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Shades of Blue de Yûn



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» Auteur : Yûn - Voir le profil
» Créé le 13/10/2018 à 01:48
» Dernière mise à jour le 13/10/2018 à 12:25

» Mots-clés :   Drame   Famille   Kanto   Présence de personnages du jeu vidéo   Slice of life

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I - What's The Use Of Feeling Blue
Cela faisait presque cinq minutes, désormais, que le bruit sourd des lourdes portes se refermant derrière lui résonnait dans ses oreilles. Cinq minutes que les lampes s’étaient toutes éteintes quand les autres avaient passé les battants de bois, ne laissant que de rares veilleuses adoucir la pénombre. Cinq minutes qu’il était seul, debout dans la pièce redevenue si sombre. Cinq minutes que ses yeux gris écarquillés fixaient la créature étendue au sol devant lui, que l’on aurait presque pu croire endormie. Cinq minutes qu’il sentait dans son dos la présence pesante du trône qu’il avait occupé un si bref instant, de ce titre qu’il avait effleuré, lui avait souri avant d’en choisir un autre. Cinq minutes qu’il avait la poitrine si serrée qu’il avait l’impression de ne plus pouvoir respirer. Cinq minutes, que chaque inspiration saccadée lui rappelait la douloureuse réalité qui était la sienne.

Il avait échoué.

Il bloqua sa respiration l’espace d’un instant, déglutit toute la bile accumulée dans sa salive. Son bras se leva alors dans un mouvement hasardeux, pour se tendre en direction de l’être inanimé. Il ne parvenait pas à stabiliser sa main tremblante, dont les doigts crispés semblaient soudés au métal de la capsule qu’ils tenaient.

« R-Rev… Viens… » parvint-il difficilement à articuler.

Un rayon rougeoyant jaillit hors de la sphère, mais sa trajectoire linéaire était visiblement impactée par les secousses agitant le jeune homme. Le jet de lumière traversa la pièce, la dotant d’un voile semblable en tout point à un coucher de soleil. Ce même manteau incandescent enveloppa bien vite la créature inerte, qui finit par revenir vers le globe bicolore et laisser à nouveau place aux ténèbres.
Son bras retomba mollement le long de son corps, comme privé de la moindre force. Puis, d’un pas lent, titubant, il prit le chemin de la porte. Pas celle derrière lui. Non. Celle-ci lui était refusée. Interdite. Condamnée. Dans cette pièce à deux issues, seul le vainqueur avait cet honneur. Les minables, eux, devaient refaire tout le chemin qu’ils avaient parcouru pour atteindre ce sommet où ils s’étaient brisés les ailes.

La traversée de l’arène lui sembla durer une éternité, au point qu’il fut obligé de se reposer un bref instant sur le mur quand il atteignit le couloir. Sa respiration courte ne laissait aucun doute quant à la difficulté qu’il avait eue à mettre un pied devant l’autre. La tête lui tournait.
Soudain, un spasme au ventre le saisit. Il plaqua aussitôt une main sur sa bouche pour tenter d’endiguer ce malaise qui le prenait. En vain: plié en deux, la tête penchée vers l’avant, il déversa par terre le contenu de son estomac, hoquetant parfois tandis que les sucs gastriques lui brûlaient la gorge.
Il finit par se redresser. Un arrière-goût amer lui restait en bouche, mais la nausée n’en était pas seule responsable. Il essuya ses lèvres d’un geste rageur. Serra les dents. Bon sang… Il devait quitter cet endroit au plus vite ! Personne ne pouvait -non, ne devait le voir dans un état aussi pitoyable !
Une main toujours appuyée sur le mur, il reprit sa pénible progression de sa démarche chancelante.

Quand il les entendit.

Les acclamations éclatèrent en un tonnerre tonitruant, que même les murs épais du bâtiment ne purent stopper entièrement. La clameur lui cingla les oreilles. Un électrochoc, une gifle qui le figea instantanément. Ses yeux hagards étaient rivés sur le sol. Son poing se ferma, enfonçant tant ses doigts dans sa paume que ses ongles en entamèrent la chair. Ce triomphe. Il aurait dû lui être destiné.
Le vacarme bourdonnait dans son esprit. Incessant. Envahissant. A le rendre fou.
Incapable d’en supporter davantage, il plaqua ses mains contre ses oreilles, secoua la tête, ses doigts tirant sur ses cheveux roux comme pour se les arracher.

« La ferme, la ferme, la FERME, LA FERME !!
- Blue ? »

L’appel de ce nom le sortit brusquement de sa torpeur. Cette voix… Aucun doute. C’était lui.
Ses doigts relâchèrent sa chevelure malmenée, alors que la bile se faisait à nouveau sentir dans sa bouche. Il redressa laborieusement son corps tordu par l’émotion, cherchant à retrouver un peu de sa contenance. Il refusait qu’il le voie ainsi. Il ne lui donnerait pas cette satisfaction.

« Qu’est-ce que tu fous là, » fit-il d’une voix si sèche qu’elle sembla claquer dans le couloir comme un fouet. Il restait résolument le dos tourné à son interlocuteur. « Tu ferais mieux de retrouver ton petit protégé, je suis sûr qu’il serait ravi.
- Est-ce que ça va...? »

Cette question se trouva sans réponse. Ou plutôt… Elle fit se tordre les lèvres du jeune homme roux en un sourire, une grimace difforme. Il… Il avait le culot de lui demander ça. Un rictus nerveux lui échappa, secouant sa carcasse exténuée, montant progressivement en un crescendo décousu.
Pour finalement éclater en un rire. Un rire à gorge déployée, qui rebondit sur les murs du couloir pour donner un écho funeste à ce pauvre diable. Un rire dissonant, où mille émotions s’entretuaient. Rage, honte, détresse, dégoût, désespoir, douleur, fureur, rancoeur, impuissance, humiliation. Toute une bombe émotionnelle, amorcée au moment où son ultime Pokémon s’était retrouvé sur le flanc, inanimé. Dont le compte à rebours s’était drastiquement raccourci au moment où il était entré dans l’arène, une fois le match fini. Et qui avait fini par exploser devant cette question si hypocrite.

« Ah… Ne me fais pas rire, lâcha-t-il enfin, une fois sa crise partiellement retombée. Comme si tu te souciais de moi le moins du monde…
- Mais enfin ! Bien sûr que je me fais du souci pour t-...! »

Blue fit volte-face sans même lui laisser le temps de finir sa phrase.

« NE TE FOUS PAS DE MOI ! »

Le rugissement se répercuta violemment dans le couloir, alors qu’enfin, son grand-père put voir son visage. Ses traits déformés par la pelote d’aiguilles qui lui déchirait la poitrine. Son orgueil brisé dans ses pupilles grises. Jamais, en vingt ans, il n’avait vu son petit-fils en proie à une telle souffrance.

« Pas une seule fois dans ta vie tu t’es demandé ce que je ressentais ! vociféra-t-il d’une voix vacillante. Pas une seule ! »

Il s’interrompit, à bout de souffle. Mais reprit bien vite.

« Est-ce que tu as seulement la moindre idée de ce qu’être ton putain de petit-fils signifiait ?! De la pression qu’on me foutait ?! Tu sais ce qu’on me disait à chaque fois que je donnais une bonne réponse à l’école ?! “Oh, tu n’es pas le petit Oak pour rien !” Que ce soit en maternelle, en primaire, au collège ou au lycée, j’y ai toujours eu droit ! Par contre ! Si j’avais le malheur de faire la moindre petite erreur, de me tromper sur une date, un chiffre, n’importe quoi ! Oh, mais alors là ! C’était tout de suite ”Ah, mais que dirait ton pauvre grand-père…” ! »

Ah… Il fut une nouvelle fois obligé de s’arrêter pour reprendre sa respiration. Il n’avait pas encore récupéré, et cette fureur vrombissante qui s’était emparée de lui n’arrangeait rien à l’affaire. Pourtant, il refusait de lâcher le morceau. Il était sur sa lancée, et bien décidé à s’attaquer à l’iceberg entier.

« Mais ça encore, tu vois, je m’en fichais, » poursuivit-il d’une voix légèrement plus calme. Enfin, si par plus calme, on comprenait passer d’une Colère à une simple Frénésie. « L’opinion des autres, leurs attentes, leurs jalousies, tout ça ça me passait largement au-dessus de la tête. Par contre… »

Ses prunelles grises se durcirent, vinrent fusiller le vieillard face à lui.

« Toi, tu vois, ton opinion, elle m’importait. En fait, je voulais tellement que tu sois fier de moi que j’ai tout essayé. J’ai égalé le record de Misty, en parvenant à amadouer un Léviator à l’âge de 15 ans, énuméra-t-il. J’ai passé de longs mois aux côtés de Brock, à me casser le dos dans le Mont Sélénite et le Souterrain, pour enfin réussir à trouver un fragment de Vieil Ambre et être le premier Kantonais à ressusciter un Ptéra depuis Lance ! J’ai même assisté Bill dans la programmation et les tests de son système de stockage et de transfert de Pokémon, parce que je savais combien ça t’aiderait dans tes recherches ! »

Il se redressa, toisant le vieil érudit désemparé de toute sa hauteur.

« Mais tout ce que j’ai jamais réussi à t’arracher, c’est un petit hochement de tête. Ce n’était pas assez. Ce n’était jamais assez ! Alors je me suis dit que j’allais accomplir quelque chose. Quelque chose de si grand, de si énorme que même toi, tu serais obligé de reconnaître ma valeur. Et tu sais quoi ? J’ai réussi. »

Blue écarta les bras, la tête rejetée en arrière, la bouche déformée en un sourire dément. Comme le prince déchu qu’il était.

« Je suis le premier Dresseur à avoir rassemblé les huit badges de Kanto en six ans ! s’extasia-t-il d’une voix triomphale. Le premier à avoir vaincu le Conseil des 4, à avoir détrôné Lance après neuf ans de règne ! Moi, le nouveau roi de Tohjo !* J’allais enfin avoir droit à ton approbation ! »

Un éclat de rire distordu accompagna cette dernière déclaration, dont l’écho ne faisait que souligner la tristesse.
Ses bras se replièrent alors. Ses mains se refermèrent. Il baissa la tête, ses mèches rousses dissimulant partiellement son visage voilé.

« A chacun de mes combats, je regardais vers les tribunes, en espérant te voir, lâcha-t-il dans un murmure. A chaque victoire, je me disais que la suivante serait la bonne. Que tu ne pouvais pas manquer mon sacre. Mon jour de gloire. Et j’ai continué. Lorelei. Bruno. Agatha. Lance. Je les ai tous affrontés. Je les ai tous vaincus. Ils m’ont tous pressé de faire la cérémonie d’intronisation. Mais non. Je leur ai dit d’attendre. Que tu viendrais. Que tu devais venir. Et tu l’as fait… »

Le regard qu’il lui adressa alors aurait eu de quoi paralyser un Magnéton, tant ses pupilles débordaient d’une ivresse écumante, une colère sourde que rien ne saurait contenir.

« … Mais pas pour moi. » Sa voix était devenue une lame acérée, prête à empaler quiconque tenterait de lui faire obstacle. « Tu aurais pu arriver n’importe quand, quand je menais le combat avec deux Pokémon d’avance ! Mais non. Comme par hasard, tu as choisi pile le moment où l’Evoli de ce minable a évolué pour te montrer ! Tu es arrivé comme une fleur, juste à temps pour voir son putain de Mentali étaler mes derniers Pokémon ! Juste au moment où j’ai perdu mon titre… Et le comble dans tout ça ? »

Un ricanement nerveux le secoua brièvement. Il sentait une boule gonfler dans sa gorge.

« Non seulement c’est lui que tu as félicité… Non seulement c’est lui que tu as reconnu… Mais en plus… »

Il plaqua une main sur son front pour dissimuler le peu de fierté qui lui restait et les larmes qui montaient.

« En plus… articula-t-il d’une voix disloquée. Je t’ai… Déçu…
- Qu… Non Blue, c’est faux ! protesta le Pr. Oak. Tu m’as mal compris, je voulais simplement dire que j’étais déçu de ne pas être arrivé à temps, et…
- NE ME MENS PAS ! »

La vocifération fut si brutale qu’elle coupa net le vieillard dans son élan. Incapable de trouver ses mots, il ne put que regarder son petit-fils, comme celui-ci tentait d’endiguer les sanglots qui persistaient à vouloir se montrer.

« T-Tu es sur la bonne voie... Commença-t-il à citer. C’est bien, tu f-fais de ton mieux. Je suis impressionné, ça a dû être diffici-ile. »

Il se tut, renifla bruyamment pour ravaler ses hoquets et refaire face à son grand-père. Ses yeux portaient la marque rouge et humide des pleurs, mais il avait réussi à les vaincre pour le moment.

« Etrange, comme tu n’es jamais avare en compliments avec ce minable. Même lorsqu’il ne faisait pas le centième de ce que j’avais déjà accompli. Est-ce que tu sais, au moins, que moi aussi, j’ai participé au sauvetage de la Sylph S.A.R.L. ? Sauf qu’à cause d’une de ses conneries, j’ai été obligé de battre en retraite avant la fin de l’opération. Résultat : tout le monde ne parle que de ce petit génie qui a pris d’assaut la Team Rocket à lui tout seul ! J’ai vaincu Giovanni avant lui, j’ai même signalé sa présence à la police dès que mon match s’est terminé ! Et pourtant, tout le monde encense ce minable pour avoir réussi à l’avoir fait capituler… AH ! La bonne blague ! Il a juste laissé s’échapper le criminel le plus recherché du pays ! »

Enfin, Blue sembla arriver au bout de sa diatribe. Il avait toujours le souffle court, mais en même temps, un grand soulagement avait remplacé l’étau qui enserrait sa poitrine. Mais il en avait assez.
Il tourna les talons, pour reprendre sa route amère.

« Blue, pourquoi ne m’as-tu jamais parlé de ça avant ? »

Il s’immobilisa. C’était trop.
Il saisit une capsule à sa ceinture, en libéra le grand chat à la fourrure dorée qu’il contenait. Il se tourna vers son grand-père une dernière fois. Le foudroya du regard.

« Tu ne m’as jamais demandé. »

Sa main se referma vivement sur l’épaule du félin voyant. L’air autour d’eux sembla se déformer un bref instant, comme la créature fit s’entrechoquer ses deux cuillères. Et ils disparurent dans une implosion de particules.

***
« C’est moi ! » s’écria la jeune femme en claquant la porte derrière elle.

Elle posa son sac à côté du meuble de l’entrée, réajusta le bandeau vert retenant ses boucles châtains avant de sourire à l’être bipède qui avançait vers elle. Sa main se leva, pour caresser doucement le museau de la mammifère reptilienne.

« Bonsoir Toriel, la salua-t-elle. Ca allait, aujourd’hui ? »

Un grondement bienveillant roula dans la gorge de la Nidoqueen, comme elle suivait la jeune femme dans le couloir.

« Tant mieux ! Je vais prendre une douche rapide et me changer, et ensuite je m’occupe du rep… »

Elle s’immobilisa si soudainement que la rhinocéros bipède manqua de lui rentrer dedans. Elle tourna la tête, avisant ce qu’elle avait aperçu du coin de l’oeil sans remarquer le tressaillement alarmé de la Pokémon dans son dos. Cette dernière poussa un discret soupir de soulagement quand la jeune femme tourna les talons pour emprunter la porte opposée, menant à la cuisine. Elle ne s’inquiéta pas outre mesure en la voyant prendre un verre et le remplir d’eau. En revanche, la dinosaure maternelle pencha la tête sur le côté avec perplexité comme l’humaine quitta la pièce, son récipient toujours à la main. Sa confusion monta d’un cran lorsqu’elle la vit entrer à pas feutrés dans le salon aux volets tirés. Elle cligna des yeux en la voyant s’arrêter à hauteur du canapé, alors que son esprit faisait lentement le rapprochement… Comprenant soudain, elle voulut s’élancer pour l’arrêter !

Trop tard.

Sous le regard horrifié de la Nidoqueen, la jeune femme renversa tout le contenu de son verre sur le meuble.
Un mouvement de panique sembla saisir la masse sur le sofa, qui trembla au point que ses pieds se déplacèrent de quelques centimètres. Comme la lumière revint quand la créature lavande actionna l’interrupteur, toutes deux purent voir une tête aux mèches rousses dégoulinantes d’eau faire irruption au-dessus du dossier.

« Non mais t’es tarée ou quoi, Daisy !
- Qu’est-ce que tu foutais encore endormi à cette heure-ci ! rétorqua sa soeur d’une voix tout aussi féroce. Toriel, je t’avais pourtant demandé de t’assurer qu’il reste pas toute la journée enfermé !
- Oh, ça va ! J’ai pas besoin d’une nounou ! »

Se rasseyant sur le canapé, Blue pencha la tête en avant pour essorer l’eau retenue dans ses cheveux… Quand un coup sec lui frappa l’arrière du crâne.

« AÏEUH !
- Pas sur le tapis, imbécile ! Et nettoie-moi tout ça !
- Qu… C’est toi qui as foutu de l’eau partout ! »

Mais Daisy était déjà montée à l’étage. Le jeune homme se laissa retomber dans le canapé, se passa une main sur son front humide. Gah, mais pourquoi fallait-il toujours que ce soit elle qui ait le dernier mot…
Il remarqua alors la Nidoqueen qui s’approchait de lui, l’air penaud. Pour se faire pardonner, elle lui tendit la serviette qu’elle était allée chercher.

« Pfft… T’aurais au moins pu me réveiller avant qu’elle arrive… » Grommela-t-il dans sa barbe en attrapant le carré de tissu.

Toriel poussa un petit gémissement désolé. Frottant ses mèches rousses pour les sécher, il se leva pour aller chercher de quoi essuyer l’oeuvre de sa soeur. Sa tâche accomplie, il jeta l’éponge dans l’évier -mais elle rebondit pour venir s’écraser magnifiquement par terre, l’obligeant à venir la ramasser dans un juron. La serviette autour du cou, il ouvrit le frigo histoire de se prendre une bière, et…

« Tu vas pas manger maintenant, on bouffe dans même pas une heure ! s’exclama Daisy depuis la salle de bain à l’étage.
- Mais de quoi j’me mêle ! » Beugla-t-il en retour, en fermant la porte du frigo dans un grand bruit.

Il revint jusqu’au salon désormais lumineux, grâce à la rhinocéros bipède qui avait enfin ouvert les volets en grand pour laisser entrer le soleil de début de soirée. Il s’affala sur le sofa, but une grande rasade de bière avant d’attraper la télécommande pour allumer l’écran face à lui. La joue appuyée contre son poing fermé, il zappa de nombreuses fois. Pff... Rien d’intéressant… Il y avait bien la finale de la Coupe de Tohjo de Saute Magicarpe, ou encore la diffusion du Gueuleton des Gloutons, où le match serré opposant le Ronflex de Kanto à l’Avaltout de Hoenn entrait dans sa 102ème heure, mais non. Il n’avait même pas envie de poser son cerveau sur le côté pour s’abrutir devant cette émission où des candidats n’avaient rien trouvé de mieux à faire que de traverser tout un champ d’Electrode endormis après s’être bien assurés de perdre tout sens de l’équilibre en tournant autour d’un piquet.

Quand soudain, il revint sur la chaîne qu’il venait tout juste de passer, augmenta le volume.

« … -chevé le sixième jour de sa tournée nationale. Et pour son passage sur Safrania, il nous fait l’honneur d’être parmi nous ce soir. Mesdames, messieurs, je vous prie d’accueillir le nouveau Maître de l’Union Tohjienne : Red Ketchum ! »

Le public du studio se lança dans une grandiose ovation quand la caméra changea d’angle pour montrer l’arrivée de l’invité. Blue grinça des dents, alors que sur le plateau s’avançait son rival, qui saluait l’audience d’un signe de la main et d’un sourire chaleureux. Même dans un moment pareil, alors que la cape du plus haut titre était drapée autour de ses épaules -non mais sérieusement, c’était quoi cette façon de porter un symbole aussi prestigieux ! -, il avait toujours son éternelle casquette de gamin vissée sur la tête, sans parler du gros rat jaune qui le suivait en provoquant des cris d’attendrissement chez les plus jeunes.
Il aurait été simple pour lui de s’épargner cette épreuve. Une simple pression sur le bouton de la télécommande qu’il tenait en main, et il n’aurait pas à subir tout cela. Pourtant, tel un Rattata fasciné par les motifs de l’Arbok sur le point de l’avaler, il était incapable de réunir suffisamment de volonté pour effectuer une action aussi basique. Il s’enfonçait lui-même dans le piège.

« Bonsoir Red, et soyez le bienvenu au Pocket Show, débuta la présentatrice une fois que le Pikachu eut sauté sur les genoux de son Dresseur assis dans le fauteuil.
- Merci de me recevoir, Lois !
- J’insiste, mais c’est vraiment un honneur pour nous, au Pocket Show, que vous ayez précisément choisi notre émission pour votre première apparition, votre première interview publique.
- Tout l’honneur est pour moi ! Je suis votre émission depuis sa création, alors j’ai forcément pensé à vous quand j’ai su que je devais venir sur Safrania pour la tournée !
- Et nous vous en remercions ! Mais dites-moi, une question me brûle les lèvres… Doit-on désormais vous appeler “Maître” ? »

L’éclat de rire qui sortit de sa bouche suffit à hérisser Blue. Bon sang, mais c’est qu’il s’y croyait vraiment, le bougre…

« Non, non ! protesta-t-il. Honnêtement, ça me fait déjà bizarre de voir ce titre associé à mon nom. Là, depuis six jours, à chaque fois que je lis “Maître Red” dans les journaux ou que je l’entends à la télé ou la radio, j’ai toujours au moins une seconde de décalage avant de me dire: “... Ah mais en fait, ils sont en train de parler de moi !” »

L’hilarité gagna l’audience, alors que même le visage de Lois avait du mal à contenir son rire légèrement forcé.

« En parlant de ça : maintenant que quelques jours ont déjà passé, et que vous êtes en tournée à travers le pays, comment est-ce que vous appréhendez tout ça ? Est-ce que vous avez un peu peur, par exemple, ou est-ce que vous préférez attendre d’avoir fini la parade pour commencer à penser à tout ça ?
- Eh bien… En fait, j’ai encore du mal à y croire. Même si, dernièrement, le fait de me réveiller dans un hôtel différent chaque matin m’aide à digérer tout ça.
- Pourtant, ça ne doit pas trop vous changer de lorsque vous faisiez la quête des badges, plaisanta la présentatrice.
- En effet, c’est finalement assez similaire. Enfin, sauf que dans un cas, vous avez une salle de bain personnelle au lieu de douches communes ! »

Une personne du public en particulier eut un rire grave et sonore, ce qui entraîna le reste de l’assemblée et une série d’applaudissements

« Mais plus sérieusement, poursuivit Red une fois le calme revenu, je ne cache pas que je suis un peu effrayé à l’idée de tout ce qui m’attend. Je veux dire, je vais quand même succéder à Lance, qui avait le titre depuis presque une décennie !
- Effectivement, ce n’est pas vraiment un rôle facile à endosser.
- Je ne vous le fais pas dire ! Mais il m’a déjà assuré de son soutien, et m’a même proposé de m’assister au moins pendant les premiers mois, pour me former sur les différents sujets.
- Ce qui est plutôt fairplay de sa part, vu que… D’un côté… Eh bien, vous lui avez un peu pris son travail.
- Ce n’est pas non plus comme si je l’avais renvoyé ! rebondit-il en riant. Et encore heureux, parce que, de vous à moi, même en tant que nouveau Maître, je me sentirais assez mal à l’aise si ma victoire avait eu une telle conséquence !
- Ben voyons, comme si t’en avais quoi que ce soit à foutre… grinça Blue tandis que le public applaudissait de nouveau son commentaire.
- D’ailleurs, enchaîna Lois sans se soucier de ce qu’un téléspectateur parmi tant d’autres pouvait ressentir, vous parlez de victoire, mais tout le monde ne connaît pas encore votre équipe.
- Alors, déjà, je pense que vous avez tous remarqué Flash. »

A l’écoute de son nom, les oreilles du Pikachu tressaillirent et il leva sa bouille niaise vers la tête de son Dresseur. Il poussa un cri adorable -et allez, le capital mignon de l’émission qui augmentait pour faire grimper l’audimat…- avant de grimper sur la tête du jeune homme pour se jucher sur sa casquette.

« Il a tendance à faire le pitre, comme vous pouvez le voir. Mais quand il s’agit de combattre, je sais que je peux toujours compter sur lui.
- Oui, et il a d’ailleurs été votre pièce maîtresse face à Lorelei.
- Et contre le Léviator de Lance, ce qui n’a pas du tout été une mince affaire !
- Alors, maintenant, je vais vous demander de présenter chacun de vos Pokémon. Je crois qu’on peut avoir un visuel… Oui, voilà, sur cet écran. »

Blue fronça les sourcils, les lèvres tordues en une expression crispée alors que ses prunelles grises foudroyaient l’image à l’écran. Cette photo où son rival étalait insolemment toute sa gloire serait la seule chose qu’il verrait du Panthéon.

« Oh bon sang, quand je vois la tête que j’ai dessus, je me dis que j’aurais peut-être dû leur demander d’en prendre une autre le lendemain…! s’esclaffa Red. Mais voyons… Je vais faire dans l’ordre : d’abord il y a Froppy, mon Florizarre.
- Que, si je ne me trompe pas, vous aviez récupéré dans un refuge ?
- A Azuria, oui, mais je suis surpris que vous soyez au courant !
- Que voulez-vous, j’ai mes sources ! … Et une très bonne équipe de recherche, ajouta la présentatrice en se penchant vers lui comme pour lui faire une confidence, déclenchant une nouvelle salve de rires.
- Ensuite c’est Palouf, mon Tortank… Qui, à l’heure qu’il est, doit encore être en train de barboter dans la piscine de l’hôtel, et je vais encore me faire taper sur les doigts par le personnel parce qu’ils ne pourront pas fermer l’accès à cause de lui…
- Qu… Mais vous êtes le Maître, vous pouvez certainement avoir droit à une petite exception !
- Vous n’avez clairement pas assisté au champ de bataille qu’était devenue la piscine à Argenta, lorsqu’ils ont essayé de l’expulser de force ! Heureusement, Tiki est plus raisonnable…
- Tiki, c’est votre Dracaufeu, c’est ça ?
- Exactement. Elle n’a pas l’air comme ça, mais elle est très câline ! … Ce qui a commencé à poser quelques problèmes lorsqu’elle a évolué, parce qu’elle ne comprenait pas pourquoi je ne voulais plus la porter… »

Blue leva les yeux au ciel, excédé, tandis que le public rajoutait une couche de “aaaaaaw” dégoulinants de niaiserie.

« Alors par contre, il y a quelque chose qui me frappe, interrompit Lois. Est-ce que c’est moi, ou votre Ronflex a l’air plus… Mince, par rapport aux Ronflex habituels ?
- Oui, ça peut surprendre au début ! Boréas a une petite anomalie au niveau du métabolisme. Rien de bien grave, mais ça lui donne un gabarit plus petit que ses congénères. Mais c’est déjà bien assez pour alléger sérieusement mon compte en banque…
- Et enfin, nous avons votre Mentali, qui a été un peu votre vedette pendant cette Ligue.
- Tous mes Pokémon l’ont été à un moment ou un autre, corrigea-t-il. Mais c’est vrai que je peux affirmer avec certitude que c’est à Solstice que je dois mon titre.
- Oui, car pour ceux qui nous regardent et qui l’ignorent peut-être, votre Mentali a évolué en plein pendant votre dernier combat, et a totalement renversé la vapeur.
- C’est exact. C’était un moment très intense en émotions, très difficile parce que mon adversaire avait réussi à me mettre au pied du mur… Mais je pense que ce n’est pas un hasard si l’évolution de Solstice est survenue à ce moment-là. Pour moi, c’est la preuve que mes valeurs sont les bonnes : que c’est en traitant ses Pokémon avec respect, avec amour que l’on réussit à dépasser ses limites et à accomplir l’impossible. »

Heureusement que Toriel avait pressenti la catastrophe et anticipé en retirant la bouteille vide de la table basse. Sans ça, le jeune homme roux l’aurait très certainement balancée contre l’écran -et se serait fait passer un savon par Daisy après coup. Il aurait été incapable de dire ce qui l’horripilait le plus: le discours cliché au possible de Red, ou le fait qu’il ne l’ait même pas nommé directement.

« Cela ne m’étonne pas ! ajouta Lois. Il suffit de voir comment Flash est avec vous pour comprendre combien vous tenez énormément à votre équipe. Mais je change un peu de sujet… Vous n’avez pas attendu d’obtenir votre titre de Maître pour déjà agir autour de vous. Notamment ici, à Safrania, vous étiez déjà bien connu depuis quelques mois.
- Effectivement, et je compte poursuivre mes actions. En fait, j’ai deux priorités : tout d’abord, finir de démanteler la Team Rocket. Car, même si Giovanni a disparu, et même si l’organisation est affaiblie, elle représente toujours une menace...
- La faute à qui, siffla Blue en se redressant.
- … Que je compte éradiquer au plus vite. Je compte collaborer activement avec nos forces de police pour mettre fin à toute activité illégale sur tout le territoire. »

Cette déclaration fut aussitôt suivie d’une ovation tandis que, dans son salon, le jeune homme roux levait une nouvelle fois les yeux au ciel. Non mais sérieusement, ils s’attendaient à quoi ? Forcément qu’il annonçait un truc pareil, c’était le B.A-BA de la communication ! S’il avait dit vouloir occuper la place vacante de Giovanni pour devenir le nouveau mob de Tohjo, ça aurait été intéressant.

« Mais il va s’agir d’un travail sur le long-terme, ça ne se règlera pas d’un seul coup, précisa Red quand le silence retomba après une bonne minute d’applaudissements. C’est pour cela que ma première grande décision sera la nomination d’un nouveau Champion pour Jadielle.
- Ah oui, évidemment ! s’exclama son hôtesse. C’est vrai que cela va bientôt faire un mois que la ville n’a plus personne à sa tête… Même si, quand on sait qui était l’ancien Champion, on peut se dire que c’est comme si Jadielle avait été laissée à l’abandon, ces dernières années.
- En effet. Et pour remédier à cela, je souhaiterais confier cette responsabilité à une personne de confiance.
- Oh ! Vous avez donc déjà quelqu’un en tête ? Qui donc ?
- Je ne lui en ai pas encore parlé, alors je préfère ne rien dire pour le moment ! Mais pour moi, il s’agit du choix le plus évident. Je suis persuadé que cette personne fera un excellent Champ…
- Tu devrais l’appeler, » fit une voix juste à côté de l’oreille de Blue.

Ce dernier sursauta avant de tourner brusquement la tête. Cette interview stupide l’avait tellement obnubilé qu’il n’avait même pas remarqué que sa soeur était venue s’accouder au dossier du fauteuil, derrière lui.

« Mais qu’est-ce que tu racontes comme conneries…
- Ben quoi ? C’est logique, non ? C’est à toi qu’il veut proposer le poste. Vous vous connaissez depuis que vous êtes petits, vous vous êtes battus plusieurs fois pendant votre voyage à tous les deux, et vous avez fini par vous affronter pour vous départager pour le titre. Y’a pas moyen qu’il ignore ta valeur !
- C’est ça, remue le couteau dans la plaie, je te dirai rien… Grommela son petit frère. S’il reconnaissait ma valeur à ce point, comme tu dis, il aurait au moins pris la peine de me mentionner ! De toutes façons, il est hors de question que j’accepte.
- Roh, arrête un peu ! répliqua Daisy en lui donnant une légère tape derrière la nuque. Pourquoi tu réagis comme ça ? Ok, Champion, c’est pas aussi prestigieux que Maître, mais c’est quand même un poste avec beaucoup de responsabil…
- J’ai dit NON ! »

Il s’était levé d’un bond en lâchant cette syllabe d’une voix plus sèche que la peau d’un Parasect. Sa soeur écarquilla les yeux de surprise, sans voix, comme elle le vit détaler à l’étage. Elle échangea un regard confus avec Toriel, et s’apprêta à monter elle aussi les marches en entendant le remue ménage qui se passait là-haut, quand le jeune homme roux surgit de l’escalier, sa ceinture de Pokéball en bandoulière.
Il avait le même regard que ce jour-là. Les mêmes yeux fous de douleur et de rage, qu’il planta dans ses pupilles comme il la dévisageait furieusement. Déstabilisée, elle ne remarqua que trop tard ce qu’il tenait entre ses doigts nerveux. Sa Carte Dresseur.

« Je REFUSE d’être sous les ordres de ce minable ! »

SCRAAATCH ! D’un coup, il déchira son permis en deux. Mais ce n’était que le début. Il poursuivit, d’une voix où l’ire montait en puissance à chaque mot.

« Je REFUSE d’aider quelqu’un qui, à CHAQUE FOIS qu’il en a eu l’occasion, m’a SYSTÉMATIQUEMENT planté un couteau dans le dos ! »

SCRAAATCH ! Ses doigts continuaient de s’acharner sur sa licence, la réduisant en miettes.

« Je REFUSE de travailler pour LUI, et le voir me faire son PUTAIN DE SOURIRE NIAIS pour me rappeler à CHAQUE FOIS CE QU’IL M’A FAIT ! »

Enfin, ses doigts lâchèrent ce qui restait de sa Carte Dresseur, qui tomba en une pluie de confettis irréguliers sur le sol. Les premiers n’avaient même pas atteint le plancher qu’aussitôt, il s’était précipité vers l’entrée.

« Qu… BLUE ! REVIENS ICI TOUT DE SUITE ! »

Trop tard. Il avait déjà passé la porte, pour s’enfoncer dans l’après-midi mourante. Le temps que Daisy sorte à son tour, il avait déjà disparu au détour d’une ruelle. Elle poussa un soupir exaspéré, alors que la Nidoqueen s’approchait d’elle, fixant l’extérieur d’un air inquiet.

« Je comprends pas, Toriel... Murmura-t-elle d’une voix déconcertée. Il réagit jamais comme ça, d’habitude… »

La douce créature poussa un gémissement attristé en guise de réponse. Toutes deux avaient visiblement bien sous-estimé à quel point toute cette histoire l’avait affecté…

***
Blue courut à en perdre haleine, pendant de longues minutes. Il ne s’arrêta qu’une fois arrivé à la plage de Bourg Palette, où il resta plié en deux un bon moment pour calmer ses poumons en feu. Quand il se redressa, ce fut pour saisir la ceinture à son épaule. Il tourna d’un cran l’interrupteur de chacune des capsules, avant de toutes les activer.
Toute son équipe se matérialisa dans un éclat vert sur le sable encore chaud. Tous clignèrent des yeux, mais pas en raison du soleil rougeoyant qui se faisait avaler par l’horizon. Ils le sentaient, quelque chose était différent. Il ne les avait pas appelés de la manière habituelle.
Mais leur Dresseur leur fournit très vite une explication.

« Allez-vous en ! »

Ils se figèrent à ces mots, ce qui ne fit que renforcer l’irritation de leur humain.

« Vous êtes tous libres ! dit-il d’une voix qui perdait clairement patience. Vous n’avez plus à me suivre, alors partez ! »

Ses Pokémon se concertèrent du regard, confus, perdus, incrédules.

« M-Maître, résonna l’Alakazam dans son esprit. Vous n’êtes pas sérieux…
- Il n’y a plus de “Maître” qui tienne ! vociféra Blue en se tournant vers lui. Je ne suis plus votre Dresseur ! Vous n’avez plus rien à faire avec moi ! Je ne veux plus rien avoir à faire avec aucun d’entre vous ! »

Le chat voyant regarda son équipe, troublé. Le renard doré avait été le premier à réagir, sans même attendre que son coéquipier ne tente de calmer les ardeurs du jeune homme roux. La fourrure hérissée, il avait poussé un grondement outré. Insulté par la façon dont celui qui les avait capturés osait les traiter après les avoir gardés enfermés dans leur Pokéball pendant toute une semaine, ses queues infinies avaient claqué dans l’air comme autant de fouets menaçants. Puis il tourna les talons, pour s’enfuir en direction des montagnes.
Le coquillage renforcé lui avait bien vite emboîté le pas. Sans un seul regard en arrière, le Crustabri souffla un vent glacé pour se forger un chemin jusqu’à l’écume et disparaître sous la surface plissée de vagues.
Le blaireau à épines, lui, paraissait confus. Ses longues griffes s’entrechoquèrent, trahissant son indécision, alors qu’il regardait ses deux anciens compagnons partir de manière aussi franche. Il avait l’air de ne pas vouloir dire au revoir… Mais il aimait encore moins le regard dur que leur adressait l’humain. Finalement, dans des gestes aussi lents que possible, le fouisseur se mit à creuser le sable. Une fois le trou suffisamment grand pour faire passer tout son corps, il laissa sa tête sortir du sol. Leva des yeux larmoyants vers son ancien propriétaire, espérant de tout son coeur qu’il reviendrait sur sa décision. Mais il n’en fut rien. Dans un couinement abattu, le Sablaireau replongea dans sa galerie, s’enfonçant plus loin dans le sable en rebouchant de ses pattes arrière l’ouverture qu’il avait créée. En quelques instants, toute trace de sa présence avait été effacée.
Le cocotier aux multiples visages s’était approché de son compagnon psychique. Les deux semblèrent s’engager dans une conversation télépathique sur la marche à suivre. Finalement, la créature humanoïde lissa l’une de ses moustaches, tenta une ultime approche.

« Êtes-vous bien cert…
- Combien de fois je dois te le répéter ?! Et sors de ma tête ! »

L’Alakazam ferma les yeux, hocha la tête avec fatalisme.

« Très bien. Puisque vous insistez… »

L’être médium croisa ses cuillères devant lui, pour brusquement les écarter. Aussitôt, Blue porta une main à son front en poussant un cri. Une douleur lancinante venait de lui traverser les tempes. Il eut l’impression que quelque chose venait de se briser dans son esprit. Ses deux Pokémon Psy avaient rompu le lien mental qu’ils avaient établi avec lui pendant des années. Ils ne pouvaient plus faire machine arrière.
Le jeune homme releva péniblement sa tête engourdie par le double déchirement spirituel qu’il venait de subir. Juste à temps pour voir deux des masques de son Noadkoko le toiser. Juste à temps pour voir sa colère et son dégoût s’ancrer dans sa rétine, en l’ultime image qu’il aurait de lui avant que l’Alakazam n’use de ses facultés pour les téléporter ailleurs.

Il aurait été incapable de dire s’il était soulagé ou triste. Mais au moins, ils n’auraient pas à subir son humiliation. Qu’ils décident de retrouver un autre Dresseur ou de redevenir sauvage, c’était leur souci maintenant. Il était seul, désormais. Ils étaient tous partis.

Enfin… Presque, tous.

Se massant ses tempes endolories, Blue se redressa enfin. Et remarqua que l’un de ses anciens Pokémon n’avait toujours pas bougé.

« C’est valable pour toi aussi, Impulse, » maugréa-t-il en fixant la créature au poil hirsute.

Le renard électrique était docilement assis dans le sable. La tête légèrement penchée sur le côté, ses pupilles d’encre semblaient interroger l’humain. Comme s’il ne pouvait pas croire la sincérité d’une telle décision. Ce qui lui valut une grimace excédée.

« J’ai dit VA-T-EN ! »

Et pour bien montrer combien il était sérieux, il tourna les talons pour revenir vers la ville. Mais, comme il avançait, il entendit le léger chuintement du sable derrière lui… Il grinça des dents.

« Arrête de me suivre ! »

Le bruit stoppa net. Mais reprit presque aussitôt comme Blue continuait sa route. Lequel se retourna d’un air furieux vers le goupil survolté, quelques mètres derrière lui. Qui le fixait toujours de ses prunelles inquisitrices.

« Bon, ça suffit ! »

Il se baissa pour saisir une pierre proche, la jeta immédiatement sur son ancien Pokémon. Qui évita aisément le projectile d’un léger bond sur le côté. Sans ôter une seule fois ses yeux de lui.

« DÉGAGE, tu m’entends ?! Je veux plus te voir ! »

Et sur ces mots, il quitta la plage en courant. En sentant jusqu’au bout les iris sombres du Voltali dans son dos.

***
« Bon, je crois que tout est prêt, » s’exclama Daisy en posant dans l’entrée sa grosse valise.

Elle la jaugea du regard, repassant dans sa tête tout l’inventaire de ce qu’elle emmenait avec elle pour s’assurer de n’avoir rien oublié. Hum… Non, ça avait l’air d’être bon ! Elle avait aussi toutes les affaires pour Toriel.
Son frère la regarda enfiler son manteau d’un oeil morne, adossé au mur, une tasse de café à la main.

« Mais quelle idée d’aller à Céladopole en plein Octobre… grommela-t-il.
- Oh, arrête de râler un peu ! C’est le seul moment où Erika est libre pendant assez de temps pour qu’on se retrouve avec mes potes. Et ça fera du bien à Toriel de pas avoir à rester seule avec toi et ta mauvaise humeur.
- Ben voyons... »

Elle s’interrompit comme elle ajustait son foulard… Pour venir lui ébouriffer sa tignasse rousse, un petit sourire moqueur aux lèvres.

« Moooh, ça va aller ? Tu vas pas trop t’ennuyer sans ta grande soeur, mon p’tit Férosinge ?
- Tu parles, ça va me faire des vacances, oui ! ronchonna-t-il en écartant sa main d’un geste.
- Mais oui, mais oui… Bon, tu as des restes au frigo pour ce soir. Par contre, tu te démerdes pour le reste de la semaine.
- Ca va, c’est pas comme si c’était la première fois que je vivais seul. »

Daisy haussa les épaules. Elle laissa sortir la Nidoqueen la première, qui avait elle aussi noué un foulard autour de son cou pour l’occasion. Blue leur fit un signe las de la main pour leur dire au revoir, buvant une autre gorgée de café en même temps...

« Je te préviens ! Si je vois que t’as effacé ton historique quand je rentre, je te la coupe ! »

La déclaration fut si inattendue qu’il s’étouffa dans sa boisson et recracha tout ce qu’il était sur le point d’avaler par les narines. La gorge et les sinus en feu, le nez qui coulait et les yeux qui picotaient sous la douleur, il toussa avant de répondre à la porte fermée:

« MAIS VA TE FAIRE ! »

Rah, bordel, il en avait foutu partout avec ses conneries ! D’un pas agacé, il gagna la cuisine pour se moucher, tourna la tête pour voir sa soeur et la dinosaure maternelle s’éloigner sous le ciel maussade… Mais son regard fut d’abord attiré par la créature au pelage éclatant, de l’autre côté de la rue.

Les menaces de Blue avaient été aussi vides de sens que de conséquences.
Malgré ses vindictes, Impulse l’avait suivi. Où qu’il aille, le Voltali était toujours dans son sillage, et il ne s’en cachait même pas. Il était toujours à bonne distance, suffisamment loin pour ne pas déranger son ancien maître dans ses affaires, mais suffisamment visible pour qu’il soit impossible pour lui de l’ignorer. Le jeune homme roux avait bien tenté plusieurs fois de le dissuader de le coller, lui balançant d’autres projectiles divers et variés quand il s’y attendait le moins. En vain : l’agilité de la créature hirsute lui permettait de tout éviter sans se fatiguer. Il avait même tenté d’appeler les Rangers pour qu’ils l’emportent dans un refuge ou le relâchent dans un autre environnement. Peine perdue : après deux semaines d’un jeu de poursuite ininterrompu dans toute la ville, les trois agents avaient été obligés de s’avouer vaincus et de repartir bredouille.

Blue ne pouvait plus que pousser un soupir exaspéré à chacune de ses sorties. Même chez lui, il ne pouvait être tranquille. Un simple coup d’oeil par une fenêtre, et il avait une chance sur trois de tomber sur la fourrure électrique de son ancien Pokémon, assis au pied d’un arbre.
Le comble, c’était que Toriel et Daisy le nourrissaient. Ou du moins, essayaient. Le Voltali n’avait touché à aucun des plats qu’elles lui avaient apportés. Il se contentait de fixer la maison qui avait été son foyer pendant des années, attendant patiemment que son maître en sorte pour le filer comme une ombre. Et ce ballet incessant durait depuis plusieurs semaines, déjà.
Daisy l’avait d’ailleurs copieusement engueulé quand il était rentré avec ses capsules vides. Cependant, quelque part, ses remontrances avaient été bien moins virulentes que ce à quoi elle l’avait habitué. Elle non plus n’arrivait pas à déterminer si son geste avait été une bonne ou une mauvaise chose.

Blue poussa un long soupir et se détourna de la fenêtre. Armé d’une nouvelle tasse de café bien chaud, il monta dans sa chambre pour changer son haut maculé de marc qu’il balança dans son coin linge sale. Il enfila rapidement le premier truc à peu près propre qui lui tomba sous la main, avant de s’installer devant son ordinateur.

Il passa les heures suivantes à naviguer sur le net, entre les sites d’informations, les forums et les streamings. Apparemment, Karen, la nouvelle Championne de Jadielle, recevait déjà quelques critiques de la part des habitants qu’elle administrait. C’était un peu ironique, quand on y pensait, que la successeuse de Giovanni soit quelqu’un appréciant le type Ténèbres et les filouteries qui allaient généralement de pair. Ca allait bien redorer l’image de la ville, tiens…
Il finit par rester sur la retransmission du match d’arts martiaux qui se déroulait au Dojo de Safrania. Kiyo-sensei accueillait Cornélius, un des Champions de Kalos, pour une petite confrontation amicale. Enfin, amicale. Si on avait un peu suivi l’affaire, il était impossible d’ignorer la tension palpable même au travers de l’écran. Des noms d’oiseaux avaient apparemment été échangés pendant de nombreuses semaines entre les deux établissements, suite à une petite dispute en ligne entre des membres des deux écoles -de ce que Blue avait cru comprendre, les élèves de Safrania n’avaient pas apprécié que ceux de Yantreizh se vantent d’avoir réussi à obtenir une licence d’Arène. Ça avait rapidement pris des proportions complètement stupides, au point que la Maître de Kalos avait enjoint les deux leaders à régler tout ça à l’amiable. Enfin, c’était plus un moyen de faire étalage de sa supériorité, et de jouer à qui c’est qui a la plus grosse… Et l’autre minable qui avait décidé de ne pas intervenir dans ce litige international. Tss…

… Et ce fut un bien beau désastre pour Kanto. Autant la première manche opposant le Kicklee du Sensei au Braségali de Cornélius s’était soldée par un match nul, aucun des deux ne parvenant à se départager, autant la seconde manche avait été une toute autre paire de manches.
Au début, le Tygnon de Kiyo-sensei encaissa sans broncher les assauts du Lucario face à lui. Mais, au vu de ce qui suivit, ça avait été clairement un moyen pour le Champion kalossien de trouver les failles de son adversaire. Pas pour les exploiter, non. Pour les pulvériser. En effet, après seulement une vingtaine de secondes et à peine trois coups échangés, le loup métallique poussa un hurlement comme des liens irisés partaient de la gemme à sa patte pour l’enfermer dans un cocon de lumière. Quand, quelques secondes plus tard, le carcan incandescent se déchira sous les griffes aiguisées de la créature, celle-ci dégagea une aura telle que même la caméra trembla violemment.
Et ce fut fini. La Méga-Evolution se glissa derrière son adversaire en une fraction de seconde, lui asséna un coup terrible aux côtes avant qu’il ait pu réagir. Le Tygnon s’effondra au sol, terrassé par la précision et l’intensité du mouvement. Huh. Voilà que le minable se retrouvait avec une autre casserole à gér-ah...! Ah…!

« ATCHAAA ! »

L’éternuement se répercuta dans toute la pièce, et il manqua de se cogner contre son bureau. Il renifla en se redressant… Pour constater que le froid s’était bien installé. Soufflant dans ses mains, il se frotta les bras pour se réchauffer, tourna la tête vers la fenêtre. Une pluie glacée sévissait dehors, entraînant une belle chute de températures. Brr… Il voulut prendre une gorgée de café, mais ce dernier n’était plus que de l’eau froide et amère.
Comme il se levait pour descendre, Blue eut le réflexe de regarder au-dehors. Malgré les grosses gouttes qui s’écrasaient sur la vitre pour déformer la réalité, malgré la pénombre de ce début de soirée, il distinguait sans mal la fourrure safranée d’Impulse. Il était toujours là.

Le jeune homme secoua la tête et descendit jusqu’à la cuisine pour se verser une nouvelle tasse de café… Mais, pendant que la bouilloire crachotait, son regard dériva encore une fois sur la fenêtre. Sur la masse jaune qu’il devinait au travers de la pluie.

« … Oh, et puis merde ! »

Il quitta la cuisine pour gagner l’entrée. Il mit ses chaussures. Enfila rapidement un blouson. Attrapa un parapluie qui trainait. Et sortit dans la nuit naissante.

La pluie était fine et glaciale. Même avec sa couche de vêtement supplémentaire, il sentait la morsure des gouttes comme autant de petits crocs de givre. Il cala son parapluie déployé sur son épaule, enfonça ses mains dans les poches de son blouson, et avança jusqu’à l’arbre.
Le Voltali était bien là. Couché à même le sol, la tête sur ses pattes. A se demander comment il parvenait à dormir avec un temps pareil. Surtout que les feuilles de l’arbre ployaient souvent sous le poids de l’eau accumulée, pour venir se déverser sur lui. Blue s’arrêta devant lui, ses yeux gris le fixant avec exaspération.

« Eh. Tu vas jouer encore longtemps à ce jeu-là ? »

Pas de réponse. Il ne daigna même pas lever les yeux vers lui. Ce qui eut le don d’énerver encore plus son ancien Dresseur.

« Oh ! T’arrêtes pas de me stalker, tu pourrais au moins me regarder quand je te parle ! » lâcha-t-il en venant le toucher du bout du pied.

Toujours rien. Ou plutôt, son corps trembla légèrement à son contact. Sa tête glissa du coussin de ses antérieurs pour toucher terre.
Un frisson glacé traversa l’échine de Blue, et ce n’était pas à cause de l’averse. Quelque chose n’allait pas. Il s’accroupit, tendit une main vers lui.

« Impulse…? » appela-t-il.

Ses doigts se frayèrent un chemin dans la fourrure hérissée jusqu’à atteindre sa peau. Et il se figea. Il était gelé.
Le parapluie lui glissa des mains.

« IMPULSE ! »

Il le secoua brièvement, comme pour tenter de le réveiller. En vain. Paniqué, il posa deux doigts tremblants juste devant le museau du goupil survolté. Son coeur se serra dans sa cage d’ivoire, alors qu’il percevait le souffle si faible, si menu sur ses phalanges. Il était encore en vie !

« Non, non, NON, NON ! »

Il ne réfléchit pas plus. Défaisant partiellement la fermeture éclair de son blouson, il prit le Voltali dans ses bras pour le blottir contre lui. Il referma rapidement le vêtement avant de se précipiter chez lui.
Tout le temps de ce trajet pourtant bref, il sentit le petit corps frigorifié contre son torse. Les épines nombreuses de son pelage terne qui lui griffaient la peau au travers du tissu. Son flanc transi, aux côtes rendues saillantes par la faim, qui se soulevait de manière si irrégulière et espacée. Son museau glacé qui venait parfois lui toucher la base du cou comme il courait, tel un éperon funeste venant lui rappeler la menace qui planait sur ce petit être. Une menace qu’il avait causée.

« DAISY ! » hurla Blue en faisant irruption dans la maison.

Mais personne ne vint à sa rencontre, et le silence morbide qui l’accueillit lui rappela crûment sa situation. Forcément, le jour où il avait besoin d’elle, il fallait que sa soeur soit absente !

Mais il n’avait pas le temps de se morfondre ! Prenant à peine le temps de fermer la porte d’entrée derrière lui, il se rua dans la salle de bain pour fouiller les placards. Bon sang, mais où avaient-ils pu bien foutre cette putain de… LA VOILA !
Il s’empara de la bouillotte qui, bien sûr, avait été ensevelie sous des serviettes. Fit un crochet rapide par l’armoire du couloir pour récupérer une couverture -et faire tomber trois pulls par terre au passage, mais là, c’était un peu le cadet de ses soucis. Il manqua d’arracher le bouchon de la chaufferette en l’ouvrant, échappa de peu à une brûlure comme sa main affolée versait l’eau de la bouilloire et finit par inonder la moitié du plan de travail.
Enfin, il fila s’asseoir contre le grand radiateur du salon, non sans l’avoir ouvert au maximum. Coinçant la bouillotte contre lui et Impulse, il s’emmitoufla dans la couverture.

« C’est pas ce que je voulais, murmura-t-il en le serrant dans ses bras, se balançant doucement comme pour le bercer. Ca va aller bonhomme, ça va aller… »

***
Ses paupières clignèrent lentement sur ses yeux gris alourdis. Il s’éveillait doucement, en sueur, pour sentir le radiateur dans son dos qui lui ébouillantait la colonne vertébrale. Il avait dû s’assoupir avec la chaleur…
Soudain, il se remémora la raison pour laquelle il avait aussi chaud.

« Impulse…! » souffla-t-il en baissant aussitôt le regard.

Pour tomber sur les grands yeux d’encre du Voltali.
Le renard safrané avait dû bouger pendant son sommeil, car il avait extirpé tout son museau et ses oreilles du col du blouson. Comme Blue approchait ses doigts de sa joue, il plissa les yeux, appréciant visiblement son geste. Le jeune homme roux, lui, poussa un soupir de soulagement. Il avait retrouvé une température normale. Pourtant…

« … Mais qu’est-ce qui t’a pris, imbécile… »

Pourtant, il était incapable d’exprimer ce qu’il ressentait.

« Pourquoi est-ce qu’il faut que tu sois plus borné qu’un Rhinocorne ! »

Impulse ne dit rien. Lentement, il bougea contre le torse de son ancien Dresseur. Sa tête s’avança davantage, pour doucement se blottir dans le creux de son cou.

« Pourquoi t’es pas allé chercher quelqu’un d’autre…! »

Le goupil survolté frotta tendrement sa frimousse contre lui. Jamais sa crinière hirsute ne lui avait paru aussi douce. Il serra les dents. Une boule naissait dans sa gorge, faisait chevroter sa voix défaillante.

« Pourquoi tu m’en veux pas… »

Sa langue chaude vint lui lécher le cou, la mâchoire, avec toute l’affection de son petit corps. C’était trop.
Blue referma brusquement ses bras sur lui. Ses doigts s’enfouirent dans la fourrure safranée, s'agrippant aux épines cuivrées. Ses lèvres se déposèrent sur le sommet de son crâne, entre les deux oreilles.

« Pourquoi tu veux rester avec un minable comme moi… »

Une larme roula sur sa joue, venant mourir dans les poils du Voltali. Elle ne fit qu’entamer le bal. Bien vite, mille autres de ses soeurs la suivirent, s’écoulant en rivières intarissables des yeux gris du jeune homme.

« Pourquoi… »

Son corps trembla, secoué par les sanglots qui le possédaient alors que ses mains se raccrochaient à l’être lové dans ses bras comme à une bouée salvatrice dans cette déferlante émotionnelle qui le submergeait.

« Pour… Quoi… »

Son visage vint s’enfouir à son tour dans la crinière d’aiguilles blanches. Il hurla. Pendant de longues secondes. Des minutes. Des heures. A en perdre la voix.

Pour la première fois depuis des mois, il évacuait enfin tout le poids dont cette journée fatidique l’avait accablé.

- - -
* L’Union Tohjienne, ou plus communément appelée Tohjo, est le nom utilisé pour désigner Kanto, Johto et l’Archipel des Sevii. Ces trois pays ont décidé de se regrouper sous une bannière commune, et bien qu’ils partagent un gouvernement central en la matière du Plateau Indigo, chaque territoire possède une certaine autonomie dans la gestion de ses affaires. La mise en place du Train Magnétique et de l’Aquaria assurant la liaison entre les pôles économiques d’une part (Safrania - Doublonville) et les ports de plaisance d’autre part (Oliville - Carmin-Sur-Mer) finirent de sceller l’union initiale entre Kanto et Johto. L’Archipel des Sevii fut intégré plusieurs décennies après, notamment pour permettre à Tohjo d’accroître son espace maritime.