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Pasticcio de Reshini



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Informations

» Auteur : Reshini - Voir le profil
» Créé le 18/09/2018 à 19:26
» Dernière mise à jour le 26/09/2018 à 21:58

» Mots-clés :   Drame   Fantastique   Slice of life   Suspense   Terreur

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Apre ~ Quand il était là
Âpre

« Super, me voilà à Mauville ! Je vais me rendre à la Tour Chétiflor, c'est un endroit génial apparemment ! »

Un nouveau gamin est en ville, je l'aperçois de ma fenêtre, stores entrouverts. On l'entendrait beugler à des lieues d'ici. Faut dire que cette ville est aussi bruyante que la pluie battante du mont Abrupt, à Sinnoh. Cette fenêtre est la seule ouverture qu'il me reste entre le monde extérieur et moi, j'espérais voir quelque chose de charmant, aujourd'hui. Mais non, et ce sera encore comme ça pour les centaines de jours à venir.

***
Je déteste ces mioches, ces rejetons, ces bâtards non-désirés, qui dès sortis de leurs couches, vagabondent, au grand dédain des parents, dans les villes et les régions, à pied, à vélo, en oiseau. Ils vont, ils viennent, ils se ressemblent tellement tous. Eux-mêmes ne le savent pas, ils sont les derniers au courant, ils se pensent les seuls et uniques. Comme si la profession de dresseur n'était pas déjà assez surfaite. Je déteste cette engeance. Voilà pourquoi je suis seul. Parce que je serai mort avant d'être un dresseur.

***
Etre dresseur est le rêve de tout à chacun, notre société entière repose entièrement sur le fait de mettre en boule des créatures vivantes. Je n'ai rien contre ça, ce n'est juste pas ma passion, pas ma vision des choses. Mais comment ne pas avoir cette vision des choses dans une société fondée sur ce principe ? Existe-t-il seulement un autre métier qui vaille le coup aujourd'hui ? Je veux devenir écrivain.

***
C'est l'automne en ville, je le vois depuis mes stores. Les feuilles mordorées jonchent le sol pavé des rues, les feuilles tachées de café jonchent le sol pas lavé de ma chambre. Comme des boules de fleurs séchées, le moindre coup de vent disperse tout dans la pièce. Si vous saviez comme je gâche du papier pour rien. Je n'ai qu'à être dresseur, je serai utile comme cela, n'est-il point ? Je n'ai pas besoin de ces Pokémon, ces animaux qui font le café. Si j'avais besoin d'une nouvelle cafetière, je l’achèterais. Qu'ils se le fassent pour eux, moi je n'ai pas envie de dépendre d'eux.

***
Mais pourquoi les gens veulent dépendre d'eux ? Je me sens seul, si vous saviez. Seul de voir la vie au-delà de ces créatures magiques, fantasques mais réelles. J'ai coupé les ponts avec ma famille, gérants d'une pension. Je suis venu dans ce trou paumé afin d'y être serein, mais ce n'est qu'un village de basse campagne, les gens sont plus sots qu'une cruche. Entre les habitants septuagénaires et les mômes n'ayant même pas le quart de mon âge, je me sens pris dans un étau. Et tout me fait chier. Rien n'est inspirant. Rancœur quand elle me tient.

***
Je me rappelle de ce jour où je suis resté livide face au lit vide. Vide de toute trace d'elle. Vide de toute affection. Vide. Elle est partie pour s'accomplir dans sa profession d'éleveuse, pour qui les Pokémon sont tout dans sa vie. Elle ne peut pas avoir plusieurs vies, celle avec moi était de trop. Elle ne saura jamais que j'aurais vécu mille vies pour seulement l'effleurer. Mais elle doit s'accomplir, être quelqu'un, être avec ses Pokémon, elle qui en est si dépendante, elle est partie loin de moi qui étais si dépendant d'elle. Si elle était un Pokémon, je serais devenu Maître Pokémon pour la combler. Mais elle doit s'accomplir, gravir les échelons de la réussite, comme si Maslow pouvait mieux la connaître que moi, qui l'ai toujours connue. Je m'enferme tout seul dans une boucle, j'en reviens toujours à elle de toute façon. Elle doit s'accomplir. Moi je dois remplir le creux qu'elle a laissé.

***
Je tourne en rond toute la journée, je suis un imposteur qui prétend écrire, c'est faux, il faut que j'arrête mon cirque. Je n'écris que pour me plaindre, j'excelle dedans. Je tourne en rond dans ma chambre, dans mes phrases, tout le jour durant, à croire que j'essaye d'imiter la Terre. Mais je ne serai jamais utile en tournant en rond, moi. Si je pouvais seulement avoir l'audace d'écrire autre chose qui ne parle pas de moi. Quelque chose de grand, quelque chose de faramineux, quelque chose qui imagine un monde sans Pokémon, sans toutes ces supercheries, sans tout cet engouement de folie, un monde où on pourrait aller dehors et s'allonger dans l'herbe et dormir. Mais comment pourrais-je inventer toutes ces nouvelles couleurs, moi dont l'âme n'est que mauve ?

Je suis fatigué, je vais sortir attraper un Pokémon.


Quand il était là
« Grand-père ! Une histoire, s'il te plait ! »

Quelle histoire ne leur ai-je encore jamais raconté à ces zouaves affamés ? C'est qu'elles commencent à se raréfier grandement, je n'aurai bientôt plus aucun intérêt pour eux, ni pour le monde. Mais en attendant, il m'en vient une. Alors je traverse le salon en prenant soin de ne pas marcher malencontreusement sur leurs jambes déposées sur le grand tapis du salon, et je viens m'échoir sur le sofa matelassé du coin de la cheminée en pierre.

« Je vais vous raconter la fois où j'ai rencontré mon meilleur ami. Et heureusement, il faisait beau ce jour-là, car j'ai gardé ce souvenir toute ma vie. »

Je venais fraîchement d'atteindre l'âge de dix ans, j'habitais dans une bourgade de Kalos, Quarellis. C'était une très jolie ville, toute pavée de pierres aux couleurs douces et chaudes, aux bâtiments très élégants, le tout habillé d'un pont à la sortie, en direction de la forêt de Neuvartault, et coiffée de terrasses au-dessus des remparts. Je me baladais souvent au bord de la rivière, je chassais les Charmillon avec mon filet, quand je l'ai vu, en train de se désaltérer. Je n'avais jamais vu pareille chose.

***
J'étais féru de légendes, venant de ma région mais aussi de contrées lointaines. Mon père qui voyageait beaucoup à travers le monde, en raison des courses de Rhinocorne et de sa carrière de dresseur, me ramenait toujours des dizaines de livres à ce sujet. Je m'installais au pied d'un grand arbre au bord de la rivière, de l'autre côté du pont, et je les lisais. Une légende m'avait marquée, celle du Pokémon Suicune. Né des cendres d'un Pokémon pris au piège dans une pagode en flammes, il est décrit comme un fauve d'une grâce à faire souffler le vent du Nord, d'une élégance à en rester pétrifié de froid, d'une finesse à en virevolter sur l'eau, de ses pas de velours. Le Monarque des eaux qui parcourt le monde pour purifier les points d'eau sur lesquels il fait escale. Et j'étais là devant lui.

***
« N'aie pas peur, je ne te ferai rien ! », lui lançais-je. Il s'enfuit. Bien évidemment je n'avais pas réfléchi une seule seconde, mais quand on est devant un tel Pokémon, on ne peut s'empêcher de fauter, la pression est si grande.

« C'était un peu bête, Grand-père !

_ C'est bizarre, je crois entendre un reproche ? Cela viendrait-il de toi, par hasard ?

_ N-non, continue, s'il te plaît. »

Je courus chez moi, en trombes, je cherchai mon livre racontant la légende de Suicune, j'étais certain d'y voir une illustration. Le livre était ancien, et une illustration était présente vers la fin du livre, à moitié effacée et déchirée par je ne sais qui. Mais je pouvais y voir sa couleur céruléenne de son pelage, ainsi que sa corne en forme de diamant. Avait-il une corne, seulement ? Je ne l'avais pas remarquée, je devais y retourner pour le vérifier. Il n'était pas très loin bien heureusement, il continuait de boire plus en amont de la rivière. Cette fois-ci, on ne m'y prendrait plus, je rassemblai toutes mes facultés de discrétion pour l'approcher le plus possible. Et je constate qu'il ne ressemble en rien à l'image de Suicune que j'ai aperçue. Il était là, pourtant, en train de boire. Enfin, plus pour longtemps.

***
Des hommes très étranges en costume orange pétant surgirent des bois, et attrapèrent en un instant le Pokémon mystique par derrière. Tandis qu'il luttait, ils l'entrèrent de force dans une Pokéball. Choqué, je décidai de m'interposer. « Tu n'as rien vu, petit, rentre chez toi. » « Ce Pokémon est très rare, nous en avons grand besoin pour promouvoir notre quête du beau, pour un monde meilleur. » Ne comprenant rien à leur discours, je ne fléchis pas d'un pouce sur ma position. Je n'étais pas confiant face à deux hommes adultes au discours et à l'apparence on ne peut plus louches, cependant l'un des deux allait se révéler très imbécile. Je fonçai sans réfléchir en agitant mes poings et hurlant, quand celui des deux ayant la Pokéball s'avança vers moi en s'apprêtant à la lancer. Je fus bien plus rapide, je réussis à lui subtiliser en plein vol, avec pour tribut supplémentaire une jolie expression décomposée de la part de l'homme. Je fis volte-face, et je me suis enfui en direction du pont.

***
Ils avaient dû me poursuivre, mais je ne me faisais pas d'illusion : avoir grandi dans cette ville aidait à connaître les petits chemins cachés sous les remparts et le pont. La nuit tombait doucement, je rentrais chez moi, Pokéball en poche. Une fois en sécurité dans la maison, je montrai la Pokéball à ma mère et lui expliquai l'histoire, sans faire sortir le Pokémon, de crainte qu'il ne fugue. Alors elle me montra un étrange appareil, appartenant à mon père. Un Pokédex, d'après ses dires. Elle me montra une page virtuelle avec la représentation exacte de celui que je tenais dans mes mains. « C'est un Feunard, mais qui vient d'une contrée très lointaine que Papa a visité, il vient d'Alola. Il est extrêmement rare dans notre région. Contrairement aux autres Feunard, il vit dans les régions montagneuses enneigées. » Ainsi, ce n'était pas le légendaire Suicune, mais un Feunard d'Alola qui s'était retrouvé là, à Quarellis. Sans plus de trêves, je pris la décision de le ramener chez lui, à Alola. Ma mère approuva, maintenant que j'avais un Pokémon. J'allais débuter mon voyage avec celui qui allait devenir mon meilleur ami, mon Feunard venu de loin. Mais je me suis toujours rappelé de ce moment où il était là, chez moi, que je voyais comme une légende, un être extraordinaire venu de loin. Et il l'était, en fin de compte. Quand il était là.

« Mais, du coup, Grand-père, tu l'as relâché quand tu es arrivé à Alola ?

_ Je l'ai relâché sur le mont Lanakila, où se trouvait son véritable habitat oui.

_ Tu es stupide, Grand-père.

_ Va te coucher, sale gosse. »