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Calendrier de l'Avent 2017 de Corpus09



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Informations

» Auteur : Corpus09 - Voir le profil
» Créé le 16/12/2017 à 15:14
» Dernière mise à jour le 16/12/2017 à 15:14

» Mots-clés :   Fanfic collective   Song-fic

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Jour 16 : Affreux Noël, par Eliii
Well, hello there...

Vingt-cinq décembre. Le jour entouré sur le calendrier au gros feutre rouge, pour se rappeler qu'il est là et qu'il y a un devoir à remplir. Comme une bonne catholique irait à l'église un dimanche matin, la vieille Michelle exécute son rituel de Noël.

D'abord, elle se lève tôt, sans réveiller le delcatty dans son panier. Elle aime bien se promener dehors quand il y a encore peu de monde, que la neige est toute fraîche et blanche, et que l'odeur du pain envahit la rue de la boulangerie. Mais elle se fiche bien d'un petit-déjeuner, pour l'instant. Elle préfère se le préparer en rentrant.

Ses grosses bottes fourrées s'enfoncent dans la neige. Ça lui rappelle l'oreiller quand elle pose sa tête dessus, un peu. Mais comme c'est vingt-cinq décembre, elle ne regrette pas de l'avoir quitté. Elle dormira tout son saoul demain.

Comme chaque année, elle passe la porte de chez la fleuriste. Une vieille amie, depuis tout ce temps. Elle a déjà préparé la gerbe de fleurs habituelle. Pas une parole n'est échangée. Pièces contre fleurs, et c'est tout. C'est comme ça que la femme âgée préfère les choses.

Ensuite, il y a le petit trajet qui serpente entre les pâtés de maisons tranquilles. Rien d'extraordinaire, mais il y a toujours un léger pincement au cœur. Pas catastrophique, mais dérangeant.

Cependant, elle appartient à cette catégorie de gens qui n'extériorisent pas ce qu'ils ressentent. Non, tout garder en elle lui paraît plus facile. Pas nécessairement plus sain, mais ce n'est pas insurmontable. Tandis que parler lui nouerait les entrailles ; elle le sait.

Elle pense un instant à tous ses voisins, qui iront sûrement faire un tour à la cathédrale pour la messe de Noël. Quelque chose de bien ennuyeux, de son avis. Un monsieur qui débite des choses et d'autres ; personne n'écoute vraiment, d'ailleurs.

Ceux qui s'assoient sur ces bancs préféreraient sûrement visiter des châteaux, palais et autres catacombes. C'est après tout plus passionnant.

Cette vieille dame-là n'a que faire de ses semblables, aujourd'hui. Même sa famille ne vient plus la voir pour les fêtes. Mais n'en a-t-elle pas émis le souhait elle-même ? Si, peut-être bien.

Quand elle passe les grilles du cimetière, c'est avec calme et contenance. Comme si elle allait saluer un ami. En somme, c'est un peu ce qu'elle fait. Elle serpente entre les pierres tombales et l'herbe chahutante — maudit vent ! — sans même regarder où elle va. C'est instinctif.

Et elle s'assoit devant l'une d'elles, après avoir déposé les fleurs juste devant. Elle s'assoit et pense au temps passé. Ça fait longtemps, maintenant. Plusieurs années. Presque dix, ou est-ce douze ? Elle le saurait pertinemment si elle avait jugé utile de compter. Mais ça n'a pas d'importance.

Dans un état de semi-absence, elle contemple la stèle d'un gris uniforme sans vraiment la voir. Les lettres qui forment le nom sont floues ; aucune importance. Ce qui compte n'est pas ce morceau de caillou, c'est ce qu'il signifie.

Toutes ces heures passées ensemble et maintenant si lointaines. Qu'ils étaient beaux, les après-midi à flâner au soleil, dans l'herbe du parc. Un peu ennuyeux à la longue, mais être en compagnie l'un de l'autre n'avait pas de prix.

Comment s'étaient-ils connus, déjà ? Sur les bancs de l'école, et au sens littéral du terme. Il y en avait beaucoup, des bancs, dans la cour du collège de la ville. Ils passaient le plus clair de leurs récréations ensemble, d'ailleurs. Elle allait parfois voir quelques copines, mais c'est auprès de lui qu'elle se sentait le mieux.

Ça en fait, des années ! Entre cinquante et soixante. Ce qu'elle est vieille, maintenant, Michelle. Plus de première fraîcheur, et pourtant elle y tient, à sa balade à pied. C'est comme ça, les traditions. Même quand ça devient un poids, on veut pas les sacrifier.

Elle respire un bon coup et ferme les yeux, sereine. Se rappeler du temps passé, parfois ça fait du bien. C'est ce dont on a besoin pour avancer. Une fois par an, c'est raisonnable.

Ses paupières se soulèvent doucement, et en contemplant la belle pierre tombale, pour laquelle elle a dépensé une coquette somme, elle songe à tout ce qu'elle a perdu quand elle l'a enterré. Il était comme son rayon de soleil. Quand il la regardait et lui souriait, elle se sentait heureuse.

A présent, elle se sent un peu sale de l'avoir remplacé. Ce sont des choses qui se font, bien sûr, et que la société admet. Mais ça a ce côté immonde qui l'a longtemps gênée avant qu'elle ne se décide à sauter le pas. Elle l'a fait, finalement, probablement par crainte d'être seule.

Et elle le regrette une fois par an, forcément. Qu'est-ce qu'un jour sur trois cent soixante-cinq ? Un grain de sable dans l'océan. Mais ce grain de sable existe chaque vingt-cinq décembre. Comme une piqûre de rappel chez le docteur.

Une piqûre qui fait vraiment très mal, pour le coup. Ce n'est pas juste une douleur fugace, non. Ça dure toute la journée. Quand vient le vingt-six, il y a un poids qui s'en va, et l'oubli revient à la charge. Elle se trouve atroce, de penser ça. Mais que peut-elle y faire ? Les choses fonctionnent ainsi.

La vieille dame se lève. Ses genoux lui font un peu mal, mais pas autant que son cœur et son âme. Elle époussète ses vêtements, même si c'est inutile ; trois brins d'herbe, y a pas mort d'homme. Puis elle caresse doucement le haut de la pierre, comme elle le faisait avec son dos quand il était fatigué...

C'est toujours à ce moment là qu'elle se met à pleurer et qu'elle se recroqueville. Ce geste anodin est un vrai crève cœur. Et ça recommencera l'an prochain quand elle reviendra. Elle doit partir, mais comme toujours elle a du mal.

Alors elle laisse couler les larmes, et ne fait pas attention à la ville qui se réveille ; aux gens qui ouvrent leurs fenêtres et qui aperçoivent, au cimetière, la mère Michelle qui a perdu son affreux gros chat.



[D'après “Funny How Time Slips Away”, Billy Walker (1961)]