettre à son dresseur de se relever et vint se placer derrière Manon. 

Debout au milieu de la pièce à l’allure chaotique, Alain déclara avec un regard lourd de sens :

- Je pense qu’on ferait mieux d’aller en parler ailleurs. 

------------

Manon souffla sur sa tasse et aspira un peu de thé brûlant. D’ordinaire, elle attendait toujours que la boisson refroidisse et atteigne le palier idéal, c’est-à-dire entre le moyen-tiède et le tiède à froid. Pourtant cette fois-ci elle n’en fit rien. Après avoir affronté le froid humide de la grotte, toute source de chaleur semblait bonne à prendre. La jeune fille s’enroula encore un peu plus dans la couverture bleu nuit en laine de Wattouat et se pelotonna contre le dossier moelleux du canapé en cuir de la salle de repos. Alain, lui, n’avait pas touché une seule fois à sa tasse de thé. D’ailleurs, elle le soupçonnait d’avoir accepté la boisson par simple politesse. Elle se mit à promener son regard un peu partout dans la pièce, sur Dracaufeu à moitié endormi, dont la tête reposait nonchalamment sur le haut du canapé, sur Marisson, assis sur le coussin à sa gauche et qui faisait tout son possible pour rester éveillé, sur l’ étonnante (ou affreuse elle n’avait pas encore décidé…) horloge coucou fixée au mur, sur laquelle était gravée l’inscription « Alola hi hou ! », sur les motifs floraux de la théière en porcelaine, sur la fenêtre qu’on avait refermée et qui laissait voir l’obscurité du dehors, trouée par une armée de petits points lumineux dans la voûte céleste… Partout, sauf sur les deux adultes aux regards pressants assis en face d’elle, de l’autre côté de la petite table en verre... 

- Manon, tu as bien dit une UC ? l’interrogea Vicky, pour la deuxième fois. 

- Je… Oui, acquiesça la rouquine. 

- Tu arriverais à nous la décrire ?

Oui, bien sûr qu’elle y arriverait, mais est-ce qu’elle le voulait ? Elle avait déjà eu du mal à évoquer ses nuits passées enfermée dans la grotte… et certaines choses dites à haute voix prenaient un aspect bien plus réel… Si elle l’enterrait au plus profond d’elle-même, jusqu’à l’effacer de sa propre mémoire, alors ce serait comme si la bête n’avait jamais existé.

Manon croisa le regard concerné d’Alain qui la fixait comme pour l’encourager à poursuivre. 

Non, elle le savait, ce n’était pas la solution. 

Alors à contrecœur, elle s’exécuta et tenta de se rappeler l’ignoble créature dans tous ses horribles détails. Lorsqu’elle eut terminé, Vicky parut réfléchir un instant, avant de secouer la tête.

- Non, je ne crois pas que nous ayons déjà eu affaire à une Ultra-Chimère comme tu nous l’as décrite… déclara-t-elle avant de se tourner vers Beladonis. Et vous ? Est-ce que cela vous dit quelque chose ? 

Maintenant que la sous-directrice captait toute l’attention de l’agent de la police internationale, Manon put à nouveau se résoudre à poser les yeux sur lui (chose qu’elle avait volontairement évité de faire depuis le début de leur entrevue improvisée, en raison du malaise que cette action provoquait en elle). Le Beladonis de son rêve lui avait semblé plus jeune, bien qu’elle ne puisse vraiment dire avec certitude de combien d’années, plus inexpérimenté aussi. Son visage était resté le même, bien qu’un peu plus marqué par le temps et ses cheveux étaient peut-être légèrement plus gris… 

La jeune fille guetta sa réaction, tandis qu’il s’apprêtait à répondre à la sous-directrice. 

- Non, fit Beladonis en se grattant le menton, ça ne me dit rien du tout. Cela dit je pourrais peut-être me renseigner auprès d’autres agents du P.L.O.U.C ou fouiller dans les archives de la base… 

S’il était au courant de quelque chose, il n’en laissait rien paraître… 

- Bien… reprit Vicky d’un air las. Si je récapitule, tu as dit Manon qu’après avoir erré dans la grotte durant plusieurs nuits, cette UC avait fini par te retrouver et qu’elle avait tenté de… elle sembla hésiter quant aux mots à employer, …de te tuer ? 

Au souvenir de la douleur provoquée par la pince de métal déchirant ses chairs, la jeune dresseuse tressaillit. 

Elle acquiesça en reprenant une gorgée de thé, déplia les genoux et se baissa pour reposer la tasse sur la table devant elle. Elle reprit sa position initiale sans dire un mot et finit par ajouter gravement en fixant Beladonis : Mais avant, la chose l’a tuée elle… 

Elle crut deviner un bref éclat de surprise dans les yeux de l’agent de police. 

- Elle ? l’interrogea Alain perplexe. 

- Oui… je… en fait je n’étais pas seule…

Il y eut un moment de silence durant lequel même Dracaufeu quitta sa semi-somnolence pour afficher une mine confuse.

La rouquine détourna le regard et reporta son attention sur Marisson qu’elle installa sur ses genoux.

- Pas seule ? répéta Vicky d’un air hésitant. Tu entends… ? 

- Ils étaient trois, deux hommes et une femme et je crois qu’ils étaient venus combattre ce monstre, mais ils l’ont sous-estimé et… sa voix se brisa. Sa lèvre inférieure se mit à trembler et le maigre barrage qui retenait encore ses larmes menaçait de céder à nouveau à tout instant. Elle ferma les yeux pour chasser de sa mémoire la dernière expression d’horreur figée à jamais sur le visage sans vie de Sky, prit une grande inspiration et souffla pour se calmer. 

Manon sentit la patte de Marisson se poser sur le dos de sa main en signe de soutien. 

- Mon chou, tu n’es pas obligée, la consola Vicky d’une voix douce. 

La jeune fille secoua la tête et se força à terminer.

- Ils l’ont sous-estimé et la…. femme… ne s’en est pas sortie… 

Elle aurait aimé vérifier si l’expression de Beladonis avait changé, mais elle s’en sentit brusquement incapable. Incapable d’affronter son regard à lui, leurs regards à tous. Elle baissa la tête et serra son Pokémon tout contre elle. 

- Ma pauvre chérie, fit la sous-directrice de la fondation en se levant pour la prendre dans ses bras. Tu es à bout et nous n’arrêtons pas de remuer toutes ces choses pénibles. 

Manon se laissa aller contre l’épaule de la jeune femme et son parfum si féminin aux notes de jasmin eut pour effet de l’apaiser. 

- Tu devrais aller te reposer, lui dit-elle avec bienveillance. 

Elle acquiesça et Vicky la libéra de son étreinte pour lui permettre de se relever. 

Alain se remit debout également et rappela Dracaufeu, qui disparut dans sa Poké Ball dans un dernier bâillement. 

Manon ôta la couverture de ses épaules et la plia en quatre avant de la reposer sur le canapé. Avant de partir, la jeune fille croisa le regard interrogateur de Beladonis. 

- Manon, commença-t-il prudemment, ces gens, tu les connaissais ?

Elle le fixa intensément en proie à une tempête de sentiments contradictoires. Au terme d’un long silence elle finit par répondre :

- Non. 

C’était peut-être un changement infime, mais l’homme lui parut soudain plus détendu. Ou c’était peut-être son cerveau qui lui jouait des tours ? Pour changer… L’humain avait peut-être un peu trop la fâcheuse habitude de prendre ses rêves pour des réalités… 

La jeune fille quitta la pièce en laissant derrière elle sa tasse de thé presque entièrement pleine et qui pourtant, devait avoir atteint la température parfaite. Tout en marchant, elle songea que d’ordinaire, sa fierté l’aurait empêchée de laisser des adultes qu’elle connaissait à peine la traiter comme un pauvre enfant en détresse. D’ordinaire elle aurait peut-être veillé tard, mais seulement pour imaginer des listes et des listes de potentielles activités de vacances pour le lendemain. D’ordinaire, elle aurait continué à sourire et voir le bon côté de chaque situation, à questionner Alain sur les milliers de choses concernant les Pokémon qu’elle ignorait encore et à tenter de l’entraîner dans toutes sortes d’activités loufoques…

Pourtant, ce « moi » ordinaire semblait avoir disparu, supplanté en quelques heures par cette pauvre petite chose faible et angoissée qu’elle était devenue. 

Peut-être parce que d’ordinaire, elle ne voyait personne mourir dans d’atroces souffrances et ne mourait pas non plus oubliée du monde dans des cavernes obscures.