Disaster Squad de Rodstar

« - Hey Léa, la Broubargis veut te voir ! héla une jeune femme, les traits tirés en faisant irruption dans la pièce.
- Quoi ?! Qu'est-ce qu'elle me veut encore ? s’énerva une autre adulte, rousse, en se relevant du chevet du Pokémon Fée dont elle s’occupait.
- J'sais pas, mais c'était urgent, j'te reprends sur ce Snubull.
- Ouais, merci… »

Poussant un soupir de circonstance, Léanne traversa les couloirs de l’hôpital pour Pokémon d’Unionpolis, suivie de près par son Nanméouïe qui trottinait. Elle passa une main dans ses longs cheveux carotte, maintenus en place par un chouchou mauve. Pourquoi sa supérieure l’avait convoquée cette fois ? C’était déjà la troisième cette semaine, et ce n’était que Mercredi. Ayant traversé plusieurs couloirs, la médecin épousseta sa blouse blanche, prit une grande inspiration et toqua plusieurs fois contre la porte du bureau de sa charmante supérieure. Puis rentra quand un grognement lui répondit. Joie infinie, elle était de mauvais poil.

« - Vous m’avez demandée, madame Broubargis ? dit-elle tout simplement, priant pour que ce soit rapide.
- Ouais et j’aimerais te voir plus vite, la danseuse. Bref, on a encore eu un pépin et comme d’hab, tu vas te charger de l’annoncer. grommela l’espèce de Batracné qui ne releva même pas la tête de son bureau.
- …oh... Très bien.
- Qu’est-ce que tu fous encore là alors ? »

Oh ça va, c’était juste ça. Pas comme si quelqu’un était mort. Enfin si, elle était bête. Elle sortit du bureau de sa supérieure, baissa la tête et serra les poings de rage. Pourquoi c’était toujours à elle de s’occuper de ça ? Un coup d’œil vers son Nanméouie et ses autres Pokéball, puis vers le badge vert kaki qu’elle portait à sa blouse lui rappela pourquoi. Les divers discours démoralisants en groupe de la grognasse qui se pressaient dans sa tête aussi. Levant les yeux au ciel, elle rappela son aide-soignant qui tentait de la consoler et partit vers l’aile des accidents comme on se plaisait à l’appeler. Elle fit attention de bien tourner l’accessoire qui retenait ses Pokéball à sa ceinture de sorte à ce qu’on ne le voit pas. Il ne fallait absolument pas que les propriétaires du malheureux risquent de se rappeler que d’autres avaient des Pokémon en bonne santé avec eux. Elle passe la tête dans un sas, soupirant d’avance.

« - Yup Sylvie, quel est le pitch cette fois ? demanda-t-elle à l’infirmière qui avait l’air encore plus dépassée que les autres.
- Oh Léanne, Mew soit loué, t’es là ! s’exclama le petit bout de femme, des sanglots dans la voix.
- Ouais, n’en fait pas trop, quand même.
- Rattata. Écrasé sous un éboulement lors d’un séisme naturel au Mont Couronné. Propriétaire ado qui venait de le capturer, pas présent dans nos fichiers. Accompagné du père. Ils sont calmes, juste secoués.
- Cette région commence à foutre le camp, c’est moi qui te le dit. Peu d’attachement sentimental, cause accidentelle et naturelle. Comme d’habitude alors, annonce brève, proposition de soutien psychologique et voilà. »

Et elle fit juste ça, annonça calmement la mort du rongeur à son Dresseur, accompagné de son père. Les deux sortirent du bâtiment un peu plus tard, quelque peu choqués, suivis par la médecin, une heure plus tard, ayant terminé son service. Passablement lessivée par sa journée, Léanne retrouva avec bonheur son chez-elle, un petit studio dans la banlieue d’Unionpolis. A peine rentrée, avant même de retirer sa veste, elle lâcha ses Pokémon dans son appartement. Toudoudou voletta sur sa table basse attitrée en émettant de mignons gazouillis, pendant que Nanméouïe allait commencer à préparer le dîner. Quant à Scarhino, il se posa dans un coin et entama son énième sieste de la journée.

Léanne De L’Aulne (elle détestait son patronyme, mais d’une force) mit la bouillotte à chauffer pour son thé, en faisant attention de ne pas gêner son Pokémon dans ses préparatifs. Remarquant qu’elle avait toujours son manteau sur les épaules, elle passa en salle de bain et retira le chouchou qui maintenait ses longs cheveux roux en place et le raccrocha à un présentoir, avec les six autres. Elle se peignait quand le sifflement caractéristique de l’eau qui bout l’arrêta. Hop, son thé était prêt. Elle fourra un paquet au micro-ondes et sortit son ordinateur portable.

« - Et bon appétit à vous les affreux ! » héla t-elle à son équipe qui lui répondit par divers cris.

Ce soir c’était potagère de légumes et champignons à la crème. Pour les Pokémon. L’humaine se contentait fort bien de ses nouilles instantanées, merci. Les trois gastronomes ne relevèrent même pas la tête quand ils commencèrent à entendre les grognements sporadiques de leur Dresseuse. Voilà qu’elle était repartie jouer sur son PC avant même d’avoir ouvert ses mails. Le Pokémon Audition soupira et alla chercher un classeur rempli de fiches colorées, en sélectionna certaines et les posa à côté de la rousse qui les feuilletta rapidement après sa partie.

« - Alors, penser à faire les courses, penser à regarder les mails, mince ouais… Penser à appeler la famille, on est au début du mois, ah oui tiens c’est vrai. Merci Nanméouïe, je fais ça après encore une partie !»

L’affable Pokémon rose leva les yeux au ciel et agita la patte, habitué. Il ne releva même pas quand l’humaine commença ses appels consécutifs, son téléphone coincé entre son oreille et son épaule et sa console portable dans les mains. De même aucune réaction quand elle lui fit vérifier son panier sur le site de livraison à domicile-même-quand-les-gens-sont-pas-là-trop-pratique. Des légumes et des nouilles instantanées. Bah voyons, c’est pas comme s’il y avait un supermarché au bout la rue, hein ?

Après encore quelques jeux divers, la médecin décolla enfin des écrans et passa un peu de temps avec ses Pokémon. Devant la télé. A regarder la chaîne documentaire. Nanméouïe était assis dans le fauteuil, blasé, pendant que la Dresseuse était allongée sur le tapis, le menton posé sur Toudoudou qui émettait par intermittence des gargouillis. L’insecte était tranquillement en train de vider le sèche-linge, poussant par intermittence des bourdonnements indignés : il loupait les enquêtes sur la migration nord-sud des ruches d’Apireine.

Quand la boule féerique piqua du nez, la rousse décida qu’il était temps d’aller au lit. Elle porta le bébé Pokémon jusqu’à un couffin dans la chambre puis alla se mettre en pyjama. En sortant de sa salle de bain, elle fit signe à NanméouÏe et Scarhino qui s’étaient posés dans leurs lits. Les deux répondirent par des grommellements et s’en furent pour leur nuit. La rousse rejoignit son propre couchage : un matelas posé par terre avec plusieurs couettes empilées dessus de manière erratique. Léanne décida d’ignorer l’ordinateur portable pour ce soir : elle serait d’astreinte plus tard dans la semaine, alors autant prendre un peu d’avance sur son planning de sommeil. Avant de se lancer dans les bras de Morphée, elle lança un coup d’oeil au meuble sur lequel Toudoudou était posé et s’attarda sur le trophée qui trônait à côté. Poussant un soupir, elle décida enfin d’aller au pays des rêves.

« - MADEMOISELLE DE L’AULNE ! PLUS VITE BON SANG ! »

La médecin soupira en courant, supportant les beuglements de sa supérieure le mieux possible. Elle n’en pouvait plus, il y avait eu du grabuge à l’Arène, un groupe de délinquants ou elle ne savait quoi. Bilan : beaucoup de Pokémon à l’hôpital. Quand un Centre Pokémon ne suffisait pas à régénérer ces chères bébêtes, elles atterrissaient ici. Et Léanne n’avait pas envie de devoir annoncer d’autres … accidents à d’autres Dresseurs. Donc elle se pressait, d’autant plus que ses collègues étaient tous proches du burn-out. Nanméouïe la suivait, un air inquiet sur son visage.

Elle sortit tard, bien plus tard que d’habitude et bien plus fourbue que d‘habitude aussi. Son aide-soignant s’était effondré de fatigue sur la fin et elle s’en voulait pour ça. Elle ne pouvait pas s’empêcher de remuer la Pokéball de son meilleur ami, qui s’entrechoquait avec ses clés et d’autres objets divers. Au moins elle n’aurait à travailler que le lendemain soir... Elle soupira : le dernier bus était déjà passé depuis une bonne demi-heure. Elle n’avait plus qu’à marcher, et prier Arceus de ne pas s’endormir sur le chemin.

« - Oh vous voilà ! » tonna une voix à côté d’elle.

La rousse sursauta et tourna la tête, remarquant enfin l’homme qui se leva du petit muret qui bordait l’entrée du bâtiment. Tout vêtu de noir dans un costume faisant très professionnel, il portait aussi un chapeau melon bordé d’une bande jaune. Léanne ne pouvait pas trop le détailler plus que cela, sous les lumières faiblardes qui éclairaient la scène.

« - J’ai eu peur, j’ai cru que je vous avais loupé. Docteur de L’Aulne, je ne me trompe pas ?
- ...médecin. Je ne suis pas docteur.
- Oh oui c’est vrai, toutes mes excuses. Euh… et bien mademoiselle De L’Aulne j’ai une proposition pour vous.
- Pas intéressée. Je peux y aller ?
- Mais… Attendez quoi ! Vous pouvez refuser mais attendez au moins de savoir ce que j’ai à dire, c’est la moindre des politesses !
- ...dit l’homme pas du tout flippant qui vient m’aborder sur mon lieu de travail à une heure du matin.
- Ecoutez, vous me laisser parler et je vous paye le taxi pour rentrer chez vous.
- ...allez-y. »

Léanne se posa dans son canapé, sous le regard étonné de Nanméouïe. Elle regardait une petite carte de visite, l’air très concentré. Ses Pokémon se dévisagèrent pendant quelques minutes avant de hausser les épaules et de partir se coucher. Après un certain temps, la rousse sembla sortir de ses pensées, cligna plusieurs fois des yeux avant de s’emparer de son téléphone portable et de passer un appel.

« - Allô ? Monsieur Eleveny ? Quoi il est cinq heures du matin ? Ah oui tiens… Euh… J’appelais juste pour dire que j’acceptais... Ouaip… Oui je suis dispo … demain soir. Demain demain pas demain aujourd’hui, oui. Dix-huit heures au Simia-bar ? J’y serai. Bonne… journée ? »

La médecin se releva, regarda l’heure, soupira et décida d’aller se coucher. Elle détestait se décaler comme ça, mais les astreintes étaient ce qu’elles étaient. Nanméouïe grogna un peu dans son sommeil quand elle passa devant lui. La rousse s’arrêta quelques secondes pour regarder son Pokémon fétiche.

« - Et ben toi qui te plains toujours que je ne prend pas ma vie en main… Tu vas être ravi. »