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Portrait de ville de Corpus09



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Informations

» Auteur : Corpus09 - Voir le profil
» Créé le 01/01/2018 à 00:02
» Dernière mise à jour le 01/01/2018 à 17:30

» Mots-clés :   Fanfic collective   Kalos

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Carole
C’est une femme pas bien grande, pas bien vieille, ni très jeune. Elle s’est assise sagement sur la banquette arrière, grise comme son tailleur chic, elle a appuyé un coude contre la portière et elle regarde dehors d’un air ennuyé. Une frange brune tombe presque sur ses yeux et les plonge dans l’ombre, déjà qu’ils sont noircis par un trait d’eye-liner… elle est beaucoup trop maquillée. Elle a même essayé de cacher ses taches de rousseur avec du fond de teint, mais ça a pas l’air spécialement réussi. Remarquez, elles sont pas moches, ses taches de rousseur.

Elle soupire, elle se relève un peu sur son coude et tourne les yeux sous sa frange vers le chauffeur. Elle est de ces gens qui ont pas compris que pour regarder le chauffeur dans une voiture, faut regarder le rétroviseur. Elle doit pas avoir l’habitude ; vous me direz, de toute façon, regarder les gens avec un rideau de cheveux pareil… ça vous ferme un horizon, ça.

Elle regarde donc le dos du chauffeur.

« C’est bien étrange comme concept, ce taxi qui fait parler les gens. Mais c’est malin de le mettre gratuit. Vous n’aurez juste pas les stylish comme on dit, les taxis le sont déjà, pour eux. Mais personnellement, hein, je ne le prends pas pour parler, je n’aime pas beaucoup parler.

« C’est bon pour les imbéciles, ça, raconter sa vie à un chauffeur inconnu à bord d’un taxi orange. Vous ferez attention, tiens : le orange, c’est la couleur de la Team Flare. Il pourrait toujours y avoir des citoyens pour se figurer que M. Lysandre a racheté l’office du tourisme d’Illumis, tiens (elle sourit avec dureté). »

Le chauffeur hoche la tête, on lui a dit de parler un minimum, mais il faut tout de même ‘’entretenir’’ le client, d’autant plus qu’elle n’a pas l’air facile, celle-là. Sa voix n’est même pas agréable, c’est celle d’une femme d’affaires qui fume. D’ailleurs elle est là à sortir sa cigarette de son sac à main, son petit briquet, et elle ouvre la fenêtre avec à peine une excuse pour tirer une bouffée. Elle souffle par le coin de la bouche et la fumée se barre dans un ciel sombre et froid.

« C’est quoi le but exactement alors ? C’est l’office du tourisme, c’est ça ? Et donc, vous voulez enregistrer un maximum de personnes s’extasier sur Illumis pour en faire une brochure publicitaire ? »

Un documentaire, rectifie mentalement le chauffeur, mais il n’a pas à répondre à ces questions, alors il se tairait jusqu’à ce que cette dame frangée le saisisse.

« Ce serait pour chasser l’image de la Team Flare omniprésente, je me doute ?

« Monsieur ?

« Monsieur, vous m’écoutez ?

« D’accord, bien. Vous ne répondrez à rien, c’est comme ça que ça marche, n’est-ce pas ? C’est malin ! »

Elle se tait un instant, histoire de marquer son ennui, s’occuper de sa cigarette, et se dire que merde elle n’allait pas tout près le trajet serait long. Oui, elle doit penser ça, puisqu’elle commence ainsi :

« Je me rends à une sorte de réunion, avec d’anciens collègues. Une petite fête, en fait (le doublon la fait grimacer discrètement ; elle se carre contre le dossier de sa banquette). Je ne le cache pas, j’ai appartenu à la Team Flare, en tant que manager liée au pôle scientifique. Là-bas, on était répartis en petites unités, de quatre ou cinq personnes qui travaillaient ensemble sept heures par jour. Je me suis vite bien entendue avec le groupe que je supervisais, j’avais gardé des contacts parmi eux, et on a décidé de se rassembler chez l’un pour une soirée. Voilà. À noter qu’on ne va pas essayer de détruire le monde, hein, on s’est dit lors de la première fois que ce n’était pas une très bonne idée. »

Elle reprend une bouffée de sa cigarette et la fait tourner entre ses doigts.

« Bref, c’était quoi, les questions, déjà ?

« Comment je suis arrivée à Illumis ? Ah, on ne dirait sans doute pas comme ça, mais j’ai grandi à la campagne, dans une maison trop grande pour moi, où je me suis toujours ennuyée. Je me souviens surtout qu’il y avait énormément de Pokémon là-bas, mais que mes parents refusaient que j’en capture avant l’âge de dix ans. Et à neuf ans, nous avons déménagé pour Illumis. Ce n’était pas bien loin de chez nous, mais cette histoire de Pokémon m’avait mise en rage, je ne pensais même pas que ça m’avait tant marquée, se surprend-elle toute seule. »

Cigarette.

« C’est vrai que cette impression d’être passée toute proche d’une solution à mon ennui m’est restée assez longtemps. J’ai été fâchée contre Illumis, j’ai même refusé de sortir plusieurs fois, ça s’est arrangé plus tard. »

Elle s’interrompt, pensive.

« J’adore cette ville. Ah, vraiment. C’est une des questions, je crois ? Oui, eh bien, j’aime beaucoup Illumis. Vous en trouverez sans doute peu qui le revendiqueront comme ça, on me regarde étrangement, en général, à en être si convaincue.

« En fait, ce que j’apprécie, surtout, c’est la construction en cercle. J’aime les cercles, ils n’ont pas de fin ; se promener à Illumis, c’est ça, si vous avez le courage de faire un tour complet de la ville, vous allez revenir à votre point de départ, mais il n’est pas dit que vous vous en apercevrez. Il y aura des éléments différents, les gens ne seront pas les mêmes, vous allez trouver une rue sur le côté que vous n’aviez pas remarquée. Je ne dois pas vous apprendre grand-chose, vous avez un métier qui permet de le faire souvent, le tour de la ville, j’imagine.

« Ah, parce qu’on ne se figure pas, quand j’étais dans ma campagne, à m’ennuyer, je sortais parfois, et je trouvais toujours le même paysage. Toujours, les mêmes arbres, les mêmes buttes, la même balançoire, avec de la pluie, de la neige ou rien du tout, ça restait pareil. À Illumis, il y a les gens pour faire changer le paysage. Ça, ça doit être l’une des choses qui m’ont le plus plues à mon arrivée ici — et qui me plaisent toujours.

« Il y a aussi le fait de tout avoir à portée de main, mais là, je dois rien apprendre à personne. Je n’étais jamais allée au cinéma de mon enfance, par exemple, on prenait la voiture pour aller faire les courses au village le plus proche, et c’était tout.

« Ce avec quoi j’ai plus de mal, en revanche, c’est le tourisme omniprésent, et la course au « style Illumien ». Je ne sais pas si ça a toujours été, mais j’ai l’impression que ça se propage de plus en plus ; on a certains jours de pointe, où mieux vaut prendre de petites rues pour pouvoir avancer. Enfin, tout cela me vient peut-être de la Team Flare : la foule n’a jamais vraiment encouragé les opérations sur le terrain, après tout, et j’avais l’habitude d’entendre pester contre les touristes. »

Cigarette, et elle permet quelques secondes de silence. Elle a vraiment pas une voix sympathique, cette dame, et l’est-elle elle-même…

« La Team Flare, vous dites ? Eh bien, j’ai toujours soupçonné qu’on avait déménagé pour ça, pour ‘’le travail de ma mère’’ ; j’ai appris plus tard qu’elle était Manager au sein de la Team, et j’ai pu suivre ses traces en grande partie grâce à ses appuis, je dois l’avouer. Heureusement, sourit-elle, je n’aurais sans doute pas pu rester sbire et suivre des ordres à longueur de journée.

« Intéressant que je vous parle de cela d’ailleurs, puisqu’à la Team Flare, on travaillait beaucoup avec la ville, justement. Il fallait aller rencontrer des contacts, visiter de potentiels locaux, hmm… parfois même surveiller des gens, quoique je ne m’occupais pas tellement de ça. En tous cas, le QG principal était basé sous un café, le Café Lysandre — oh, vous en avez forcément entendu parler ! — qui l’air de rien participait beaucoup à la vie du quartier. Il n’y avait jamais que des sbires là-bas — remarquez, si les gens avaient su qu’on voulait faire exploser le monde… »

Elle avait dit ça avec une certaine ironie. Le chauffeur serait curieux d’en savoir plus, quoiqu’il n’est pas bien là pour ça…

« Ah non mais je vous rassure, c’était l’idée de M. Lysandre, ça. Aucun de nous n’a jamais travaillé dans cette optique, ou pas à ma connaissance. L’idée, c’est que la Team Flare devait rendre le monde meilleur. On a vite compris que les moyens utilisés n’étaient pas les plus clean, mais de là à imaginer ce que projetait notre bien-aimé leader…

« Bref ! Hmm ? À part ça ? Eh bien, plus grand-chose à présent, je dois l’avouer. J’étais énormément impliquée dans la Team, ah oui, heures supplémentaires, tout cela, alors quand d’un coup tout a disparu… vous imaginez mon désarroi. Je cherche un nouvel emploi, mais je dois avouer avoir mis un certain temps à encaisser le choc. Enfin, c’est du passé, tout cela.

« Maintenant ? Eh bien… je vis seule dans un appartement assez grand du centre-ville, je vais au café tout le temps et au cinéma de temps à autre, parce que je suis quelqu’un qui aime sortir, j’imagine. Je vous dis, jusqu’à neuf ans, je ne faisais rien, alors c’est presque un traumatisme, ah oui !

« J’ajouterais même… »

Le taxi s’arrête, il est arrivé. La dame se tait, avec comme un embarras qui lui fait serrer les lèvres, comme si elle en avait trop dit ou s’était étalée. Elle n’aime pas parler. Alors elle marmonne un vague « Bonne soirée » et s’en va en laissant son mégot rougeoyer sur un pavé. Le taxi écrase la lueur en redémarrant.


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