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Errare humanum est, Tome 1 : L'ire du Vasilias. de Clafoutis



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Informations

» Auteur : Clafoutis - Voir le profil
» Créé le 28/01/2018 à 05:51
» Dernière mise à jour le 28/01/2018 à 06:10

» Mots-clés :   Action   Drame   Humour   Médiéval   Slice of life

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Ch. 35 : Aifos Donjon Mystère ! ~ La source disparue ~

 Un matin, dans le salon, une certaine tension envahissait le manoir. Fario, Asda, Ifios, Tza, Sidon et Evenis, tous étaient à l’appel. À l’ordre du jour, une réunion d’urgence pour discuter de l’isolement d’Eily.

— Deux semaines qu’elle est enfermée…, geignit Tza.
— J’admets que cela devient inquiétant, s’avança Fario.
— J’en étais sûre, c’est de ma faute, se crispa Asda. Je n’aurais pas dû lui rappeler son orphelinat…
— Et ça aurait suffit pour qu’elle se cloître tout ce temps ? J’en doute, se méfia Ifios.
— Si ça se trouve, elle a juste la flemme de se lever ? hypothèsa Evenis.
— On parle d’Eily là, pas de toi ! ricana Sidon.

Le rire de Sidon fut tout sauf contagieux. L’ambiance générale étant plutôt maussade, Sidon s’attira plutôt le regard noir de Tza. Déjà que le bandit était ridicule avec sa perruque afro – qu’il mettait toujours pour éviter qu’Asda ne le reconnaisse –, mais en plus, Tza ne supportait pas que Sidon prenne la situation d’Eily à la légère.
La tentative ratée de Sidon pour détendre les visages assombrit encore plus l’atmosphère, et plus personne n’osa ouvrir la bouche. Chacun se plongea dans ses réflexions, ne pensant qu’à une chose : Eily.
Au bout de plusieurs minutes, une idée saisit soudain Asda. Elle eut presque envie de se frapper tant la solution était évidente. Comment n’y avait-elle pas pensé plus tôt ? Confiante, elle hocha la tête :

— Je sais quoi faire.

Tza la regarda avec suspicion. La fillette n’appréciait toujours pas la Foréa ailée ; cependant, elle ne pouvait pas laisser ses sentiments nuire son raisonnement. Si Asda avait une solution pour aider Eily, elle devait l’écouter.

— … qu’est-ce que tu proposes ? lâcha la fillette.
— Je connais très bien ce manoir, il m’avait appartenu après tout. Et lorsque j’y vivais, dès que j’étais un peu stressée, je partais me détendre dans la source chaude au sous-sol.
— Une source chaude ? s’intéressa Fario.
— Parfaitement, confirma Asda. Comme le manoir est resté inhabité pendant une longue durée, elle a été vidée, mais on peut encore réactiver les canalisations.

Ifios plissa les yeux, fouillant dans sa mémoire.

— Maintenant que vous le dites, baragouina-t-il, il me semble que Tza nous as dit quelque chose du genre lorsque l’on est arrivé… mais il s’est passé tellement de chose ensuite que j’avais complètement oublié.
— Alors c’est l’occasion parfaite pour réparer cette oublie ! s’exclama Asda. Les sources chaudes sont absolument divines ! Vous ne savez pas à quel point j’ai fait des pieds et des mains pour pouvoir en installer une ici à l’époque ! J’ai même utilisé mes pouvoirs pour dévier une source souterraine !

Le ton exalté d’Asda en étonna plus d’un. La Foréa ailée ne prenait même plus la peine de maintenir son habituelle expression professionnelle, seule la perspective de retrouver sa sacro-sainte source chaude comptait désormais.

— Je suis sûr que si Eily se plonge dans cet océan de douceur, elle oubliera tous ses soucis ! rajouta expressivement la Foréa.
— S-Si tu le dis…, bafouilla Tza.
— Bah après tout, pourquoi pas ? intervint Sidon. Je dois avouer être assez curieux sur cette fameuse source chaude maintenant !
— Moi aussi, rajouta neutrement Fario. Quel genre de merveille peut faire perdre son calme à la fameuse Asda ?
— J’espère qu’elle est alcoolisée…, fantasma Evenis.
— … parce que tu comptes la boire ? s’inquiéta Ifios.

Asda sourit, immensément satisfaite.

— Alors c’est décidé ? On va faire renaître la source ? étincela-t-elle.
— Vu comment ça à l’air de te tenir à cœur, ça serait cruel de dire ‘‘non’’ maintenant ! ricana Sidon.
— Ça ne me tient pas spécialement à cœur…, mentit Asda en détournant les yeux.

Asda toussota à deux reprises, s’éclaircissant la voix.

— Tout d’abord, il faut que je vous explique quelque chose sur le système de canalisation. C’est Sfyri l’Artisan qui l’a construit.
— Le Foréa Impérial ? demanda neutrement Fario.
— … j’ai tellement insisté qu’il a fini par cédé…, marmonna faiblement Asda avant de toussoter à nouveau. Bref ! Je ne sais pas si vous le connaissez, mais Sfyri est quelqu’un d’assez, comment dire, excentrique. Il ne peut s’empêcher d’en faire trop, littéralement.
— Ce n’est pas étonnant ! ricana Sidon. Foréa et excentriques sont presque synonymes !
— Bien que cela ne me plaise pas, je peux difficilement nier cette affirmation…, lâcha Asda.

La Foréa ailée soupira, et reprit sa contenance :

— Quoi qu’il en soit, Sfyri a créé un véritable donjon là-bas. La première fois où j’y suis descendu, j’ai vraiment eu des difficultés pour y arriver au bout.
— À ce point ? s’étonna Evenis.
— Oui, à ce point. Malheureusement, pour réactiver le système, il va falloir descendre dans ce labyrinthe. Mais ensemble on devrait pouvoir trouver une solution. Je veux juste vous prévenir que cela ne risque pas d’être une partie de plaisir.
— Ok, je commence sérieusement à regretter d’être là, appréhenda Ifios.
— On ne se décourage pas ! insista Asda. Rappelez-vous que l’on fait ça pour Eily, et surtout pas parce que j’ai une folle envie de me baigner dans ma source chaude !

Ifios grinça des dents :

— … elle n’essaie même pas de cacher ses véritables intentions !
— C’est vraiment intéressant, s’avança Fario. La passion ardente que vous avez pour cette source, c’est parce que vous êtes une Magus avec une affinité avec l’élément aquatique, je me trompe ?
— …

Asda recula instantanément, se mettant sur ses gardes.

— Q-Quoi ? Mais non je… enfin c’est…, bafouilla-t-elle.
— Je vois, continua neutrement Fario. C’est censé être un secret, c’est cela ? Désolé de l’avoir pointé à voix haute. En tant qu’érudit et Magus, je m’intéresse de près à ce sujet. Votre cas n’a pas pu m’échapper, surtout que vos ailes cris littéralement au monde que vous êtes vous aussi une Magus.

Un long moment de flottement s’installa, où chacun prenait la mesure de la révélation. Si Sidon n’était guère surpris, pour Ifios et Tza, c’était une première. Quand y Evenis, son cerveau n’était pas assez développé pour qu’elle comprenne l’ampleur de la nouvelle.

— Un instant, coupa Ifios. Tu veux dire qu’Asda est à la fois une Foréa ET une Magus ?!
— Ça force doit être encore plus phénoménal que prévu…, s’agaça Tza.

Asda soupira lourdement.

— … bon, il est inutile de nier maintenant, c’est ça ? Vous avez de la chance d’être des proches d’Omilio. Normalement, le secret sur les Magus ne doit être connu que par les érudits, les Magus eux-mêmes, les Foréa et le Vasilias.
— Ne vous inquiétez pas, répliqua Fario. Omilio nous à déjà parler de l’importance de la chose. Ce secret ne quittera pas ce manoir.
— J’espère que vous tiendrez parole. Sachez que dévoiler des secrets d’états à des gens ‘‘normaux’’ est passible de lourdes peines. Et sans vouloir vous offenser, mis-à-part Fario vous êtes tous des gens ‘‘normaux’’.

Après avoir sévèrement fixé chacun de ses interlocuteurs, Asda secoua la tête :

— Allez, je veux bien faire une entorse au règlement puisque vous avez la confiance d’Omilio, mais faites très attention avec ses informations. Je n’aurais pas envie de devoir… enfin… vous comprenez.

La menace à peine voilée fut aisément comprise par tous – minus une certaine noble alcoolique. Les pendules remisent à l’heure, Asda décida de cesser le moment dramatique pour revenir à ce qui comptait vraiment : la source chaude.
À vrai dire, elle y pensait depuis qu’elle était revenue à Aifos. Mais sa mission imposée par le Vasilias lui prenait beaucoup de temps, et elle n’avait jamais trouvé l’occasion de réaliser son rêve. Jusqu’à maintenant. Elle était désolée d’utiliser Eily comme excuse, mais elle n’avait pas le choix. Et puis, Asda s’inquiétait réellement de l’état de la demoiselle cyan. En somme, elle faisait d’une pierre deux coups.
Les yeux d’Asda se mirent à briller d’un puissant éclat résolu. Elle s’avança de quelques pas, se préparant à exalter un magnifique discours sur l’effort et l’amitié, histoire de motiver les foules. Toutefois, alors même qu’elle ouvrait encore la bouche, une voix impromptue l’interrompit :

— Tiens, tout le monde est là ? Il se passe quelque chose ?

Comme s’ils formaient qu’une seule entité, tout le monde se retourna. Chacun observait, perplexe et stupéfié, la petite tête cyan qui venant de parler comme si de rien n’était. Tza écarquilla les yeux, croyant à une hallucination, et elle n’était pas la seule.
Eily s’avança calmement entre les différents protagonistes, telle une princesse.

— Hé bien, vous en faites une tête ! commenta-t-elle.
— E-Eily ?! bafouilla Ifios. C-C’est bien toi ?

La demoiselle cyan pencha innocemment la tête :

— Pourquoi, tu en connais une autre ?
— …mais… Non, attends une seconde ! s’écria Ifios. Tu es restée presque deux semaines enfermée dans ta chambre, et là, tu sors comme ça, sans aucune explication ?!
— J’ai besoin d’une explication pour sortir de ma chambre ?
— Ce n’est pas ce que je veux dire, et tu le sais très bien !
— … nyah ?
— … je vois, plissa Ifios des yeux. Tu as décidé de jouer l’idiote jusqu’au bout !

Eily sourit espièglement. Décidément, certaines choses ne changeraient jamais. Il était toujours aussi simple de tourner Ifios en bourrique. La demoiselle cyan croisa les yeux larmoyants de Tza ; elle adoucit son regard. Au fond, Ifios avait raison, elle leur devait quelques explications. Mais il était impensable de tout leur dire. D’autant plus qu’Asda était présente. En la voyant, Eily eut un pincement au cœur. Ce n’était pas son genre de faire dans les sentiments, mais si ce que Gyl disait était vrai… alors Asda vivait dans un cruel mensonge. Un triste et horrible mensonge, où celui qu’elle prenait pour son sauveur était en réalité son bourreau.
Eily secoua doucement la tête. C’était rageant mais pour l’instant, elle n’y pouvait rien.

— J’avais juste besoin de réfléchir, lâcha-t-elle finalement.
— … réfléchir ? répéta faiblement Tza.
— Ah, c’est un peu faible comme excuse, hein ? gloussa Eily. Disons qu’avec le tournant extrême qu’a pris ma vie, il me fallait me reposer quelque temps, histoire de faire le point. Désolée de vous avoir inquiétés. Mais je vais parfaitement bien. Oh, et merci pour les repas quotidiens Ifios. Enfin, je n’en attendais pas moins du domestique officiel du manoir !
— … pardon ? plissa ce dernier des yeux. Depuis quand je suis un domestique ?
— Quoi ? Tu veux dire que tu n’es pas un serviteur ? s’étonna franchement Evenis.
— Bien sûr que non ! s’écria Ifios.

Evenis écarquilla les yeux.

— Pourtant, quand je demande une bière, tu m’en apportes tout de suite ! Et tu fais le ménage tout le temps ! Tu fais même à manger ! J’étais certaine que tu étais une sorte d’esclave, un truc comme ça !
— Ohé…, grinça Ifios.

Devant la mine déconfite du pauvre Ifios, Sidon éclata de rire. Cette fois ci, l’ambiance était suffisamment détendue pour que l’éclat rieur se repende doucement. Même si elle avait son petit caractère, Eily était celle qui liait chaque membre du groupe. Chacun avait vécu quelque chose avec elle. Son soudain retour n’était peut-être pas très clair, mais au fond, les raisons importaient peu. Sa présence suffisait.

— Un instant ! s’écria soudain Asda. J-Je suis très contente de te revoir Eily, vraiment ! Je pensais vraiment que c’était de ma faute si tu t’étais enfermée… d’ailleurs, j’ai même mis en place un plan pour te remonter le moral !
— Ah ?

Le ton exalté de la Foréa ailée prit Eily de cours. Dans ses souvenirs, Asda tentait du mieux qu’elle le pouvait de rester impassible – même si ses ailes la trahissaient toujours. Or, là, elle ne prenait même plus la peine de maintenir son masque.

— Oui ! reprit la Foréa. Nous comptions réactiver la source chaude du sous-sol ! Si tu la voyais, elle est tout simplement sublime ! Lorsque l’on y plonge, on oublie tous nos soucis ! Et d’ailleurs…

Asda balaya du regard le reste des résidents du manoir, légèrement inquiète :

— … le plan tient toujours, n’est-ce pas ? Certes, Eily est sortie d’elle-même mais… après toutes nos préparations…
— On était pas si préparés que ça, fit savoir Fario.
— Ce donjon a l’air dangereux, posa Sidon. Il serait peut-être plus sage d’abandonner.
— Et puis, quel intérêt ? demanda Ifios. L’objectif principal est déjà atteint !
— Dommage pour toi, lança Tza avec une pointe de malice.
— Remarque, j’aurais bien voulu savoir si la source était alcoolisée ou non, moi…, souffla Evenis.

Ifios leva les yeux aux plafonds.

— Evenis, s’il te plaît, ça commence à devenir lourd…, grinça-t-il.
— Hé ! Je trouve mon interrogation très légitime ! Tu as vu comment Asda est toute émoustillée quand elle en parle ? Je reconnaîtrais cette attitude entre mille, c’est celle d’une droguée en manque ! Alors, je me disais que peut-être que la ‘‘source chaude’’ a des propriétés stupéfiantes… ça expliquerait pourquoi elle en est aussi dingue !
— … je vois. J’ai toujours pensé que tu ne savais pas réfléchir, mais je me trompais. En fait tu réfléchis, mais à ta manière.

Soudain, Asda secoua vigoureusement sa tête :

— … non ! Non ! Ça ne devait pas se passer comme ça ! Ça ne devait pas !! Je dois récupérer ma source ! À tout prix ! Je le dois !

Evenis la désigna d’un large geste de main :

— Tu vois ? Ose me dire qu’elle n’est pas en manque !
— Ce qui est horrible, c’est que je commence à te croire…, grommela Ifios.

Et alors qu’Asda était désormais à deux doigts de s’arracher les plumes, Eily se décida d’intervenir.

— Je ne comprends pas exactement ce qu’il se passe, mais Asda à l’air de beaucoup tenir à cette histoire. Pourquoi ne pas lui accorder cette faveur ?
— Eily ! s’émerveilla Asda. J-Je savais que tu étais quelqu’un de bien !
— Ah, s’amusa Sidon. Étrangement, je le sentais venir ce coup-là !
— Prévisible, en effet, commenta neutrement Fario.


 ***

 Ainsi, le petit groupe se dirigea immédiatement vers le sous-sol, mené par une Asda survoltée. Petit à petit, la curiosité de chacun montait. À quoi pouvait bien être ce ‘‘donjon’’ créé par Sfyri l’Artisan lui-même ? Aussi, l’idée qu’ils vivaient aussi longtemps au-dessus d’un mystérieux complexe labyrinthique était quelque peu grisante.

Une fois qu’ils furent arrivés, le sous-sol était aussi vide que d’habitude. Seul l’énorme creux au milieu signait une certaine particularité. Eily se souvint vaguement de l’endroit. C’était là qu’elle avait exécuté son plan pour réconcilier Ifios et Inam. Voyant qu’Ifios avait également l’air nostalgique, Eily lui lança un petit sourire narquois ; le jeune homme répondit vivement en détournant le regard.

— Alors c’est ça le sous-sol, lança Sidon. Pour un truc que personne utilise, il est vachement propre je trouve !
— Je nettoie l’endroit tous les jours, fit savoir Ifios. Ce n’est pas parce que personne ne descend ici que je vais laisser la saleté s’y installer !
— C’est génial d’avoir un esclave aussi dévoué ! s’enjoua Evenis.
— Pour la dernière fois, je ne suis pas un esclave !

Toute enjouée, Asda fit signe à la mauvaise troupe.

— On y est presque. Vous voyez ce gouffre, là ? C’est ici qu’est censé se déverser la source chaude. Et maintenant, pour accéder aux canalisations…

La Foréa ailée s’approcha d’un mur. Un mur en apparence classique. Sauf qu’évidemment, ce n’était pas un mur classique. C’était en réalité une porte coulissante extrêmement bien dissimulée, de telle sorte que personne n’aurait pu le deviner s’il n’était pas au courant. Et derrière l’entrée dérobée se trouvait indubitablement celle du donjon.

— Voilà un trompe l’œil bien intéressant, s’immisça Gyl. La rumeur était donc vraie, Sfyri affectionne particulièrement les illusions d’optiques.
— C’est impressionnant, nota Fario. L’entrée était à la fois invisible et à la vue de tous.

Gyl acquiesça :

— Bien souvent, la meilleure cachette est celle qui se trouve juste sous le nez.
— C’est pas faux, commenta Ifios. Lorsque l’on cherche quelque chose, on fouille en priorité les endroits suspects…… hé.

Réalisant soudain que quelque chose n’allait pas, Ifios se stoppa net. Puis, il leva vivement les yeux vers Gyl ; ce dernier lui répondit par un sourire amical. Ifios bondit presque :

— HÉ ! s’écria-t-il. Depuis quand tu es là, toi ?!
— Moi ? demanda Gyl en se pointant innocemment du doigt.
— Tu te fiches de moi ? Évidemment que je parle de toi !
— Pourtant, je vous suis depuis un bon moment déjà. J’étais avec vous lorsque vous aviez commencé à parler de la source chaude. À la base, je comptais simplement vous rendre une petite visite, mais vous sembliez si passionnés que je me suis senti obligé de participer à votre petite aventure ! À moins que je ne dérange ?

Ifios plissa des yeux, blasé.

— Cette façon indolente de répondre, on dirait presque Eily…
— Haha, s’amusa Gyl. Qui sait, peut-être sommes nous de la même famille ?

Asda se retourna vers le nouvel arrivant, curieuse.

— Excusez-moi, vous êtes un de leur ami ? Je n’ai pas le souvenir de vous avoir déjà vu.
— Oh, pardonnez mon insolence, s’inclina poliment l’interpellé. Je me nomme Gyl, humble majordome de monseigneur Sanidoma. Je me suis récemment lié d’amitié avec ce charmant groupe, et je voulais simplement prendre de leur nouvelle, lorsque j’ai surpris votre conversation.
— Sanidoma ? s’étonna Asda. Oui, je crois me souvenir d’un noble portant ce nom…

« Et comment l’oublier… », rajouta-t-elle pour elle-même.

— Haha, il est vrai que mon maître est mémorable, concéda Gyl.
— Bien malheureusement…, soupira Eily. Mais laissez ce – gros – détail de côté. Tu dis vouloir nous aider ?
— Tout à fait. J’ai entendu dire que votre quête sera périlleuse, et, bonne âme que je suis, je ne peux rester les bras croisés alors que mes amis risquent leur vie !
— C’est ça, et surtout n’exagère pas, souffla la demoiselle cyan.

Si le sublime discours passionné de Gyl sur l’amitié laissait Eily indifférente, ce n’était pas le cas d’Asda, qui en eut la larme à l’œil :

— V-Vous avez vraiment de la chance d’avoir des amis aussi dévoués ! s’exclama-t-elle.

Ifios soupira lourdement.

— Je me le disais depuis un bon moment déjà mais… Asda est vraiment naïve.
— Haha, c’est pas faux, s’amusa Sidon. Elle n’a toujours pas remarqué que je portais une perruque depuis tout ce temps !
— Ni que tu es le bras droit d’une bande de bandits, d’ailleurs…

Et sans plus de procès, Gyl rejoint la petite troupe. Ensemble, ils entrèrent dans le donjon souterrain. Chacun restait sur ses gardes, ne sachant vraiment à quoi s’attendre.
Le donjon débutait par un long couloir à sens unique, qui plongeait de plus en plus vers le sous-sol. Si le passage était étroit et difficile d’accès au début, il s’élargissait de plus en plus, de telle sorte que chacun des protagonistes purent se déplacer les uns à côté des autres à la fin.
Après de monotone minutes de marche, le groupe déboucha sur une énorme salle circulaire. Mais attention, il ne s’agissait pas là d’une salle bêtement caverneuse, comme l’on pouvait s’y attendre d’un tel lieu souterrain. Loin de là, tout, du sol au plafond, était recouvert d’un marbre massif. La pièce était également soutenue par d’énormes piliers – encore en marbre – somptueusement taillés. Des dizaines de torches dorés mystérieusement déjà allumées éclairaient l’endroit ; il y en avait partout, de telle sorte que même les plus hauts murs étaient parfaitement visibles. Plus qu’une caverne, ce lieu avait tout du temple secret et mystique.

— Juste pour être sûr, voulut confirmer Eily. Tout ça, c’est juste pour activer des canalisations, hein ?
— Oui, répondit simplement Asda.
— Et ça avait besoin d’être aussi… excessif ?
— C’est ce qui arrive lorsque l’on demande à Sfyri de construire quelque chose…, soupira la Foréa ailée.

Asda s’avança jusqu’au centre de la pièce et se retourna vers le reste du groupe.

— Alors, si je me souviens bien, notre objectif se trouve derrière cette porte.

Et la Foréa ailée désigna une énorme porte massif à double vantail de plus de trois mètres de haut et deux de large. Outre ses dimensions absurdes, cette porte se distinguait également par un style assez atypique. C’était comme si elle avait été taillée pour ressembler à une énorme et monstrueuse gueule à milles canines.

— … encore une fois, c’est juste pour activer des canalisations, hein ? répéta Eily.
— Oui, répondit une nouvelle fois Asda.
— Haha, ça ne sert à rien de se questionner pour ce genre de détail maintenant ! ricana Sidon. Allez, qu’est-ce qu’on attend pour avancer ?
— … ce qu’on attend ? grinça Ifios. Je ne sais pas moi, un peu de logique peut-être ?

Malheureusement, aucune logique ne daigna pointer le bout de son nez. Faute de mieux, le groupe pénétra dans le fameux donjon de Sfyri, et ainsi commença leur quête épique afin de restaurer la source chaude disparue !


 ***

~ Niveau 1 : La salle des plateformes ~

 Le groupe arrêta soudainement sa course, et pour cause : un énorme gouffre d’un noir profond coupait leur route. Cependant, il existait un passage. Des étranges plateformes rectangulaires flottantes se baladaient librement au-dessus du précipice ; si le groupe voulait atteindre l’autre côté, il leur fallait purement et simplement sauter de plateformes en plateformes jusqu’à leur destination.

— Ouais, acquiesça Eily. Ça à l’air simple dit comme ça mais… si on tombe ?
— Inutile de s’inquiéter, assura Asda. D’après Sfyri, si l’on tombe, on réapparaîtrait comme par magie juste à l’endroit où l’on était avant de tomber. Ah, et cela ne ferait pas trop mal, on ne perdrait que la moitié d’un cœur.
— … nyah ?

Fario s’avança neutrement :

— Asda, vous savez voler. Alors, ne serait-ce pas plus simple et sécurisé si vous nous transportiez jusqu’à l’arrivée ?
— … c’est juste, geignit la Foréa ailée, mais j’ai l’impression que ce serait tricher…
— On s’en fiche de ça ! s’emporta Ifios.
— … bon, d’accord…

Ainsi, Asda transporta chacun des membres du groupe sur son dos ; personne ne perdit de moitié de cœur ce jour-là…


 ***

~ Niveau 2 : Le Labyrinthe ~

 Un nouvel obstacle se dressait sur la route des héros. Le terrible labyrinthe ; le dédale de l’impossible, le cauchemar des égarés. Cette fois-ci, impossible de le survoler, les murs du labyrinthe étaient si haut qu’ils touchaient le plafond. La seule façon de le traverser serait de prendre son courage à deux mains, d’y pénétrer avec détermination, et de prier les cieux de leur clémence. C’était une épreuve de patience où la folie guettait à chaque tournant. Chacun déglutit, se préparant au pire.

— …

Chacun, sauf Tza. La fillette, visiblement peu patiente, avait sortie son énorme lame. Elle donna un large coup ; un mur se brisa. Elle en donna un deuxième ; un deuxième se brisa. Il ne lui fallut que quelques minutes pour fracasser un passage jusqu’à la sortie.

— … mais c’est de la triche…, protesta vainement Asda.


 ***

~ Niveau 3 : La salle du trésor ~


— Pourquoi on s’arrête ? intervint Evenis. La sortie est juste tout droit, là-bas !
— Je suis d’accord avec elle, souffla Ifios. Pour une fois qu’il n’y a pas d’obstacles bizarres…
— Non, vous n’y êtes pas du tout, pointa Asda.

La Foréa se plaça devant le groupe :

— Il est vrai que l’on peut aisément éviter cette salle. Cependant, ce serait une erreur. Ici repose un trésor essentiel à notre progression dans le donjon. Si nous parvenions à l’obtenir, cela ne pourra être que bénéfique.
— Un trésor ? s’illumina une certaine jeune noble.
— Avant que tu ne demandes, soupira Eily, je doute que ça soit de la bière, Evenis…
— Ça serait dommage, mais ce n’est pas grave ! Qui dit trésor dit chose de valeur, qui dit chose de valeur dit beaucoup d’argent ! Et il me FAUT beaucoup d’argent, si je veux sauver mon pays de la ruine !
— Ah oui, se souvint Eily. J’avais oublié que tu avais un objectif – à peu près – noble malgré tout !

Par chance pour elle, le vœu d’Evenis ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd. Gyl fut profondément ému par la noble volonté d’Evenis, et il se jura de tout faire pour que la belle demoiselle trouve son bonheur. La majordome se mit à examiner la pièce, à la recherche de quelconques indices.
À première vu, la pièce était complètement vide. Pas de pilier ou plateforme, et encore moins de trésor. Cependant, il ne lui fallut simplement que de lever les yeux pour trouver ce qu’il cherchait.

À environ trois mètres de haut, encastré dans un coin du mur, un étrange orbe violacé reposait. Vu l’unicité de l’objet, Gyl devina facilement qu’il avait un rapport avec le secret de la salle.

« Il est trop haut pour que je l’atteigne…ah, mais je peux toujours… »

Pris d’une soudaine illumination, Gyl brandit son boomerang et le lança précisément vers l’orbe. Et, dès que le projectile heurta l’orbe, ce dernier se mit mystérieusement à virer au vert clair. La salle se mit légèrement à trembler ; chacun se mit sur ses gardes. Toutefois, rien de dangereux ne vint se mettre sur leur route. Au lieu de ça, il eut bêtement un petit ‘‘pouf’’ sonore, accompagné de l’apparition subite d’un gros coffre au milieu de la salle.

— Je pige de moins en moins, geignit Eily.
— J’ai arrêté d’essayer de comprendre depuis bien longtemps…, acquiesça Ifios.

Gyl se tourna vers Evenis, s’inclinant poliment :

— Voici, gente demoiselle. Votre trésor, comme vous l’aviez demandé.
— Woaah ! Un vrai trésor ! bondit Evenis.

La jeune noble n’attendit aucun signal, elle fusa telle une forcenée vers le coffre. Elle puisa dans toutes ses forces pour en forcer l’ouverture, avant de presque plonger à l’intérieur. Si ses gestes étaient extatiques, elle se calma bien vite lorsqu’elle réalisa que le coffre en question était presque vide. À sa grande déception, il ne contenait qu’une seule chose :

— … une boussole ?!
— Ce n’est pas qu’une simple boussole, réagit Asda. C’est la Boussole du Donjon !
— La différence ? s’enquit neutrement Fario.
— Si je me souviens bien des paroles de Sfyri… ah, voilà. Selon lui, la Boussole du Donjon est un outil extrêmement utile qui permet de localiser les autres coffres au trésor du donjon !
— Comment une boussole peut localiser des coffres ? plissa Eily des yeux.
— Aucune idée, avoua Asda. Cependant, inutile de s’en inquiéter, puisque cette salle est la seule à posséder un coffre de tout le donjon.
— …

«  Alors en quoi ce truc était ‘‘essentiel à notre progression’’ ?! » grommela mentalement Eily.


 ***

~ Niveau 4 : La salle des clefs ~


— La salle des clefs après celle du trésor, déclara neutrement Fario. Celui qui a fait ce donjon s’inquiétait réellement du Level Design.
— Leuvèl-quoi ? tenta de répéter Evenis.
— Non, oubliez ce que je viens de dire. C’est juste un mot que j’ai lu dans un livre de l’Ancien Monde.

Comme venait de le formuler l’érudit, le groupe de héros se trouvait désormais dans la salle des clefs. Il était difficile de nommer cette salle autrement. Partout où l’on regardait, que ce soit à droite, à gauche, en haut, en bas, il n’y avait que des clefs, toutes de formes et de couleurs différentes. Tout au bout de la pièce se trouvait une porte d’acier munie d’une serrure. L’objectif était clair comme de l’eau de roche, pour passer, il fallait trouver retrouver la bonne clef à travers tout ce capharnaüm.

— … ou alors crocheter la porte, proposa Evenis.
— Oh, tu peux faire ça toi ? s’étonna Eily.
— Bien sûr !

Tout en fanfaronnant, la jeune noble sortit fièrement de sa poche deux longues aiguilles à tricoter, qu’elle présenta au ciel comme si c’était le plus précieux des trésors.

— … nyah ? fit une Eily perplexe.

Evenis ne prit pas la peine de répondre et fusa vers la porte. Elle inséra précisément les aiguilles dans la serrure et, avec une délicatesse qu’on ne pouvait imaginer d’elle, Evenis joua avec le verrou. Moins d’une minute plus tard, un cliquetis satisfaisant se fit soudain entendre ; la porte s’ouvrit d’elle-même.

— Et voilà le travail ! s’écria Evenis.
— Je n’ai jamais douté de vous, s’inclina Gyl.
— D’accord, là, je suis impressionnée, avoua Eily.

Seule Asda ne semblait pas partager leur enthousiasme :

— … bande de tricheurs…


 ***

~ Niveau 5 : La salle des énigmes ~


— Il est sacrément profond ce donjon ! fit remarquer Sidon.
— J’allais le dire, lança un Ifios blasé.
— Ah ces jeunes ! sourit Gyl. Un rien les fatigue !
— Courage, nous y sommes presque ! les encouragea Asda. Notre objectif se trouve juste après cette salle !
— Dire qu’il va falloir faire le chemin retour après…, soupira Eily.

Cette fois, un large mur bloquait le passage. Fario s’avança, intéressé par les inscriptions qui ornait la structure. Il les lut à voix hautes :

— ‘‘Comment retirer le manteau d’un voyageur ?’’

Sous la question, il y avait trois boutons rocheux, qui représentait chacun une réponse. Sur le premier était gravé un soleil, sur le deuxième un nuage pluvieux, sur le troisième la représentation d’un vent violent.

— J’imagine qu’il faut appuyer sur l’un de ses trois mécanismes, réfléchit Gyl. La question est ‘‘Comment retirer le manteau d’un voyageur ?’’ et les réponses possibles sont : ‘‘Le Soleil’’, ‘‘La Pluie’’ et ‘‘Le Vent’’.
— C’est une question sur le temps ? s’enquit Evenis.
— Mais on a pas le temps, maugréa Tza.

Et avant même que quelqu’un ne puisse répondre, la fillette brisa le mur avec son épée et avança comme si de rien n’était.

— … c’est irritant, bougonna Asda, j’aurais tant voulu savoir la réponse…
— Pourtant, elle était éclatante…, soupira Eily.
— … vous pouvez arrêter de répéter le son ‘‘tan’’ ? lança un Ifios lassé.
— Autant en en emporte le temps, déclara neutrement Fario.


 ***

 Enfin, le groupe pénétra dans l’ultime salle du donjon. Une énorme pièce au plafond exagérément haut. Leur objectif n’était plus qu’à quelques mètres ; il suffisait de regarder vers l’avant pour remarquer un magnifique levier écarlate. Le levier qui réactiverait les canalisations.

— Tout ça juste pour ça…, soupira Eily.
— Au moins c’est presque fini, grommela Ifios.

« Presque fini ? Vous plaisantez ? Cela ne fait que commencez ! »

— … !

Chacun recula d’un pas, surprit par cette voix qui avait rugit de nulle part.

— Qui est là ? s’aiguisa Asda.

« Qui suis-je ? N’est-ce pourtant pas évident ? Vous êtes dans un donjon, et à la fin d’un donjon il y a toujours un Boss ! Craignez, pauvres mortels ! Vous aviez osé pénétrer mon antre, et désormais, préparer vous à subir le courroux du terrible Darkula ! »


~ Niveau Ultime : L’Antre de Darkula ! ~


Soudain, une nuée de chauves-souries descendit du plafond et aveugla le groupe de héros. Une fois que la tempête volante s’arrêta, le Boss du donjon se révéla enfin. Il trônait, voletant à quelques mètres de haut, toisant narquoisement ses adversaires. Eily plissa des yeux, dévisageant le fameux ‘‘Darkula’’. Globalement, c’était une espèce de boule de poil volante avec un nez rose en forme de cœur.

— … Rhinolove ? se blasa Eily.
— Qui est Rhinolove ? tonna ce dernier. Je ne connais personne de ce nom ! Je me nomme Darkula, le Boss du donjon !
— Non, arrête-toi une seconde, veux-tu ? On est assez pressé là, on a pas le temps de jouer.
— Et qu’est-ce qu’il fiche ici d’abord ? demanda Ifios.

Brusquement, ‘‘Darkula’’ se mit à éclater d’un rire bien trop stupidement maléfique pour faire peur :

— Muhuhuhu ! Je vois, vous avez peur de m’affronter, c’est cela ? Inutile de chercher à m’amadouer ! Je ne me montre d’aucune clémence !

D’un coup, ‘‘Darkula’’ battit violemment ses ailes noires. Des lames d’airs se matérialisèrent vivement et foncèrent vers le groupe héroïque. Asda les bloqua d’un simple revers de main.

— … ! s’étonna ‘‘Darkula’’. Impressionnant…
— Rhinolove, soupira Eily. Écoute, je dis ça pour ton bien. Nous sommes à huit, dont un Magus et une Foréa Impériale. Et toi, tu as beau être un Ensar, tu es tout seul. Ne nous oblige pas à recourir à la violence.
— Vous êtes à huit, et alors ? ricana ‘‘Darkula’’. Les Boss maléfiques sont toujours seuls contre les héros ! Et ça ne les empêche pas d’être bien plus puissants !
— … je vois. J’espère que tu ne t’en mordras pas trop les ailes.

Asda toisa ‘‘Darkula’’ à son tour. Ses yeux rayonnaient de détermination.

— Rhinolove, ou ‘‘Darkula’’, je n’en ai cure. Tu es l’ultime obstacle qui me sépare de mes précieuses sources chaudes. N’espère pas que je retienne mes coups.

Et la Foréa ailée brandit fièrement son poing au ciel, tout s’écriant puissamment :

— Allez ! C’est notre dernière épreuve les amis ! ALL-OUT ATTACK !

À ce moment-là, Rhinolove – ou ‘‘Darkula’’ – comprit qu’il avait commis une erreur. Telle une seule entité, la totalité de ses adversaires bondirent sur lui.

— H-Hé ! protesta bêtement ‘‘Darkula’’. Attendez ! V-Vous êtes censés agir au tour par tour ! Aaaahh !!

Asda fut la première à l’atteindre, lui flanquant un coup de poing si puissant que la pauvre chauve-sourie fut brutalement propulsé au sol. Mais il ne s’y écrasa pas. Alors qu’il fusait encore, Tza l’attrapa en plein vol d’un puissant coup de lame. Rhinolove fut proprement renvoyé dans les airs.
Il n’eut même pas le temps de se reprendre qu’un certain boomerang l’assomma, deux fois. Mais Evenis, dans sa grande magnanimité, prit soin de réveiller son opposant en le mitraillant avec son lance-pierre. Surgissant derrière ‘‘Darkula’’, Sidon lui saisi le crâne de sa grosse main et l’envoya, tel un vulgaire ballon, vers Ifios. Ce dernier le réceptionna parfaitement d’un agile coup de pied aérien et renvoya la chauve-sourie vers Fario. L’érudit analysa neutrement la situation. Finalement, il décida de brandir un livre qu’il tenait à sa ceinture et s’en servit pour renvoyer une fois de plus le ‘‘Boss du donjon’’.
Rhinolove fut propulsé vers Eily ; cette dernière l’esquiva de justesse, permettant ainsi à la chauve-sourie de finir sa course contre le mur. Après s’être pathétiquement écrasé sur la surface marbrée ‘‘Darkula’’ retomba fébrilement au sol, bien trop secoué pour se relever.

— …

Méprisante, Eily le regarda…

— Nyah.

… avant de piétiner impitoyablement la boule de poil. Rhinolove poussa un terrible cri sourd. Ses ailes s’agitèrent follement. Eily le regarda encore. Elle leva son pied. Et le piétina une seconde fois. Un second cri sourd. Elle leva encore sa jambe. Et recommença. Jusqu’à ce que Rhinolove ne cesse de bouger.

Et voici comment le groupe de courageux héros avait, au péril de leur vie, vaincu le terrible et maléfique ‘‘Darkula’’ !

— Woaah, Eily…, souffla Evenis.
— … c’était cruel…, continua Ifios.
— Que de violence ! déclara exagérément Gyl.
— C’est un Ensar, posa Asda. Il survivra.
— C’est comme le dit la dame, répliqua Eily.

Sur ses paroles, la demoiselle cyan se désintéressa complètement de Rhinolove et se dirigea vers le fin fond du donjon, où se trouvait le levier des canalisations. Elle l’enclencha.

— Tout ça juste pour ça…, répéta-t-elle.


 ***
 ***
 ***


 Retour au manoir. Asda fixa, extatique, la grande étendue d’eau si chaude que de la vapeur en émanait. Des étoiles multicolores fourmillaient dans ses yeux. Enfin. Elle en avait tant rêver. Et ce rêve était désormais une réalité. Sa source chaude. Sa précieuse source chaude. Elle était de retour !

— Ça a vraiment fonctionné ! lâcha Evenis.
— C’est étonnant que les canalisations fonctionnent encore après avoir été si longtemps inusitées, pointa neutrement Fario.
— On s’en fiche du pourquoi, l’essentiel, c’est la source chaude ! exulta Asda.
— Oh, souffla Ifios. Ça fait longtemps que j’ai arrêté de chercher le ‘‘pourquoi’’, moi…

Rhinolove voleta entre le reste du groupe, encore souffrant :

— Bouh ! lâcha-t-il. Vous n’avez pas été de mains morte là-dessous !
— Et à qui la faute ? répliqua Eily. Pourquoi tu nous attendais d’ailleurs ? C’était quoi cette histoire de ‘‘Boss’’ de donjon ?
— Bah, vous aviez l’air de tellement vous amuser que j’ai décidé de participer aussi !
— Je vois. Eh bien la prochaine fois que tu voudras participer, préviens-moi. Je me ferais un plaisir de te piétiner à nouveau.

Eily adressa un large et noir sourire à Rhinolove. Le souvenir étant encore frais et douloureux, la pauvre chauve-sourie tressaillit et s’enfuit sans demander son reste.
Devant le silence qui commençait à s’installer, Evenis pencha la tête :

— Alors euh… on a réactivé ce machin, très bien, mais maintenant ?
— Maintenant ? s’étonna Asda. C’est évident ! On plonge dedans, évidemment !
— … on est vraiment obligés ? plissa Eily des yeux.
— C’est un devoir divin ! s’emporta Asda.
— … ah, d’accord, à ce point. Je commence à croire que j’ai mal choisi le jour pour sortir de ma chambre…


 ***


 Une demi-heure plus tard. Asda, Tza, Evenis et Eily se prélassaient – plus ou moins volontairement – dans la source chaude. Puisqu’il était naturellement plus profitable de savourer un bain sans l’entrave de ses vêtements, les garçons avaient été gentiment invités à dégager au plus vite.

— Aaah…, souffla joyeusement Asda.
— Je ne vois pas ce qu’il y a de si agréable à ça, plissa Eily des yeux. C’est comme prendre un bain avec de l’eau chaude, en somme.
— Pardon ?! Non Eily, j’ai beau t’apprécier, je ne peux pas te laisser dire une chose pareille ! Comment peux-tu comparer une source chaude à un vulgaire bain ?! Ne ressens-tu pas cette douce chaleur qui envahit ton corps ?! Cette légèreté qui dissout la moindre de tes fatigues ?!
— … non ?

Asda secoua la tête, dépitée.

— Je vois, ton cas est plus grave que je ne le pensais. Tu dois avoir accumulé tellement d’anxiétés que tu en es devenue incapable de profiter du plus pur des plaisirs…
— Ah. Si tu le dis.
— Prends exemple sur Evenis ! Regarde comment elle flotte paisiblement !
— Je crois plutôt qu’elle s’est évanouie. Vu comment elle a essayé de boire la source tout à l’heure, ce n’est pas étonnant. On devrait peut-être l’aider d’ailleurs…

Asda fronça les sourcils :

— Non, je ne peux pas accepter que quelqu’un ne s’amuse pas dans ma source chaude ! Mais ne t’en fais pas Eily ! Moi, Asda, en tant que Foréa Impériale, me donne pour mission d’égayer ton esprit !
— … on ne pourrait pas laisser mon esprit tranquille ? s’inquiéta soudain la demoiselle cyan.
— Non, non, et trois fois non ! Hé puis, tu as passé je-ne-sais-combien de jours dans ta chambre, sans laisser la chance à ton corps de respirer de l’air pur ! Je n’imagine même pas combien de toxines tu dois avoir accumulées !
— … tu t’improvises médecin du dimanche maintenant ?!
— Ah ! Moque-toi tant que tu veux, je ne peux pas laisser l’une de mes amies dans un état aussi lamentable ! Eily, prépare-toi !

Asda inspira longuement, devant l’œil de plus en plus perplexe de la demoiselle cyan. Puis, brutalement, la Foréa Ailée s’écria :

— Tza, à toi de jouer !
— … Nyah ?!

Soudain, Tza émergea de l’eau et saisit Eily par les épaules. D’ordinaire, la fillette ne daignerait jamais aider Asda, mais, pour aider Eily, elle acceptait de mettre son aigreur de côté. La demoiselle cyan tenta de se débattre, toutefois, la poigne de Tza restreignait solidement ses bras. Eily déglutit, comprenant qu’elle était sans défense. Le sourire d’Asda s’agrandit.

— Eily, Eily, ma petite Eily…, lâcha-t-elle malicieusement.

Asda laissa ses doigts se balader légèrement sur le mince ventre de sa victime.

— Oui, effectivement…, souffla Asda. Je sens beaucoup de points de tension dans ton corps…
— N-Nyah ? N-Non, tu te fais des idées ! Tza ! Lâche-moi !
— … c’est pour ton bien, répondit la fillette en détournant les yeux.
— … !

Asda laissa un sinistre gloussement s’échapper de ses lèvres :

— Hihihi, ne t’en fait pas Eily, tu es entre de bonnes mains avec moi. Tu vas voir, tu es peut-être réticente actuellement ; mais dès que tu goutteras à mon incroyable technique, tu te sentiras si légère…
— Hé ! Q-Q-Qu’est-ce que tu fais avec tes doigts ?! N-Non, recule !
— Oh ? fit narquoisement Asda. Tu veux que je recule mes doigts ? Comme… ça ?
— … !! Nyaaaaah !!

Ainsi débuta la longue et exténuante séance de ‘‘détente’’ d’Eily. Enivrée par la source chaude, Asda avait définitivement laissé tomber son masque de Foréa professionnelle pour retrouver une espièglerie à la limite de l’indécence, au grand dam de sa victime à la chevelure cyan.
Une heure plus tard, les cris d’Eily raisonnaient encore ; toutefois, si ses éclats de voix cristallisaient premièrement la peur, petit à petit, la tonalité des cris basculait progressivement vers quelque chose de bien plus ‘‘détendu’’…