Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Sans ét(h)iquette de Eliii



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Eliii - Voir le profil
» Créé le 04/09/2017 à 19:23
» Dernière mise à jour le 04/09/2017 à 19:28

» Mots-clés :   Action   Présence d'armes   Présence de transformations ou de change   Science fiction   Suspense

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
0-A- Projet « E »
PARTIE 0
« E »



* * *


« De : AS
A : Pr. W.S. & Pr. J.S.
Objet : Projet « E »

Ai entendu vos requêtes. Mesures seront prises pour personnel. Compte sur vous pour mener à bien projet. Ne me décevez pas.
Amitiés, AS. »


* * *


Il y a juste la lumière blafarde des néons au plafond, et puis c'est tout. Un air un peu trop frais aussi, peut-être, mais rien d'autre de notable.

Les carreaux au sol brillent d'un drôle d'éclat, presque inquiétant. Ils sont toujours beaucoup trop propres, on aurait presque envie de les salir pour qu'ils paraissent plus... Difficile de poser des mots là-dessus, mais tout le monde ici est plutôt d'accord.

L'unique meuble de la pièce, un bureau assez large pour deux personnes, est ordonné au millimètre près, livres d'un côté, dossiers de l'autre, pots pleins de crayons et de quelques stylos usés.

Dessus, il y a un corps affalé, aussi. Tête entre les bras, et puis respiration douce qui provoque de petits soubresauts. La blouse blanche se tend à chaque mouvement, comme si on la tirait par le bas. N'est visible du visage que le front, attaqué par deux, trois petites mèches brunes aux reflets rouquins.

C'est pas souvent qu'il s'endort au bureau, celui-là. D'ailleurs, c'est même la première fois. Non, la deuxième.

Dans l'encadrement de la porte, un autre type, à la carrure plus solide et à la mâchoire carrée, observe avec circonspection le collègue avachi sur la surface noire. Il hésite à le réveiller, sûrement, parce que son regard a quelque chose de fuyant.

C'est qu'il n'est rien ici, lui, il n'a pas de titre comme « docteur », et encore moins « professeur » comme les deux chefs. Il apporte le café et les instruments pendant les expériences, pas plus. Là, on lui a demandé de venir chercher le docteur Clemens et voilà l'intéressé en train de roupiller comme un ronflex.

La question se pose donc ; que faire ?

Pour se donner bonne conscience, le grand gaillard se racle bruyamment la gorge. Rien. Pas un cheveu du type ne bouge. Bon. Il rééssaie. Même résultat.

« C'est pas vrai... »

Autant tenter par la voix, peut-être que ses oreilles sont encore dans le monde réel.

« Docteur Clemens ? Docteur ? »

Rien non plus. Le tic tac de l'horloge derrière lui, dans le couloir, lui rappelle qu'on lui a demandé de se dépêcher. Vaut mieux qu'il le garde, son boulot, s'il veut pouvoir continuer à payer son loyer.

Il s'avance dans la pièce, qui n'a rien de particulier. Un bureau comme un autre, tout est spartiate ici, même chez les « professeurs ». Peut-être parce que c'est un complexe scientifique top secret. Marrant, ça, il s'était plutôt imaginé que les conspirateurs aimaient le luxe.

Pas le temps d'y penser de toute façon. Il pose sa grande main sur l'épaule du chercheur, et secoue un peu. Il sent les muscles se tendre sous le tissu de la blouse, et bientôt un mouvement plus ample signale le réveil.

Le corps se redresse sur le dossier de la chaise, les paupières papillonnent, laissent apercevoir des yeux fatigués, d'un drôle de vert. Très clair, et qui a un côté perçant effrayant. Le type se saisit d'un peigne rangé dans sa poche de blouse, arrange ses cheveux en une raie sur le côté, et se lève.

Puis se tourne vers l'autre, qui le dépasse de dix bons centimètres ; il paraît ne le remarquer que maintenant. Il lève à peine le menton pour le regarder dans les yeux, puis pince les lèvres. Sous la lumière, ses pommettes saillantes ressortent bien, de même que les cernes.

« Il se passe quelque chose ? »

Le grand gaillard tente de soutenir son regard, n'y parvient pas, détourne les yeux pour ne pas affronter ces prunelles vertes. Sans raison aucune. Peut-être parce qu'il n'est pas à sa place ici. C'est sûrement ça.

« Il se passe quelque chose ? » répète Clemens, fronçant à peine le sourcil.

L'autre se retient de tressaillir et hoche la tête pour confirmer. Le visage du docteur se décrispe, mais le regard est toujours fixé sur l'interlocuteur. Il paraît attendre quelque chose. Qu'on lui explique ce pourquoi on vient le chercher.

« Eh bien, c'est à propos des premiers tests sur le projet « E »... On a besoin de vous là-bas, parce que le docteur Daws a dû rentrer. »

Simple acquiescement.

« Bien, bien. Où est Win ? »

Un trait se creuse sur le front du type, qui réfléchit. Win ? Il met un temps à se souvenir que c'est comme ça que plusieurs docteurs appellent le plus jeune des deux professeurs. Il n'a pas la réponse, et son supérieur a clairement vu son hésitation.

« Euh, je crois que le professeur S...
— Laissez tomber, ça ne fait rien. »

Enfin les yeux se détournent, et c'est comme si le pauvre homme n'avait jamais été là ; Clemens franchit la porte sans la fermer, et marche d'un bon pas dans les couloirs aseptisés du complexe.

Les murs gris foncé, le carrelage blanc, les néons au plafond, tout cela donne une atmosphère assez oppressante à l'endroit. Certainement pas un lieu où on aimerait se retrouver seul la nuit.

Comme à chaque fois qu'il y pense, le jeune docteur se prend à plaindre l'équipe de surveillance nocturne. Ces pauvres diables qui viennent ici pour empêcher un incident d'arriver, et tout ça pour un salaire de misère...

Mais peut-être qu'après tout il s'en fiche, et qu'il est bien content d'avoir son salaire à lui. C'est très bien comme ça.

Les couloirs se ressemblent tous, et les portes aussi, même si elles ont chacune une plaque indicative. Quelques baies vitrées ci et là, pour laisser entrer la lumière du jour, mais ça reste un endroit confiné.

Rien que pour entrer, un chercheur doit passer par une procédure laborieuse et rébarbative. Autant dire que la sécurité est à son maximum. Du moins, en théorie. Mais le docteur Clemens ne se fait aucun souci là-dessus.

Après plusieurs minutes passées à déambuler dans ce labyrinthe, l'homme brun débouche dans une grande pièce haute de plafond, bien éclairée par des projecteurs postés à divers endroits pour assurer une efficacité optimale.

Au fond, plusieurs bancs circulaires en bois d'ébène, où flânent quelques personnes en blouse blanche. Et le centre de l'attention, un espace carrelé blanc, avec au milieu, plusieurs appareils dont l'utilité ne sauterait aux yeux qu'aux employés qui s'affairent autour.

Avec tous les branchements, il faut constamment faire attention où l'on marche, et c'est d'autant plus vrai que quelquefois, des objets traînent par terre. Un stylo ou un crayon est vite égaré, par exemple...

« Hé, qui voilà ! »

Reconnaissant la voix, Clemens se retourne, pour se retrouver en face d'une femme, à peu près son âge, sûrement un peu moins. Des mèches blondes s'échappent de sa queue de cheval pour encadrer un visage rond au sourire facile.

Les prunelles bleu saphir font face aux vertes, impassibles.

« Toi, tu viens de te réveiller ! »

Le sourire défiant de la chercheuse l'agace un peu, mais il n'aime pas lancer des regards condescendants aux femmes, et surtout pas à celle-là.

« Qu'est-ce qui vous fait dire ça, hein ? »

Depuis le temps qu'ils travaillent ensemble et qu'ils se connaissent, lui n'a jamais laissé tomber le vouvoiement. Ce serait idiot de tutoyer quelqu'un à qui on n'est attaché que par un travail commun.

« Oh, rien, peut-être le fait que je t'ai déjà vu au réveil dans les mêmes circonstances ? »

Il lève les yeux au ciel, maintenant. Pourquoi toujours lui ressortir cette vieille histoire ? Le pire étant qu'elle trouve le moyen de le faire durant presque toutes leurs conversations.

« Ha ! C'est vraiment facile de te déstabiliser, qu'elle poursuit. Toujours autant honte de t'endormir au boulot, ça change pas...
— Si vous n'avez que ça à faire... En attendant, où est Win ? »

Elle regarde à droite et à gauche, et hausse les épaules.

« Pas ici, en tout cas. »

Clemens fourre les mains dans les poches de sa blouse, et se balance nerveusement sur ses talons. Il n'aime pas beaucoup qu'on le fasse attendre, et encore moins qu'on se moque de lui. Ce qu'elle fait, c'est évident. Comme d'habitude.

Constatant la réaction de son collègue, son visage prend une expression plus sympathique, et elle esquisse même un sourire ; elle ne le déteste pas après tout.

« Il a dit qu'il arrivait dans une dizaine de minutes, il est parti téléphoner. Sûrement à sa femme.
— Dix minutes ? Et qu'est-ce qu'on fait en attendant, on démarre les premiers tests ? Les cobayes ne sont même pas là...
— Hé, va te plaindre à Win quand il reviendra, moi j'y suis pour rien, « docteur Clemens »... »

Le concerné plisse légèrement les yeux, histoire de manifester sa désapprobation quant au ton railleur de la jeune femme. Mais à la réflexion, mieux vaut laisser couler. Les tensions ce n'est jamais bon pour le travail.

« Okay... Okay. Portez-vous bien, « docteur Waits ».
— Ha ! »

Il s'éloigne d'un pas vif jusqu'à une grande table, d'au moins trois mètres sur un et demi, toute blanche et située à proximité des diverses machines. Dessus seront posés les sujets lors de l'expérience, mais leur surface est pour le moment immaculée, vide.

Du plat de la main, il l'effleure, et sent le froid sur sa paume. Dire que là-dessus se jouera peut-être un événement crucial dans l'avancée scientifique et dans la recherche sur les pokémons... Dommage que ce soit dans de telles circonstances.

Les dix minutes supposées par Waits finissent par arriver à leur terme, et bientôt un jeune homme, entre trente et trente-cinq ans, fait irruption dans la pièce.

Cheveux noirs et yeux gris, plutôt grand, il n'a rien de notable, si ce n'est sa cravate d'un rose voyant. Et ses traits séduisants, aussi, qui ravissent pas mal d'employées et surtout les secrétaires... Clemens s'en fiche, de toute façon.

Il se contente de lui sourire et d'une poignée de main amicale.

« Vous n'avez pas traîné pour lancer ces tests, Win ! »

L'autre paraît presque embarrassé.

« Oui, le patron voulait qu'on s'y mette assez vite parce qu'il veut être sûr que ça a une chance de marcher, pour gaspiller le moins de moyens possible... Mais ça devrait le faire, nos mesures et calculs sont encourageants.
— C'est ce que j'ai vu, approuve le docteur en souriant. Et Judy, elle n'est pas là ? »

Le bel homme hausse les épaules, et se place devant la table, saisissant au passage une drôle de fiole qui contient un liquide verdâtre, mais plutôt transparent. On dirait la même couleur que les yeux de Clemens.

Le concerné prend lui aussi place, et bientôt des assistants viennent apporter deux créatures. Un canidé au pelage noir, et une drôle de bête jaune et noire bipède ; un malosse et un elekid.

Dans le petit amphithéâtre, il y a un peu plus de monde qu'avant ; la plupart des docteurs du complexe sont au rendez-vous, prêts à être les témoins d'un miracle. Ou d'une déception douloureuse.

« Un autre vous servirait un discours grandiloquent, affirme Win avec un sourire. Je ne le ferai pas, parce que tout le monde ici s'en moque bien. Tout ce qu'on veut, c'est voir, hein ? »

Une vague d'acclamations, et puis de nouveau le silence. Clemens saisit une aiguille, la fixe à une seringue, et la plante dans l'un des petits bras de l'elekid. La créature émet un petit bruit, mais un traitement l'empêche de se servir de son toucher statique, le rendant inoffensif.

L'échantillon de sang est passé à l'homme aux cheveux noirs, qui semble pris par l'émotion ; son sourire est suffisamment éloquent.

Vient alors le docteur Waits, qui se charge de déboucher la fiole de liquide verdâtre ; le sang est transféré dedans, et la mixture prend une drôle de couleur. Win la brandit dans un geste théâtral.

« Ça, c'est ce qui résulte du gros de l'opération. C'est très rapide, voyez. Pour bien prendre la mesure de son efficacité... Démonstration. »

Il désigne maintenant le malosse.

« Utilise « éclair » ! »

La bête ne bronche pas, et se contente de se gratter à l'aide d'une patte arrière. L'ordre n'a produit aucun déclic dans son cerveau, comme il l'aurait fait avec l'autre pokémon. Clemens hausse un sourcil, comprenant où il veut en venir.

« Et maintenant, vous allez...
— Pas de mots, juste des actes », le coupe Win avec un sourire bienveillant.

A l'aide d'une autre seringue, il prélève un peu du liquide mélangé, et saisit la patte avant gauche du malosse. Le chien noir le fixe de ses yeux intrigués. L'aiguille s'enfonce dans la veine, et la mixture pénètre l'organisme.

Au départ il ne se passe rien, et Clemens est tenté de s'approcher du pokémon, mais une convulsion subite de la créature l'en dissuade. Le canidé se tord sur la table, manque d'en tomber, puis s'arrête soudainement.

Ses poils se hérissent, comme sous l'effet de l'électricité statique.

Win lance une œillade à l'assemblée, puis se tourne de nouveau vers le malosse.

« Regardez bien. »

Toute la salle retient son souffle, et même l'intraitable Waits ne sourit plus. Les prunelles vertes de Clemens sont rivées sur le chien.

« Utilise « éclair ». »

Un flash, et puis des filets d'électricité qui quittent le corps de la bête en direction de l'elekid. Lequel absorbe les dégâts, fait figure de paratonnerre.

Les bouches sont ouvertes, les yeux écarquillés. Stupéfaction générale. Le sourire de Win s'élargit pour dévoiler des dents blanches.

« Ça, mesdames et messieurs, c'est le premier pas de recherches qui deviendront historiques. »

Les mots résonnent contre le plafond haut.