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Fer de Lance de Cyrlight



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Informations

» Auteur : Cyrlight - Voir le profil
» Créé le 22/05/2018 à 09:39
» Dernière mise à jour le 22/05/2018 à 22:39

» Mots-clés :   Drame   Famille   Johto   Romance

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Chapitre 22 : Garder la tête haute
M. Lebattu observa la note qu'il venait d'apposer sur la copie de Sandra Lance. Douze, ce qui représentait six à sept points de moins que les résultats qu'elle obtenait en début d'année scolaire. Sa conscience n'était pas entachée par ce nombre, car il était parfaitement légitime.

Sandra avait montré ses limites à la fin du premier trimestre. Elle connaissait les bases de la pokémonologie, ce qui lui avait permis de s'en tirer avec une excellente moyenne jusque-là, mais son savoir n'allait pas plus loin, hormis en ce qui concernait les dragons. Si elle était assurément incollable à leur sujet, les informations dont elle disposait concernant les seize autres espèces de pokémon étaient très limitées, et comme elle n'étudiait pas, ses devoirs s'en ressentaient.

- Le chauvinisme ne te mènera pas loin, commenta-t-il avec un sourire ironique en lui rendant son travail. Même si je sais que ta famille est spécialisée dans le dressage des dragons depuis plusieurs générations, il n'y a pas qu'eux, dans la vie. Comment espères-tu vaincre des adversaires d'un autre type si tu ignores tout d'eux, à commencer par leurs forces et leurs faiblesses ?
- En étant la plus forte, répliqua Sandra du tac-au-tac. Et en n'ayant aucune faiblesse.
- L'inculture est pourtant la pire de toute. Et pour l'heure, c'est le seul trait de caractère dont tu fais étalage. Continue à cette allure et tes notes auront chuté de plus de moitié d'ici la fin de l'année.

La fillette jeta un regard dédaigneux à la feuille que Lebattu laissa tomber sur sa table. Elle détestait ce cornichon dégingandé aux épaules voutées et aux lunettes presque aussi épaisses que ses sourcils. Comment voulait-il qu'elle apprenne quoi que ce soit dans ses cours ? Ils étaient tellement soporifiques !

Tout ce qu'elle savait, elle le tenait des combats disputés par son oncle à l'Arène d'Ébènelle, auxquels elle avait toujours assisté avec assiduité. Elle n'était pas faite pour étudier ou s'user les fesses sur un banc d'école. Le meilleur moyen qu'elle avait de retenir ce qui lui faisait défaut, c'était en tant que spectatrice, voire actrice, et certainement pas en se fatiguant les yeux sur les pages d'un livre, comme Peter avait coutume de le faire.

La cloche retentit, marquant la fin de l'heure, et accessoirement de la matinée. Sandra enfonça rageusement son contrôle dans son sac, sans se soucier de le froisser. Telle qu'elle se connaissait, elle savait qu'elle le réduirait sans doute en charpie d'ici au moment où elle se coucherait.

- Bah alors, Sandra, siffla Bastien, l'un de ses camarades, tandis qu'ils quittaient la salle de classe. Tu fais moins la maligne, maintenant que tu n'es plus la meilleure.
- Tout ça, ce n'est que la théorie. La seule chose qui m'intéresse, c'est la pratique.
- Mais bien sûr... Arrête de faire ta mytho, on sait très bien que tu te donnes des grands airs juste parce que tu es la nièce d'un Champion d'Arène, mais en fait, t'es rien d'autre qu'une tocarde.
- C'est vrai, ça, renchérit Amy, une brune dotée d'une voix haut perchée que Sandra n'avait jamais pu supporter. Si tu étais si douée que ça, tu serais toujours première de la classe. C'est sûr qu'avec un douze, il n'y a plus de quoi se vanter. Ça fait quoi de se retrouver inférieure à tout le monde après t'être crue supérieure ?

Sandra dut serrer les poings pour ne pas répliquer avec leur aide. Si Karai avait été là, elle aurait eu tôt fait de leur montrer de quel bois elle était faite, au lieu de quoi elle était condamnée à passer pour une faible et une incompétente en présence de ces moins-que-rien.

Sa frustration était telle qu'elle enfonça ses ongles pourtant courts dans la chair. Dire qu'il aurait suffi d'un combat pokémon pour leur donner une bonne leçon et les réduire au silence. S'ils la voyaient à l'œuvre, ils ne remettraient plus en doute son talent, ils s'inclineraient peut-être même devant elle, or elle devait supporter leurs quolibets, à défaut de pouvoir répliquer de la meilleure manière qui soit.

- Un jour... fulmina-t-elle entre ses dents. Un jour, je vous le ferai regretter.

C'était difficile pour elle qui ne connaissait la patience que de nom, sans jamais avoir été capable de mettre sa définition en pratique, et surtout pour son orgueil, qui était en attendant obligé de souffrir.

Sandra traversa la cour d'un pas furieux, en donnant des coups de pieds à tous les gravillons qui avaient le malheur de se trouver sur son chemin. La file était déjà dense, au réfectoire, mais elle repéra sans peine Peter devant le petit pin taillé en pointe, qui était devenu leur point de rendez-vous.

- Tu as passé une bonne matinée ? s'enquit-il poliment.
- Est-ce que je t'en pose, moi, des questions ?

Le garçon se recroquevilla aussitôt sur lui-même et n'osa plus prononcer un seul mot jusqu'à ce qu'ils aient rempli leur plateau et trouvé une table vacante pour s'y installer. Quand Sandra aboyait dès sa première phrase, cela signifiait qu'elle était d'humeur encore plus exécrable qu'à l'accoutumée, et qu'il valait mieux s'y prendre avec une armure et des pincettes.

Alors que Sandra s'attaquait férocement à sa salade, un groupe d'élèves de première année passa à leur hauteur et lui jeta un regard qui s'accompagna de ricanements. Elle se mit à mastiquer avec encore plus d'ardeur, tout en piquant violemment les feuilles imbibées de sauce.

- Est-ce que... Est-ce qu'il s'est passé quelque chose ? demanda Peter sur un ton qui se voulait prudent, et prêt à se servir de son plateau comme d'un bouclier si besoin.
- Tu as déjà eu la sensation de patauger dans un monde plein d'abrutis ?
- Hum... Non, pas exactement.
- Bah moi oui, et je peux te dire que ça n'a rien d'agréable.
- Et si tu m'expliquais exactement quel est le problème ? Je pourrais peut-être t'aider à le résoudre.

Peter se sentit particulièrement hypocrite en formulant cette hypothèse. Sandra avait toujours été bien plus débrouillarde que lui, qui n'était bon qu'à s'aplatir devant Kévin et ses sbires. Comment pouvait-il se permettre de lui offrir son soutien quand il était incapable de se confronter à ses propres ennuis ?

- Il y a que depuis la fin du premier trimestre, j'ai des résultats complètement nuls en pokémonologie, et tous ces idiots qui étaient jaloux de moi se font maintenant une joie de me rabaisser.
- Est-ce que ce ne serait pas surtout dû au fait que tu aies une très légère tendance à la vantardise ?
- En quoi c'est de la vantardise de se présenter comme la meilleure quand il est évident que je le suis ?
- Effectivement... admit Peter qui estimait moins dangereux de ne pas la contrarier. C'est peut-être un peu cavalier de ma part de te suggérer ça, mais... Est-ce que tu as envisagé la possibilité d'étudier ?
- Étudier ? Moi ? J'ai une tête à rester assise sur une chaise pendant une heure en fixant les pages d'un cahier ?
- Non, c'est vrai, mais ça te permettrait de les faire taire. Si tu obtiens de nouveau des résultats supérieurs aux autres, ils ne pourront plus te piquer dans ton orgueil.

L'idée était séduisante, Sandra devait bien l'admettre, mais il lui suffisait de songer à travailler et elle sentait déjà son crâne souffrir d'un début de migraine. Il fallait croire qu'elle était indubitablement incompatible avec l'école.

- Et si... Et si je te donnais des cours ? proposa Peter.
- Non merci, j'ai encore ma dignité et il est hors de question que je te doive quoi que ce soit.

Le garçon observa sa cousine. De la fierté, elle n'en manquait pas, effectivement. Quel dommage que lui-même ne puisse pas en dire autant. Il gâchait ses compétences en dressage pour se garantir un minimum de paix, alors que Sandra, elle, aurait au contraire besoin de réussir pour assurer sa tranquillité.

- Parfois, je me dis que je voudrais que tu sois à ma place, et moi à la tienne... murmura-t-il à mi-voix.
- Quoi ? Tu peux parler plus fort ?
- Euh... Non, rien. Je réfléchissais juste.

Peter ramena son attention sur le contenu de son assiette et leur déjeuner se poursuivit en silence. Quand il eut terminé, il rassembla toute sa vaisselle et ses déchets sur son plateau, mais alors qu'il s'apprêtait à se lever, Sandra lui intima de rester assis.

- Pourquoi ? Tu n'as pas fini ?

Il lui semblait pourtant que c'était le cas. Elle avait clôturé son repas par une baie Nanab et un grand verre d'eau. À quoi bon attendre ? Peter eut vite la réponse à cette question lorsqu'il vit le groupe d'enfants qui s'étaient moqués de Sandra se diriger vers le tapis roulant qui menait les plateaux à la plonge.

Presque avec délicatesse, Sandra arrangea les trois pans de la peau de sa baie Nanab, qui atterrit aux pieds de Bastien au terme d'un lancer parfaitement exécuté. Personne ne la remarqua avant que l'élève ne pose le pied dessus. Il glissa et tomba face la première, dans un grand bruit d'assiette brisée. De la sauce tomate barbouillait son pull lorsqu'il se redressa.

- Bah alors, Bastien ? lança Sandra, tandis qu'une vague d'hilarité parcourait le réfectoire. C'est parce que tu es devant moi en classe que ta tête a gonflé au point de te faire perdre l'équilibre ?
- Espèce de sale peste, je suis sûr que c'est toi.
- Bah vas-y, prouve-le, petit génie.

Comme il en était incapable, Bastien se contenta de fulminer, tandis qu'un surveillant accourait sur les lieux de l'accident. Il aida le garçon à ramasser les morceaux de vaisselle cassée qui jonchaient le sol, pendant que Sandra jubilait.

- Tu n'as pas peur des représailles ? s'enquit Peter avec un soupçon d'anxiété.
- Des représailles ? Peuh... Qu'il vienne donc, cet imbécile. Je n'ai pas peur de lui. La seule chose qui m'agace, c'est de ne pas pouvoir lui donner la correction qu'il mérite en lui prouvant que je suis meilleure dresseuse qu'il ne le sera jamais.
- Sandra... Tu ne devrais quand même pas t'avancer autant. Si jamais ce n'est pas le cas, ils s'acharneront sur toi avec autant d'ardeur qu'ils le font déjà en cours de pokémonologie, et je sais que même si tu joues les dures, ça t'affectera.

Si seulement il connaissait la vérité, il ne dirait pas cela... Peter parlait en toute ignorance, car il n'avait jamais vu Karai à l'œuvre, ni Sandra la diriger durant un combat. Elle avait conscience de son potentiel. Elle ne se surestimait pas, elle était vraiment très douée. Comment une fillette qui parvenait à dresser seule une jeune dragonne, sans aucune aide extérieure, pouvait-elle ne pas l'être ?

- Je ne suis pas une pleurnicharde dans ton genre, répliqua-t-elle. J'ai toujours su encaisser les coups et garder la tête haute. Même quand c'est difficile, il suffit que je réfléchisse à la façon dont je me vengerai et ça m'aide à tout supporter.
- La vengeance n'a jamais été une solution.
- La lâcheté non plus, et pourtant tu es un spécialiste dans ce domaine.

Peter ne releva pas et jeta un regard discret en direction de la table où Kévin déjeunait en compagnie de sa bande. Si Sandra découvrait à quel point elle avait raison, jamais plus elle ne lui adresserait la parole. Elle aurait bien trop honte d'avoir un cousin aussi couard que lui.

Bastien et ses amis ayant fini par s'éloigner, Sandra se leva et alla à son tour déposer son plateau sur le tapis roulant. Peter l'imita sans un mot, puis la suivit hors du réfectoire, tout en enfilant ses moufles et en enroulant soigneusement son écharpe autour de son cou.

Sandra lui adressa un regard blasé. Elle-même ne portait qu'un gilet en laine, bien que les températures soient à peine supérieures à zéro. À cette période de l'année, le climat était toujours dans le négatif, à Ébènelle. Ici, il faisait presque chaud, par comparaison.

- Tu es certaine de ne pas vouloir m'accompagner à la bibliothèque ? demanda Peter pendant qu'ils traversaient la cour, quasiment déserte car tous les élèves préféraient se réfugier à l'intérieur.
- Non merci, éclate-toi tout seul. Je crois que je vais plutôt aller faire une partie de baby-foot. Il n'y a que toi qui préfères étudier au lieu de t'amuser.

Peter ouvrit la bouche, mais la referma aussitôt. Au même titre qu'il devrait se montrer plus courageux, être un peu moins têtue ne ferait pas de mal à Sandra. L'un comme l'autre, ils ne pouvaient toutefois se défaire aisément de ces défauts qui les caractérisaient. Ils étaient inscrits au plus profond d'eux et ne se balayaient pas d'un revers de la main.

Pire que cela, ils n'étaient même pas capables de s'influencer mutuellement. La tempérance de Peter était inefficace sur Sandra, tout comme la bravoure de sa cousine n'irradiait pas jusqu'à lui.

Le garçon fit donc ce qu'il savait faire le mieux, c'est-à-dire rien. Il haussa les épaules et regarda Sandra tourner les talons, avant de l'imiter.