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Pasticcio de Reshini



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Informations

» Auteur : Reshini - Voir le profil
» Créé le 18/09/2018 à 19:34
» Dernière mise à jour le 28/09/2018 à 18:10

» Mots-clés :   Drame   Fantastique   Slice of life   Suspense   Terreur

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L'Esprit ~ Makávrios
L'Esprit
Je suis seul. Dans ce désert qui s'étend jusqu'à la courbure des temps, je suis seul. Je marche, dans cet océan de poudre d'ocre, je marche. Je suis là depuis si longtemps que le temps lui-même ne se compte plus, le temps a explosé, comme le sablier infini qu'il est. Son cadavre a déversé le sang de son éternité ici, dans ce désert. Temps et désert, les deux seules choses que je vois défiler mais je ne posséderai jamais. A vrai dire ce sont ces deux choses qui me possèdent. Mais que puis-je faire, à part satisfaire leur volonté suppliciante ? Je marche.

***
Oh, si vous saviez, vous qui ne me lisez sûrement pas, combien j'ignore jusqu'à tout ce qui fait ce monde. Et ce désert. Il me rend fou. Non, je rêve, je vois des choses, je rêve, je suis fou, je rêve, je suis seul, je suis fou, je rêve. Je les vois qui m'attaquent, ils surgissent dans le vent rêche et déchirant. Ces monstres, ces dents, ces mâchoires, ils me veulent. Je ne marche plus, je cours. Je cours en m'enlisant, je vais me noyer.


***
Je vois des tourbillons de couleurs inconnues déferler devant mes yeux clos. Je vois des diamants de trésors enfouis se déterrer de mon esprit. Je vois des merveilles qui me soignent de ce que je pensais être la folie et l'ignorance. Je vois une femme, je vois un Pokémon, je vois l'amour. J'ai cette soudaine envie de rejoindre les deux, de les combler de mon amour et de recevoir leur affection. Puis je revois le ciel, puis le désert, puis ma réalité. Mais un espoir a germé dans le sable stérile de mon âme. Et je vais le nourrir. Je me redresse, et j'avance, encore.


***
J'ai peur que mon espoir se fane, tout comme je redoute les mirages qui m'assaillent et que j'oublie de craindre, lorsque je me perds, dans cette ligne droite que j'arpente pourtant inlassablement. Que cherche-je donc ici ? Pourquoi suis-je ? L'ai-je oublié ? Je ne veux pas oublier ce que j'ai vu lorsque je suis sorti de ce désert, lorsque j'ai rêvé de ces choses abstraites mais si merveilleuses. Ces deux créatures qui font palpiter mes organes érodés par le sable. Ce sont les mirages que je veux poursuivre. Je ne les oublierai pas. Je me sens si léger lorsque je me concentre sur ce souvenir, sur moi. J'ai envie de m'envoler, de ne plus être enlisé dans les bras attachants du désert. Mais le désert ne lâche pas, le désert prend. Le désert vole. Une tempête se forme.


***

Le voile de sable me recouvre le visage, il m'occulte la vision, j'étouffe. Mes longs drapés s'arrachent, se trouent. Je titube. Je m'effondre. Non, tout cela ne doit pas m'atteindre, cela ne doit plus m'atteindre. Les mirages reviennent, comme si c'était réglé dans le mécanisme de l'horloge. Les mirages me mordent, je ne sais même pas si je souffre vraiment. Je sais juste que mon mental est jeté en pâture, pour satisfaire la faim d'un gouffre sans vie. C'est une tornade autour de moi, c'est une fournaise à l'intérieur de moi, mes yeux vont s'expulser de leur cavité. Je suis fou, je hurle.


***
Tout cesse. Par n'importe quel miracle, tout cesse. Je n'ai plus mal, il n'y a plus de vent, juste moi, agenouillé, dans la dune. Je me relève, je me redresse le plus haut possible. Et je l'aperçois. Et je me rappelle. Je me rappelle de tout, comme si le temps m'était infiltré dans l'âme, en un instant. Je le vois enfin, la raison de ma venue. Je recherchais l'Esprit du désert, celle que mon aimée a tant voulu admirer, et je viens de le trouver. Il me sourit, derrière son tulle de sable. Libégon, qui apparaît tel un mirage.


Makávrios
Quelque chose d'angoissant plane sur la ville d'Atalanopolis, quelque chose autre que les parois rocheuses l'encercle. Un étau fantomatique presse de ses longues serres notre cité, aux heures nocturnes. Le linceul est jeté froidement sur sa figure pâle et bleutée. Ô, quelle belle défunte ce serait.

***
Cette ville est ma mère, j'en suis son fils, le gardien, le garant de sa sécurité. Pourtant ce soir encore, l'angoisse règne sur son trône de saule, se gaussant des endormis au dessus de cette étuve glaçante, pour qui sonne le glas. Ce soir, une âme de cette cité sera volée. Un tribut étrange que nous payons sans en connaître la raison. Alors j'erre dans les ruelles désertes, dont le mystère enveloppe chacun de mes pas. Il est dit des victimes qu'elles sont retrouvées figées, dans une expression dégoûtante d'absolue terreur. Inertes, de toute souplesse, de toute couleur, de tout repos, ces cadavres sont dépourvus. Leur âme est volée, et bientôt ce sera le tour de quelqu'un, ce soir encore, et bientôt ce sera le tour de cette cité.

***
Un cri strident perce et éclate la baudruche grasse de ce silence nocturne. Je me guide à l'écho, cherchant la source cohérente de cette onde sonore qui inonde la ville. Plus rien, déjà. Entendre un requiem appartient aux vivants, mais entendre le chant d'un agonisant appartient aux survivants. Je me sens en sursis, je tourne le regard paraboliquement, épiant chaque mouvement, chaque bruit. J'hésite encore à faire sortir mon Pokémon, je voudrais éviter de l'impliquer. Je me hâte au hasard dans les ruelles et les angles. Je tombe sur une frêle jeune fille, au visage décomposé par la peur et la putréfaction anticipée.

***
Atalanopolis, cité du volcan éteint. Si le feu n'est plus, il ne reste que les ténèbres. Si la passion n'est plus, il ne reste qu'une enveloppe vide d'âme. Cette ville est ma mère, j'en suis son fils, mais me protège t-elle quand je dois la protéger, ou serre t-elle plus fort son étreinte de roche pour m'étouffer ? Quelle est la différence entre le cocon rassurant du ventre de notre mère et la strangulatoire prison qui nous arrache à la vie ?

***
Je m'en retourne au cimetière sur la petite butte devant la grotte. De nombreuses pierres blanches ornent l'allée macabre où il fut un temps, on pouvait y danser. Aujourd'hui subsiste maigrement une place pour y pleurer. Certains y voient encore ce lieu comme sanctuaire de prière et de repos, je n'y vois qu'un entrepôt de corps rongés. Il n'y a point de salut pour ceux qui se sont fait prendre leur âme de cette manière. Il n'y a point de salut pour ceux qui avaient une passion et qui ne l'ont plus. Ai-je encore la passion ?

***
Je lis les épitaphes, une à une, comme pour invoquer un dieu qui n'existerait plus. Soudain, je prends conscience que chacun de ses morts étaient vraiment heureux de vivre, pas une seule de ces défuntes exuvies ne manquait de passion, elles. Et je comprends maintenant. Si la passion est en chacun de nous, si elle est forte, alors ce voleur s'en nourrira. Il tue ceux dont la vie est puissante en eux. Il est attiré par ce qu'il désire, mais n'obtiendra jamais. Je retrouve mon feu ardent, celui qui désire venger, vaincre, protéger. Il apparaît.

***
Même la nuit sans lune demeure pâle devant sa sombre figure. Sali, corrompu, né du pêché, je ne peux affirmer si cette engeance est un Pokémon. Vide, voici comment il est et a toujours été. Immobile, comme l'action des vivants et du temps sur lui. Une auréole sur sa tête, comme pour narguer ceux qui y verrait un ange tombé, dont les ailes en seraient mortifiées. Volant sans battre ses membres pétrifies, volant sans remords les âmes de ma cité. Il m'est apparu, à moi dont la passion sincère se manifeste maintenant. Ah, si cela doit en être ainsi. Comme un mythe ancien conté par les aèdes, le monstrueux s'attaque au héros. Si c'est vraiment un Pokémon, je dois l'affronter comme il se doit. J'inspire profondément, je sais ce qu'il m'attend si je perds. Je m'en remets à celui qui écrit mon histoire, celle que je ne lirai jamais. Je lance ma Pokéball en regardant sévèrement cet avatar du néant.

« Je suis Marc d'Atalanopolis ! »