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Entre ciel et mer de Flageolaid



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Informations

» Auteur : Flageolaid - Voir le profil
» Créé le 29/10/2017 à 11:22
» Dernière mise à jour le 08/10/2018 à 10:21

» Mots-clés :   Absence de combats   Alola   Présence de personnages du jeu vidéo

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Chapitre 3
Ondine se sentait reposée, elle avait passé une nuit paisible. En fait, cela faisait des années qu'elle n'avait pas aussi bien dormi. La course folle de la veille semblait avoir épongé toute son excitation. Pas une seule fois elle n'avait repensé au dénouement de l'épreuve. La jeune femme aurait tout le loisir de se repasser la compétition en mémoire quand elle serait de retour dans sa piscine, à Azuria.
Sereine, elle jouissait de l'instant présent. La sable tiède, la brise matinale, le chant des vagues, l'odeur de l'océan, tout l'emplissait d'une euphorie tranquille. Il lui avait fallu devenir adulte pour commencer à apprécier la vie de cette manière. Ce serait bientôt à son tour de se jeter à l'eau, mais elle ne ressentait aucune angoisse.

La troisième épreuve se déroulait en matinée, tant que les températures restaient agréables. Les six participants encore en lice devaient montrer toute l'étendue de leur talent en réalisant les plus belles figures qui soient. Chacun disposait d'une dizaine de minutes pour ce faire.
Un jury composé de trois anciens évaluait la performance des surfeurs depuis un banc placé à la pointe de la plage, au plus près des flots. À onze heures, les deux surfeurs ayant remporté les meilleures notes se qualifieraient pour la finale.
Il s'agissait, et de loin, de l'épreuve favorite d'Ondine, celle qui concentrait tout ce que la rouquine adorait dans le surf Démanta. Elle s'était entraînée dur tous les jours avec Naïade pour atteindre ce niveau de la compétition, ce qui expliquait son étrange état d'esprit, proche de la plénitude. Elle vivrait bientôt son instant de gloire, elle en était convaincue.

En attendant son tour, elle regardait ses rivaux depuis la plage. Sa victoire de la veille lui avait attiré la sympathie d'un groupe hétérogène d'autochtones qui lui avaient réservé une place pour admirer la compétition. La jeune femme se laissait progressivement aller à cette ambiance chaleureuse qui caractérisait la culture d'Alola.
Les autres surfeurs se trouvaient également assis sur le sable blanc, les yeux rivés sur l'océan. Un d'entre eux avait déclaré forfait une demi-heure auparavant, car terrassé par une soirée festive. Le jeune homme, originaire de Mele-Mele, avait célébré sa réussite à la deuxième épreuve par un banquet avec ses proches, en abusant beaucoup trop des bonnes choses.
Il restait donc Ondine, le Guitariste José, Amana qui espérait remporter le tournoi pour la troisième fois consécutive, un top-dresseur taciturne venu de Sinnoh et Néphie.

La sirène de Kanto éprouvait beaucoup d'admiration pour la jeune Capitaine des Épreuves. Depuis le début de la compétition, l'adolescente ne cessait de la surprendre de par sa fougue et sa technique impeccable. Hors de l'eau, elle semblait pourtant si timide, voire insipide.
Tous les regards étaient braqués sur Néphie, qui bravait les flots avec une grâce insolente. C'était à son tour d'enchaîner les figures les plus folles devant la foule ébahie. Ondine pouvait sentir le public s'enflammer à chaque fois que la fille fluette s'envolait vers les cieux.
Otohime, la Démanta de Néphie, disposait d'un corps allongé, semblable à une torpille, lui assurant un meilleur aérodynamisme que la plupart de ses congénères. En outre, le poids plume de sa dresseuse lui permettait de bondir encore plus haut dès lors qu'elle s'élançait sur les vagues.

Une fois de plus, la surfeuse et sa monture quittèrent le bleu sombre de l'océan pour le cyan vif du ciel. Derrière elles se découpait la silhouette massive d'Ula-Ula, avec Kokohio avançant vers Akala et les deux imposantes montagnes. Vu de la plage, Néphie semblait pouvoir toucher les sommets de sa main minuscule.
Ondine rêvait de ce que l'on peut ressentir lorsque l'on atteint la cime d'un mont, debout sur le dos d'un Pokémon, propulsé par une vague énorme. La voix qui sortait des hauts-parleurs la ramena bien vite à la réalité.

« ...qui enchaîne sur un Tonneau Wailmer, suivi d'une Vrille Rosabyss...
– Allez ma grande, montre-leur comment on fait à tous ces amateurs ! rugit Alyxia.
– Et se réceptionne après un 180 degrés. Pfiou, je n'en voyais plus la fin de ce saut ! Tu prends les jumelles, frangine ?
– Mais volontiers, mon cher. Oh, Néphie repart à la charge !
– Il y a une sacrée vague qui se forme à sa gauche. »

Euphorbe et Alyxia se partageaient une paire de jumelles. De leur position, ils avaient parfois du mal à distinguer les figures réalisées par les surfeurs. Leurs commentaires savaient être pertinents, sans devenir pompeux, et drôles, sans être forcés. Il y avait une bonne synergie entre eux, témoignant d'une longue amitié débutée sur les bancs de l'école.
Ondine les observa en souriant. Après de longs mois passés à éviter les autres pour s'entraîner en cachette avec Naïade, elle se surprit à rechercher le contact humain. Ce séjour à Alola lui donnait l'occasion de s'ouvrir à nouveau à autrui. Si seulement cette envie pouvait perdurer à son retour de vacances.

Le public se leva d'un coup en protestant. La championne d'Azuria, qui n'avait pas suivi l'affaire, imita la foule, tout en cherchant Néphie du regard. Elle vit un point gris qui se mouvait dans l'eau et reconnut le casque de l'adolescente. Cette dernière nagea jusqu'à Otohime, grimpa sur son dos et regagna lentement la plage.

« Oh non, ma pauvre Néphie ! s'exclama Alyxia. Te rater sur ta dernière figure !
– Espérons que cela n'affectera pas trop sa note, car elle nous a livré une superbe performance, ajouta Euphorbe. »

Tomber de sa monture n'était pas éliminatoire pour cette épreuve, mais il valait mieux éviter si on voulait rejoindre la finale. La jeune Capitaine des Épreuves mit pied à terre, ôta son casque et rappela sa Démanta. Ses cheveux bleutés assombris par l'eau collaient à son visage blafard et triste. Avec toutes ces gouttes qui ruisselaient, on n'aurait su dire si elle pleurait.
Elle s'avança vers le banc du jury, les yeux rivés au sol. Elle ne voulait croiser le regard de personne avant de connaître sa note. Il en serait peut-être de même après. Les trois anciens en chemise à fleurs délibéraient encore. Puis l'un d'eux saisit le morceau d'ardoise posé à ses pieds, y traça deux chiffres et le retourna, de façon à ce que tous puissent lire la note.
Dix-huit.
Ondine faillit lâcher un cri de joie, mais se retint à temps. Ici, la notation ne se faisait pas sur vingt. Puisqu'il existait quatre Doyens et sept Capitaines des Épreuves, on calculait sur un total de vingt-huit points – soit quatre fois sept – un nombre rattaché aux traditions d'Alola, d'une certaine manière. Néphie déglutit ; elle avait espéré mieux, elle s'était attendue à pire.

La sirène de Kanto aurait aimé glissé un mot réconfortant à sa concurrente, mais il fallait qu'elle se prépare pour son tour qui débuterait d'ici une poignée de minutes. D'abord, un des anciens envoya son Froussardine effectuer quelques rondes.
Sous l'eau, le Pokémon appela ses semblables autour de lui, formant un banc monstrueux qu'aucune créature marine, même les plus impressionnantes, n'osait attaquer. Le sombre mastodonte défila en effrayant les malheureux se trouvant sur son passage. Contrairement à la deuxième épreuve, il était préférable que les surfeurs n'aient pas à éviter de Pokémon sauvages.

Quand le Froussardine regagna sa pokéball, Ondine s'avança vers l'océan sur sa monture. Naïade accélérait progressivement en s'éloignant vers les collines mouvantes et mugissantes. La surface de l'océan se levait et s'écrasait avec plus de force que la veille.
Un sourire au coin des lèvres, Ondine s'élança pour sa première figure. Son Démanta fonça sur la première vague, tremplin d'écume vers l'éther, et vrilla dans les airs ; sa dresseuse se cramponna aux poignées de sa planche pour ne pas être éjectée. Une brève tension parcourut tout ses muscles comme un courant électrique, alors son corps sut ce qu'il lui restait à faire.

Naïade regagna l'océan. Une courte boucle dans l'eau lui permit de reprendre de la vitesse avant d'attaquer une nouvelle fois les vagues. Sa dresseuse et elle avaient énormément travaillé les enchaînements de figure, toutes les deux savaient ce qui pouvait se faire ou non. Par exemple, il était impossible de réaliser une Vrille Rosabyss – dans le sens des aiguilles d'une montre – après une Vrille Serpang – dans le sens inverse.
La surfeuse brava la vague, puis ce fut l'extase. Le vent caressait sa silhouette, tandis qu'elle se tenait solidement à sa planche en époxy, balançant son corps de façon à donner de l'élan aux mouvements de sa monture. Quand Naïade amorça la descente, Ondine plaqua bien ses coudes contre les poignées, sans les relâcher et se laissa pendre derrière le Démanta, les jambes tendues en un grand écart.
Alors le Pokémon tournoya sur lui-même suivant un axe qui le traversait en son centre. Il effectua deux cercles complets, puis Ondine grimpa à toute vitesse sur son dos afin de se réceptionner correctement. Au milieu des flots chantonnant, elle n'entendait pas les commentaires émis depuis la plage.

« ...360 degrés, Vrille Rosabyss, Tonneau Limonde, suivi de... oh ! Une double Roue Staross !!! C'est qu'elle est douée la rouquine !
– Tu l'as dit, frangine ! En plus, il paraît qu'elle a exécuté un Envol du Léviator, hier durant la course ! s'écria Euphorbe.
– Tu me fais marcher, là ?! »

Ondine poursuivit ses successions de cascades, sans chercher à aller toujours plus haut dans les cieux. À Kanto, elle s'était entraînée sur de petites vagues, le plus souvent générées par ses propres Pokémon. Elle avait donc appris à accomplir des figures complexes avec une marge de manœuvre très courte.
En outre, le surf Démanta permettait à la championne d'Azuria de mêler au dressage d'autres disciplines qu'elle adorait, notamment la natation synchronisée et la gymnastique. Elle donnait beaucoup de sa personne à chaque figure. Le résultat avait de quoi étonner le public d'Alola, tant sa performance témoignait d'une technique soignée et entièrement maîtrisée. La jeune femme ne s'était pas trompée : elle vivait son moment de gloire.

Pourtant elle n'y pensait pas. Son esprit et son corps s'abandonnaient tout entier à cette sensation de liberté totale lorsque l'on défie les éléments – ciel et mer – à la simple force de ses muscles, et avec audace.
Il y avait là quelque chose de beau par essence. Ondine ne pouvait en parler avec des mots, mais elle se sentait en harmonie avec son Démanta, comme s'ils ne formaient qu'un seul être. En harmonie avec les flots aussi, l'océan sublimait sa grâce, elle soulignait sa magnificence. Pouvait-on parler d'art ? Ce que la sirène de Kanto ressentait intellectuellement et physiquement allait en ce sens, une forme d'art primitive et intime.

Les minutes s'écoulèrent, laissant Ondine et Naïade virevolter autour de la ligne d'horizon mouvante, passant d'un bleu à l'autre, sur une réception parfaite à chaque fin de figure. L'épreuve allait bientôt se terminer, quand la surfeuse repéra une vague énorme qui se formait. Elle tapota affectueusement sur le flanc de sa monture. Celle-ci comprit, c'était l'heure du grand final.
Fatigué, mais ravi, le Démanta se précipita vers le rouleau, puisant dans ses réserves pour accélérer une dernière fois. Il réalisa une magnifique retournée dans les airs. Quand il arriva au plus haut de son saut, Ondine se redressa, inspira en fermant les yeux, puis plongea en arrière et se mit à tournoyer sur elle-même.
Naïade suivit, tournant autour de sa dresseuse et au même rythme, tel un satellite parfaitement synchronisé. À trois mètres de l'eau, il se plaça devant Ondine qui saisit fortement les poignées de la planche. Ils pénétrèrent dans l'eau sans un remous. Dans un ultime effort, la jeune femme regagna le dos de sa monture, avant de jaillir hors de l'eau un peu plus loin.
Fière d'elle, la championne d'Azuria poussa un long cri venu du plus profond de ses entrailles. Cette dernière figure était sa création, aucun surfeur ne l'avait jamais réalisé auparavant. Cela lui coûterait sans doute des points, mais elle s'en fichait. Elle se sentait vivante. Son cœur battait à tout rompre, ses muscles lui faisaient mal, sa tête tournait... oui elle se sentait vivre, le reste n'importait pas.

Sur la plage, les trois anciens chargés de la notation se disputaient âprement quant à cette dernière figure. L'un vantait l'audace d'Ondine, un autre défendait les traditions d'Alola contre la nouveauté et le troisième ne savait trop quoi penser des arguments de ses deux confrères.
Quand la jeune femme se trouva face à eux, ils débattaient encore et cela dura quelques minutes supplémentaires. Ils parlaient un vieux dialecte d'Alola, aussi la jolie rousse ne comprit rien à ce qu'ils disaient. Finalement le verdict tomba.
Vingt-deux.
Pour le moment, Ondine trônait en tête du classement, mais l'épreuve n'était pas terminée.