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GREAT WARS T.1 : All men dream, but not equally de Eliii



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» Auteur : Eliii - Voir le profil
» Créé le 17/02/2018 à 21:51
» Dernière mise à jour le 17/02/2018 à 21:51

» Mots-clés :   Action   Alola   Guerre   Mythologie   Présence d'armes

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34- Flûte alors !
“You like me because I'm a scoundrel. There aren't enough scoundrels in your life.”
— Han Solo [Harrison Ford] à Leia Organa [Carrie Fisher]
Star Wars épisode V : L'Empire contre-attaque (1980) —



* * *


Sur les toits des quelques bâtiments de la bourgade, quelques oiseaux perchés entonnent un drôle de concert aigu. Il y a surtout des picassauts ; quelques piafabec dissonants ; et un bazoucan qui mène la danse avec l'aisance d'un vrai chef d'orchestre.

Mais ces sons-là, aux oreilles des humains, ne ressemblent à rien d'autre qu'à une cacophonie dénuée de sens. Parce qu'ils n'y prêtent pas vraiment attention, et puis ils trouvent ça agaçant. Ce n'est en somme qu'un bruit de fond.

La jeune femme laisse traîner son regard verdâtre sur le village tout sec. Hormis l'hôpital de fortune, il n'y a pas grand chose à voir. Quelques maisons coquettes réquisitionnées par le gouvernement, un moulin qui ne tourne plus, des enclos vides...

Un peu plus loin au nord, il y a un ranch, aussi. Ses occupants — Unysiens, naturellement — sont probablement coincés à Ho'ohale comme une bonne partie du gratin d'Akala.

Semblables à des cicatrices, deux sillons marquent la rue principale, si on peut l'appeler ainsi. Peut-être les traces d'une charrette ; plus probablement celles d'une automobile. Ces engins ne sont pas légion, mais l'état-major les bichonne. Il y a de quoi. Elles sont précieuses, coûteuses et fichtrement utiles.

Stella ne les aime pas, cependant. Parce que ces choses-là font du bruit, cahotent sur la route, et qu'on ne sent pas le vent sur son visage à pleine vitesse. Les avions... Elle secoue la tête. Penser à la carcasse fumante de son appareil lui mettrait presque la larme à l'œil.

Alors elle oublie la petite fenêtre, le monde extérieur et son mégot, qu'elle jette sur la terre battue. Sans enthousiasme ni réelle énergie, elle se retourne. La silhouette fatiguée, assise contre un coussin, les jambes sous un drap blanc, n'a pas bougé. Le visage inexpressif fixe quelque point invisible.

Elle jette un coup d'œil à la chaise inerte sur laquelle elle était assise, un peu plus tôt. Elle n'a pas vraiment mieux à faire ; et elle ne veut pas le quitter d'une semelle. Qui sait quelle bêtise il pourrait être tenté de faire ?

D'un pas lourd, l'aviatrice s'en va rejoindre le siège. Ses bottes claquent contre le vieux plancher, et le son paraît presque assourdissant à ses oreilles endolories. Quand elle se pose sur la chaise, elle oublie le bruit et se concentre sur l'homme blessé. Plus à l'intérieur qu'à l'extérieur, songe-t-elle, alors que sa bouche prend un pli amer.

Hormis son visage et ses bandages, il n'a pas grand chose. Son pokémon, qui a enfin daigné se retirer dans sa pokéball, doit y être pour quelque chose. Quelle bêtise il a faite, quand même ; préférer épargner sa camarade et risquer sa propre vie, alors qu'il aurait pu...

Elle s'en veut, forcément. Tout est de sa faute. L'idée de prendre l'avion sans avoir reçu d'ordre ; sa faute. Le crash résultant de cette initiative ; sa faute. La journée à crapahuter dans les bois pour rejoindre Ohana ; sa faute.

« Stella... est-ce que je suis mort ? »

Cette phrase — cette question amère — lui brûle encore les oreilles. Il l'a prononcée sur un ton plus mort que vivant. Il sait qu'il est brisé. Il sait, et il n'a pas dit un seul mot depuis son prénom. Plus rien. Plongé dans un état de mutisme troublant, il regarde le mur.

Et elle, elle contemple cet être qu'elle a contribué à tuer. Qu'elle a tué. Une entaille à côté du nez, des cheveux salis par la terre et la suie, une chemise tachée de sang, un teint livide... Et surtout, cet œil qui paraît vivant mais qui ne l'est plus. Une prunelle bleue-grise qui ne voit rien ; éteinte.

Comme la flamme de la vie chez Clyde Jonson. Éteinte.

La jeune femme, malgré elle, sent ses doigts se crisper sur ses genoux à travers l'épaisse toile du pantalon d'uniforme. La situation la met hors d'elle. Bien sûr, puisqu'elle s'en rend responsable. Elle ne fait que se blâmer, depuis le diagnostic du docteur Felder.

Elle songe à aller le voir, lui dire que son ami est réveillé, mais ne parvient pas à franchir la porte fermée. Sa main s'immobilise sur la poignée, et puis elle abandonne ; trois essais peu concluants, jusqu'ici.

Elle sait pourquoi, évidemment. Parce qu'elle veut présenter ses excuses. Elle veut entendre la voix de son ami, le rassurer, se rassurer elle-même. Lui faire comprendre que malgré tout, il n'est pas mort. Brisé, mais pas impossible à reconstruire. Sans confirmation, elle n'en sait rien.

Stella ferme les yeux, et prend une longue inspiration. Le goût de la cigarette lui reste en travers de la gorge, et l'air ambiant sent les produits chimiques. Elle était bien, à la fenêtre, à renifler les relents de la campagne. Mais hors de question de se défiler avant d'avoir parlé.

L'expiration lente semble la délester de tous ses soucis. Son visage prend une expression plus paisible, ses mains se détendent. Elle chasse une mèche rebelle de son front et rapproche la chaise du lit. Le trentenaire ne la regarde pas, mais un bref frémissement lui indique qu'il est conscient.

« J'suis désolée d'avoir tout gâché. C'est ma faute. »

Elle se retient de grimacer. Les mots sortis de sa bouche lui semblent totalement insipides, comme lâchés machinalement, sans intonation. Elle le pense fort, pourtant, mais ne parvient pas à le dire vraiment. Le poids de sa culpabilité pèse lourd sur ses épaules.

Doucement, d'un mouvement qu'elle veut sans brusquerie, elle tend la main vers son ami. Il ne manifeste ni trouble, ni dégoût, ni quoi que ce soit. Sa physionomie reste inlassablement impassible. Comme une statue de pierre.

A peine encouragée par cette absence de réaction, elle referme lentement ses doigts sur le bras de son partenaire, posé sur le drap. Elle sent ses muscles se crisper légèrement, mais c'est tout. Il ne semble avoir aucune volonté de la repousser.

En son for intérieur, la jeune femme s'autorise un sourire. Peut-être un peu hésitant, sûrement incongru. Mais elle sent que l'espoir n'est pas mort avec les ailes de Clyde Jonson.

« Comment tu te sens ? »

Elle sait que c'est une question stupide. Mais quoi de mieux pour entamer le dialogue, de toute façon ? Il sera certainement plus enclin à répondre à une question qu'à une simple remarque.

Au bout de quelques secondes de silence, elle croit qu'il ne va rien dire, et songe à trouver autre chose. Jusqu'à ce qu'il finisse par enfin poser son œil valide sur elle. Un œil bien vivant, dans lequel Stella peut lire tout le désespoir de son plus proche ami.

De son frère d'armes.

Il doit s'être rendu compte de l'état pathétique de sa partenaire, car il baisse le regard et esquisse une parodie de sourire sans conviction.

« Je crois que c'est notre faute à tous les deux. »

Le maigre sourire s'efface, et l'expression devient plus dure, plus froide.

« On peut s'en prendre qu'à soi-même, quand on fait un truc stupide. Ça ne servirait à rien de t'en vouloir. C'est ma faute si j'ai accepté de te suivre. J'aurais pu dire non, t'aurais jamais décollé. Mais ça s'est pas passé comme ça. Ça s'est passé autrement. Et on paie le prix maintenant.
— Clyde...
— Te monte pas la tête. Si je t'en voulais, crois bien que tu serais plus dans cette pièce à l'heure actuelle. J'ai encore assez de force pour hurler après un foutu docteur. »

La jeune femme hoche la tête, et réprime un ricanement devant son insistance sur le terme « foutu ». C'est vrai, il lui a déjà dit qu'il détestait les médecins. Que ce sont des gens arrogants, imbus d'eux-mêmes et, dans le fond, plutôt incapables. En voyant son ami dans un tel état, elle pourrait le croire sans peine.

Mais ça n'est pas la faute du docteur.

« Tu sais, je croyais que ça me ferait plus de mal que ça, reprend le jeune homme. Je veux dire, j'ai déjà examiné l'éventualité. Dans une guerre, on se blesse. Alors j'ai pensé que peut-être, ça m'arriverait, de plus pouvoir piloter. J'imaginais que ça me mettrait en pièces. Que j'irais pleurer pendant des heures et des jours, que je me lamenterais... »

Il fait un vague geste de la main, qui en lui-même ne veut rien dire. Stella n'y prête qu'une attention relative, concentrée sur le discours de son ami. Encourageant ou non ? Elle ne saurait dire.

« Finalement, rien. J'ai essayé de hurler ; peu concluant. J'ai fait le constat ; amer. Et maintenant, j'ai juste l'impression d'être mort. Pas d'une mort violente, comme si on m'avait arraché les organes. Juste vidé de ce qui fait de moi Clyde Jonson. Je suis qu'un empoté maintenant. »

Il se tait, et scrute avec insistance la main de son amie, sur son bras. Elle retire ses doigts, inconsciente d'avoir resserré son étreinte, et marmonne un « désolée » un peu confus. Ces propos défaitistes résonnent de façon désagréable dans sa tête...

Il s'écoule quelques minutes de silence, seulement perturbées par les chants des oiseaux à l'extérieur. Puis Clyde, sur un drôle de ton détaché, souffle une question incongrue :

« T'aurais pas une clope ? Hors de question d'obéir à ce doc' au doigt et à l'œil — si je puis dire. »


* * *

La pièce principale de l'hôpital d'Ohana, sur laquelle débouche l'étroit vestibule, est pauvrement éclairée par une ampoule nue, faute de mieux. C'est que l'état-major ne prend pas tellement soin de ce coin perdu, qui sert plus de roue de secours qu'autre chose.

Une grande table en métal, plusieurs chaises disposées autour, et quelques meubles de qualité discutable ; pas de décoration. C'est un endroit austère, auquel on finit par s'accommoder. Mais ça demande un peu de temps, alors on ne fait jamais venir de nouveaux dans le coin. On se débrouille avec ce qu'on a.

Un gramophone diffuse une mélodie étouffée, comme venue d'un autre monde. Le disque est probablement abîmé. Il n'y en a pas beaucoup, dans le placard. A peine huit ou neuf, et ils finissent par s'user, à force.

C'est comme la nourriture. Rationnée, la clé du garde-manger confiée à un bonhomme intransigeant à l'excès... Et puis il faut envoyer un type en ville avec la voiture une fois par semaine, parce que certains produits ne tiennent pas plus longtemps. Une plaie.

Le docteur Robin Felder aimerait bien pouvoir s'en aller, c'est vrai. Mais personne ne veut venir ici, et le seul type important qui pourrait le tirer de là n'est pas assez influent à l'état-major. Encore que des rumeurs commencent à circuler, mais difficile de discerner le vrai du faux, si loin de la ville.

Indifférent, le médecin expire la fumée de sa cigarette, qui forme d'épais volutes gris dans l'air. L'infirmière en face de lui ne paraît pas en tenir compte. De toute façon, cette pièce sent le tabac à longueur de journée, alors même ces jeunes femmes bien élevées finissent par fumer.

Et par jouer au poker, aussi. Quand on l'a affecté ici, le trentenaire était bien le seul à savoir jouer. Alors il a appris à tout le monde, même au vieil éleveur un peu trouillard qui ne veut pas s'en aller de chez lui. C'est un Alolais, mais il s'en fiche de la guerre, celui-là.

Il aime bien les Unysiens, et puis n'hésite pas à utiliser son fusil archaïque quand il voit passer quelqu'un sans uniforme. Seulement ses compétences en matière de tir sont plus risibles que menaçantes.

Ouais, c'est un drôle d'endroit, Ohana. Austère, mais qui a un semblant de charme, d'un côté. Felder jette un œil à la jeune infirmière, qui semble contente de sa main. Elle se débrouille pas mal au poker, et gagne souvent contre ses collègues. Alors peut-être est-elle une adversaire digne du médecin-chef.

Il esquisse un sourire, et finit par abattre ses cartes sur la table. Un huit, un neuf, un dix, un valet et une dame.

« Quinte ! On va voir si vous faites mieux, Elkins. »

La jeune femme, à peine vingt-cinq ans, hoche calmement sa tête aux cheveux d'un blond-roux, sans laisser paraître d'inquiétude par rapport au jeu de son supérieur. Elle dévoile finalement ses cartes, avec un sourire triomphant. Trois rois, et une paire de huit.

« Full ; désolée, docteur ! »

L'homme brun hausse les sourcils, surpris, puis sourit.

« Vous apprenez vite. L'élève a dépassé le maître, on dirait ! Vous pourriez presque aller tenter votre chance à l'Iceberg, si on nous envoie un jour ces autorisations de permission...
— Si vous me prêtez l'argent qu'il faut pour miser là-bas, pourquoi pas, ricane l'infirmière en rassemblant toutes les cartes. Une autre partie ? »

Felder écrase son mégot dans un cendrier ébréché, le temps de peser le pour et le contre. Un fin filet de fumée finit par s'évaporer. Il jette un œil à sa montre de poignet, puis soupire.

« Non, je crois que c'est bientôt l'heure d'aller nourrir les pokémons. Et puis, ce n'est pas drôle d'interrompre une partie.
— Moui... Bah, peut-être que Vanessa voudra bien quand elle se sera occupée de son patient. A plus tard, docteur. »

Il acquiesce et la gratifie d'un salut nonchalant, tandis qu'elle quitte la pièce. Le laissant du même coup tout seul avec la mélodie qui lutte contre l'appareil. Las, il se lève et va ranger le disque, histoire de s'épargner ça pour le reste de la matinée.

Plongée dans le silence et la solitude, la pièce semble encore plus austère. Le médecin se rassoit, sur la même chaise, après avoir saisi un livre au hasard sur l'étagère peu fournie. Il les a presque tous lus, depuis le temps. Rien de passionnant. Quelques romans, deux ou trois bouquins militaires, et des traités divers et variés sur les pokémons.

Il observe un instant la couverture sombre d'un volume illustré sur les pokémons oiseaux, et en tourne les premières pages, consacrées aux espèces originaires d'Unys. Un sourire éclaire son visage lorsqu'il en vient aux espèces venues de Kanto ; il pense à son propre roucarnage. Il doit encore être allé traîner du côté du ranch, où vagabondent pas mal d'oiseaux.

Les pages se succèdent, en même temps que les aiguilles de sa montre avancent. Le temps est long, mais hors de question de nourrir les pokémons plus tôt. Ça les pousserait à se montrer plus exigeants et à demander ça tous les jours. Il referme machinalement l'ouvrage en entendant des pas dans l'escalier.

Sûrement une infirmière, songe-t-il en allant ranger le bouquin sur l'étagère à peu près stable.

Il tire une nouvelle cigarette de son paquet et s'assoit, en attendant que la collègue en question arrive. Ça ne peut pas être le deuxième docteur, puisqu'il est parti examiner le vieil Alolais dans sa maison.

Felder s'étonne en voyant apparaître une silhouette en uniforme. La jeune aviatrice, Stella Waller, a finalement daigné quitter la chambre de son ami. Ça fait des heures qu'elle y est. Peut-être qu'elle s'est endormie. Pas étonnant.

« Je peux m'asseoir ? » demande-t-elle, avec une voix à moitié rauque.

D'un geste de la main, il l'invite à se poser sur la chaise voisine, et allume sa cigarette. C'est vrai qu'elle a l'air bien fatiguée, en la regardant de près. Des cernes commencent à noircir sous ses yeux, ses cheveux poussiéreux partent dans tous les sens, et elle étouffe un long bâillement. Dans sa main droite, une pokéball un peu rayée.

« C'est la vôtre ? s'enquit le médecin en soufflant de la fumée.
— Oui, c'est mon blizzi. Le plus adorable des pokémons... Je me sens mal de l'avoir entraîné là-dedans. Mais au moins, il va bien, pas comme Clyde... »

La jeune femme soupire, range la sphère dans sa poche, et enfouit la tête dans ses mains, peinée. Le docteur, peu habitué à ce genre de chose — les blessés arrivent rarement avec leurs amis à réconforter —, se contente de lui tendre sa cigarette.

« Vous en avez plus besoin que moi.
— Merci, lâche-t-elle après avoir aspiré une bouffée.
— Capitaine Waller, écoutez. Le capitaine Jonson a besoin d'un peu de temps, pour se remettre de ses émotions. Je ne prétends pas que je comprends ce qu'il ressent, ou que j'ai la réponse à tout, mais croyez-moi. Après deux ou trois jours, ce sera plus facile de discuter avec lui. »

Stella hoche mollement la tête, l'air peu convaincue par ce discours.

« C'est gentil d'essayer de me rassurer, mais il avait l'air plutôt lucide sur sa propre situation...
— Je n'en doute pas, réplique Felder sur un ton plus froid qu'il l'aurait voulu. Mais ça ne sert à rien de le brusquer. Il a subi un choc très difficile. Le surveiller vaut mieux que de l'embêter. Je m'occuperai de lui, hm ? »

L'aviatrice semble ignorer si elle doit se fier ou non à lui. Il ne dit rien ; que pourrait-il faire, de toute façon ? Si elle veut aider son ami, autant qu'elle se change les idées. Ça n'apporterait rien de les laisser discuter de cet accident pendant des heures. Et ça ferait surtout plus de mal que de bien.

Elle laisse la cigarette encore fumante dans le cendrier. Le médecin s'attend à la voir se lever pour sortir, ou peut-être pour remonter, mais non. Elle lui jette un regard désolé, l'air de vouloir dire quelque chose qu'elle n'a pas envie de dire.

Finalement, les mots sortent, à l'étonnement du trentenaire :

« J'suis désolée de vous avoir hurlé dessus, en arrivant ici. Je me rends compte que vous n'y êtes pour rien, et que je me suis juste comportée comme une sale gosse. »

Felder hoche la tête, compréhensif.

« N'en parlons plus. Vous n'avez qu'à m'accompagner, je dois aller nourrir les pokémons dans dix minutes ; ça vous fera du bien de prendre l'air. »


* * *

« A quoi ça rime, Weigall ? Si vous vouliez juste prendre le café avec nous, c'était pas la peine de faire ça de façon si formelle, grommelle Macarthur en vidant sa tasse.
— Le café du Hano-Hano est tout à fait correct, renchérit Snow. Ce sont les oreilles indiscrètes qui vous posent problème ? »

Le concerné se contente d'un hochement de tête vague. Il saisit doucement ce qui reste de sa portion de tarte aux framboises et le tend à Vicky, perchée sur ses genoux, qui lorgne dessus depuis cinq bonnes minutes.

Il jette un regard aux alentours ; personne dans les rues, et seulement quelques officiers à une table éloignée de la terrasse.

« Désolé d'avoir choisi un endroit si éloigné du QG, mais j'ai effectivement eu peur de ne pas pouvoir parler, euh, librement là-bas. Beaucoup d'officiers prennent le café à toute heure de la journée, et je préfère autant ne pas ébruiter ce que je sais.
— Ce que vous savez ? Du nouveau sur ce que Jackson vous a demandé, alors ? Vous savez, ça n'a plus tellement d'importance puisqu'il va partir... »

Le blondinet hausse les épaules, pas totalement d'accord avec cette affirmation.

« C'est vrai, mais je pense que son successeur ne va pas changer de plans, au point où on en est. On est quasiment à mi-chemin de notre quête pour trouver l'Astral. »

Les autres finissent leur part de tarte, le temps de digérer l'information. Vicky, ne tenant pas en place, quitte son perchoir pour aller se faufiler entre les tables, et peut-être subtiliser quelque chose sur celle qui est occupée, à quelques mètres de là.

Snow, brûlante de curiosité, n'apprécie pas beaucoup ce moment de suspense.

« Cilliana a parlé, alors ?
— A contrecœur. J'ai mentionné un élément dont j'avais vaguement entendu parler, et au terme d'une dizaine de minutes, j'ai réussi à la faire parler. C'était difficile.
— Je veux bien vous croire ! souffle le général. Vous êtes vraiment patient avec elle.
— C'est bien naturel, si je veux que tout ça se termine. Autant faire de notre mieux pour éviter que ça dure inutilement. Pour en revenir aux légendes, il est question d'un artefact ancien, qui existe encore. J'ignore encore où il peut se trouver, mais avec quelques recherches...
— Un artefact ? le coupe la femme, intriguée. Ça devient de plus en plus mystique ! »

Connaissant déjà le scepticisme de ses supérieurs vis-à-vis de ces croyances, le jeune homme décide de ne pas relever. Néanmoins, il les sait disposés à l'écouter et peut-être à le croire. Sinon, cette expédition éprouvante dans le désert n'aurait pas eu lieu.

Il tire un calepin de sa poche, l'ouvre à une page noircie de notes, d'une petite écriture assez difficile à déchiffrer au premier abord.

« La flûte astrale ? lit le brun, sans cacher son étonnement. Si je me doutais que les pokémons légendaires aimaient la musique !
— Il faudrait réunir les quatre gardiens des îles et leur jouer un morceau de flûte pour attirer l'Astral, alors ? » s'enquit Snow.

Weigall vide, sans se presser, sa tasse de café, puis fixe la page de carnet de ses yeux verts.

« En très gros, c'est ça. »